Visite | Dans les coulisses du jeu vidéo Ubisoft Riders Republic
Par Paul Humbert -

Pourquoi intégrer du vélo ? Comment maîtriser ses codes et rester divertissant ? Voici une partie des questions que se sont posé les développeurs de Riders Republic. Développé par le géant français Ubisoft, le jeu repose sur une belle connaissance du sport et des athlètes. Plongée dans les coulisses d’un jeu unique qui fait une belle place au VTT et au vélo :
Le jeu recrée les grands espaces des parcs nationaux américains et modélises certains des lieux iconiques du VTT freeride, et tout particulièrement de la Red Bull Rampage. Dès sa sortie en 2021, Riders Republic nous a interpellés par son esthétique et ses codes très fidèles à ceux du VTT freeride, en allant jusqu’à reprendre les vélos clés du marché à ce moment-là.
Depuis 2 ans, le jeu continue de se développer et compte des dizaines de milliers d’utilisateurs quotidiens.
Ubisoft – la rencontre
On a eu connaissance de ce jeu vidéo lors de son lancement sur les plateformes généralistes, mais nous n’avions pas eu de contact avec Ubisoft à ce stade. Peu familiers du monde du jeu vidéo, on avait laissé filer notre idée de sujet, pensant qu’une fois un jeu sorti, sa « vie » s’arrêtait.
C’était mal connaître le studio Ubisoft, et c’est complètement par hasard qu’on rencontre Lucas, animateur 3D, qui nous annonce travailler à l’ajout de modes de jeu pour Riders Republic. Il travaille au sein du studio d’Annecy, à quelques minutes de la rédaction !
Il n’en fallait pas plus pour raviver notre intérêt : qui a su capter l’intérêt du public VTT dans ce monde qui peut paraître si éloigné ? Qui a su l’intégrer si fidèlement et comment ont-ils pu nouer de tels partenariats avec de grandes marques du sport ? Quelques jours plus tard, on s’installe avec Baptiste Muller (VFX director) et Orlane Guignard (product manager) pour tout découvrir.
L’origine du jeu Riders Republic se puise dans une première production baptisée Steep, un jeu de snowboard et de ski qui se déroulait dans les alpes. « On a voulu étendre et ajouter un sport à la liste des sports extrêmes, et on est tombés sur le mountain bike. Avec le côté outdoor, le mix haute montagne et grands espaces, ça s’y prêtait pas mal. Il y avait tous les ingrédients : le côté adrénaline, la compétitivité, mais aussi une sorte de mouvement, une cohérence dans la pratique, une évolution… »
Voilà pour l’idée de départ. Il a ensuite fallu embarquer toute une équipe. En plus du studio d’Annecy, on apprend que plusieurs studios ont été impliqués dans le développement du jeu. Quelques années après sa sortie, ils sont encore une trentaine, dédiés à Riders Republic pour l’animation et le développement du jeu. Le studio d’Annecy a également participé au développement de certains jeux de la franchise Assassin’s Creed, ou encore Star Wars Outlaw en 2024, en collaboration avec Ubisoft Massive.
Sans être exhaustif, le développement d’un jeu vidéo fait appel, pour la partie visuelle et émotionnelle, à des animateurs, des designers de véhicules, des créateurs de décors, des experts en végétation et des équipes UI/UX pour les menus du jeu. À cela il faut ajouter la conception et direction artistique, le sound design, la partie marketing…
L’art ne fonctionne que si la partie technique suit. Toute cette création doit être intégrée et rendue fonctionnelle. Il y a donc une collaboration permanente entre les artistes et les développeurs.
Au-delà des compétences professionnelles de chacun, il a fallu embarquer les équipes dans cet univers « outdoor ». On imagine que le studio d’Annecy, avec vue sur les montagnes et à quelques minutes de son lac, offre un cadre propice à cette immersion. Sorti en 2021, le jeu a vu son développement débuter en 2017.
Intégrer les codes du VTT
Au même titre que pour développer un jeu comme Assassin’s Creed, où Ubisoft fait appel à des historiens, pour le VTT, le studio s’est rapproché d’experts et a « potassé » son sujet. On a pu jeter un oeil au résultat de cette étude des pratiques, et on doit dire que Baptiste a tapé juste, en identifiant les mouvances clés de notre sport, et les grands codes de chaque discipline.
Pour aller s’imprégner du sujet, Baptiste a pris la direction de l’Utah pour vivre la Red Bull Rampage incognito : le développement d’un jeu vidéo est un secret bien gardé. Là-bas, il renoue avec un sport qu’il avait pratiqué quelques années auparavant, et il s’imprègne de tout de qui l’entoure. Les vélos, les tenues, les figures, le terrain, les attitudes des riders…
De retour à Annecy, les recherches continuent et la réalité croise la fiction quand le nom de « Josh Bender » apparaît, à mi-chemin entre des performances humaines et extra-terrestres, qui ont marqué son sport à l’époque.
Ubisoft fait également appel à des riders reconnus pour échanger sur les choix créatifs, avec Pierre-Edouard Ferry ou Thomas Genon. Et pour la conception du jeu, Thomas Lemoine et Nicholi Rogatkin participent à des séances de motion capture. Dans une salle louée pour l’occasion, Ubisoft a conçu un tremplin sur lequel les riders s’élancent pour une série de figures et de mouvements captés par des combinaisons couvertes de capteurs.
