Visite | Les magasins à l’école chez SR Suntour
Par Léo Kervran -
Retour à l’école ! Les suspensions sont parmi les éléments les plus complexes sur nos vélos et comme toute chose, leur entretien s’apprend. Évidemment, ce ne sont pas les mêmes procédures selon qu’on parle de Fox, RockShox, Öhlins ou SR Suntour, ce serait trop simple… Chaque marque propose donc à ses différents magasins et revendeurs des formations pour apprendre à désosser et remonter entièrement ses produits. On a pu se glisser dans un groupe chez SR Suntour pour voir ce qu’il s’y passe et mettre, nous aussi, la main à la pâte. Prenez votre tablier, enfilez une paire de gants et suivez-nous dans les coulisses :
Par un curieux hasard, le bureau SR Suntour France est installé à quelques centaines de mètres de celui de Sram France, qui abrite également le Sram Technical Service (lire Visite | Sram France : un camp de base en Savoie). A deux rues de là, on fait donc exactement la même chose qu’ici pour une marque concurrente !
La même chose, oui, mais en quoi cela consiste exactement ? Comme nous l’explique Arnaud Hacquard, SR Suntour France a trois missions : la gestion du service pour le marché français d’abord, du support pour les fabricants de vélo français qui travaillent avec la marque et, en sus de cela, un certain travail de recherche et développement pour faire progresser les produits.
Il faut dire que SR Suntour est une marque un peu particulière. D’un côté, c’est celle qu’on retrouve partout sur les vélos de milieu et d’entrée de gamme (du point de vue du marché, un vélo équipé en transmission Shimano Deore ou Sram SX est déjà du milieu de gamme). Dites-vous que SR Suntour produit plus de fourches que Fox, Rockshox et Öhlins cumulés, et de très loin… Cette situation a longtemps donné une image « bas de gamme » à la marque mais grâce au travail entamé depuis plusieurs années, cela change petit à petit.
En effet, SR Suntour est aussi une marque double championne olympique, grâce à Julie Bresset en 2012 puis Tom Pidcock en 2021. C’est une marque qui travaille sur des suspensions électroniques, comme Fox ou Rockshox. C’est aussi une marque présente chaque année ou presque à la RedBull Rampage, avec Carson Storch et William Robert en 2022, et une marque qui a terminé sur le podium des championnats du monde de DH (avec Florent Payet en 2016) et sur la plus haute marche de ceux de XC (Jordan Sarrou en 2020). Autant dire que derrière l’image, le savoir-faire est là.
Pas facile de trouver l’équilibre entre ces deux facettes… D’autant que si le siège japano-taïwanais a plutôt l’œil sur les chiffres de vente, chez SR Suntour France c’est avant tout une histoire de passionnés de VTT. Ici, une personne est d’ailleurs incontournable : Stéphane Guillaume, le patron des lieux. Avant de porter les couleurs bleues et blanches, il a pris part à la grande aventure Marzocchi et reste avant tout un homme de technique.
La cartouche R2C2 et ses différentes variantes (RC2, RC) qui équipe les fourches haut de gamme de SR Suntour est sortie de son imagination et cette fois, ce sont les plans d’un futur outil pour mesurer le jeu d’une fourche qu’on découvre sur son bureau. Posez lui une ou deux questions un peu pointues le matin et la discussion pourra durer jusqu’à la fin d’après-midi…
C’est d’ailleurs lui qui nous accueille le matin en compagnie des autres « étudiants » de cette forma-tion : deux distributeurs slovènes, deux distributeurs finlandais et Lou-Anne, nouvelle recrue venue renforcer l’équipe SAV à compter de ce début d’année. Dans le petit entrepôt installé à l’arrière des bureaux, entre des étagères de cales, de cartouches et de fourreaux, il nous guide vers son « jouet » préféré : une machine de test unique, imaginée spécialement par et pour SR Suntour et peut-être la seule au monde à pouvoir reproduire dans des conditions de laboratoire toute la gamme de vitesses de fonctionnement que nos suspensions rencontrent sur le terrain.
Le décor est planté, place à la pratique ! Après cette petite visite on passe dans la salle de la SR Suntour Academy, (presque) tout neuve. Inaugurée en novembre 2019, elle n’a accueilli que très peu de monde les trois dernières années avec les risques liés au Covid-19. Uniquement des distributeurs en fait, puisqu’ils ne sont pas au contact des clients. Aujourd’hui, elle s’ouvre enfin aux magasins et devrait tourner à plein régime cet hiver pour préparer les équipes avant le printemps.
L’équipement, similaire à ce qu’on peut trouver chez les marques concurrentes, a de quoi faire rêver : sept postes de travail identiques, équipés avec un pied d’atelier, un étau et les mêmes outils pour reproduire les gestes du formateur. Au-dessus de chaque plan de travail, un écran : le formateur est filmé par 3 caméras différentes afin que tout le monde puisse suivre la démonstration et la répéter de son côté en même temps. Autre avantage, cela permet facilement de refaire une démonstration ou de débloquer une situation à distance de manière bien plus efficace qu’en s’échangeant des mails et des photos.
