Visite | Scott-Sram & la collection des vélos de Nino Schurter par Yanick The Mechanic
Par Olivier Béart -
Cela ne vous aura certainement pas échappé : Nino Schurter est devenu le recordman absolu du nombre de victoires en coupe du monde avec 34 succès… à l’heure où nous écrivons ces lignes, car il est possible qu’il ne s’arrête pas là ! Moins de 24 heures après ce moment historique dans l’histoire du VTT, nous avons rendu une petite visite au QG du team Scott-Sram près de Zurich, où Yanick, l’emblématique mécanicien de Nino Schurter, conserve avec passion une grande partie des vélos qui ont marqué la carrière du champion suisse. Vojo vous ouvre les portes du Saint des Saints :
Parmi les personnes qui ont le plus compté dans la carrière de Nino Schurter, il y a sans aucun doute Thomas Frischknecht, team manager de l’équipe Scott Sram. Et aussi bien entendu Yanick « The Mechanic », son emblématique mécanicien à qui il fait une confiance aveugle pour la préparation de ses vélos.
Quand il n’est pas sur une course, c’est dans un petit village suisse près de Zurich qu’on peut trouver Yanick. Là, dans son « antre », accompagné d’un jeune mécano à qui il met le pied à l’étrier, il prépare les vélos de l’équipe pour les manches suivantes. Ce qui, croyez-nous, n’est pas une mince affaire au niveau logistique, surtout quand on n’a pas les moyens et le personnel d’un team de F1.
Mais, tout en étant passionné par les dernières nouveautés, par la recherche inlassable du dernier petit gain marginal qui va permettre à son pilote d’avoir toujours la machine la plus performante, Yanick a toujours trouvé important de soigner ses racines et de conserver les plus belles traces des succès marquants de Nino : ses vélos.
Dit comme cela, ça peut sembler évident, mais concrètement, très peu de marques et d’équipes conservent avec autant d’amour et de méthodes les VTT marquants de leur histoire. Pour Yanick, c’est différent : « Cela m’a toujours paru être une évidence, un besoin que je ressentais au fond de moi, entre passion et professionnalisme. Frischi n’a conservé quasiment aucun vélo de sa carrière, à son époque ce n’était pas rare les pilotes qui vendaient leur vélo et des pièces après les courses, presque comme à une brocante. Au début, il me demandait à quoi cela pouvait bien servir à part prendre de la place dans l’atelier. Mais on en a reparlé il n’y a pas longtemps et je sais qu’il regrette maintenant de ne pas avoir gardé plus de ses anciens vélos en souvenir. »
Il poursuit : « Je ne vais pas dire que je savais que Nino allait devenir l’homme de tous les records quand on a commencé à travailler ensemble, mais je devais tout de même le sentir au fond de moi. Puis, lors d’une course, tout va tellement vite, on a à peine le temps de célébrer, de profiter. Ces vélos, c’est ce qui active des souvenirs chaque fois que je les vois, et c’est ce qui me fait réaliser l’ampleur des exploits sportifs que Nino a réalisés. »
Certains vélos sont au domicile de Nino, d’autres au QG de Scott à Givisiez, mais le gros de la mémoire des machines roulées par le « G.O.A.T » (Greatest Of All Times) est conservé ici, pile entre le stock de pièces neuves du team et l’atelier où sont préparées les dernières machines de l’équipe. En tout, il y a ici plus d’une trentaine de vélos et cadres au pédigrée impressionnant.
Peut-être qu’un jour ils seront exposés dans un musée et visibles par le public, mais en attendant, Yanick a accepté, en exclusivité pour Vojo, d’ouvrir les portes de cette collection exceptionnelle et de faire une petite sélection de ceux qui sont les plus marquants à ses yeux, tant sur le plan sportif que de l’évolution technique.
En effet, au-delà de l’évolution globale des vélos, il faut noter que ce qui est aujourd’hui le team Scott-Sram est un des plus stables au niveau de ses sponsors. Et Nino un des plus fidèles, puisqu’il aura roulé sur des vélos Scott… et des transmissions Sram toute sa carrière. Au fil des vélos présentés ci-dessous, vous aurez donc aussi un bel aperçu de l’évolution des châssis et des transmissions au fil des saisons.