À cette séance d’enregistrement s’ajoutent des journées entières passées à enregistrer des « poses », des bruitages, des mouvements… Sur les pentes du Semnoz, la montagne derrière le studio, les équipes d’Ubisoft sont montées sur des vélos pour enregistrer les bruits qui nous accompagnent pendant nos sorties : les freinages, les réceptions de sauts, les dérapages, les pneus dans la neige…
L’équipe d’Ubisoft a pris son temps pour aller chercher les bons termes utilisés par les riders, les codes, l’argot et tout ce qui peut rendre le sport authentique. « Il y a un aspect très créatif dans le fait de maîtriser une discipline et d’en faire quelque chose d’élégant. L’équipe artistique était donc très motivée, car il y avait une vraie recherche esthétique et une belle expérience de jeu à proposer. »
Une fois tout ce travail fait, il a fallu créer des familles dans la catégorie vélo : le freeride, la descente, le gravel… Pour chaque vélo, il faut lui attribuer des règles : « Il fallait que ce soit cohérent avec la façon dont on contrôlait les autres sports dans le jeu. En termes de structure et de comportement, si tu as une façon d’accélérer et d’avancer, il faut qu’elle soit intuitive et uniforme pour le joueur, que ce soit en snowboard, en wingsuit ou en vélo. Parfois, on devait faire des choix un peu contre-intuitifs. On se disait : « OK, c’est un peu bizarre, ça va à l’encontre de la nature du sport », mais si le joueur est perdu, c’est encore pire. Il a fallu trouver un équilibre. »
Et les vélos dans tout ça ? Le jeu regorge de logos de marques présentes dans les différents sports. Red Bull est omniprésent pour la partie vélo, mais on retrouve également Vans, Picture… et des dizaines et des dizaines de marques de vélos. C’est sur la base d’un « simple » échange de visibilité que la collaboration s’est mise en place pour les marques et le jeu, chacun bénéficiant de l’aura de l’autre sur une plateforme innovante et originale.
Les équipes marketing de Riders Republic sont ainsi rentrées en contact avec des dizaines de marques de vélos pour récupérer les visuels 3D et les coloris des vélos. Le tout est ensuite passé aux mains des designers qui les intègrent sur les squelettes des vélos. Pour ne fâcher personne, les vélos sont équipés de composants « sans marque » afin d’offrir une certaine équité des machines.
On retrouve ainsi presque toute la gamme Commencal, Santa Cruz, Marin, Specialized… Certains modèles iconiques liés à des riders comme Loïc Bruni ou Fabio Wibmer sont au catalogue.
En quelques mois, les animateurs Ubisoft ont ainsi modélisé et animé plus de vélos qu’une bonne partie des ingénieurs de l’industrie du cycle !
Le cadre du jeu s’étale dans les parcs naturels d’Amérique du Nord. Riders Republic a beau être développé au coeur des alpes, il se destine à un public international. On le découvre en allant se plonger dans les vidéos Youtube des joueurs qui s’approprient les décors et les pratiques à travers la planète.
Fiction ou réalité ?
Faut-il rester les pieds sur terre ou se laisser aller à toute la créativité qu’offre un jeu vidéo ? « C’était un exercice difficile. Il fallait éviter de froisser les experts, mais en même temps, on ne pouvait pas tout caler à 100 % sur la réalité. Par exemple, certains riders attendent un son ultra-précis pour une roue libre ou un cadre particulier… On a dû faire des choix pour que ce soit à la fois authentique et accessible à tous. »
« Il faut qu’on standardise plein de choses, donc on ne peut pas tout affiner au détail près. Mais dès qu’on peut placer une anecdote ou un clin d’œil, on le fait, parce que c’est cool. Et les initiés, eux, captent ces références. »
Il faut aussi se laisser aller à de plus grandes amplitudes : et pourquoi ne pas sauter 150 mètres de haut sur un vélo de gravel ? Ubisoft ne perd pas de vue son audience : les « riders » et les spécialistes sont évidemment ciblés, mais tous les gamers doivent pouvoir s’emparer du jeu et en profiter, et ils sont souvent bien plus nombreux, et avec leurs propres codes.
Différentes esthétiques se mélangent ainsi avec des personnages loufoques et colorés qui s’élancent pour un triple backflip sur un Santa Cruz V10 au milieu de pentes enneigées. Et pourquoi pas ?
D’ailleurs, en passant d’un bureau à l’autre, et en découvrant comment les personnages sont animés (désolé, on ne pourra pas tout vous montrer), on réalise que c’est un travail titanesque. L’équipe d’Ubisoft nous avoue également que des élèves ont dépassé les maîtres, et qu’après plusieurs années, certains joueurs sont bien plus forts que les concepteurs à leur propre jeu.
Pour faire vivre le jeu, des « carrières » et des courses sont organisées et rassemblent les joueurs en ligne simultanément. En parallèle de ça, beaucoup d’utilisateurs profitent du « monde ouvert » pour jouer en dehors de tout cadre. Une promenade dans un monde imaginaire, ou un ride sur de nouveaux sentiers ?
Depuis sa sortie, le jeu continue de vivre avec des ajouts de « modes » : les mountain boards sont désormais disponibles, le skateboard également, et les mini-voiturettes sont en développement. Pour la partie vélo, les marques partenaires continuent régulièrement de partager leurs nouveaux coloris. Les formes des vélos restent figées, mais les couleurs peuvent êtres mises à jour.
Depuis le lancement du jeu, plusieurs milions de personnes se sont connectées, et tous les jours, des dizaines de milliers de personnes jouent à Riders Republic ! Développé en France, ce jeu offre au VTT une de ses plus belles audiences, sans prétention, à part cette de vous offrir un bon divertissement.
Plus d’infos sur le site du jeu (dispo sur PC, PS4, PS5 et Xbox) : https://www.ubisoft.com/fr-fr/game/riders-republic