World Cup DH 2024 #5 – Les Gets | Amaury Pierron le magicien

Par Léo Kervran -

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World Cup DH 2024 #5 – Les Gets | Amaury Pierron le magicien

Que c’était compliqué de faire du VTT aux Gets aujourd’hui ! Arrivée 30 min avant le début des finales Elites, pourtant avancées pour éviter le plus gros des précipitations, la pluie a transformé la piste de DH en véritable patinoire et très peu de pilotes ont réussi à tenir sur le vélo jusqu’en bas. Parmi ceux-ci, Eleonora Farina qui remporte ainsi sa première victoire en coupe du monde et surtout Amaury Pierron, auteur d’un run magistral qui a enflammé la station haut-savoyarde ! Récit en images :

Comme on vous l’annonçait ce matin, le programme de la DH a été complètement chamboulé par les prévisions météo ce samedi. Avec la mise en place d’une vigilance orange pluie-inondation et orage, l’organisation a décidé d’annuler les finales Juniors afin d’avancer les épreuves Elites. Objectif, faire en sorte que tout le monde soit en sécurité l’après-midi, au plus fort des précipitations annoncées.

Néanmoins, la pluie n’a pas attendu la fin des finales pour s’inviter aux Gets et dès le milieu de matinée, environ une demi-heure avant le début de l’épreuve femmes, les parapluies et capuches commençaient déjà à apparaître. D’abord fine, elle a peu à peu gagné en intensité et ne s’est jamais réellement arrêtée avant les podiums en début d’après-midi.

Si rouler sous la pluie fait partie du VTT, les pilotes partaient ici avec un inconvénient supplémentaire : jusque-là, toutes les reconnaissances et sessions d’entraînement se sont déroulées sur le sec. Les trajectoires, les vitesses de passage, les points de freinage…  Tout cela avait été travaillé sur une piste à peine humide en milieu de semaine et de plus en plus sèche au fil des passages.

Autant dire qu’avec ces conditions, les pilotes pouvaient presque tout oublier et c’était comme découvrir une nouvelle piste, suppléments verglas et peaux de bananes en plus. Et ça s’est vu !

Femmes : Farina avant l’orage

Il est 11 h lorsque Frida Rønning s’élance, première pilote au départ dans la finale Femmes. Et elle chute dès les premiers virages ! La pilote de The Union aurait sûrement préféré commencer son run autrement mais sans le savoir, elle vient de donner le ton de la journée.

Deux chutes pour Rønning, une pour Ferguson… Si la piste apparaît encore poussiéreuse à certains endroits dans les bois, on comprend vite qu’elle est déjà une patinoire entre les racines saillantes et les sections exposées à la pluie.

Néanmoins, Eleonora Farina (ci-dessus pendant les entraînements, avant la pluie) parvient à éviter les pièges, entre ceux de la piste et la tentation d’en faire trop dans les parties qui paraissent roulables, et signe le premier véritable temps de référence en 4:19:168. Il ne sera pas battu !

Derrière, c’est l’hécatombe : un arrêt dans un arbre et une chute pour Phoebe Gale, trois chute pour Nina Hoffmann, une chute pour Anna Newkirk, deux chutes pour Marine Cabirou, deux chutes également pour Monika Hrastnik…

Seule Mille Johnset (ci-dessus pendant les entraînements) parvient à s’en sortir convenablement, avec un arrêt pied à terre pour se rattraper mais aucune véritable chute et ça paye aussitôt : elle se glisse à la 2e place, 6,768 s derrière Farina. Un passage en particulier, dans le bas de la piste et juste avant de ressortir du bois pour se diriger vers la ligne d’arrivée, pose beaucoup de problèmes aux pilotes.

Troisième des qualifications, Tahnée Seagrave est la première à mettre réellement de la vitesse dans son run plutôt qu’à essayer de survivre mais ça se termine comme pour tout le monde : par terre, dans ce passage infâme qui s’est imposé comme le juge de paix de la piste aujourd’hui.

Chute également pour Myriam Nicole (ci-dessus pendant les entraînements), assez tôt dans la piste : « Ça glissait beaucoup plus que ce que je pensais », nous explique-t-elle, « la première chute m’a drainé physiquement et derrière je pensais tout le temps «oh non pas là, pas là » »… Ce qui ne l’empêchera pas de chuter à nouveau plus bas, mais elle passera le juge de paix sur le vélo !

