Visite | Baouw : »On pense performance mais aussi santé »
Par Léo Kervran -
Baouw, [‘bau] : mot-valise formé par la contraction de « boum » et « waouw », devant désigner la sensation ressentie lors de la consommation d’une barre ou d’une purée de la marque éponyme. Avec son image joyeuse, sa petite mascotte et ses jolis emballages, Baouw attire et intrigue. Après avoir conquis peu à peu les sports de montagne version été puis hiver, la jeune marque s’attaque maintenant au VTT. Nous avons pu nous glisser dans ses cuisines pour comprendre la recette de son succès, suivez-nous :
« A l’époque où Xavier [Thévenard] préparait l’UTMB, on vidait les compotes des partenaires nutrition de l’équipe pour remplacer le contenu par ce qu’on avait cuisiné, injecté à la seringue ! Tu vois, avant même que Baouw existe on n’était pas satisfait des produits des grandes marques. C’était souvent de mauvaise qualité voire néfaste pour la santé, tu trouvais parfois de l’huile de palme hydrogénée dedans ! En fait, je réfléchissais déjà à une recette de barre quand Gilles a pris un rendez-vous au cabinet pour venir me parler de son idée. » Cette anecdote, c’est Benoît Naves (à droite ci-dessus) qui nous la raconte. Ostéopathe et nutritionniste reconnu, passé par l’équipe Volvo Cannondale il y a 20 ans et travaillant étroitement avec Xavier Thévenard (triple vainqueur de l’UTMB) depuis de nombreuses années, il est aussi l’un des co-fondateurs de Baouw.
A ce moment, nous sommes dans une arrière-salle du restaurant deux étoiles La Table du chef Yoann Conte, dont nous venons de quitter la cuisine. Un décor qu’on apprécie à sa juste valeur mais qui peut surprendre compte tenu du fait qu’on parle d’une marque de nutrition sportive. Pourtant, lorsqu’il n’est pas derrière les fourneaux d’une des plus belles tables de France, c’est bien pour Baouw que Yoann Conte cuisine, à la recherche de nouvelles recettes de barres ou de purées.
Avec tout cela, on comprend bien vite que Baouw n’a pas vraiment la même conception de la nutrition sportive que la plupart des géants du secteurs. Solidement établie dans le milieu du trail et connue aussi bien pour sa présence régulière sur les grands évènements du milieu que pour ses produits aux saveurs parfois insolites (plutôt barre betterave-amande-piment d’espelette ou purée banane-kiwi-vanille ?), la marque s’aventure maintenant dans le vélo en sponsorisant des athlètes comme Loana Lecomte.
Tous les ingrédients étaient réunis pour éveiller notre intérêt et nous donner envie de mieux les connaître. Plutôt qu’un test toujours difficile à mettre en place quand on parle de nutrition, c’est donc en se glissant dans les coulisses que nous avons décidé de le faire (mais rassurez-vous, on a quand même pu goûter leurs spécialités).
On rembobine et on remonte jusqu’en 2016. L’histoire de Baouw commence il y a 6 ans lorsque Gilles Galoux (ci-dessus), alors directeur marketing dans le monde de l’agro-alimentaire, rencontre Rémi Forsans, fondateur du réseau OSV (Outdoor Sports Valley) basé à Annecy et qui rassemble les entreprises du monde de l’outdoor.
Tout part d’un constat : la nutrition sportive n’est pas adaptée au monde de l’outdoor.
Les deux hommes partagent la même vision de la nutrition sportive : ils trouvent que les produits disponibles sur le marché européen sont trop orientés performance et ne parlent pas au monde de l’outdoor. Des problématiques comme le goût, l’impact sur l’environnement ou la qualité nutritionnelle passent ainsi trop souvent à la trappe. Baouw n’existe pas encore, mais la volonté et l’objectif de proposer quelque chose de réellement adapté aux attentes et besoins des pratiquants outdoor est déjà là, avec comme inspiration des marques à l’image forte telle que Clif.
C’est motivé par cet esprit que Galloux et Forsans (qui se retirera peu après la création officielle) décident de rencontrer dès le début de l’histoire Benoît Naves et Yoann Conte, eux aussi installés autour de la cité haut-savoyarde. Séduits par le projet, le nutritionniste et le chef rejoignent l’aventure. Le temps de finaliser les derniers éléments et Baouw naît l’année suivante, en 2017.