Mise en bouche avec deux machines de Frischi
Avant de nous lancer dans les vélos de Nino Schurter, Yanick tient à nous montrer deux des rares vélos que Frischi a conservés de sa riche carrière. Rappelons qu’il est toujours 3e au classement du plus grand nombre de victoires en coupe du monde XC hommes derrière Nino Schurter et Julien Absalon (33) avec pas moins de 17 succès ! Pourtant, ce n’est pas un vélo victorieux en coupe du monde qu’il nous sort de son chapeau, mais le Ritchey Plexus roulé par son « boss » aux Jeux Olympiques de Sydney en 2000, où il a décroché la 6e place.
Au-delà du cadre et de ses tubes très fins en acier, les freins à patins, la géométrie anti-sloping et les pneus très étroits montrent bien que cette machine a plus de 20 ans. Par contre, on trouvait déjà une RockShox SID à l’avant, la fameuse SidNey avec le premier système de blocage (produite en édition limitée à seulement 500 exemplaires), et une transmission Ritchey/Sram 9.0SL à 9 vitesses mais qui était déjà en double plateau alors que tout le monde ou presque roulait encore en triple à cette période.
« Au-delà de sa valeur sportive, pour moi, c’est un vélo important parce qu’il me rappelle mes premiers souvenirs de VTT et la naissance de ma passion. Je suis né en 1990 et j’ai commencé vers 12 ou 13 ans à bosser dans des magasins de vélos. Mon papa aime beaucoup le VTT et il m’a transmis le virus. Un de ses amis tenait un magasin de vélos et j’y allais tous les mercredi après-midi pour me faire un peu d’argent de poche en sortant les vélos des cartons, » se souvient Yanick.
Sur le plan historique, ce semi-rigide en acier nous ramène aussi aux racines les plus profondes de l’équipe, qui trouve sa source dans le team Ritchey avec lequel Frischi a récolté ses plus beaux succès. Au début des années 2000, peu après les JO de Sydney, seuls les composants Ritchey vont rester et les cadres en acier du grand maître Tom Ritchey vont être remplacés par des Scott en alu et carbone plus modernes. C’est aussi à ce moment-là qu’un certain Nino Schurter a commencé à percer dans la catégorie Juniors, dont il a été vice-champion du monde en 2003 et champion du monde en 2004.
On fait ensuite un petit saut dans le temps pour voguer jusque 2009 avec un Scott Scale très spécial, comme le détaille Yanick : « 2009, c’est à la fois l’année du premier titre de champion du monde Elite de Nino et aussi celle de la dernière coupe du monde de Frischi. Le Scale de Nino est au musée Scott à Givisiez, et ici c’est celui de Thomas. Pour moi c’est la transition que ces vélos représentent qui est importante. Et, à mon niveau, ce sont aussi les années où j’ai commencé à travailler plus régulièrement pour le team. Cela s’est fait progressivement, j’ai d’abord eu l’opportunité de faire un remplacement d’un mécano malade grâce à un ami qui m’a mis en contact avec Frischi, puis le courant est bien passé et il m’a rappelé de plus en plus souvent. J’étais encore tout jeune et je n’avais pas encore terminé ma formation, mais il m’a mis le pied à l’étrier. »
Sur le plan technique, ce Scott Scale a été le premier cadre semi-rigide à passer nettement sous la barre de 1kg. On le voit ici dans une de ses évolutions avec la tige de selle intégrée au cadre ! Bref, tout le contraire des tiges de selle télescopiques qu’on voit sur les XC contemporains.
Le tubeless et les freins à disques (Avid Ultimate) avaient par contre bien fait leur apparition. DT Swiss a été partenaire du team pendant plusieurs années, ici avec la spectaculaire XRC tout en carbone. La transmission est toujours en 2×9 avec un exotique pédalier FRM CU2 couplé au premier dérailleur Sram XO qui a marqué son époque avec sa construction mêlant carbone et pièces alu usinées.
Passons maintenant aux vélos de Nino !
