Par Olivier Béart -
Albstadt 2016, c’est l’histoire d’un sprint. Et d’un sprint pour l’histoire. Bien sûr, c’est celui de l’arrivée, celui que tout le monde a vu. Celui des derniers mètres, avec Julien Absalon qui lance, qui y croît, mais qui se fait doubler sur le fil par un Nino Schurter au sommet de son art. Mais c’est aussi l’histoire d’un sprint qui a duré 7 tours, pendant lesquels les deux meilleurs ennemis n’ont cessé de jouer au chat et à la souris. Revivez avec nous les meilleurs moments de la Coupe du Monde d’Albstadt, ainsi que la course des Belges et des Français engagés. C’est parti !
A Albstadt, Julien Absalon est chez lui. Déjà vainqueur ici à deux reprises, dont l’an dernier suite à la chute de Nino Schurter, le Français est actuellement dans une forme olympique.
De son côté, Nino Schurter sort d’une victoire sur la première Coupe du Monde à Cairns, et il compte bien s’imposer sur un des seuls tracés qui manquent encore à son palmarès.
Tour après tour, l’imposant et bruyant public allemand voit passer les deux maîtres de la discipline. Tour à tour, c’est Nino Schurter qui emmène…
…puis Julien Absalon ! Les attaques se succèdent, mais les deux hommes restent collés l’un à l’autre. « J’ai roulé comme Nino il y a quelques années, et Nino un peu comme moi. On a comme inversé les rôles ! Il était plus dans le contrôle, alors que j’ai tout fait pour l’attaquer et le pousser dans ses derniers retranchements », nous explique le pilote BMC à l’arrivée.
En descente aussi, la bagarre fait rage. Nino Schurter essaie de prendre les devants, mais Julien Absalon résiste.
Au guidon de son semi-rigide/softail équipé d’une tige télescopique, il fait le forcing pour aborder les dégringolades en premier lieu. Il parvient même parfois à prendre quelques mètres à son adversaire dans le technique !
« Je ne savais pas si je savais encore rouler en semi-rigide après autant de temps passé sur mon Fourstroke. Mais un full, ce n’est pas utile que pour les descentes. Ici, j’aurais fait les montées tout le temps bloqué, alors à quoi bon emmener un kilo en plus. D’autant qu’avec l’élastomère du Team Elite 01, j’ai du grip. J’ai roulé avec le tampon en soft et c’était le bon choix. Avec la tige télescopique aussi. Je ne pourrais plus m’en passer, c’est un vrai plus. »
La chaleur est intense et l’air est sec. Nino Schurter se rafraichit avant le rush final.
Le Suisse tente une dernière attaque en descente mais Absalon réplique dans le dernier tobboggan vers l’arrivée. Nino Schurter nous raconte ses derniers hectomètres : « Julien était très fort. Il m’a poussé dans mes derniers retranchements dans la descente finale. J’ai dû attaquer fort pour revenir et je me suis fait peur. J’ai senti ma roue avant glisser et j’ai cru revivre le scénario de l’an dernier. Mais j’ai réussi à rattraper le vélo cette fois. Je n’ai rien lâché, et je suis revenu sur Julien dans la prairie. C’était bon pour moi car je sais qu’au sprint j’ai toujours gagné. Mais cette fois, je dois bien dire que c’était la plus serrée de toutes mes victoires. Cela lui donne d’autant plus de saveur ! »
Nous voilà au sprint ! Mètres par mètres, Julien Absalon refait le match : « J’étais devant mais Nino a recollé dans la prairie. On avait le vent dans le dos alors ce n’était pas trop grave de lancer. J’ai décidé d’y aller très tôt, dès la sortie du virage, pour le surprendre. Tactiquement, je ne pense pas avoir fait d’erreur même si on dit toujours qu’il ne faut pas lancer le sprint. »
Absalon prend un peu d’avance. Dans le public et entre journalistes présents sur la ligne d’arrivée, on parie sur une victoire du Français. Mais Nino Schurter en remet une couche ! « Je l’ai vu ressurgir de nulle part. J’ai peut-être cru avoir gagné trop vite. Cela s’est joué à 20 centimètres, même pas. Bien sûr j’aurais préféré gagner. Mais une 2e place comme ça, ça reste un moment très particulier. »
Dans un grand cri, Nino Schurter exulte. Il lève son vélo en l’air. Première sortie et première victoire pour le prototype du nouveau Scott Scale (voir nos « spyshots » ici). Et aussi, aux yeux de certains observateurs, une victoire du groupe Sram avec son petit pignon en 10 dents et sa grande galette de 50 qui permet au Suisse de rouler avec un plateau en 38, quand Julien Absalon roulait en plateau de 34 dents et pignon de 11 sur son groupe Shimano XTR Di2. Soit, compte tenu de la taille des roues (650b sur le Scott et 29″ sur le BMC), un développement d’environ 8m pour Schurter contre 7m pour Absalon. A ce niveau, voilà le genre de détail qui peut compter…
Mais bon, « avec des si, on mettrait Paris en bouteille ». Et Julien Absalon, lui, a déjà La Bresse en ligne de mire. « C’est à 15km de mon village natal. Je connais tout le comité d’organisation et tous mes supporters seront là. J’ai beaucoup roulé sur le parcours cet hiver, je le connais et je l’apprécie. Ce week-end je n’avais pas les jambes de Cairns, mais je vais tout faire cette semaine pour les retrouver. »
Marotte, le troisième homme
Après quelques saisons compliquées et en dents de scie malgré d’excellents résultats, 2016 pourrait bien être l’année de Maxime Marotte. Deuxième en Australie derrière Schurter, le pilote BH monte une nouvelle fois sur le podium.
