Transpyr Coast to Coast : un défi de 800km en 7 jours
Par Olivier Béart -
800km et 21 000m de dénivelé positif : la Transpyr Coast to Coast est la course de tous les superlatifs. Benjamin Krawezik et Matthieu Peron nous font revivre cette épreuve atypique qui consiste à relier la Méditerranée à l’Océan Atlantique à travers les montagnes…
Pour les lecteurs qui ne connaîtraient pas cette course, même si le nom donne quelques indications, le principe de la Transpyr Coast to Coast est simple : partir de la côte méditerranéenne et rallier la côte atlantique en 7 étapes de VTT consécutives à travers la chaîne de montagnes des Pyrénées. En chiffres, cela donne quasiment 800 km et 21 000 m de dénivelé positif, de quoi faire réfléchir avant l’inscription! Pour cette 7e édition, cela n’a pas dissuadé les presque 300 participants de prendre le départ encore cette année.
Nous avions opté pour une inscription en duo, mais il est possible de s’inscrire en solo ou trio, ou encore de ne faire qu’une seule partie de ce périple: Transpyr East sur 3 étapes et 360 km ou Transpyr West sur 4 étapes et 420 km. La Transpyr se décline aussi en version «asphalte» (environ 1000 km) pour ceux qui voudraient découvrir les routes sinueuses Catalanes. Bref, au final, avec une bonne dose de courage, cette course, malgré des stats effrayantes, a de quoi séduire tous les amateurs de la pédale.
Prélude
La veille du départ, nous partons de nos Cévennes natales vers l’Espagne dans notre Pick-up W12 de Ricain (Twingo, merci maman!). 3h30 plus tard, nous voilà à Roses. Le temps de garer le bolide et nous allons retrouver l’organisation, dont les personnes avec qui nous avions pris contact avant notre arrivée (Laia et Franscesc). L’accueil est chaleureux et toutes les étapes, du retrait des plaques au rapatriement en passant par les transpondeurs, sont indépendantes et claires, nous sommes reçus par un responsable à chaque point clé.
Nous passons par la case hôtel pour transvaser nos affaires dans les sacs de l’orga qui vont être acheminés sur chaque étape. Chaque concurrent retrouvera ainsi son sac à l’hôtel ou au camp tous les soirs selon l’option choisie lors de l’inscription. Nous retournons vers la base établie par l’organisation, située dans la citadelle de Roses. C’est une gigantesque forteresse militaire qui abrite les vestiges des anciens établissements successifs de la ville. Elle date du XVI siècle mais abrite également des fouilles archéologiques grecques, une nécropole et deux églises allant du IV siècle avant JC au XII siècle. Le lieu est sublime ! Pour ce premier soir, c’est dans ce cadre que nous suivons notre premier des 7 briefings et prenons notre première Pasta Party (et nous allons vite nous rendre compte que nous allons en manger des pâtes !).
Etape 1 : Roses -> Camprodon – 116 km, 2100 m D+, la « mise en jambes »
Cette première étape, nous en connaissons les 15 premiers kilomètres. La veille nous avions emprunté le premier des 7 tracés fournis par la Transpyr une semaine plus tôt pour effectuer une séance de décrassage, nous rassurer sur le circuit et vérifier que les GPS détectaient bien le parcours.
Le départ de l’étape est donné de la rue principale de Roses, sur le front de mer. C’est à 8h que nous nous élançons derrière une voiture ouvreuse. Nous pensions qu’avec la longueur des étapes et le nombre de jours de course, le rythme irait crescendo, mais non ! Les premiers chemins sont larges et bien roulants sur environ 30 kms afin de sortir de la plaine, et c’est à une moyenne supérieure à 25 km/h que nous en venons à bout. Nous suivons la cadence, mais nous espérons que les 7 jours ne seront pas aussi rythmés.