Scale 899 de 2010, la course au poids
Yanick a repris la gestion de l’atelier de l’équipe et il est devenu mécanicien attitré de Nino seulement en 2013 et la collection est moins fournie avant cette date. « J’étais déjà très impliqué dans l’équipe et très proche de Nino, mais je n’étais pas encore aux responsabilités. Hélas cette reprise s’est faite dans des circonstances tragiques, puisque c’est suite à la mort d’Erwin Wildhaber dans un accident de montagne fin 2012 que je me suis retrouvé en charge des aspects techniques. Outre le choc de la mort d’Erwin, il a fallu reprendre toute la partie professionnelle/logistique au pied levé à quelques semaines à peine du premier stage puis du Cape Epic. C’était un défi difficile pour commencer. »
Mais revenons en 2010 et à des souvenirs plus agréables, avec ce Scale qui résume bien son époque. Le châssis n’est pas fort différent de celui montré plus haut, si on excepte la disparition de la tige de selle intégrée (ne présentant pas beaucoup d’avantages techniques mais compliquant sérieusement tout ajustement de la hauteur) et l’arrivée de fibres de carbone et de méthodes de construction plus évoluées qui permettaient de baisser le poids du cadre sous les 900g ! Sur ce vélo, il n’y a pas de peinture pour gratter les derniers grammes.
« C’est aussi la folle époque des boyaux », s’exclame Yanick en essayant des regonfler ces modèles Dugast très exclusifs… et qui ont très mal vieilli car ils sont aujourd’hui tout craquelés et ne tiennent plus l’air. « C’est normal, c’était vraiment des composants hyper pointus, produits à l’unité par le boss de cette petite entreprise, Richard Nieuwenhuis, qui a aussi travaillé un peu pour le team. Là, on a un proto car Nino et les autres pilotes voulaient un pneu plus rapide avec des crampons plus bas. Richard a littéralement pris la bande centrale d’un modèle et les flancs d’un autre avec une autre gomme et il les a assemblés. C’était presque des gommes à usage unique ! Et en tant que mécano, je me souviens bien de l’enfer logistique que cela représentait. Hors de question de faire un changement pendant un week-end de course, il fallait coller tous les boyaux sur des roues à l’atelier la semaine avant et avoir autant de jeux de roues que de dessins de pneus. A l’époque c’était une solution plus performante car les pneus tubeless n’étaient pas encore aussi évolués et tout à fait au point, mais je suis content que ce temps soit révolu ! »
Une très grande évolution doit aussi être soulignée au niveau de la transmission avec l’arrivée du Sram XX 2×10, premier groupe tout à fait complet de la marque américaine, proposé entièrement sous son nom propre (sans référence à Avid, Truvativ, etc). On l’a vu, les athlètes et le team Ritchey/Scott utilisaient déjà du double avant cela, mais en mode bricolage. Là, Sram arrivait avec une solution dédiée, hyper aboutie, qui a marqué les esprits par sa qualité de fonctionnement. C’est aussi là que le mouvement a commencé pour l’augmentation de la taille et du nombre de pignons de la cassette, combinés à la réduction du nombre de plateaux.
Spark « Rio » de 2016, aligner les astres
Après avoir conquis le bronze aux Jeux Olympiques de Pekin en tant que « jeune pilote », Nino Schurter arrivait clairement à Londres en 2012 pour gagner, avec un statut de favori. Mais dans le dernier virage, il s’est fait sauter par Jaroslav Kulhavy ! C’est donc avec un goût de revanche et une préparation d’une minutie jamais atteinte que Nino s’est présenté sur la ligne à Rio en 2016, au guidon d’un Scott Spark complètement repensé et qui a marqué une réelle rupture technologique.
Yanick donne plus de précisions : « Avant ce vélo, Nino roulait déjà régulièrement en tout suspendu, mais encore très souvent en semi-rigide aussi. Puis, alors que tous ses rivaux passaient de plus en plus au 29 pouces, à commencer par Julien Absalon, Nino (qui n’est pas très grand), ne parvenait pas à trouver une position optimale sur le premier Spark 29. Il roulait donc toujours en 650b/27,5″. Et en boyaux. Mais dans la perspective de Rio, Scott a remis tout à plat, et nous aussi ! »
Pour le vélo, l’enjeu était de faire de ce nouveau Spark un vrai 29″, en 100mm de débattement et à la géométrie radicalement novatrice, pensée à 100% pour les grandes roues (même si une déclinaison 27,5″ a été proposée un temps, mais sans grand succès), et avec un placement de l’amortisseur modifié par rapport à la précédente génération pour abaisser le centre de gravité.
