Voyage en gravel dans le Pays basque, une terre rude de beauté

Par Pierre Pauquay -

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Voyage en gravel dans le Pays basque, une terre rude de beauté

Le gravel est cet outil de voyage qui part à la rencontre d’une culture et d’une identité forte, celles du Pays Basque. Nous allons parcourir ces magnifiques montagnes, faites de simplicité et d’harmonie sauvage.

Un pays rude et de caractère se lit dans son paysage et dans son histoire. Le Pays basque ne faillit pas à la règle avec ses vallées parfumées de bruyères, ses montagnes luxuriantes et son passé tourmenté fait d’exodes et de luttes pour sauvegarder son autonomie. Situées à quelques kilomètres de l’océan, les montagnes du Pays basque se jettent dans la mer. Si les paysages sont doux, les pentes s’avèrent, toutes, redoutables.

Aux alentours de la Rhune, outre les nombreuses routes et chemins peu fréquentés, il existe des pistes toutes dédiées au gravel. Ces chemins blancs et ces routes carrossables permettent de s’élever dans la montagne basque. C’est un beau voyage au travers des landes que nous vous convions à suivre.

Une débauche végétale

Depuis Ascain, Nicolas m’emmène sur ces chemins qu’il a découverts pour la pratique du gravel. Les prés de fauche et les champs de piments succèdent à de magnifiques forêts dans lesquelles nous nous engouffrons : la luxuriance du pays étonne. Le sous-bois recèle des trésors. Les troncs des chênes tortueux que l’on longe prennent des allures fantasmagoriques.

Sous nos roues, les racines, les feuilles mortes décident de la trajectoire si on ne malmène pas la machine. Le chemin devient sentier et s’il est quelque chose que cet itinéraire n’aime pas, c’est la ligne droite ! Il y a même une sorte d’ivresse à se prendre au jeu à suivre les tours et détours du singletrack se faufilant entre les rochers.

Au Pays basque, l’émerveillement ne se lit pas devant un paysage de grande montagne mais se construit dans l’imaginaire de cette forêt profonde. Les pluies régulières ont inondé le terrain. Les arbres suintent, les sentiers ruissellent et le taux d’humidité nous fait perler de sueur. Flirtant avec l’océan, la montagne basque reçoit plus qu’ailleurs en France un taux de précipitation important, les vents d’ouest de l’Atlantique venant taper ces premiers contreforts du continent.

Nous approchons d’Espelette et de ses belles maisons. Blanchie à la chaux avec des boiseries peintes en rouge-brun, la bâtisse labourdine est représentative du Pays basque. Les Basques sont fiers de leurs maisons qui sont un ancrage important pour la famille : elles sont toutes magnifiques. Le village se resserre autour de l’église et du fronton, au pied de cette montagne culte qu’est la Rhune qui ne dépasse pourtant pas les 1 000 mètres d’altitude.

Des cols si bas mais…

Depuis Espelette, le col des Trois Croix culmine à 512 m d’altitude, cela nous fait sourire, enfin un col en France qui ne dépasse pas notre sommet de Belgique, lui situé à 696 m ! Nous rigolons moins quand apparaissent les premiers lacets.

Nous sommes proches du niveau de la mer et nous avons l’impression de nous trouver en pleine montagne. Et comment ne pas s’y tromper ? Les épingles succèdent à des rampes rectilignes, autrefois non goudronnées et qui servaient de pistes pastorales et non comme lieu de passage.

Et ce col montre les limites du gravel dans ces forts pourcentages, comparé à nos VTT dotés de pignons de 50 dents et plateaux de 30. Malgré la cassette 13 vitesses de l’Ekar de Campagnolo, Nicolas a toutes les peines du monde à se hisser sur les pédales.

Alors, on passe en force, comme les forçats de la route. Le relief s’élève : le chemin se couvre de joncs et de landes de bruyères. Sur la crête, les filandres de brume dansent et réveillent l’imaginaire.

La route de saint-Jacques

Nous roulons sous le soleil. Le pays est vert : la lumière joue avec des ombres, se jette sur ces petites routes qui suivent comme un serpent les courbes des collines. Les cayolars, ces bergeries basques en pierre sèche, courent à côté de ces chemins que nous parcourons, le sourire aux lèvres. Sur ces landes perdues gambadent en liberté les brebis Manech adaptées au climat basque accompagnées par les chevaux pottok.

Face à nous, le vaste plateau d’altitude s’ouvre sur les paysages de la montagne basque entre ciel et terre. Ici et là, des cayolars disséminées se fondent dans le panorama. Plus loin, nous croisons le Chemin de Saint-Jacques qui provient du Puy-en-Velay et se dirige vers Saint-Jean-Pied-de-Port.

