Tour du Mont Viso | Glenn MacArthur – L’aventure au pas de sa porte
Par Adrien Protano -
Il y a ceux qui se baladent autour du Mont Viso, et puis ceux qui y établissent un record. Mais dans les deux cas, l’aventure passe au premier plan. Cette silhouette de 3 841 mètres qui impose le respect se dresse en Italie, à quelques encablures de la frontière française. Glenn MacArthur nous partage son dernier périple autour de ce géant des Alpes du Sud :
Mise à jour 06/03/2023
L’homme du jour ? Glenn MacArthur, natif de Briancon et dont le terrain de jeu n’est autre que le Parc naturel du Queyras, dans les Hautes-Alpes (un petit coin de paradis qu’on a récemment eu l’occasion de vous présenter). EWS, Transvésubienne, Epic enduro, … ce qui plaît au jeune pilote de 21 ans, c’est avant tout le challenge et l’adversité.
« Je trouve ça génial quand mon vélo devient l’outil pour couvrir des grandes distances en montagne » confie Glenn, en expliquant que la journée parfaite selon lui peut se résumer à monter et descendre des montagnes, seul ou à plusieurs. Voilà ce qui l’a conduit à s’élancer il y a quelques mois pour le Tour du Queyras en un temps record de 14h53. Pas si mal pour un parcours de 120km et 8000m de dénivelé…
Forcément, quand tout se passe bien lors d’un premier défi, on s’en lance un second, et Glenn a décidé de s’attaquer au Mont Viso. Son objectif : faire le tour du géant le plus rapidement possible. Pour illustrer ce récit, Glenn a sauvegardé quelques images avec son téléphone, et il est revenu avec le photographe Max Giraud et le vidéaste Jules Bellot pour illustrer plus paisiblement ses mots.
Les présentations effectuées, laissons place à son récit :
« Depuis le tour du Queyras, j’avais une autre boucle en tête. Plus impressionnante, plus solitaire, plus historique : le Mont Viso, également appelé le géant des alpes du sud, en raison de ses 3841m d’altitude, soit 600m plus haut que tout ce qui l’entoure. Et le programme aux alentours n’est pas des moindres avec notamment quatre cols ainsi que des pierriers et des épingles sur des milliers de mètres de dénivelé.
Le Mont Viso, c’est aussi historiquement plusieurs points clés d’échange de marchandises entre l’Italie et la Provence que les randonneurs découvrent généralement en 3 ou 4 jours. À travers ce Giro del Viso (comprenez Tour du Mont Viso), un seul point est accessible en voiture au même titre que l’unique point d’eau, tandis que la quasi-totalité du parcours se trouve hors-réseau. Voilà qui constituait le défi parfait pour moi, un challenge où l’ensemble des paramètres du VTT sont poussés à leur paroxysme. Le physique, le mental, le matériel – tout doit être au rendez-vous.
Bike check
Lors de ma précédente aventure (le tour du Queyras), la principale difficulté était le dénivelé positif. Pour ce nouveau défi, elle est toute autre : le terrain, piégeur et dont le seul objectif est de nous ralentir. Au vu des conditions, il me fallait un vélo fiable et confortable, mais tout en mettant un point d’honneur à garder un poids accessible et un rendement suffisant pour avaler les 3300m de dénivelé, dont notamment 1200m de portage.
Finalement, l’heureux gagnant pour enrouler toutes les pierres qui allaient se dresser sur mon chemin fut le Santa Cruz Tallboy, ses roues de 29″ et sa plateforme de 120/130 mm de débattement. Avec 13 kg sur la balance, j’avais l’arme idéale pour défier le Stone King. (ndlr. pas de confusion : il s’agit là d’un petit surnom affectif que les locaux donnent au Mont Viso, et non pas l’épreuve héritière de la Trans-Provence)
J’ai doté ce grand cadre en taille XL d’une transmission Sram AXS, accompagnée d’un plateau de 32 dents et de manivelles en 175mm dans l’objectif de pouvoir accumuler un maximum de dénivelé sur le vélo.
Les roues carbones 30 SL de chez Reserve ont été chaussées de Maxxis Minion DHR II à l’avant et Dissector à l’arrière, en carcasse renforcée et avec valves Fillmore. Au vu de l’enchainement de descentes interminables qui m’attendait, j’ai également doté ce Tallboy d’un disque de 200 mm à l’arrière.
Côté périphériques, mon choix s’est porté sur le poste de pilotage en carbone de la marque californienne également, avec un cintre de 785 mm. La tige de selle, quant à elle, est une RockShox Reverb en 200 mm.
Giro del Viso : 60km – 3300m de dénivelé
Le Jour J est arrivé : nous sommes le lundi 31 octobre, le réveil sonne à 5h40. Après avoir englouti un bon petit déjeuner, je me mets en route vers le dernier village avant l’Italie et point de départ du tour. Le trajet n’est seulement que d’un quart d’heure le long du Guil, le cours d’eau dans la vallée, pour arriver au bout de la route à l’Échalp. Il s’agit alors du point le plus bas du parcours à 1700m d’altitude.
7h pile – la Suunto est allumé et le départ est imminent. Je m’élance, rapidement au vu des températures avoisinant les -2 degrés, pour les 8 km (et 500 mètres de dénivelé positif) qui m’attendent en guise d’échauffement sur une piste le long du Guil.
Avec le soleil qui pointe le bout de son nez, le ciel est rose, les mélèzes sont oranges – voilà qui annonce une belle journée. D’autant plus que la montée passe plutôt vite : après 40 minutes, j’atteins déjà le belvédère du Viso, signal qui m’annonce la fin de la piste et le début d’une cinquantaine de kilomètres uniquement composés de singletracks.
