Visite | KS : À Taiwan, de génération en génération

Par Paul Humbert -

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Visite | KS : À Taiwan, de génération en génération

Il y a une île très spéciale pour l’industrie du cycle : Taiwan. Au large de la Chine, Taïwan s’est construit une place centrale dans le business du vélo. Le territoire a vu son activité grandir très vite, jusqu’à devenir un leader industriel en Asie et dans le monde. Sur l’île, la famille Hsu, à la tête de KS, est l’illustration du passé, du présent et de l’avenir de l’île. Nous les avons suivis, du nord au sud, à l’occasion d’un trip découverte :

Après un passage dans les allées du Taïpei Show, le salon des professionnels de l’industrie du cycle, nous sautons dans un train à haute vitesse pour quitter le nord de l’île de Taïwan, direction l’extrême sud. 

À 300 km/h, on découvre les paysages de la face ouest de l’île. Ils dévoilent un visage industriel, les pieds dans l’eau des rizières qui restent exploitées parfois entre deux blocs d’usines. L’autre visage de l’île, à l’est, est beaucoup plus sauvage et montagneux. 

À Kenting, petite citée balnéaire du sud de cette île qui compte 23 milions d’habitants, on retrouve l’équipe de la marque KS. À vrai dire, ce n’est pas la première fois qu’ils nous accueillent chez eux. En 2023, Olivier avait déjà eu droit à un avant-goût à l’occasion d’un tour de VTT dans les montagnes, à hauteur de Taïchung. 

On croque dans un Jamalac, une sorte de poire très légère et sucrée qui pousse par-là, et on écoute nos guides : Taïwan a grandi vite, très vite. En quelques générations, les fermiers se sont instruits, se sont enrichis et on développé une industrie florissante. Aujourd’hui, les traditions se perdent, les peuples aborigènes de Taïwan disparaissent petit à petit, mais l’économie n’arrête pas d’avancer. 

Le vélo fait partie des secteurs économiques importants sur l’île mais, à part sur la route, la pratique est assez peu développée à Taïwan. Les reliefs très prononcés des zones naturelles de l’île (dont le point culminant dépasse les 3500 m) n’y sont pas étrangers. Mais les choses changent doucement et de petites communautés locales font bouger les lignes en matière de VTT. Ici, c’est un ancien terrain militaire qui accueille un nouveau circuit typé XCO. Après la saison des pluies, il a fallu passer beaucoup de temps à débroussailler entre 3 et 5 kilomètres de circuit sur lequel, on doit vous l’avouer, on s’est bien amusés. 

La marque a rassemblé un groupe de journalistes venus de différents horizons. Peu sont vététistes, et les virages serrés, les dévers et les pierriers sont loin d’être à la portée de tout le monde. Toutefois, chacun semble y trouver son compte.

KS a invité à cet évènement des partenaires taiwanais de l’industrie du cycle, et notamment Viviane que nous avions rencontrée par le passé chez Tektro/TRP. À l’instar de ce géant du frein et de la transmission, KS puise une grande partie de ses ressources des ventes de produits pour la monte directe sur les vélos (OEM) plus qu’en vente aux particuliers. 

« Build it and they will come » : le slogan est connu, quand des infrastructures vélo sont développées, elles attirent du monde. L’adage n’est pas démenti ici et du « tourisme VTT »  commence à se développer ici, non loin des autres activités sportives du bord de mer. 

Sur les trails et à nos côtés, l’équipe française de Race-Company, en tournée à Taïwan, travaille sa relation avec son fournisseur de tige télescopique. On le découvrira plus tard, et c’est l’objet d’un autre article, mais la relation entre KS et Race Company va bien au-delà d’une simple relation commerciale. 

Pour KS, l’histoire de la famille Hsu est un peu à l’image de celle de l’île. À la tête de la société, il y a Martin Hsu, mais avant lui, c’est son père qui a lancé une petite usine de conception de boitiers de pédaliers et de jeux de direction. Après quelques années, pour tirer son épingle du jeu, la famille Hsu a cherché des produits plus complexes pour se démarquer. 

C’est là où Martin Hsu entre en jeu et développe les amortisseurs et les tiges de selle. En lien avec toute l’industrie du cycle taïwanaise en plein essor, Kind Shock devient KS et grandit considérablement. 

On voyage à travers le temps puisque la veille de la visite de l’usine et des bureaux de KS, nous réalisons que nous dinons dans la toute première usine familiale, là où Martin est né et a grandi. Peut-être même que la délégation française présente sur place y aura donné sa meilleure interprétation des « Lacs du Connemara ». 

Au coeur d’un nouveau parc d’activité, nous pénétrons dans le bâtiment flambant neuf de KS. On saute encore une génération supplémentaire et, cette fois, c’est Michael qui nous guide. Le fils de Martin est en charge du marketing pour KS, mais son chemin semble tout tracé.