On n’y pense pas assez souvent, mais ni la géométrie de ce nouveau Spark, ni sa suspension, n’auraient pu exister si le dérailleur avant avait toujours été dans le chemin. Il y a d’abord eu le Sram XX1 en 11 vitesses, puis l’arrivée du XX1 Eagle en 12 vitesses en prévision des Jeux.
« L’arrivée de ce vélo nous a amenés à tout repenser au niveau des trains roulants. Avec le 29, on n’avait plus besoin de boyaux pour avoir du grip, on pouvait revenir sur des pneus tubeless classiques. Pour savoir quel modèle choisir, nous avons fait des tests et des mesures de résistance au roulement hyper précises en conditions off-road, en collaboration avec une université suisse. C’était très complexe car nous avions sélectionné 9 profils dans différentes marques. Et c’est clairement le Maxxis Aspen qui s’est détaché. C’est d’ailleurs toujours le pneu favori de Nino et c’est même devenu un des pneus les plus courants dans le paddock. Pourtant, il était déjà dispo avant 2016, mais personne ne l’utilisait. »
« Sur le plan sportif, c’est sans aucun doute un de mes plus beaux souvenirs, si pas le plus beau. On avait mis tellement d’énergie, tous, pour aider Nino à réussir à aller décrocher l’or… j’ai encore des frissons quand je vois ce vélo et aussi cette photo (qu’il nous montre sur un grand tableau magnétique avec des souvenirs du monde entier) où Nino est dans le dernier tour de la course olympique et vient me taper dans la main dans la zone de ravitaillement. C’était un sentiment d’accomplissement et de satisfaction incroyable. »
Spark « Perfect Season », 2017
Juste après avoir décroché la médaille d’or olympique qui manquait encore à son palmarès, Nino Schurter a enchaîné en 2017 avec un exploit que personne n’avait jamais réalisé avant lui : remporter toutes les manches de la coupe du monde d’une même saison. Cerise sur le gâteau, il a aussi ajouté un maillot de champion du monde supplémentaire à sa collection !
Par rapport au Spark roulé aux JO de Rio, le cadre est identique avec simplement ici une peinture spéciale faisant référence à l’or olympique et à ses principales autres victoires. Par contre, il y a du nouveau du côté des suspensions avec l’arrivée de RockShox à la place de DT Swiss ; le team s’appelant désormais Scott-Sram, ce qui est toujours le cas aujourd’hui.
Spark « 60th Anniversary », 2018
Ce Spark très spécial roulé par Nino à Val Di Sole en 2018 a été fait spécialement pour commémorer les 60 ans de Scott, en reprenant les couleurs du Scott Pro Racing de 1990, un des premiers VTT de la marque. Même si Nino avait déjà eu des peintures spéciales auparavant, c’est ce vélo qui a marqué le départ des peintures custom et séries limitées comme véritables projets récurrents sur une série de course chaque saison.
Puis, il y a un détail qui vous a peut-être échappé, mais qui est loin d’être anodin : 2018 marque l’arrivée de la version AXS électronique du groupe Sram XX1 Eagle ! Exit les câbles, place au sans fil, ce qui est plus que jamais la direction que Sram continue à suivre actuellement.
Spark « Lenzerheide », 2018
Ce vélo au design très particulier, Yanick ne l’a pas choisi pour des raisons techniques car il est quasi identique sur le fond au modèle 60e anniversaire que vous avez vu juste avant. Non, c’est pour des raisons purement sportives : « Quand je touche ce vélo, j’ai encore l’impression de sentir la terre trembler sous mes pieds. »
Eh oui, cette année-là, les championnats du monde avaient lieu à Lenzerheide, en Suisse, sur un tracé qui réussit décidément fort bien à Nino Schurter. Devant son public, au guidon de ce vélo aux couleurs profondément helvétiques, le héros local a créé l’événement devant un des publics les plus nombreux qu’on ait jamais vu sur une course VTT. « Quand il a passé la ligne, c’était incroyable, tout le monde criait, applaudissait, tapait des pieds,… je suis certain que des sismographes ont dû enregistrer les secousses ! »
Mont-Ste-Anne 2019
Sans en avoir l’air, ce Spark roulé en 2019 lors des championnats du monde au Mont-Ste-Anne, présente quelques évolutions significatives et marque le début de solutions techniques qui se sont aujourd’hui largement imposées dans le paddock.