L’objectif est désormais le col de la Traversette et ses 2950 m d’altitude, premier col d’une longue série. La montée se poursuit sur un single qui devient de plus en plus raide, mais mes jambes semblent apprécier le programme. Cette immense vallée s’impose à moi et me rappelle à quel point nous sommes petits. Le haut du Viso est encensé par les rayons du soleil pile dans ma ligne de mire, et malgré la solitude le moment demeure magique.
Les 400 derniers mètres de dénivelé de ce premier col se trouvent dans un énorme éboulis… Cette fois-ci, je n’ai plus le choix – le portage s’impose. Je monte à toute hâte, le vélo sur le dos, en faisant attention de ne pas me faire piéger par les différentes plaques de glace qui trainent ici et là.
Le tunnel de la traversette est, comme prévu, fermé pour l’hiver et il me faut donc monter jusqu’au col. Pour la petite histoire, ce tunnel avait été creusé en 1480 pour faciliter les échanges franco-italiens.
Il est exactement 8h53 quand je traverse la frontière vers l’Italie en direction de la première descente de la journée. Les réjouissances sont de courte durée, la descente est technique et le haut est plutôt exposé – la chute est interdite, il va me falloir être parfaitement concentré.
Casque, cordes et mousquetons, je croise des Italiens qui n’ont a priori pas le même programme que moi. Quoi qu’il en soit, ils me regardent filer et me saluent grandement – « ciao grande !” s’exclament-ils. J’avoue avoir apprécié croiser du monde dans ce coin où l’on parait si seul.
Sur le haut de cette descente, une cheminée me force à une petite gymnastique. Après ce passage à 4 pattes, le reste de la descente dévale sous mes roues et me voilà rapidement 1000 m plus bas, au Pian del Re. Je lève la tête, le boss est toujours là, sa face nord enneigée trônant fièrement 1800 mètres plus haut.
L’objectif est désormais le Passo del Viso, à 2650m. La montée serpente entre des lacs d’altitude turquoise, sous le regard attentif des chamois qui me surveillent. La dernière section de cette ascension est la partie la moins roulante de l’ensemble de la boucle… autant dire que j’ai l’occasion d’admirer le paysage.
Et il faut l’avouer, quelle ambiance grandiose ! J’avance sur une moraine à coté d’un glacier rocheux, en suivant les traits de peinture qui m’indiquent le “chemin” au milieu de ces gros blocs de roche.
Une fois le col passé, j’attaque la traversée vers le refuge Quintino Sella, où j’en profite pour m’arrêter et faire le plein d’eau au niveau de cette fontaine qui se présente à moi. Je regarde la mer de nuages sur la plaine du Pô, et devant ce panorama à couper le souffle, j’en profite pour (justement) souffler un coup. Il est 10h43.
La traversée vers le Passo San chiaffredo (2750m) est très rocailleuse mais je reste malgré tout sur le vélo, ça fait du bien de couvrir de la distance. Je me surprends toutefois à avoir hâte que ça redescende !
Je passe le col, j’ai l’impression d’être seul au monde, la montagne est vraiment grande.
Je m’engage dans (ce que je pense être) la descente la plus technique à ma connaissance. 900 mètres de dénivelé négatif dont le seul objectif me semble être la mise à mort de mes avant-bras : c’est lent, ça tape, ça tourne, c’est très dur. Moi qui souhaitais secrètement que ça redescende quelques instants plus tôt, j’ai finalement hâte que ça remonte !
Nous sommes en bas, le Tallboy et moi, et en une seule pièce. Ouf….
11h48 : heure de la dernière montée. 1000 mètres de dénivelé me séparent du col Valente, siégeant fièrement à 2815m. Le début de l’ascension se fait à la pédale de manière correcte, j’en profite même pour casser la dalle. Le refuge Valente marque le début des hostilités : il reste 1,3 km jusqu’au col et pourtant encore 420m de d+. Je n’ai pas dû trop réfléchir pour comprendre que c’était ici que le calvaire commençait.
Les cuisses en feu ainsi que des douleurs aux genoux, poignets, trapèzes; voilà un joli résumé de la fin de cette ascension. C’est fou l’énergie qu’il faut pour faire à peine 1cm sur la carte…
Juste sous le col, quelqu’un me fait signe. C’est mon pote Zian venu à pied pour m’encourager ! On papote tout en finissant la montée. Une poignée de Haribo dans la bouche et j’attaque la dernière descente. Le haut est, en partie, inroulable. Comme si j’en avais pas eu assez …
Le descente devient vite praticable et je passe en mode enduriste pour une ultime spéciale ! Au programme : 15 km et 1100m de dénivelé négatif. Ça roule vite, ça tape, j’adore.
D’où je suis, je peux apercevoir le Guil et la piste empruntée ce matin à la montée, un dernier singletrack m’en sépare. Il a une saveur particulière même si je ne peux pas trop fléchir les jambes, la crampe n’étant pas loin…
Finalement, après 2 km de contre-la-montre, je suis de retour à l’Échalp où ma soeur jumelle, ma mère, Zian, des amis d’Abries et mon chien m’attendent. La boucle est bouclée, il est 13h49. J’ai parcouru les 60 km et 3300m de dénivelé en 6h et 49 minutes, un nouveau record en VTT.
Mais j’en ai surtout pris plein les jambes, plein les bras, plein la tête. Ce parcours aura sans aucun doute été à la hauteur de sa réputation.
Une vidéo de l’aventure de Glenn autour du Viso, signée Jules Bellot, est disponible sur le compte Instagram du pilote : www.instagram.com
Texte : Glenn MacArthur.