Comme nous l’explique Benoît Naves, la philosophie de Baouw repose sur une base simple : « On devrait manger les aliments qu’on a toujours trouvés dans la nature. Dès qu’il y a transformation, il y a un impact négatif sur l’organisme. L’idéal ce serait de se nourrir avec ce qu’on a dans le jardin, toute l’année, et ça s’équilibre avec les saisons. On fait donc un produit naturel, non transformé, qui se conserve, avec la plus haute densité de micro-nutriments possible. »
La conception de chaque barre répond ainsi à « uncahier des charges nutritionnel qui doit être le plus abouti possible » et la marque prête une attention toute particulière à l’index glycémique de ses produits : « On veut amener de l’énergie avec un index glycémique très maîtrisé car l’index glycémique, c’est le fléau des temps modernes. Le meilleur exemple qu’on puisse donner, c’est que les diabétiques peuvent consommer les barres Baouw en toute tranquillité. »
« On pense performance mais aussi santé, ce serait dommage de se dégrader la santé en faisant du sport » indique Gilles Galoux. Benoît Naves rebondit : « Aux USA, ils ont maintenant une épidémie de cirrhose hépatique non alcoolique à cause des gels trop sucrés. »
Intarissables sur le sujet, les deux hommes poursuivent : « On se passe de céréales car c’est acidifiant ainsi que de lait pour faciliter la digestion, et ça nous permet en plus de proposer des produits vegan. On n’ajoute pas non plus de vitamines, ce n’est pas nécessaire avec la qualité des ingrédients. »
« De toute façon, avec chaque élément ajouté il y a le problème de l’assimilation : reconstruire chimiquement ce qu’il y a dans un aliment, c’est possible mais dès l’instant où ça sort de la « matrice » c’est moins bien utilisé par l’organisme, beaucoup moins bien absorbé. Forcément ça ne se voit pas, ou moins, sur la fiche technique mais ça ne veut pas dire que les nutriments de sont pas là, loin de là. »
Intarissables et jamais à court d’idées. On évoquait en début d’article les combinaisons parfois surprenantes de parfums des produits Baouw et il faut dire que la maison s’en est fait une spécialité au fil du temps. Régulièrement, la petite équipe se réunit ainsi dans la cuisine du restaurant de Yoann Conte pour réfléchir à de nouveaux produits… et même les essayer sur place, en ce qui concerne les purées. « Les préconisations de Yoann viennent régulièrement améliorer encore les produits » glisse Benoît. « C’est l’apport créatif, le mélange des plantes, des épices, des saveurs. Il réfléchit comme pour son restaurant pour nous faire « de vrais petits plats en barre », même si ce n’est pas toujours facile de le cadrer » complète Gilles.
Fanny Hottegindre, la chef produit, nous confie qu’il peut parfois s’écouler jusqu’à un an et demi et plus de dix recettes entre le premier essai et la mise en production. Ce fut par exemple le cas pour la barre protéine de courge – abricot. D’ailleurs, barre ou purée, quelle est la différence ?
« A l’exception de la protéine de courge – abricot, basée sur une réflexion différente et plus riche en protéine, toutes nos barres se valent. Les purées contiennent moins de lipides et sont plus glucidiques que les barres, elles s’approchent un peu de plus de gels classiques dans l’idée » indique Gilles Galoux.
Cette exigence de qualité dans la recherche des ingrédients est la source d’une autre fierté et particularité de Baouw, que nous explique Benoît Naves : « On affiche une date de durabilité minimale à 15 mois pour les barres sans aucun sucres ou conservateurs et dans les faits, elles peuvent durer bien plus longtemps. Récemment j’en retrouvé dans mon placard qui avaient 4 ans et elles étaient encore parfaitement consommables, le goût évolue dans le temps mais c’est naturel. C’est la même chose pour nos purées, elles ne sont pas stérilisées et c’est quelque chose qu’on peut se permettre grâce à la qualité des matières premières. »
Au-delà de la qualité gustative et nutritionnelle de ses produits, Baouw met également un point d’honneur à choisir avec soin ses fournisseurs. « Le circuit court n’est pas toujours possible, pour les noix de cajou par exemple mais dans ce cas, on choisit avec soin notre producteur. Pour la barre protéine par exemple, on aurait pu prendre de la protéine de riz chinoise mais on a opté pour de la protéine de courge produite en Autriche. C’est plus cher mais on contrôle bien mieux », détaille Benoît Naves. Fanny Hottegindre abonde : « La production en Chine est totalement exclue, quel que soit l’ingrédient ou le produit. »
Ce qui vaut pour les ingrédients vaut également pour la réalisation du produit final. Ici, la marque travaille avec deux usines, une pour les barres et une autre pour les purées. La première est située dans les Alpes de Haute Provence, entre Gap et Manosque, tandis que la seconde se trouve en Catalogne. « Pour les purées, on aurait aimé trouver une solution en France mais tous les fabricants qu’on a rencontrés travaillent habituellement pour l’industrie et ne savent pas mélanger plus de trois ingrédients dans une purée, alors que nos recettes en comptent entre cinq et dix » justifie Gilles Galoux.
