WC XC #3 La Bresse | Hommes : Absalon, le home run
Par Paul Humbert -
Il y a des victoires qui ont une saveur particulière et il y a fort à parier que c’est le cas de celle-ci pour Julien Absalon. Chez lui, devant des milliers de personnes, il gratifie ses plus fervents supporters d’une victoire à domicile. Véritable soulagement pour l’athlète, il nous prouve une nouvelle fois son talent physique mais également mental. Le pilote BMC est le leader d’un trio français mémorable. Il faut remonter presque 20 ans en arrière pour retrouver une telle performance. À La Bresse, Maxime Marotte est lui aussi face à son public et c’est un véritable récital qu’il a donné, guidant dans sa roue le jeune Victor Koretzky qui décroche probablement ici son ticket pour les JO. Retour en image sur cette course mémorable :
Est-ce que jouer à domicile est un avantage ? Pas forcément. Julien Absalon raconte avoir eu « vraiment peur de décevoir les gens, d’avoir un jour de moins bien et de me louper ».
La tension est également palpable du côté de l’équipe BH-Sr Suntour-KMC. Avec trois prétendants sérieux, qui saura s’approcher du duo et jouer les troubles fêtes ? Maxime Marotte est le candidat le plus sérieux et lui aussi joue à domicile. À l’échauffement, il est tenu au courant de l’évolution du parcours : « La dalle est sèche ».
Toute la tension est relâchée à 14h20 précises, devant des milliers de spectateurs derrière leurs écrans ou présents aux abords du circuit.
Ça part vite, ça part fort et c’est presque avec surprise qu’on voit un visage autre que celui d’Absalon ou de Schurter arriver au sommet de la descente. Fabian Giger mène la troupe avant de se laisser dépasser.
Julien Absalon commente son premier tour : « J’ai été vigilant dès le début pour basculer en tête dans les bonnes roues. J’ai bataillé pour être dans les roues de Nino et de Mathias. Rapidement, j’ai mis la pression dans la descente et j’ai réussi à pousser Nino à la faute. J’ai réussi à descendre à 80, 90% et j’avais un feeling incroyable. J’ai mis une belle marge de sécurité. »
Dans le second tour, le duel tant attendu semble se dessiner. Absalon en tête et Schurter juste derrière.
Dans la foule, nous croisons Rémy Absalon, fébrile, qui observe la course de son frère sur l’écran géant.
La course avance et nous voyons remonter un duo jaune et noir poussé par la foule. Victor Koretzky et Maxime Marotte grappillent place après place.
Dans le second tour, c’est un autre Français qui vient se placer dans la roue de Julien Absalon : Stéphane Tempier. Le pilote Bianchi réalise un début de course extraordinaire.
C’est avec une grande tristesse que le public apprend qu’il devra renoncer à toutes ses ambitions sur cette course en raison d’une casse mécanique le poussant à l’abandon. La déception est particulièrement forte car c’est après cette course que sera annoncée la sélection des coureurs conviés aux JO.
Jaroslav Kulhavy n’est pas bien loin et il reste menaçant.
Dangereux, Mathias Fluckiger l’est tout autant. Il réalise une course impressionnante en prenant le second meilleur temps au tour dans la troisième boucle.
Juste derrière Maxime Marotte et Victor Koretzky, un autre Français remonte en tête de course : Jordan Sarrou. Il terminera 7ème, un peu déçu de ne pas grimper sur le podium avec ses coéquipiers.
C’est dans le quatrième tour que la course bascule réellement. En pleine bataille, Nino Schurter crève et laisse un boulevard à Julien Absalon : « Quand Nino a crevé, je ne me suis pas posé trop de questions. J’ai accéléré pour augmenter l’avance et j’ai pu gérer. Dans la tête, je savais que rien n’était gagné avant le dernier tour. J’avais opté pour des pneus vraiment renforcés car pendant la semaine j’ai eu quelques crevaisons avec des pneus légers. L’objectif était de mettre des gros pneus pour attaquer au besoin. Ça a été une bonne stratégie. »
Devant un public déchainé, Julien Absalon prend de l’avance sur la concurrence. Son talent et son expérience feront le reste et il ne sera plus jamais rattrapé, à part peut être par les cris des ses supporters.
Alors qu’on croyait les malheurs de Nino Schurter terminés, un nouveau coup du sort s’abat sur le pilote Scott et son tout nouveau Spark : une nouvelle crevaison. Un changement de roue plus tard, le champion du Monde repart plus fort que jamais et effectue une remontée impressionnante. Il explose d’ailleurs les chronos dans les derniers tours.
Le mental d’acier du coureur lui permettra de rejoindre l’arrivée en quatrième position, un exploit !