Les ascensions commencent ensuite afin d’engranger un peu de dénivelé positif, c’est toujours sur des boulevards de terre ou goudronnés que nous roulons. Cela permet d’accumuler rapidement les kilomètres. Arrive déjà la fin de cette étape et le compteur affiche 100 km, une première pour Benjamin en VTT !. Elle s’achève sur une portion chronométrée de 20 km environ. Celle-ci s’effectue dans une grande forêt humide, même si la pente n’est pas trop raide, le parcours est uniquement composé de faux-plats montants et de montées, le terrain meuble et les coulées de boue nous ralentissent un peu et font logiquement tomber la moyenne. Nous trouvons cette portion un peu ennuyeuse, car impossible de vraiment attaquer ou de prendre du plaisir.
Cette étape, plus qu’une mise en jambe, a certainement permis à tous les concurrents de se jauger et de prendre leur rythme. Certains se sont peut-être mis en zone rouge trop tôt car dès la fin de cette première journée des participants vomissent… Nous préférons gérer notre effort au quotidien et profiter, nous finissons cette étape sereins pour la suite et nous sommes désormais persuadés que les parcours seront beaucoup plus roulants que les terrains de jeu que nous avons l’habitude de pratiquer.
Etape 2 : Camprodon -> La Seu D’Urgell, 117 km , 2700 m D+, le tirage de bourre franco-belge
Parcours quelque peu similaire au premier jour, bien roulant malgré les 600 m de D+ supplémentaires. Les premiers kilomètres s’enchainent assez rapidement et nous attaquons les difficultés du jour motivés. La météo est plutôt clémente pour cette deuxième journée, une vingtaine de degrés et un soleil qui pointe le bout de son nez de temps en temps. La fin de cette journée s’effectue sur une grande route pour rejoindre La Seu d’Urgell. Nous sortons de la forêt, rattrapons quelques personnes.
A 100 m de l’arrivée, un sprint éclate pour le fun
Nous tentons de créer un peloton et de faire des relais pour que tout le monde s’économise. C’est alors qu’une locomotive orange se porte à notre niveau pour participer aux relais. Nous perdons petit à petit les premiers wagons et le rythme ne cesse de croître. Nous sympathisons avec cet équipage de belges et comprenons vite que les 15 km restants vont être avalés très rapidement (plus de 30 de moyenne!). A 100 m de l’arrivée, un sprint éclate pour le fun… La bonne ambiance est là sur cette semaine de course !
Bien qu’inutile, cette partie de manivelles est bénéfique car nous créons les premiers liens avec d’autres coureurs et rassurante car même avec presque 115 kms dans les jambes, nous sommes capables de rouler en force et de faire des changements de rythmes répétés. L’entraînement paye !
Etape 3: La Seu D’urgell -> El Pont De Suert, 114 km, 3200 m D+, la tueuse de jambes
Cette journée est une des plus redoutées. Même si la longueur est équivalente aux deux premières étapes, le dénivelé positif est lui plus important.
Nous savons que physiquement ces 3200 m de D+ vont laisser des traces. Nous examinons une dernière fois le profil de la journée, le plus dur est jusqu’au 70ème kilomètre, la fin est plus roulante et privilégie les descentes. Nous restons les 40 premiers kilomètres ensemble puis, ne voulant vraiment prendre aucun risque, je laisse partir Matthieu avec l’équipe Andoranne de Jorma Bike se battant actuellement pour la 5ième place au général. Je roule à mon rythme afin d’arriver à mi-étape avec le plus de fraîcheur possible.
Nous nous retrouvons au 3ème et dernier ravitaillement de la journée. Cette étape est très variée avec de magnifiques forêts, des petits singles, des descentes sur de grands chemins, bref une vraie étape Transpyrénéenne comme on s’y attendait.