Dernière à s’élancer, Vali Höll est la seule à pouvoir encore priver Eleonora Farina de sa première victoire. La championne du monde est apparue dominante cette semaine, remportant les qualifications et les demi-finales, et ce genre d’exploit paraît à sa portée. Mais encore faut-il rester sur le vélo…

A l’image de Seagrave, l’Autrichienne met de la vitesse et de l’engagement mais la pluie qui tombe en continu a sérieusement transformé la piste depuis les premiers passages, et malgré toute son envie et sa motivation, elle est déjà en retard au premier intermédiaire. L’écart augmente encore au suivant, puis au troisième et on commence à penser que ça va être compliqué…

Elle négocie bien le passage si difficile de la fin du bois et on se prend à croire que c’est encore possible mais ces espoirs sont douchés quelques mètres plus tard : elle glisse dans le dernier virage du bois et finit à terre comme (presque) tout le monde. Sur les douze pilotes au départ de cette finale, elles ne sont que deux à être restées sur le vélo de la porte de départ à la ligne d’arrivée !

Eleonora Farina décroche donc sa première victoire en coupe du monde, et bien que les conditions l’aient certainement favorisée par rapport aux pilotes parties plus tard, il fallait déjà être en mesure de rester sur le vélo. Félicitations à elle !

Mille Johnset prend la deuxième place et Tahnée Seagrave est 3e à 20,665 s grâce à son bon run avant sa chute, Myriam Nicole juste derrière (+ 21,261 s) et Vali Höll monte sur la dernière marche du podium à plus de 24 s de Farina.

Avant une longue pause estivale pour la DH (prochain rendez-vous le dernier week-end d’août pour les championnats du monde, à Vallnord), on imagine que les pilotes auraient préféré partir sur une note plus positive avec au moins la possibilité de donner leur meilleur, mais on peut au moins se réjouir que personne n’ait été blessé sérieusement dans ce festival de chutes.

Au classement général, Vali Höll est toujours en tête devant Tahnée Seagrave et Marine Cabirou, qui conserve sa troisième place. Myriam Nicole effectue une belle opération en remontant de la 7e à la 4e place, devant Nina Hoffmann.

Résultats complets : Les Gets – Résultats DH Elites Femmes / Les Gets – Résultats DH Elites Femmes

Hommes : Pierron, enfin !

Vous pensiez que ce serait meilleur chez les hommes ? Raté. Premier à sortir de la porte de départ, Greg Minnaar (ci-dessus pendant les entraînements) entretient l’espoir avec un run propre et sans accroc. Il en termine en 3:50:687 et va passer un long moment sur le hot seat…

 

Peu après son passage, la pluie qui avait un peu faibli pour les dernières femmes forcit à nouveau et finit de tremper piste et spectateurs. Côté pilotes, le champion du monde Charlie Hatton part à la faute tout comme Bodhi Kuhn, Stefano Introzzi, Jack Piercy (qui disputait là sa toute première finale Elites), Davide Palazzari, Max Hartenstern, Bernard Kerr… Comme chez les femmes, l’hécatombe.

A ce stade, ils sont très peu à réussir à tenir sur le vélo jusqu’en bas. Austin Dooley y parvient mais sans s’approcher du temps de Minnaar (presque 8 secondes de retard). Thomas Estaque (ci-dessus pendant les entraînements) fait mieux, avec un débours de 3,2 s suffisant pour l’amener à la deuxième place provisoire. Souvent à l’aise aux Gets (on se souvient de son run de 2019, passé à un problème de transmission du podium), le Français montre qu’il peut aussi briller sur le mouillé !