La bataille pour le podium continue derrière Julien Absalon. Il est temps pour les deux autres Français de se séparer et de se départager. Maxime Marotte raconte : « Au début, c’était assez mal parti mais même quand la forme est arrivée, j’ai vite compris qu’il était trop tard pour espérer accrocher Julien. Je me suis mis à travailler pour un top 5 et je me suis ensuite rendu compte que la seconde place était largement envisageable. »
« Dans le dernier tour, je savais que Victor aurait peut être du mal à finir, même si la course était assez courte. J’ai senti que j’étais au-dessus dans la montée, j’ai assuré pour faire le trou au maximum avant la descente parce que je savais que Victor y est très fort. »
Il nous avait promis un top 10, il fait beaucoup mieux : Victor Koretzky a rendu hommage au public et à son coéquipier : » J’avais la sensation de voler, je ne sentais plus mes jambes. Si je fais cette place, c’est en partie grâce à Max qui m’a aidé. Max était un peu plus fort en montée donc il était devant et je faisais les descentes. Dans le dernier tour, je pense que j’aurais pu m’accrocher avec Max. J’avais crevé ! J’ai fais un tour et demi avec 800 grammes dans le pneu. Je ne voulais pas m’arrêter parce que je savais que derrière ça allait revenir. »
Plus en retrait, Miguel Martinez termine la course à la 50ème position. Hugo Drechou ne réussit pas exorciser ses démons. Il quitte la course dans le cinquième tour.
Plus loin dans le classement, Matthias Stirnemann est 8ème.
Ruben Sheire est le premier Belge, à la 31ème place.
Kevin Van Hoovels est 47ème.
Bart de Vocht termine à la 51ème place. Jeff Luyten est 57e, Pieter Geluyckens 83e et Jorgen Flion 97e. Le camp belge a souffert de l’absence de Sébastien Carabin, victime d’une infection. Didier Bats était lui absent de la finale après s’être blessé au poignet dans le 4e tour. Il souffre d’une fracture. Jens Schuermans a également abandonné.
À l’arrivée, le trio de tête relâche la pression et se félicite.
Maxime Marotte débrief sa course : « Encore une bonne journée sur le vélo ! Ce matin, je me suis réveillé avec une douleur sur la fesse qui m’irradiait jusqu’au genou. On a essayé de travailler avec l’ostéo mais j’ai déjà eu des meilleures jambes cette année. Avec Victor, il y a eu de l’émulation. Je l’ai encouragé, je lui ai dit « c’est les Jeux que tu as au bout ». Il s’est accroché et il a fait une belle course. Il était un cran au dessus de moi dans les descentes. Je suis satisfait de mon pilotage mais j’ai tout de même fait une faute. »
À propos de la sélection pour les JO : « On attend la décision du DTN mais il y a des chances qu’il y ait deux BH là bas. Je crois qu’on ne pourrait pas rêver mieux pour l’équipe. On a sorti la bonne course au bon moment. Un triplé ici, c’est énorme. »
Je suis assez surpris du résultat de Victor aujourd’hui. Après Albstadt, je pensais que ça allait être dur de chercher plus loin qu’une dixième place. Finalement, il l’a fait et il a encore surpris du monde aujourd’hui. Il a bien fait de se surclasser et, à l’avenir, il faudra clairement le surveiller.
Enfin, tout sourire, Julien Absalon, s’exprime : « C’était une course incroyable, j’ai géré parfaitement. »
C’était vraiment dur en début de semaine de tenir la pression. Je ne voulais pas décevoir les bénévoles, le public. Ce n’était pas évident mais vendredi j’ai réussi à me reconcentrer. Je me suis mis dans ma course et j’avais des bonnes sensations sur le circuit. J’ai tenté d’évacuer toute la pression. Aujourd’hui, ce triplé français est incroyable. Ils me permettent de prendre du champ sur Nino et de progresser au classement général. Je pense qu’il y a aussi eu une bataille super existante pour la qualification Olympique, c’était vraiment excitant.
Cette course restera comme une des plus belles. Ce n’est pas ma 31ème victoire, c’est ma deuxième victoire à La Bresse et c‘est un message envoyé à Nino: Les scénarios de l’année dernière, ça ne sera plus possible (rire). »
Le duel tant attendu n’a pas eu lieu, mais ce à quoi nous avons assisté en échange était tout aussi fort. Après cette victoire à domicile, Julien repart pour un tour, pour au moins une saison, et on espère le revoir briller très bientôt.
Retrouvez les résultats complets ici : www.vojomag.com/news/wc-xc3-bresse-course-hommes-resultats