Etape 4 : El Pont De Suert L -> Ainsa, 98 km. , 2900 m D+, l’endurisée
Comme tous les matins, réveil 6h00. Au saut du lit, nous sentons que l’étape de la veille nous a fait un peu plus puiser dans les réserves que les autres jours. Le peu de courbatures que nous avions à l’arrivée à Camprodon et à la Seu d’Urgell et qui avaient disparu au matin sont ce jour-là bien présentes.
L’étape du jour n’en est pas moins dure, plus courte mais avec un profil bien vallonné, du moins jusqu’à 20 km de l’arrivée. Ces 20 derniers km, ce sont pour nous la cerise sur le gâteau et le moyen d’occulter toute douleur ou désagrément montrant le bout de son nez avant l’heure.
En effet nous arrivons vers Ainsa sur la fin d’étape, soit le théâtre du 7ième round des EWS de 2015. Notre âme de descendeurs et le peu de singles techniques et rapides s’étant offerts à nous jusqu’alors créent une alchimie qui nous remonte à bloc ! Nous vivons ce moment comme la récréation de la journée et c’est poignée dans le coin que nous rallions l’arrivée avec un sourire jusqu’aux oreilles.
Etape 5, Ainsa -> Jace, 89 km. , 2300 m D+, l’étape traître
Pour cette étape que nous qualifions presque de prologue le mercredi soir, nous pensions qu’elle allait être une coupure dans cette semaine bien chargée, car en dessous des 90 kms. Il n’en est rien !
Sur le papier, elle pouvait paraître simple mais on va vite se rendre compte qu’elle va nous faire grincer des dents. Cette étape est composée de très nombreux changements de tempo. Encore une fois nous décidons de rouler à notre rythme et de prendre du plaisir, comme toujours. Une solution qui s’avèrera payante sur le long terme, avec aucun souci mécanique à la clé et des jambes en état jusqu’à la fin.
Pour aborder sereinement l’épreuve du lendemain nous décidons premièrement de profiter des kiné/masseurs présents sur le camp et de nous faire masser les jambes. Une bonne demi-heure à souffrir et nous rendre compte que les muscles ont déjà été meurtris, mais nous descendons de la table avec des cannes beaucoup plus légères.
Nous faisons également faux bond à la pasta party du soir. Nous voulons recharger les batteries et prendre un repas un peu plus copieux (c’est surtout au niveau de la viande que nous sommes en manque). Direction le restaurant en bas de l’hôtel Mur pour un festin de viandes et de pizzas, pendant que nos montures prennent aussi un peu de repos bien mérité !
Etape 6, Jace -> Burguete, 136 km. , 2550 m D+, la longue et humide
Cette étape est la deuxième que nous craignons, comme tous les autres participants. Presque 140 bornes de VTT, cela a de quoi effrayer, d’autant plus que la météo ne prévoit pas un temps très clément sur la fin d’étape et que celle-ci arrive le 6ième jour de notre aventure.
Nous partons néanmoins motivés et certains d’en arriver au bout. Départ nez dans le guidon à l’avant de la course, aujourd’hui on décide de lâcher les chevaux. Quelques mésaventures au niveau du tracé, nous jardinons quelque peu et nous sommes sauvés par Greg, un des trois Frenchy avec qui nous avons lié connaissance depuis le départ.
Fin du chrono time. Arrive une descente plus technique que celles auxquelles nous a habitué la Transpyr depuis le début de la semaine. Une quinzaine de kilomètres plus loin, nous nous séparons avec Mathieu qui se sent en forme et veut aller jouer aux avant-postes pour cette longue étape.
Nous voyons les gros nuages arriver, et la pluie ne va pas nous épargner pour cette fin de journée. Matthieu arrive à une super 3ème place sur cette longue étape derrière les infatigables du Team Rose.
J’arrive un peu plus loin, couvert de boue et pressé de prendre une bonne douche chaude.
Nous l’avons fait ! 136 kms de VTT avec une fin compliquée par la météo, nous prenons déjà cette journée comme une mini victoire.