Enfin, dans les tiroirs, on trouve les devoirs du jours : des cartouches de fourche, des amortisseurs, un assemblage de ressort air pour une fourche… De quoi s’amuser, en somme.
SR Suntour propose différents modules suivant le niveau d’expérience et le profil des personnes accueillies mais en ce qui nous concerne, la formation durera deux jours : un pour les fourches et un autre pour les amortisseurs.
On quitte alors Stéphane pour passer entre les mains d’Arnaud. Ancien compétiteur de (très) bon niveau en XC, passé à quelques reprises par les rangs de l’équipe de France chez les Espoirs, il est désormais responsable aftermarket pour SR Suntour et s’occupe également des médias comme Vojo.
Au fait, pourquoi une journée entière pour une opération qui prend au maximum une heure sur les produits les plus complexes ? Pour ce qu’on évoquait plus haut, la taille et la variété de la gamme SR Suntour : on compte pas moins de 63 références au catalogue pour les fourches 29″ !
Rajoutez là-dessus les autres tailles de roues, les amortisseurs (4 modèles mais des dizaines de déclinaisons) et vous comprendrez qu’une journée par type de produit n’est pas de trop pour balayer les différents concepts et modes de fonctionnement.
Il est temps de mettre main à la pâte et on commence justement par un modèle d’entrée de gamme, du genre de ceux qu’on peut trouver sur les vélos de ville ou de trekking les plus accessibles.
Bagues de guidages en plastique et simplement clipsées, cartouche scellée, ressort hélicoïdal non réglable (sauf à le changer)… Ça change des fourches haut de gamme ! Quand on a l’habitude d’entretenir soi-même son matériel, c’est d’ailleurs le plus frappant.
La Durolux et sa cartouche PCS qu’on verra en fin de la journée, c’est du terrain connu (et si ce n’est pas le cas, séance de révision : MTB Anatomy #3 : histoire et entrailles d’une fourche). Fox, RockShox, SR Suntour… En milieu/haut de gamme, toutes ces marques se différencient sur des points de détails, certes parfois importants mais extraordinairement pointus pour qui n’est pas spécialiste.
Ici, tout est simplifié à l’extrême et c’est très instructif de se rendre compte du niveau de technologie avec lequel sont conçues la majorité des fourches dans le monde. Bien sûr, la problématique n’est pas la même : pour ces produits, on vise avant tout le coût et la fiabilité. N’empêche, on mesure bien mieux les progrès et la précision des fourches qui équipent nos VTT aujourd’hui et on apprécie encore plus la chance qu’on a de rouler sur de telles pièces d’orfèvrerie.
On redécouvre au passage une caractéristique qu’on avait beaucoup appréciée lors de notre test de la Durolux 36 R2C2 (lire Test | SR Suntour Durolux 36 EQ R2C2 & TriAir : mieux qu’une alternative) : depuis l’entrée de gamme jusqu’aux modèles les plus performants, il n’y a pas d’huile de lubrification pour les fourreaux dans les fourches SR Suntour, uniquement de la graisse. Cela a aussi ses inconvénients et on peut, sur certains modèles, rajouter un peu d’huile sous certaines conditions, mais lorsqu’on passe sa journée à démonter et remonter des fourches, quel plaisir !
Passé cette remarque, on ne vous détaillera pas par le menu chaque étape d’entretien de toutes les fourches qui sont passées entre nos mains ce jour-là. Ce serait un peu long et surtout ce n’est pas le propos de cet article, d’autant que SR Suntour propose sur son site toute une série de vidéos détaillant chaque opération (à retrouver ici : SR Suntour – Vidéos Techniques).
Le lendemain, on recommence avec les amortisseurs. Arnaud laisse la place à Stéphane pour l’occasion et la session sera un peu plus intense car s’il n’y a pas d’énormes écarts de conception comme sur les fourches, le produit est encore plus poussé.
Outils spécifiques, manipulations parfois plus complexes… Comme on vous l’expliquait dans nos articles MTB Anatomy (MTB Anatomy #4.1 : l’amortisseur, premier volet et MTB Anatomy #4.2 : l’amortisseur, second volet), un amortisseur reprend toutes les fonctionnalités d’une fourche dans un emballage bien plus compact et cela rend la maintenance plus exigeante.
Il y a coulisses et coulisses. Si on vous emmène régulièrement avec nous en visite chez les marques du monde du vélo, c’est bien plus rare qu’on ait accès à ce qui se cache derrière la relation entre lesdites marques et leurs revendeurs. Autant vous dire qu’on est ravi d’avoir pu lever un coin du voile et encore plus de vous avoir raconté cette expérience ! Pour le reste, on garde bien sûr un œil sur le projet de suspensions à gestion électronique et on devrait bientôt mettre la main sur la nouvelle Durolux 38 pour un essai poussé de cette nouvelle concurrente des Fox 38 et Rockshox Zeb. Rendez-vous dans quelques mois pour le verdict !