Nathan Pontvianne, le jeune pilote du team Goodman – Santa Cruz, est l’un des premiers à réveiller sérieusement le public : au premier intermédiaire, il est plus rapide que Greg Minnaar ! Malheureusement, son run va lui aussi se terminer au sol et on le retrouve logiquement frustré dans la raquette d’arrivée : « Je savais que pour faire un beau run il ne fallait pas tomber, pour être devant. Je me suis senti vraiment bien dans le premier secteur du coup j’ai voulu en mettre et j’en ai trop mis, dès l’entrée du premier secteur j’ai glissé. Après j’ai quand même poussé, je suis retombé et j’ai continué de pousser jusqu’à la fin. Pas de bobo, ça me fait une belle expérience. C’était très très dur, on a roulé dans le sec toute la semaine et là on arrive, on doit faire notre run de final, notre run à bloc, dans le gras et c’est très compliqué à gérer. Il n’y a pas de pneu vraiment précis pour ces conditions, c’est béton, verglas, très très dur à rouler. »

Une brève pause avant les 20 derniers pilotes et c’est reparti ! Peu de changement dans le déroulé ceci dit : les 10 prochains pilotes à s’élancer vont tous, sans exception, chuter une ou plusieurs fois dans leur run. Craik, Davis, les frères Meier-Smith, Coulanges, O’Callaghan, Vergier, Jewett, Pinkerton : tous sont logés à la même enseigne et le temps de Greg Minnaar n’est toujours pas battu. A chaque chute, on commence à croire un peu plus à la possibilité pour le Sud-Africain d’aller décrocher une 24e victoire en coupe du monde, à 42 ans passé…

Alors que le brouillard s’est installé autour de la cabane de départ et complique encore la tâche des pilotes qui s’élancent maintenant, l’arrivée dans le top 10 de la demi-finale va relancer les choses. Lachlan Stevens-McNab chute lui aussi mais juste derrière, Finn Iles (ci-dessus pendant les entraînements) est en vert au deuxième intermédiaire ! Et pas qu’un peu : 1,6 s qui deviennent 2 s au point de passage suivant. Malheureusement, un atterrissage mal négocié va l’envoyer lui aussi au sol, avant qu’il ne rechute un peu plus loin dans le passage « juge de paix ». Toutefois, on a appris quelque chose : Greg Minnaar peut être battu !

Troy Brosnan ne s’en approche pas mais déroule un run très propre, dans son style caractéristique et sans excès d’agressivité, qui lui permet d’aller se placer à la 3e place provisoire derrière Estaque et Minnaar.

Dans la foulée, Andreas Kolb prend enfin l’ascendant. L’Autrichien a une petite avance au premier intermédiaire et creuse peu à peu jusqu’à arriver 2,7 s avant Greg Minnaar dans le mur final. Très prudent pour ne pas finir au sol, il négocie le passage lentement et les dixièmes défilent mais son avance était suffisante et il s’empare de la première place. De justesse, puisque sur la ligne d’arrivée il ne comptait plus que 0,213 s d’avance sur le pilote Norco ! Et dire qu’il confiera en interview qu’il n’avait pas la tête à la victoire dans la cabine de départ…

Mais on est aux Gets et derrière, il reste six pilotes au départ dont trois Français. Ne t’emballe pas trop Andreas, depuis 2019 c’est toujours un Français qui s’est imposé ici… Ronan Dunne chute dès le départ, ce qui signifie le podium au moins pour le champion d’Autriche.

Epatant cette semaine, Rémi Thirion brille dans les conditions difficiles et il nous le montre sur la piste : au premier intermédiaire, il est à 4 millièmes de secondes d’Andreas Kolb ! Cependant, il ne va pas réussir à garder ce rythme jusqu’en bas et s’il reste sur le vélo, il accuse 3,344 s de retard au passage sur la ligne d’arrivée, ce qui lui permet toutefois de monter sur le podium (4e place provisoire).

Luca Shaw chute, Loïc Bruni roule proprement mais ne peut faire mieux que 6e provisoire à 4,635 s… Mais il y a Amaury Pierron. Gonflé à bloc après sa démonstration à Val di Sole, le pilote Commencal // Muc-Off a une revanche à prendre aux Gets.

En 2022, alors qu’il était au meilleur de sa forme, il avait pris la deuxième place des championnats du monde sur cette même piste, devancé par Loïc Bruni pour un triplé français historique (avec Loris Vergier à la troisième place). On se souvient d’un Amaury Pierron défait, vaincu, presque en colère pendant quelques instants contre Loïc Bruni qui l’avait privé de « son » titre de champion du monde. En 2023, il était blessé et c’était Benoît Coulanges qui avait endossé le rôle de « héros des Gets ».

Cette année, il revient en forme et il est le dernier Français à pouvoir continuer l’extraordinaire série bleu-blanc-rouge dans la station haut-savoyarde. Avant même son départ, la foule est en folie et au premier intermédiaire, elle explose : Pierron est en avance !