« Au départ ça frottait pas mal dans le groupe. Giger était très fort en montée mais il bouchait dans les descentes… jusqu’à ce qu’il finisse par tomber. Vogel a crevé et Forster ne voulait pas rouler vu qu’il y avait Absalon devant. »
« Finalement, c’est avec Kulhavy que j’ai trouvé un allié précieux pour rouler sur le plat autour de la ligne. On a réussi à faire le trou à deux. »
« Mais j’ai vu qu’il levait le pied dans les montées à deux tours de la fin. J’ai donc décidé d’y aller et j’ai vite pris de l’avance. Dans l’avant dernier tour, Absalon et Schurter se sont un peu regardés et je les ai eu en ligne de mire. Mais quand ils ont relancé la bagarre dans le dernier tour, je les ai perdus de vue. Je n’avais pas les jambes pour aller avec eux. »
Cela dit, cette 3e place reste un magnifique résultat, qui assure presque à l’homme en jaune d’aller aux Jeux Olympiques. « En tout cas si je n’y vais pas, il faudra m’expliquer, » dit-il en rigolant.
Les tops… et les flops
Jaroslav Kulhavy va mieux, merci pour lui ! Victime d’une fracture du poignet sur une course à Chypre au début du printemps, il signe une solide 4e place pour son retour à la compétition. « Sur les gros chocs, le poignet est encore douloureux. Je roule avec une attèle. Mais ici à Albstadt, le parcours ne me faisait pas trop souffrir. On verra la semaine prochaine à La Bresse, mais pour un retour, c’est une belle surprise d’être sur le podium. »
Après une 6e place à Cairns pour sa première course chez les Elites, la nouvelle jeune recrue du team BMC, le Suisse Lars Forster, a confirmé en Allemagne… en s’offrant même la 5e place synonyme de premier podium ! « Je partais pour un top 16 en Australie et je fais 6. Mais j’adorais la piste, je me suis dit que c’était pour ça. Ici, ce n’est pas un tracé pour moi et je fais 5e. Je vous assure, je suis le premier surpris. » Désormais, il n’est plus utopique de penser à une qualification olympique dans le pays où elle est sans doute la plus dure à obtenir : « Oui, c’est vrai que j’ai rempli le premier critère, un top 5. En début de saison je n’y pensais même pas. Vous savez, en Suisse, il y a tellement de bons coureurs. On verra ce que les autres font la semaine prochaine. Mais c’est vrai que ce serait beau… »
Surprise aussi du côté de l’Italien Luca Braidot, qui décroche la 6e place. Fabian Giger, David Valero et Pablo Rodriguez Guede complètent le top 10.
Déception par contre du côté de l’Allemand Manuel Fumic qui, malgré les acclamations de son public, ne peut faire mieux que 20e.
Un temps dans le groupe de tête, Florian Vogel a été victime d’une crevaison puis enfin d’une chute dans le dernier tour. Contraint à l’abandon, nous l’avons aperçu sous une couverture de survie en train de recevoir des soins sur le bord de la piste en fin d’épreuve. Mais il a depuis publié un message rassurant sur ses réseaux sociaux.
Autre Suisse candidat à la sélection olympique, Mathias Flückiger est passé complètement à côté de son sujet. Il termine 48e et son billet pour Rio s’éloigne.