Etape 7, Burguete -> Hondarribia, 96 km. , 2300 m D+, la mentale
Le réveil sonne, la nuit a été bonne. Nous récupérons nos affaires encore humides de la veille. Le temps est maussade, la température au départ avoisine les 4°C… Peu importe, ce dernier jour, nous avons prévu de le prendre « cool » pour une dernière étape. Nous avons déjà fait 6 jours, dans nos têtes, le contrat est déjà rempli, ce parcours n’est plus qu’une formalité, et pourtant…
A peine 30 mn après le départ, la pluie commence à tomber, et de la journée, elle ne va pas nous lâcher. De mémoire de jeunes vététistes, Matthieu et moi n’avons jamais roulé dans de telles conditions, nous claquons des dents sur le vélo et nous ne sentons plus nos orteils. Nous sommes trempés jusqu’aux os, les vélos subissent et les pilotes aussi. Le plaisir n’y est plus et seul le mental nous fait avancer. Nous ne craquerons pas si proches du but !
Sur un grand chemin, trois vautours gigantesques nous observent…
Cette étape nous a en plus réservé les montées les plus raides de l’aventure, tu parles d’un cadeau ! Sur un grand chemin, trois vautours gigantesques nous observent. Ils me font un instant oublier que je ruissèle et me rappellent que je suis au beau milieu des Pyrénées en train de vivre une semaine unique. Ils sont à peine à 15 m de moi. Au dernier ravitaillement cela sent la fin, nous nous pressons pour rentrer. Le panneau « Hondarribia » est là, le port est en visuel ! Nous passons cette ligne tant convoitée, notre ami Sam est là pour nous accueillir et a fait le déplacement depuis Bordeaux.
Epilogue
De bout en bout, cette édition aura été dominée par le surpuissant Team ROSE Vaujany, bien habitué à rouler sur de l’ultra distance. Notre équipage néophyte se place à la 100ième place sur 290 concurrents environ (dont 60 abandons), résultat modeste et quelque peu bridé par la retenue physique afin d’être bien sûrs de franchir la ligne à Hondarribia.
L’entraînement a été difficile à intégrer dans une vie professionnelle à plus de 60h/semaine pour nous deux, mais il nous a fait voir l’Atlantique !
Maintenant que cette expérience est validée, nous savons ce que nos corps sont capables d’endurer et nous savons que nous avons de la marge de progression. Les presque 5 mois d’entraînement, guidés par François Féral (2FSports) ont permis de construire des bases solides. Cet entraînement (en moyenne 15h/semaine) a été difficile à intégrer dans une vie professionnelle à plus de 60h/semaine pour nous deux, mais il nous a fait voir l’Atlantique !
L’aventure a été éprouvante physiquement, mais une fois la ligne franchie subsiste le regret de ne pas avoir plus poussé son corps dans les derniers retranchements pour faire mieux. Toute la difficulté de ce type d’événement est bien là, être sûr mentalement de son physique pour pouvoir se libérer. Nous retiendrons cet enseignement pour nos prochaines aventures sur grandes distances.
La TransPyr 2016, malgré l’aspect compétition, reste avant tout pour nous une formidable aventure humaine. On ne peut s’empêcher de regarder notre position dans le classement, mais étant donné la difficulté de l’épreuve ainsi que la longueur, seuls les plus habitués à ce genre de course se sont occupés des résultats. On retiendra surtout des compétiteurs tous plus gentils et agréables les uns les autres (nous pensons aux Danois, au team Jorma bike, aux belges, aux Frenchys…), une organisation sans faille et des encadrants ouverts à toutes nos demandes et prêts à surmonter n’importe quel imprévu avec le sourire (Laia tu es parfaite!).
Avec un entrainement préalable adapté, nous recommandons vivement cette course. Pour ceux qui se laisseraient tenter, les inscriptions pour l’édition 2017 viennent d’ouvrir : http://transpyr.com