De 4 dixièmes de secondes, son avance passe à plus de 2 secondes au pointage suivant puis 2,7 s au milieu de la piste. Et d’un coup… plus de 5 secondes d’avance ! Alors que plus des deux tiers des pilotes au départ sont tombés aujourd’hui, Pierron ne semble pas affecté de la même manière par les conditions. Ce run est de ceux qui forment les légendes, de l’envergure d’un Danny Hart à Champéry en 2011. Intouchable, il passe la ligne avec presque 6,5 s d’avance sur Andreas Kolb !

En haut, il reste encore Dakotah Norton qui court toujours derrière sa première victoire en coupe du monde mais dans ces conditions dantesques et face à un tel run, l’Américain ne peut rien faire : il se classera 11e. En bas, c’est déjà la fête !

Si on avait peur que la pluie ou le changement de programme réduise la foule venue assister aux finales, les spectateurs et spectatrices nous ont vite montré qu’il en fallait plus pour les décourager. Déjà bien présents pour les femmes, leur nombre n’a fait que grossir pendant l’épreuve hommes jusqu’à ce final en apothéose. Tronçonneuses, fumigènes, vuvuzela, klaxons, déguisements, concours de ventriglisse dans l’herbe, envahissement de la raquette d’arrivée, bain de foule pour les vainqueurs… Vous connaissez la recette, on est aux Gets !

Côté classement, Amaury Pierron s’impose donc et prend sa revanche sur l’édition 2022, avec la manière : « C’est incroyable, je ne pensais même pas faire ce doublé. Gagner il ya deux semaines à Val di Sole c’était déjà incroyable et là c’est encore un autre niveau, avec tous les Français qui étaient chauds bouillants je suis trop content, je suis sur le podium avec Thomas et Rémi, ça fait tellement plaisir. C’est juste incroyable, les conditions sous la flotte comme ça, c’est juste trop bien. » Ne lui manque plus qu’un maillot de champion du monde et s’il parvient à garder cette forme deux mois de plus, on voit mal qui pourrait l’empêcher de décrocher ces fameux liserés… A Vallnord, fief de Commencal, l’histoire serait belle !

Beau perdant, Andreas Kolb se classe 2e tandis que Greg Minnaar, Rémi Thirion et Thomas Estaque complètent un podium qui a fière allure. Trois Français sur le podium aux Gets, on ne perd pas les bonnes habitudes ! Petite anecdote au passage : c’est la première fois que Thomas Estaque rentre en finale cette année. Tout ou rien pour le pilote de Commencal IC Studio.

Rémi Thirion fera le spectacle en rejoignant sa place… sur les mains tandis que Estaque, après les célébrations, empruntera le micro du speaker pour entonner une belle Marseillaise a capella avec ses compatriotes du podium et tout le public. Les Gets, ne changez rien !

Et pour clôturer la journée en beauté, Loïc Bruni aura lui aussi droit à son passage sur le podium pour endosser le maillot de leader de la coupe du monde, qu’il mène devant… Amaury Pierron. Avec sa victoire, Pierron remonte en effet de la 4e à la 2e position, délogeant Finn Iles qui fait le chemin inverse. Troy Brosnan reste à la 3e place.

Juniors

Pas de finales du côté des Juniors, l’organisation ayant préféré les annuler afin de pouvoir déplacer et maintenir les finales Elites. Comme le règlement le prévoit dans de tels cas de figure, c’est le classement des qualifications qui compte pour attribuer les points.

La Britannique Heather Wilson l’emporte donc devant la Suédoise Ella Svegby et la Néo-Zélandaise Eliana Hulsebosch chez les femmes, et on signalera les 8e et 15e place de Soline Besson et Jasmine Forgue côté Françaises.

Chez les hommes, la victoire revient à l’Américain Asa Vermette devant Max Alran et le Canadien Jon Mozell. Deux autres Français rentrent dans le top 10, Rafaël Pelletier (5e) et Raphaël Giambi (8e).

Classements complets :

Les Gets – Résultats DH Juniors Femmes / Les Gets – Classement général DH Juniors Femmes

Les Gets – Résultats DH Juniors Hommes / Les Gets – Classement général DH Juniors Hommes

ParLéo Kervran