Visite | Alpin Components – Konik D2W, la roue libre française

Par Paul Humbert -

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Visite | Alpin Components – Konik D2W, la roue libre française

Les marques de vélo et d’équipement n’ont pas l’exclusivité de l’innovation. Il existe une troisième voie, celle des indépendants. Nous avons rencontré Bérenger et Arnaud, du bureau d’ingénierie Alpin Components qui dévoile un système de roue libre, baptisé Konik D2W, conçu et produit en France. Ils ont de grandes ambitions et nous ont ouvert les portes des usines qui produisent leur système :

Au coeur de la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie, on retrouve une concentration unique d’usines de décolletage et d’usinage de pièces à destination de l’industrie automobile. Depuis plusieurs années, beaucoup ont senti le vent tourner, et tentent des reconversions vers d’autres industries qui se voudront plus porteuses d’avenir. Le vélo et la mobilité sont au coeur des discussions. 

Ce n’est ainsi pas un hasard si notre premier rendez-vous est fixé chez BA Usinage, avant de prendre la direction de DGC Industries. Les deux entreprises sont partenaires d’Alpin Components pour la production de leurs pièces et sont les partenaires industriels des ingénieurs apporteurs d’idées. 

Le choix de ces industriels partenaires ne relève pas complètement du hasard. Avant de fonder Alpin Components en 2022, Bérenger et Arnaud ont vu leurs chemins se croiser chez Mavic. Si la marque au « sang jaune » semble bel et bien repartie du bon pied , elle vient de traverser des années particulièrement difficiles en passant de main en main et en enchaînant les plans sociaux. C’est donc là que se croisent nos deux protagonistes du jour. 

Les deux sont ingénieurs et travaillent en recherche et développement, sont passionnés de vélo, plutôt gravity pour l’un, plutôt endurance pour l’autre, et ce duo s’est dit qu’ils avaient des compétences à proposer aux marques. En se reposant sur leur expérience et sur un réseau industriel qu’ils maîtrisent, ils proposent des services de conception et d’industrialisation aux marques. Parmi leurs clients, on peut citer Wish One, les gravel français, ou Beringer, le spécialiste moto qui débarque dans le vélo. 

Ils vendent ainsi une prestation de bureau d’étude et d’industrialisation «externe » aux marques qui ne peuvent se permettre de grandir ou de tout internaliser. 

Mais pour que leur projet prenne vie, et pour se démarquer, il fallait un projet qui claque. Un projet carré, mais qui tourne rond. En spécialistes de la roue, ce n’est pas une surprise de les voir proposer un système de roue libre à vocation presque universelle. 

Konik D2W

Leur système s’appellera Konik D2W. Concrètement, Alpin Components a développé un système de rochets coniques et dentés divisé en deux pièces venant s’imbriquer, poussés par deux rondelles ondulées (jouant le rôle d’un ressort), et mis en action sans être connectés à l’axe car ils sont flottants.

Alpin Components communique sur 60 points d’engagement pour son système Konik D2W. Plutôt que la course aux chiffres, c’est la recherche de fiabilité qui est mise en avant. Des versions avec un peu moins ou un peu plus de points d’engagement sont également à l’étude. 

Le système breveté se veut à la fois surdimensionné et compact. En effet, les pièces sont grandes et rigides, mais une fois imbriquées, elles ne dépassent pas 8 mm d’épaisseur. 

Ce qui rend le système unique et qui est au coeur du brevet : l’angle de la denture des rochets et le type d’acier utilisé pour ces derniers. 

Le système étant « flottant » et non connecté à l’axe du moyeu, Alpin Components élimine les risques de débrayage dus à des déformations de la roue rendus possibles par de gros chocs ou contraintes. 

Un système de rochet innovant ne suffit pas à concevoir un système de moyeux fiable. Il faut également prévoir suffisamment de place pour les roulements et c’est ce qu’Alpin Components promet avec l’espace libéré par son rochet « oversize ». Au bout du compte, c’est plus de rigidité latérale qui est annoncée. 

Pour la durée de vie dans le temps, le système est complété par des joints « à lèvre radiale incluant une protection primaire et un labyrinthe contre l’intrusion des éléments extérieurs ». Reste à voir ce qui arrivera au bout du labyrinthe, mais le bureau d’ingénierie fait la promesse d’une étanchéité optimale (et presque surévaluée sur les premiers prototypes nous annonce-t-on). 

Et l’emballage dans tout ça ? On oublierait presque que ce qui donne corps à une roue, c’est son moyeu. C’est là où Bérenger et Arnaud se reposent sur leurs compétences en matière de conception de roue et proposent un moyeu made in France conçu et produit à quelques dizaines de kilomètres de distance. 

Ici, la production française est une fierté et sur le moyeu Konik, seuls les roulements ne sont pas fabriqués dans l’hexagone. 