Premier point, les pneus : c’est au cours de la saison 2019 et sur le très technique parcours canadien que Nino a commencé à utiliser des jantes en 30mm de large (contre 25 auparavant) et des pneus en 2.4 avec carcasse Wide Trail adaptée (contre 2.25″ avant). « Une fois encore, nous avons été pionniers car nous avons fait des essais, tenté de nouvelles choses. Sur les parcours de coupe du monde qui sont globalement déjà très techniques et cassants en tant que tel, quand les Elites roulent le dimanche, toutes les racines sont à nu et les roches saillantes. Pour garder une résistance au roulement la plus basse possible, on veut garder des crampons très minimalistes sur la bande de roulement. Travailler sur le volume du pneu est donc la meilleure option pour gagner en accroche et en efficacité sans pénaliser le rendement sur les portions plus roulantes. Au final, la pénalité de poids est très largement compensée. Aujourd’hui, on s’est vraiment rendu compte et on a démontré que le poids doit rester une préoccupation, mais secondaire. On est loin de la chasse au moindre gramme de l’époque du Scale de 2010 quitte, sans s’en rendre compte, à dégrader les performances globales du vélo. »
Enfin, ce vélo a aussi commencé à ouvrir la voie à l’augmentation du débattement sur les vélos de XC, puisqu’il est en 120mm derrière (l’amortisseur le permet en changeant juste la course du piston mais pas l’entraxe) et 110mm devant. Ce débattement hybride s’explique par le fait que cette génération du Spark devenait un peu trop « all mountain » et perdait en agressivité quand on lui montait une fourche de 120mm à l’avant. Nino et Yanick ont donc choisi une solution intermédiaire. On note aussi le superbe poste de pilotage intégré Syncros.
Tokyo 2020, faux départ et vrai virus
Ce Spark à peinture mauve, vous l’avez vu sur certaines coupes du monde. Mais en principe, il aurait dû courir les Jeux Olympiques en 2020, s’ils n’avaient pas été reportés à cause de la pandémie mondiale. Cela tombe bien pour Scott, qui n’était pas prêt avec la nouvelle plateforme en 2020 !
Par contre, ce vélo rappelle des souvenirs d’une période très compliquée à gérer pour tout le monde, et aussi pour les sportifs : « Tout est prêt, la forme est en pleine phase ascendante pour l’échéance olympique puis tout s’écroule. Bien sûr, il y a beaucoup plus grave dans cette pandémie que les objectifs manqués/reportés des sportifs. Mais il ne faut pas négliger les conséquences que cela a eu sur notre sport et sur le mental des athlètes. Nino s’est posé énormément de questions quand les courses ont repris, d’abord sans public ou presque. Il a pensé arrêter. Puis, il a retrouvé la flamme. »
Au niveau du montage, il avait juste la nouvelle finition Rainbow pour le groupe Sram XX1 Eagle, et surtout une nouvelle génération de SID avec plongeurs en 35mm.
Tokyo 2021, une 4e place électrochoc
Nino Schurter s’est donc présenté au départ de l’épreuve olympique reportée à 2021, dans des conditions pas vraiment optimales. Bien sûr, il était bien préparé, mais tout avait été tellement chamboulé qu’il fallait un peu de temps pour tout remettre dans le bon ordre. Puis, au-delà de la crise sanitaire, il y a aussi des petits jeunes qui poussent très fort et qui se voient bien en successeur de Nino. Sans oublier les génies multi-disciplines comme Tom Pidcock ou Mathieu van der Poel qui ont dynamité pas mal de courses VTT depuis leur arrivée.
Au final, Nino termine 4e, au pied du podium. « Forcément, il était déçu, mais il a fait une bonne course et il a senti que malgré ses doutes, il était encore dans le coup. C’est vraiment cette 4e place qui a terminé de lui redonner toute sa motivation pour continuer et aller chercher encore des victoires. Le résultat, on le connaît aujourd’hui. »
Côté matériel, Nino a pu compter sur un tout nouveau Spark, qui était bel et bien prêt pour les JO dans la mesure où ils se sont finalement tenus en 2021. On ne présente plus sa conception avec l’amortisseur intégré (qui n’est pas que « joli » : cela permet d’abaisser encore un peu plus le centre de gravité et de mettre deux porte-bidons. Il passe aussi d’office en 120mm de débattement, ce qui devient la norme en XC. Et Nino utilise désormais systématiquement la tige de selle télescopique, qu’il était un des seuls à ne pas encore avoir complètement adoptée. La livrée Supersonic est spécifique pour les JO.
