Worlds XC 2016 | Hommes : Absalon, Kulhavy, Schurter, un trio pour la légende
Par Olivier Béart -
« C’est le plus beau championnat du Monde de l’histoire » : ces mots, c’est Thomas Frischknecht qui les a prononcés peu après l’arrivée des championnats du Monde de Nove Mesto. Certes, le team manager de l’équipe Scott a certainement été un peu influencé par les victoires de ses poulains Jenny Rissveds et Nino Schurter lors de la dernière journée des championnats du Monde de Nove Mesto. Mais tout de même. Il sait de quoi il parle car il les a presque tous faits. Et on ne revient pas indemne de la fournaise tchèque. Imaginez un stadium de près de 10 000 places plein à craquer près de la zone d’arrivée, des milliers de spectateurs en délire tout au long des 4,7km d’un parcours magique et des champions d’exception comme Schurter, Kulhavy et Absalon qui se battent à coup de secondes tout au long des 6 tours de circuit au bout desquels un maillot arc-en-ciel leur tend les bras. Replongez dans l’ambiance des championnats du Monde XC 2016 avec notre grand portfolio !
Mais cela ne dure pas ! Au sommet de la longue côte du start-loop, l’enfant du pays Jaroslav Kulhavy est déjà devant.
Survolté, il étire le peloton mais Nino Schurter reste attentif et ne se laisse pas piéger. « J’ai voulu faire une sélection d’entrée. Ici, il ne faut pas qu’il reste un gros groupe, sinon c’est la guerre à chaque fois pour savoir qui va arriver premier dans les zones techniques. Je voulais faire ma course et voir directement qui étaient les hommes les plus forts, explique Kulhavy. Malheureusement, je me suis vite rendu compte que je n’étais pas dans un grand jour. Sans le public, je ne sais même pas si je serais allé au bout. Je leur dois beaucoup, ils m’ont porté. »
Ondrej Cink a aussi à coeur de briller sur ses terres, et il s’installe dans le premier groupe. Schurter va-til se retrouver pris en tenaille entre deux Tchèques et se faire piéger ?
Au moment où on se pose la question, un premier élément de réponse arrive : Cink n’est pas aussi fort qu’il en a l’air et cela se vérifie que Kulhavy n’est pas aussi à l’aise qu’en 2015, quand il s’était imposé ici en Coupe du Monde. Il glisse, bute sur les racines… et Nino Schurter en profite pour prendre l’ascendant en lui envoyant un signal.
Il met aussi une grosse pression sur Kulhavy dans les parties techniques.
Pourtant, très intelligemment, il reste dans l’ombre du Tchèque et il attend le bon moment pour s’envoler définitivement. « Je n’ai pas voulu revivre le scénario de 2015. J’ai tout fait pour rester calme au début afin de garder des forces pour porter l’attaque au bon moment. »
Derrière, Julien Absalon n’est pas loin, mais il n’accroche pas directement le bon wagon. « C’est parti très vite, reconnaît le Français. J’étais bien, mais les gars devant étaient un cran au-dessus au départ. Heureusement, ça a ralenti dans le premier tour complet et j’ai pu revenir. »
« J’ai vu que Jaro n’était pas au mieux et à un moment, j’ai cru que j’allais de nouveau me battre avec Nino pour la victoire. Mais il était trop fort. Je pense qu’aujourd’hui, rien ne pouvait lui arriver. A chaque côte, il prenait de l’avance. Et on a tous fini par décrocher. »
Au 4e tour, quand Nino Schurter s’envole définitivement, Julien Absalon se retrouve avec Jaroslav Kulhavy. « C’est une situation un peu inédite, s’amuse Absalon. Je me bats très souvent avec Nino, mais je n’avais quasiment jamais roulé comme cela avec Jaro. Soit je suis largement devant, soit c’est lui. C’était très particulier de me retrouver en sa compagnie devant son public. A chaque passage c’était de la folie. C’était même limite oppressant car il y avait du monde vraiment partout et on avait presque du mal à respirer. Il faut aussi rester concentré en ne pas trop en faire car on se laisse vite emporter par autant de cris. »
Et c’est clair qu’il vaut mieux éviter de s’emporter car le circuit de Nove Mesto peut s’avérer très cruel. Les crevaisons n’ont pas manqué, tout comme les casses de matos.
Même si les erreurs de pilotage sont moins nombreuses dans la catégorie reine, ce caméraman a préféré prendre ses précautions pour la fin du week-end, après avoir reçu un vélo sur la tête en début de compétition !
Laissons un peu le trio de tête pour voir ce qui se passe juste derrière. Florian Vogel, qui n’ira pas aux Jeux Olympiques, voulait briller sur ce championnat du Monde. Hélas, après un bon départ, un ennui mécanique va le retarder en début d’épreuve. Il ne reviendra pas et termine 23e.
Même contexte pour Stéphane Tempier, qui n’ira pas à Rio avec l’équipe de France. Mais pour lui, le scénario s’est déroulé à la perfection. « J’ai réussi à bien me placer dès le départ. J’étais un peu loin pour accompagner le premier groupe mais pour le reste, tout s’est déroulé à merveille. Enfin, les efforts paient et je suis épargné par la poisse ! »
Si Ondrej Cink est resté solidement accroché à la 4e place, « shooté » aux cris de ses supporters…
Stéphane Tempier a réussi à se défaire de l’étonnant Mathias Stirnemann, qu’on avait rarement vu rouler à ce niveau. « C’est vrai qu’il était fort, mais il a un peu craqué sur la fin », ajoute le coureur Bianchi.