Sur ce site, les équipes de production, développement et de pilotage de l’entreprise sont à l’oeuvre. Ils sont 80 personnes dans ce bâtiment et KS emploie 70 autres personnes en Chine. En quelques années, Taïwan a vu son niveau de vie augmenter et ses entreprises se spécialiser. Les manufacturiers de l’île ont rapidement délocalisé certaines parties de leur production, notamment en Chine ou au Vietnam. 

Tout est très moderne dans le bâtiment. On longe les bureaux commerciaux, le réfectoire, la salle de sport et la pumptrack KS pour se rendre dans les bureaux de développement. Si l’activité principale de la marque est la conception et production de tige de selle télescopique, KS produit également des suspensions, dont une fourche gravel que nous avons beaucoup appréciée lorsque nous l’avons testée. 

Du haut de gamme sous le même nom (comme on a pu le voir lors du Taïpei Show, sans les tester), mais également sous d’autres étiquettes et à destinations des montes OEM (la monte directe sur les vélos de grande production). 

Dans ces bureaux, on voit les imprimantes 3D et l’atelier qui permettent le prototypage. Dans les couloirs, entre des prototypes de fourche et de suspension, on retrouve des petits objets historiques ou spirituels, qui se mélangent et décorent les bureaux. 

On s’attarde ensuite plus longuement sur le site de production et d’assemblage des tiges de selle. Ici, c’est principalement le haut de gamme qui est assemblé. 

Le coeur de la tige de selle, c’est évidement sa cartouche. Sur cette dernière, un montage totalement étanche et sans impuretés est impératif. C’est la raison pour laquelle, les opérateurs passent par un sas de pressurisation avant d’entrer là où l’air et l’huile ne doivent pas se mélanger. 

S’ensuivent une multitude de postes d’assemblage et de contrôle : contrôle de la pression dans les systèmes hydrauliques, contrôle du jeu, contrôle de la torsion… Pour mettre le matériel à l’épreuve avant la commercialisation, les cartouches sont pressurisées et comprimées pendant 7 jours pour tester leur fiabilité. 

Les tests et le contrôle qualité se prolongent dans les départements dédiés : on contrôle la fatigue, le fonctionnement à haute et basse température…

Parmi toutes les tiges de selle, une se démarque : la KS Lev Circuit. C’est la tige de selle électronique de la marque. 

Au-delà d’être le produit le plus haut de gamme de la marque, c’est une pièce qui nécessite un assemblage et des tests supplémentaires pour s’assurer du bon fonctionnement du système électronique. L’étape de packaging, plus soignée et plus haut de gamme, se fait également à part. 

La marque investit beaucoup sur ce produit qu’on a pu tester en 2023. À haut niveau, on la retrouve sur le vélo de Kilian Bron et de Morgane Jonnier. La marque investit également du côté du gravel et vient d’ailleurs d’annoncer Sofiane Sehili comme nouvel ambassadeur gravel/longue distance.

Après un passage dans l’entrepôt logistique et d’expédition, on retrouve le rez-de-chaussée et on réalise que l’ancrage local d’une marque est importante pour perdurer, surtout dans une petite île à l’économie florissante. 

Juste à côté de l’usine KS, à 5 minutes de pédalage de la zone d’activité qui les accueille au nord de Tainan, on s’essaye au parcours ludique/XC financé par la marque et aménagé le long d’un canal. Ça n’est pas du grand vélo, mais la communauté se construit petit à petit avec des clubs et de jeunes vététistes enthousiastes qui se rendent régulièrement sur le spot. À Taïwan, le vélo de route est bien installé, mais le VTT est poussé par l’industrie et attend de trouver son public de masse. 

De retour dans la « salle des trophées » au rez-de-chaussée du bâtiment, on se penche sur la carte des distributeurs de KS. L’ancrage global et la recherche de partenaires partout dans le monde est un enjeu majeur pour KS. Ce sont ses distributeurs qui permettent de parler, avec leurs mots, des produits et d’assurer le SAV quand c’est nécessaire. C’est également le meilleur moyen de bénéficier de nombreux retours terrain pour améliorer un produit conçu à Taïwan, mais vendu dans le monde entier. 

Du père de Martin Hsu, à son fils puis son petit fils, Michael, KS continue de grandir et d’avancer sur l’île aux vélos. Pour Race Company, le distributeur français, le voyage se termine avec des liens commerciaux et humains resserrés. Pour nous, c’est un pan supplémentaire de l’industrie du cycle que l’on découvre plus en profondeur et comment les liens humains tissés par les acteurs de nos métiers permettent de changer petit à petit l’histoire industrielle et technique de notre sport. 

Plus d’infos sur le site de la marque : https://kssuspension.com/fr/ 

ParPaul Humbert