Beaucoup d’observateurs étaient curieux de voir ce que Mathieu Van Der Poel, jeune prodige déjà champion du Monde de cyclocross, allait être capable de faire. Parti très loin sur la grille avec le dossard 99, il est remonté jusqu’à la 34e place avec des temps au tour dignes du top 10 malgré le trafic. Malgré tout, cela ne sera sans doute pas suffisant pour le voir aux Jeux Olympiques. En effet, in lui fallait un top 12 pour remplir les critères de sélection nationaux: « J’ai décidé de me lancer dans ce projet olympique sur un coup de de tête. Après ma victoire à Chypre, j’y ai cru. Mais je me suis rendu compte par la suite que le niveau dans les autres épreuves est bien plus élevé et qu’il faut une préparation plus spécifique. J’ai eu de la malchance en Australie (crevaison) et j’ai loupé mon championnat d’Europe. Ici, j’ai bien roulé mais je suis parti beaucoup trop loin. Je serai à La Bresse mais il faudrait un miracle (top 6) pour que je décroche mon ticket pour Rio. Néanmoins, j’aime le vtt et on me reverra encore certainement sur les circuits « , a-t-il déclaré en substance à nos confrères de mountainbike.be.
Petit mot aussi sur un coureur atypique dont nous vous avons déjà parlé, Nathan Byukusenge, qui représentera le Rwanda aux prochains Jeux Olympiques. Plus que son résultat, ce coureur de 36 ans est avant tout venu en Europe avec son coach belge, Simon Hupperetz, pour emmagasiner de l’expérience en vue de son après carrière, où il compte bien s’investir dans la formation des jeunes, dans l’espoir de voir éclore une nouvelle génération de coureurs africains. Dans un pays qui se remet à peine d’un génocide et qui voit le sport comme un élément de reconstruction nationale, cette belle histoire mérite bien un coup de projecteur. Et nous vous en reparlerons !
« Frenchies » : des résultats mitigés
Victor Koretzky a réalisé une belle performance en prenant la 12e place à Albstadt. Mais l’intéressé rêve de mieux. « Je ne me suis pas affolé au départ car je sais que le parcours peut se montrer cruel si on surjoue. J’ai eu du mal sur la fin, mais moins que les autres et j’ai pu faire une belle remontée. Hélas, j’ai souvent été seul en milieu d’épreuve, ce qui n’est pas idéal ici. On dirait que je fais 3e Français. C’est bien en vue de la qualification. Mais il reste encore La Bresse. Je vais faire ce que je sais faire, rouler. Après, il y a d’autres personnes compétentes qui regardent les courses et qui prendront la décision qui leur semble la meilleure pour aller à Rio. »
Petite amélioration du côté de Stéphane Tempier. Alors qu’il s’était éteint dans la 2e moitié de course à Cairns et sur les championnats d’Europe, il a fait tout l’inverse ici. Résultat : une 19e place correcte mais pas encore à la hauteur de ses espérances.
Déception pour Jordan Sarrou, 30e. « Je ne sais pas ce qui s’est passé. La semaine à l’entraînement j’avais les Watts, mais ici le coeur montait tout de suite et je n’avais pas de sensations. Il faut que je trouve la solution avant la semaine prochaine… »
Même problème et même visage fermé chez Hugo Drechou, 49e : « Ce n’est pas moi sur le vélo. Les entraînements vont bien mais là je ne comprends pas… »
Miguel Martinez est 66e, Pierre-Geoffroy Plantet 93e et Rémi Laffont (image de droite), 126e.
Et chez les Belges…
Ruben Scheire se profile assez clairement comme le meilleur coureur noir-jaune-rouge cette saison. Il termine 33e.
Jeff Luyten est 39e.
Bilan nettement moins bon pour les 3 coureurs du team Versluys, Bart de Vocht, Kevin Van Hoovels et jens Schuermans, qui sont 59e, 61e et 73e. Didier Bats, sous le maillot de l’équipe nationale, n’accroche que la 76e place.
Sébastien Carabin a quant à lui abandonné. Après un départ correct en milieu de peloton, il a malheureusement chuté deux fois en fin de course, ce qui l’a contraint à l’abandon.
Rendez-vous la semaine prochaine à La Bresse, où l’ambiance promet une nouvelle fois d’être particulièrement survoltée !
Retrouvez les résultats et l’ensemble de nos reportages ici : #Albstadt2016
Classement général provisoire après Albstadt
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