« 5e, je suis à ma place. J’ai eu Cink en ligne de mire, il semblait payer un peu ses efforts dans le dernier tour, mais ça reste un gros moteur. S’il m’avait vu revenir, je suis sûr qu’il aurait pu en remettre une couche. Pour moi, la saison ne fait que commencer, ce résultat me regonfle à bloc ! »
Derrière Tempier et Stirnemann, on retrouve une impressionnante armada Espagnole avec Sergio Mantecon et David Valero aux 7e et 8e places…
… suivis par le jeune Pablo Rodriguez Guede et le vétéran José-Antonio Hermida aux 10 et 11e places.
Au milieu, en 9e position, on retrouve Maxime Marotte, pour qui tout ne s’est pas déroulé exactement comme il l’aurait voulu. « Je ne sais pas ce qui s’est passé au départ. Ca passait de tous les côtés, je n’arrivais pas à me placer. Dans toute cette foule, je me suis retrouvé derrière un gars qui n’avançait pas en descente. J’ai fait une erreur, j’ai tapé de l’arrière et j’ai crevé. »
Mais, signe de grande maturité, Maxime Marotte ne s’est pas démonté. « Je n’étais pas dans la même forme que sur les premières Coupes du Monde (où il a toujours terminé sur le podium, NDLR) mais je n’ai pas laissé tomber. J’ai commencé une sorte de long contre-la-montre en essayant de rouler le plus fort et le plus régulièrement possible. » Une stratégie qui va s’avérer payante…
De son côté, Jordan Sarrou a bien maîtrisé son sujet. Après un mondial malheureux à Vallnord l’an dernier, le jeune Français termine cette fois 13e. « J’ai fait une bonne course. J’aurais pu rêver de top 10, mais c’était un peu au-dessus de mes forces. Quand Maxime m’a passé, je n’ai pas pu m’accrocher. Je me suis aussi parfois retrouvé seul entre deux groupes dans la longue portion roulante autour de l’arrivée. Mais j’ai emmagasiné pas mal d’expérience et ce résultat m’encourage vraiment pour la suite. »
Dans les rangs belges, Jeff Luyten et Jens Schuermans réalisent tous deux une course régulière et terminent aux 30 et 32e places.
Ruben Scheire, meilleur coureur noir-jaune-rouge depuis le début de la saison, s’est par contre montré un peu en retrait. Il est 42e.
Retour aux avant-postes ! La course touche à sa fin. Nino Schurter reste concentré et gère son avance : « On a vu dans la course des Dames que rien n’est joué avant la ligne d’arrivée. Une crevaison peut toujours arriver et j’ai voulu garder une bonne avance pour me mettre à l’abri. Et dans les derniers kilomètres, j’ai vraiment roulé avec une prudence de sioux, quitte à laisser les autres revenir un peu. »
Julien Absalon, lui, essaie de se débarrasser de Kulhavy. « J’avais l’impression qu’il était vulnérable. J’ai essayé d’attaquer, mais il n’a pas lâché. J’ai ensuite fait une erreur dans la côte technique du dernier tour mais je suis revenu directement dans la descente suivante, au Mitas Choice. J’ai encore essayé une nouvelle fois, mais il a contré et, au-dessus, il a remis une couche et je ne l’ai plus revu. »
Les fans tchèques sont aux anges. Ils espéraient la victoire de leur poulain, mais ils ne lui en tiennent pas rigueur.
Kulhavy vole sur les derniers obstacles…
Alors que Julien Absalon assure la 3e place… avec un gap impressionnant de près de 2 minutes sur le 4e. C’est dire combien les trois hommes de tête ont imprimé un tempo élevé durant toute l’épreuve.
A l’approche de la ligne, Nino Schurter peut savourer son succès avec un rayon de soleil fendant les épais nuages qui ont fait craindre une averse tout l’après midi. Le génie Suisse remporte son 5e titre Mondial et égale le record d’un certain Julien Absalon. Ce qui ne l’empêche pas de rester modeste : « Je suis encore loin de Julien. Il a deux titres olympiques et il détient aussi toujours le record de victoires en Coupe du Monde. J’ai encore du chemin à faire pour le rattraper ! »
L’ovation continue, alors que les coureurs suivants surveillent leurs arrières, comme Maxime Marotte qui vérifie qu’un adversaire ne va pas débouler et le priver du top 10.
Après la ligne, pendant que Julien Absalon prend la route du podium, on retrouve les Frenchies avec Jordan Sarrou chaleureusement félicité par José Hermida qui lui lance « c’est ça la rélève, il pousse fort le petit là » ; Maxime Marotte qui fait la grimace et qui a du mal à expliquer ses sensations du jour ; ainsi que Stéphane Tempier, hilare devant ses proches.
La fête se termine en sabrant le champagne et en profitant une dernière fois des cris de la foule qui scande le nom des lauréats… avec une nette préférence pour « Jarda ! Jarda ! Jarda ! »
Après un samedi aux couleurs de Specialized avec les titres de Sam Gaze et Annika Langvad, le dimanche aura été le jour de Scott. Ce qui vaut bien une dernière photo photo souvenir des champions du jour avec leurs montures ! Maintenant, place à la Coupe du Monde de Lenzerheide la semaine prochaine… avant l’apothéose avec les Jeux Olympiques de Rio en Août, dans 7 petites semaines.
Résultats
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