Précision intéressante, les barres et purées Baouw sont formées à cru, il n’y a aucune étape de cuisson et même la température dans les cuves de malaxage reste faible : entre 25°C et 30°C. Résultat, « il peut y avoir des différences de goûts sur un même produit mais c’est la nature, on fait avec les récoltes qu’on a et on ne cherche pas à s’y adapter ou à standardiser nos produits » expose Fanny.
Un beau programme mais pour se différencier sur le marché saturé de la nutrition, ce n’est pas toujours suffisant. Heureusement pour elle, la toute jeune marque va recevoir un sérieux coup d’accélérateur dès sa deuxième année d’existence avec la troisième victoire de Xavier Thévenard sur l’UTMB. Convaincu par Benoît Naves, le traileur jurassien ne se sera alimenté avec rien d’autres que des barres Baouw, des purées Baouw et de l’eau durant toute la course. Cela fera vite le tour du petit monde de l’ultra-trail, où la nutrition joue un rôle prépondérant compte tenu de la difficulté de l’effort pour l’organisme (durée, chocs incessants…), et contribuera à asseoir la légitimité de la marque.
Une production (relativement) locale, des ingrédients de qualité… Forcément, cela a un impact sur les prix. Il faut l’admettre, ceux des produits Baouw sont relativement élevés mais la marque ne s’en cache pas et préfère sans l’ombre d’un doute prioriser la qualité : « Le prix, ce n’est pas du tout une priorité au début et ça pose parfois quelques soucis sur la fin du développement » reconnaît Gilles Galoux, qui prend l’exemple de l’huile d’olive utilisée dans les barres.
« C’est exactement la même que celle que Yoann utilise pour son restaurant étoilé, elle coûte 40 € par litre. On a fait des essais avec autre chose, on a commencé avec de l’huile de coco, puis de l’huile de tournesol avant de tester celle-ci et on a été super convaincus. Oui c’est cher, mais l’avantage nutritionnel est indiscutable, et elle permet en plus de baisser la charge glycémique. »
Cette huile d’olive pourrait d’ailleurs mériter un article à elle seule, tant il y aurait d’histoires à raconter à son sujet. Produite par un Français en Grèce, dans le sud du Péloponnèse, elle est extraite d’une variété primaire d’olives (utilisées pour faire les toutes premières huiles d’olives) récoltées manuellement et traitées avec le plus grand soin, dans un esprit plus proche du jus de fruit de qualité que de l’huile classique.
La moyenne d’âge des arbres avoisine les 1 800 ans et ces derniers ne sont jamais arrosés (seul un paillage permet de les protéger un peu), même en plein été lorsque la température dépasse les 40°C. Au final, le rendement est nettement plus faible qu’avec des huiles « industrielles » mais c’est cet ensemble de techniques qui permet à l’huile de développer ces fameuses qualités nutritionnelles, et notamment les antioxydants qui donnent ces si longues durées de vie aux produits.
Autre point de dépense, les idées parfois surprenantes (qui a dit farfelues) de Yoann Conte : « Pour la barre myrtille-noisette, c’est lui qui a eu l’idée d’y ajouter des bourgeons de sapin. On cherchait à faire une barre qui rappelait les saveurs de nos montagnes et on pensait y mettre du génépi mais on avait peur que ce soit mal compris par les gens qui ne sont pas familiers de la plante. C’est là qu’il est arrivé avec ses bourgeons de sapin, c’est génial et ça se marie parfaitement mais c’est l’ingrédient le plus cher de toute la gamme : 1 000 € le kg. C’est sûr que si on prenait du sirop de glucose à 5 € le kg à la place, ça nous coûterait moins cher… »
Et la suite ? A 5 ans, Baouw grandit vite : l’équipe comptait 16 personnes lors de notre visite et l’effectif est déjà passé à 17 aujourd’hui. La marque s’intéresse de plus en plus à la nutrition au sens large, avec l’objectif de « proposer au sportif tout ce qui peut rentrer dans le cadre son alimentation saine » comme l’exprime Gilles. Une manière détournée de dire que de nouveaux produits sont en préparation ?
Une chose est sûre, la marque tient à son positionnement outdoor et à ses recettes ultra saines. D’ailleurs, questionné sur le sujet Gilles Galoux admet que les valeurs de Baouw sont incompatibles avec le sponsoring d’un athlète par Redbull par exemple. Si un athlète de la « team Baouw » venait à recevoir un casque de la célèbre marque autrichienne, cela lui poserait un sérieux cas de conscience et l’option d’arrêter là le partenariat ne serait certainement pas exclue…
Plus d’informations : baouw-organic-nutrition.com
Photos hors Vojo : Benjamin Becker / Baouw