Les Gets 2022, un 10e titre dans le stress
Ce vélo, vous l’avez certainement encore en mémoire, puisque c’est celui que Nino a roulé aux Gets l’été dernier, et avec lequel il est allé chercher son 10e titre de champion du monde (un record en XC, un de plus). Par contre, ce que vous ne savez pas, c’est le stress qu’il a causé à Yanick, à cause d’un ennui totalement improbable.
Il se souvient avec encore la voix un peu tendue : « Le matin de la course, normalement les vélos sont totalement prêts et je fais juste un petit contrôle des serrages et pressions. Jusque là tout fonctionnait à merveille, y compris la nouvelle transmission BlackBox qu’on venait de recevoir. Et là, j’ai eu ce qui est probablement mon plus gros stress en plus de 10 ans de carrière dans le team : le pédalier avait du jeu. Pas la vis, pas le roulement, mais tout le pédalier. En fait, j’ai compris après pourquoi : il faisait très chaud, le cadre noir s’est dilaté et le roulement press-fit n’était plus bien maintenu. Impossible de rouler comme cela ! Alors, sans rien dire à personne pour ne pas les stresser, et surtout pas Nino, j’ai résolu le problème en taillant des stries sur la cuvette du pédalier, puis je l’ai collé dans le boîtier avec la colle la plus forte que j’ai trouvée ! »
« Au début tout semblait bien aller, mais j’étais mort de trouille. J’avais peur que la réparation ne tienne pas. Quand Nino est tombé, je me suis dit que c’était mort, que le pédalier était peut-être carrément sorti du cadre, mais en fait il ne s’est rien passé. Et Nino a gagné. Il a encore une fois réussi à être dans un jour de grâce au bon moment ! »
Côté tech/geek, ce vélo a marqué la première utilisation du tout nouveau groupe Sram XX SL T-Type, qui était encore en version Black Box (réservée aux meilleurs pilotes des teams sponsorisés par Sram) et qui n’a évidemment plus de secret pour vous puisque vous avez lu et relu nos articles à ce sujet !
Lenzerheide 2023, clap 34e !
Et on termine en beauté avec le Spark « Gold/World Champ » roulé par Nino jusqu’à la victoire à Lenzerheide 2023, sa 34e en coupe du monde. Paradoxalement, la déco fait ne fait pas ici référence aux victoires en world cup, mais à la fois à l’or olympique et à ses 10 titres de champion du monde.
Outre le nouveau groupe Sram T-Type, le vélo utilisé par Nino pour aller décrocher sa 34e couronne pousse encore l’électronique un cran plus loin avec des suspensions pilotées Flight Attendant qui s’annoncent aussi pour le XC, après être sorties courant 2022 pour une pratique all-mountain. Le futur est déjà en marche !
Cette 34e victoire en coupe du monde est très émouvante. Cela me fait réaliser que toutes ces années sont passées très vite, et que j’ai une chance énorme d’avoir fait partie de cette page de l’histoire du sport avec Nino
« Cette 34e victoire en coupe du monde est très émouvante. C’est encore tout chaud dans nos mémoires, mais avec Frischi, on en a pleuré. C’était vraiment devenu un objectif, pour lui, pour nous. Cela me fait réaliser que toutes ces années sont passées très vite, et que j’ai une chance énorme d’avoir fait partie de cette page de l’histoire du sport, avec Nino, plus qu’un athlète, un ami. C’est beau aussi de se dire que c’est un record qui va d’office tenir très longtemps. »
Quand on lui demande s’il a déjà pensé à l’après, quand Nino prendra sa retraite, sa réponse fuse : « A un moment, pendant la crise sanitaire, j’ai pensé à ma reconversion, j’avais imaginé un projet d’outillage vélo avec trois amis. Mais aujourd’hui, je n’y pense plus du tout, je veux juste vivre l’instant présent et savourer chaque instant. Je sais que je ne me retrouverai pas sans rien donc je peux me donner le temps de penser à l’après. Rester dans le sport n’est pas exclu, ou avec Scott. »
En tout cas, Yanick peut aussi continuer à s’occuper des vélos de Nino et à garder précieusement ces témoignages majeurs de l’histoire du VTT !