Il ne cesse d’être parcouru depuis le Moyen Âge, depuis qu’un ermite aurait suivi l’éclat d’une mystérieuse étoile et aurait ainsi découvert la dépouille de Saint Jacques le Majeur sur les rivages espagnols. La ville de Santiago de Compostelle devint un lieu de pèlerinage aussi important que celui de Jérusalem. Les pèlerins partaient de longs mois voir de longues années sans être sûrs de revenir…

Le monde selon Irati

Au deuxième jour, nous quittons les colères océanes pour rejoindre un royaume moins connu que la côte basque. Un royaume bien gardé car pour y accéder la route est longue, tortueuse. La forêt d’Irati couvre un territoire de 17 000 hectares, composé d’une hêtraie sapinière : il s’agit de la plus grande forêt européenne de ce type.

Le massif d’Irati englobe les belles images basques : paysages de landes et de baies où se déchaînent des vents forts et des tempêtes.

Depuis le chalet d’Irati Cize, le bois s’épaissit au fil de notre progression. Les arbres bruissent en toute majesté. Le chemin s’élève en pente douce, se montre parfois boueux. Avec nos pneus de gravel, nous devons jouer aux équilibristes quand ils se plantent dans des ornières de glaise. Cela patine, cela glisse : nous avions oublié cette époque où l’on roulait à VTT avec des pneus à fine section.

Cercles de pierre

Dans le massif d’Irati, si les flancs sont couverts de feuillus, les sommets ont été déboisés et se recouvrent de prairies grasses. Les brebis de race laxta, les chevaux et les vaches pyrénéennes vivent en liberté sur les pâturages de Cize, Soule et Aezkoa. La montagne d’Irati-Cize est consacrée essentiellement au pastoralisme, une pratique qui remonte au Néolithique. Tout est immuable et délicieusement reposant. Le sentier nous emporte vers un paradis naturel, comme gardé jalousement par des êtres légendaires. Rien ne sert de suivre le balisage du GR10, le sentier en est un, tellement il est bien tracé sur la douce prairie.

Un dernier virage et nous débouchons sur le magnifique paysage des crêtes d’Urkulu et du site d’Occabé, un lieu magique. Les cromlechs sont ces cercles de pierre datant de l’aube de l’humanité. Leur signification reste inconnue :  il s’agissait sans doute à la Préhistoire de rites funéraires.

Nous passons en silence sur ces lieux chargés d’émotion. Le massif d’Irati englobe les belles images basques : paysages de landes et de baies où se déchaînent des vents forts et des tempêtes. Le vent porte loin et souffle vers ces horizons infinis ibériques. Nous sentons le pays basque de Navarre tout proche, son âme et sa lumière. La montagne n’est pas une frontière : elle est une invitation à réunir un même peuple.

Au loin domine le pic d’Orhy (2019 m), le premier « 2000 » des Pyrénées tandis que nous apercevons le col d’Organbidexha qui est l’un des trois principaux lieux de passage des oiseaux migrateurs. Ils le survolent par milliers lors de leur migration de printemps et d’automne pour se diriger vers la péninsule Ibérique ou l’Afrique subsaharienne afin d’y passer l’hiver.

Exode et retour

Au col du Suhalmendi, la vue panoramique s’étend sur les montagnes du territoire. La route, étroite et en mauvais état, se prête magnifiquement aux gravel qui donnent ici leur pleine capacité. Laissons les vélos sur le côté et asseyons-nous un instant pour admirer un des plus beaux pays de France où il est si agréable de vivre.

Pourtant, il n’en fut pas de même au XIXe siècle quand le tourisme n’en était qu’à ses balbutiements. Plus de cent mille Basques ont émigré vers le Nouveau Monde, alors que la population dans le pays n’était que de cent soixante mille !

En fin de journée, alors que nous sillonnons les chemins vers les chalets d’Irati, le soleil, à nouveau, donne un coup de canif dans la toile grise et la lande resplendit et scintille.

Ces jeunes expatriés qui ne connaissaient même pas Biarritz et la côte effectueront seuls la traversée de l’Atlantique. Les jeunes états d’Amérique latine, affranchis de la domination espagnole, avaient besoin de main d’œuvre. Plus tard, les Basques vont devenir les indispensables bergers du Montana, de l’Oregon ou du Wyoming.

Le temps change à tout instant. A midi, les nuages se sont amoncelés sur les sommets : ils glissent au-dessus des prairies et jettent dessus des ondées froides. L’exil comme la pluie appartiennent à la tradition basque. Ce flux migratoire convergea avec la naissance des villes balnéaires sous le second empire, grâce à son climat doux où fleurit le mimosa : les Basques vont découvrir une nouvelle vie de richesse.

En fin de journée, alors que nous sillonnons les chemins vers les chalets d’Irati, le soleil, à nouveau, donne un coup de canif dans la toile grise et la lande resplendit et scintille. Avec un peu de tristesse, nous terminons de parcourir les courbes harmonieuses des montagnes et des rivières de ce pays envoûtant. Le Pays basque ne laisse pas le voyageur insensible face à son paysage et à son identité forte : on y revient toujours…

  • Infos pratiques
  • Balisage
  • La forêt d’Irati est quadrillée d’un réseau de circuits VTT. Certains sont adaptés au gravel. Nous vous convions à télécharger la carte sur
  • https://irati.org/documentosirati/BTT-Irati.pdf
  • Plus d’infos
  • https://pays-basque.tourisme64.com

ParPierre Pauquay