Production et visite 

Si une production industrielle française ou européenne est une chimère à certains égards dans l’industrie du cycle, aujourd’hui, pour Alpin Components, c’est une force. Le bureau de conception est basé à Annecy, non loin de notre rédaction française, et la production a lieu à quelques dizaines de kilomètres, dans la vallée de l’Arve, en direction de Chamonix. 

Pour sa production, Alpin Components peut se reposer sur ses deux partenaires : BA Usinage et DGC Industries, deux piliers de la vallée. Le premier est spécialiste, comme son nom l’indique, de l’usinage, avec des machines numériques découpant du métal dans des formes assez complexes et sur plusieurs axes. Le second est un maître du décolletage, une technique visant à fabriquer des pièces tournées à partir de barres brutes. 

On commence la visite côté usinage, à la programmation des machines. Après une bonne série de calculs, la coupe est modélisée sur ordinateur puis envoyée à la machine à tourelles. À partir du lopin brut, on obtient en quelques minutes un moyeu presque finalisé. 

Il faut environ une journée pour préparer l’usinage d’une pièce, et c’est 3 à 4 corps de moyeux qui peuvent sortir chaque heure d’une machine. 

Les pièces sont ensuite inspectées et mesurées au contrôle qualité du bureau de BA Usinage. C’est eux qui s’occupent des « grosses » pièces du système Konik. Entre deux machines, on repère des pièces qui prendront la direction de produits vélo d’autres marques, des pièces pour des skis ou des équipements d’alpinisme. Les montagnes ne sont pas loin, et l’industrie de l’outdoor non plus. 

C’est également à l’usinage qu’on retrouve les fameuses rondelles coniques et crantées qui font le coeur du système Konik. Leur interface si particulière impose une exigence en matière de tolérance : on ne peut pas se permettre un saut d’une dent à l’autre, ou deux crans qui se chevauchent. 

Côté décolletage ensuite, on retrouve toutes les pièces symétriques et cylindriques comme les axes et les rondelles. C’est par ce procédé que sont fabriquées les pièces les plus petites du système. 

Chez DGC Industries, une entreprise familiale, on retrouve des machines historiques qui continuent de produire des pièces toujours actuelles. L’entreprise abrite également un service de SAV pour les antivols des vélos en libre-service Vélib à Paris. On repère également des coinceurs d’escalade, des potences de vélo ou des fixations de ski de rando sur les étagères d’exposition de l’entreprise. 

Konik D2W, un système universel ? 

Voilà la promesse majeure d’Alpin Components : que son système de roue libre s’adapte facilement à toutes les utilisations : VTT, gravel, VTTAE, utilisation urbaine, cargo… Alpin Components promet un système qui sera suffisamment solide pour répondre à toutes les contraintes. L’intérêt d’un tel système, si la promesse est respectée, c’est d’amortir un coût d’achat peut-être un peu plus élevé, mais de l’industrialiser très facilement en grandes quantités. 

En labo comme sur le terrain, Alpin Components  communique sur une fiabilité sans faille de son système. On connaît les contraintes de la pratique sportive du VTT ou du gravel, mais celles du VAE sont encore plus importantes, avec des couples décuplés par des moteurs de plus en plus performants. 

Mais est-ce que ça vous concerne ? Oui et non. Si Alpin Components  nous a proposé de venir découvrir son système Konik D2W, c’est pour présenter son intérêt technologique face à d’autres systèmes existants présentés. L’objectif premier d’Alpin Components est de  commercialiser son système auprès des concepteurs de moyeux et des grands monteurs de roues. Leurs clients rêvés : les grandes marques de l’industrie qui équipent leurs vélos de leur marque de roues « maison ». 

Alpin Components n’envisage pas pour le moment de vendre ce moyeu en « after-market », mais le bureau d’étude est en discussion pour rendre la monte possible par des monteurs de roues partenaires. 

Le système Konik D2W, sur le terrain

Sur le terrain, on aimerait pouvoir partager nos ressentis, mais quand il est question de moyeux et de systèmes de roue libre, il est difficile de faire rêver les foules. Nous n’avons pas de retour terrain significatif à ce stade. C’est la très longue durée et l’utilisation en VTTAE qui permettront de tester véritablement le projet Konik : est-ce que les dents vont s’user ? Est-ce que tout restera étanche ? Connaîtra-t-on des « sauts » de dents ? Pour la bonne durée de vie dans le temps, la lubrification sera importante, et Alpin Components finalise son choix de graisse au moment où nous rédigeons ces lignes.

Aujourd’hui, le fait de n’avoir rien à dire de particulier est déjà une bonne chose : nous n’avons pas eu de problème et le moyeu tient ses promesses. 

Il appartient aujourd’hui à l’équipe du bureau d’étude de convaincre des partenaires commerciaux de la valeur ajoutée annoncée du produit dans le temps pour trouver leur place sur le marché. Bonne chance !

Plus d’infos : https://alpincomponents.com/ 

ParPaul Humbert