Worlds 2022 ⎜ DH Hommes : retour sur une journée historique - Amaury et Loïc, mini-interviews
Par Adrien Protano -
Du jamais vu ! Sportivement, émotionnellement, la finale de la DH sur ces championnats du monde aux Gets a dépassé toutes les attentes. Devant une foule énorme, exceptionnelle, tant dans la masse que dans l’énergie, les pilotes français ont signé un triplé historique ce samedi. Retour sur une après-midi unique :
Loïc : « Tout le monde a pété une durite en bas »
Comment s’est passé ton run ?
Loïc : Je savais en qualif que le 2e inter était crucial parce qu’il fallait en mettre à foison. Ça tenait quasiment partout donc j’ai bien roulé franchement, vite. J’avais du mal à me jauger cette semaine parce que j’avais pas beaucoup roulé récemment et je sentais que ça roulait bien, j’ai vraiment kiffé, les gens au bord m’ont vraiment aidé à lâcher les freins. Jusqu’en bas c’est passé, j’ai cru que j’avais crevé sur le plat, ça twistait un peu en bas et je me suis dit « naaan, les sauts » mais c’est bien passé.
J’ai fait le dernier virage et j’ai passé la ligne et j’ai vu que le temps était quand même solide donc j’ai eu plein de pensées : déjà, trop content d’avoir posé un bon run puis peut-être que c’est assez, peut-être que c’est pas assez pour gagner. J’étais au milieu de la folie quoi, dans ma tête c’était un peu le bordel mais après l’attente était terrible.
On t’a vu discuter avec Amaury il y a quelques minutes, qu’est-ce que tu lui as dit ?
Loïc : Je lui ai dit qu’il avait déjà mangé beaucoup le gâteau et qu’il fallait qu’il en laisse un peu pour les autres mais que son temps allait venir aux championnats du monde et que c’est un super adversaire et qu’il a super bien roulé. Le nombre de fois où il m’a fait faire 2e… c’est la course quoi. Mais je pense que ça lui tenait vraiment à cœur, à chaque Français qui a mis les roues sur cette piste cette semaine c’était un rêve. J’ai la chance d’être celui pour qui c’est devenu réalité donc incroyable mais on est quand même 1-2-3 donc c’est historique, préparez les cordes vocales ça va chanter !
Est-ce que c’est le plus fort de tes titres ?
Loïc : Oui, clairement. Je reviens de loin en plus cette année, je commence bien, je me blesse, je reviens ça va mieux, je me reblesse… Pas du tout la saison espérée malgré un hiver super productif. Jusqu’à présent rien n’allait comme je l’aurais espéré, jusqu’à aujourd’hui donc c’est au moment parfait. La semaine a été construite tout doucement mais intelligemment avec l’équipe. Jusqu’au dernier moment ils m’ont envoyé des petites piques en me faisant douter mais le meilleur run du week-end c’était celui-là donc parfait.
C’est ça qui est cool avec ce sport, c’est qu’on est tous adversaires mais c’est pas direct. On sait que c’est dur, que ça pèse, que ça fait mal et on est tous dans la même barque tu vois, c’est magnifique. Amaury qui fait 2, je sais ce que ça fait et il sait ce que ça fait de gagner donc on partage tout.
Tu enlèves le maillot de champion du monde à Greg Minnaar, qu’est-ce que ça fait ?
Loïc : En vrai quand j’étais au start je me suis dit « j’espère qu’il va pas nous faire un run de malade encore » parce qu’il est incroyable. Après, quand même, on est plus jeune que lui, on devrait arriver à le battre ! Mais c’est un super adversaire, incroyablement bon à se transformer le jour J mais aujourd’hui il y avait meilleur que lui et les fans nous ont portés, clairement. Depuis ce matin c’était incroyable, j’ai pris le temps de faire des photos… J’ai essayé de vraiment m’imprégner parce que c’est unique et même si ça m’a pris du temps, de l’énergie, j’ai kiffé et je regrette pas parce qu’ils me l’ont rendu sur la piste.
La folie à l’arrivée, l’escorte policière… C’est quelque chose !
Loïc : Oui, on se serait cru dans une manifestation. Les fans étaient refaits, je pense que 3 Français devant, ils ont eu une super journée, il n’a pas plu donc la course était équitable, la piste roulait vraiment vite, elle était parfaite…
Tout le monde a pété une durite en bas, toute la pression a explosé au moment où ça s’est fini et c’est trop beau à voir ! Nous on est là au milieu, on fait notre truc et les gens kiffent et ils nous font kiffer aussi. Je m’en rappellerai de l’escorte, les policiers ils étaient en pagaille, ils se faisaient piétiner… (rires)
Amaury : « Je passe la ligne et c’est rouge, y’a un vide en moi »
Tu peux nous parler un peu de ta semaine ?
Amaury : C’était un week-end compliqué, j’ai vraiment eu du mal à me mettre dedans, à trouver la vitesse, trouver les réglages du vélo. J’étais vraiment pas content de mes sensations après la qualif, du coup on a essayé vraiment de changer des grosses choses sur le vélo, on a changé toute la partie arrière, un nouvel amorto, vraiment des réglages différents… Et ça allait mieux, hier je commençais à prendre de la vitesse et aujourd’hui, ce matin, je me faisais vraiment plaisir donc j’étais vraiment content.
Le public était là en masse ce matin, quand je me suis réveillé j’ai regardé par la fenêtre de ma chambre et je voyais tous les gens qui montaient à pieds, ça ressemblait à un chemin de fourmis qui rejoint la fourmilière ! En voyant ça je me suis dit « woah, ça va être incroyable aujourd’hui ». Ça m’a mis dans un bon mood, je me suis régalé sur le vélo, c’est juste que c’était pas un run de victoire, pas assez d’engagement, les conditions étaient changeantes, c’était pas facile.
Pour gagner aujourd’hui fallait tout mettre, fallait pas de retenue, comme souvent d’ailleurs, mais malheureusement c’est pas facile à faire à chaque course des runs comme ça. Loïc est très fort pour faire ce genre de run aux championnats du monde, c’est son 5e titre. En coupe du monde aussi bien sûr mais en championnats du monde il arrive encore à monter son niveau et c’est très fort donc franchement chapeau.
En plus il sort de blessure, saison vraiment compliquée… Il était pas dans la même position que moi, il avait rien à perdre si je puis dire, il joue pas le classement général donc il était plus relâché et Loris pareil, franchement je suis super content pour lui. Il se blesse à la dernière course, il roule pas et il revient il fait podium, c’est génial. Je suis vraiment fier et content de partager ce podium avec ces deux mecs. C’est mes potes depuis quelques temps maintenant, j’étais fan d’eux avant ça, je suis devenu potes avec eux et maintenant je suis sur le podium des championnats du monde avec eux donc c’est quand même assez incroyable et je suis très content de ça.
Vous marquez l’histoire en plus.
Amaury : On marque l’histoire en plus de ça, 2e c’est vraiment pas ce que je voulais faire mais c’est incroyable, 3 Français sur les 3 marches du podium… Je suis vraiment [il insiste sur ce mot] content pour le public français, on les remercie de cette façon parce qu’ils ont été là toute la semaine et si on est là tous les trois sur ce podium c’est clairement grâce à eux donc franchement merci au public et j’ai hâte de chanter la marseillaise avec eux, ça va être incroyable.
Après la ligne, qu’est-ce qui se passe dans ta tête ?
Amaury : D’abord je passe la ligne et c’est rouge, y’a un vide en moi, il se passe rien, j’arrive même pas à avoir d’émotions. Je suis pas content, je pourrais être content d’être 2e, je suis pas triste sur le moment même si maintenant je le suis… Je vois que c’est Loïc qui gagne, sur le coup ça m’énerve (rires), je me dit « c’est pas possible, encore lui » mais après coup, voilà, il était meilleur aujourd’hui et il est juste trop fort donc bravo à lui.
Il sait qu’il me met les crocs là donc les années d’après je vais me battre, aller chercher ce maillot c’est clairement une chose que je veux réaliser dans ma vie. La foule qui débarque, qui envahit toute la raquette d’arrivée c’était incroyable, ça remonte un peu le moral même si c’était dur de sourire. Une fois encore, merci à ce public !
Ce triplé, ça peut faire un joli coup de pub pour le sport aussi ?
Amaury : Oui écoute, peut-être qu’un jour… Je sais pas, c’est compliqué, on n’est pas aux JO, pour nous c’est nos petits JO ça mais je ne sais pas si ça changera quelque chose pour nous. Peut-être que ça motivera plus de jeunes à rouler, peut-être que d’autres vont découvrir notre sport, j’espère qu’on va passer sur TF1 ou France 3 ! C’est ces grosses chaines qui peuvent nous permettre de se faire connaître et de faire évoluer notre sport. Malgré les victoires en coupe du monde on passe pas forcément sur des grosses chaînes TV donc là peut-être qu’on va y passer 3 secondes, ce serait cool ! Mais en tout cas si ça peut faire rêver des jeunes et leur donner envie de rouler, de progresser, c’est tout ce que je peux leur souhaiter.
3 pilotes sur le podium, 4 dans les 10… C’est quoi le secret de cette équipe de France ?
Amaury : Je sais pas, je pense qu’on est tous déterminés. On se connaît vraiment bien, on se voit l’hiver, on fait un peu de vélo, on fait de la moto ensemble… Sur les courses on partage beaucoup, on est très humain, il n’y a pas de mauvaise rivalité entre nous donc c’est génial, on est très soudés là-dessus. Le fait qu’on soit proches comme ça, on s’auto-motive tous ensemble. Forcément c’est dur, tu te bats contre des mecs qui sont vraiment incroyablement forts mais c’est ce qui nous rend plus forts aussi, j’imagine. C’est dur et cool à la fois.
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