Test – Stevens Sledge 160 : l’enduro à 2000 euros
Par Olivier Béart -
Stevens est une marque Allemande dont le nom vous est certainement familier, mais qu’on ne rencontre pas si souvent sur les sentiers. Et pourtant, elle offre des machines particulièrement intéressantes qui se distinguent par un rapport qualité/équipement/prix canon. C’est le cas du Stevens Sledge 160, leur châssis d’enduro que nous testons ici et qui est proposé à 2299€ avec un équipement étonnant pour le prix (on avoue on a triché un peu dans le titre mais on n’est pas loin). C’est bien simple, pour trouver la même chose, il faut aller voir du côté de Canyon et de marques qui vendent en direct. Sauf qu’ici, on peut se le procurer chez un revendeur. Où est l’astuce ? Que vaut-il sur le terrain ? C’est ce que nous avons voulu découvrir avec ce test longue durée.
C’est le cas du Stevens Sledge que nous vous proposons aujourd’hui en test. Nous aurons bientôt l’occasion également d’essayer un modèle de XC, car c’est toute la gamme de la marque basée à Hambourg qui offre un rapport prix/équipement intéressant, mais nous avons choisi de commencer par l’enduro afin de voir si, au-delà des beaux accessoires, Stevens est aussi capable de proposer une cinématique et une géométrie abouties pour une pratique exigeante.
Le cadre du Stevens Sledge a été entièrement revu pour le millésime 2015. Il fait toujours confiance à une cinématique de type Four Bar Linkage avec le fameux pivot Horst Link et un amortisseur placé le long du tube de selle qui offre 160mm de débattement, contre 150mm en 2014. Le cadre est désormais beaucoup plus compact et sloping qu’auparavant, avec un tube supérieur qui a été abaissé de près de 5 centimètres au niveau de l’entrejambe. Le Sledge est également plus profond avec un reach augmenté de près de 2 centimètres, mais un tube supérieur un peu plus court.
L’angle de direction est plus couché, avec une cote de 66° qui marque directement les ambitions du Sledge, combiné avec un tube de selle plus droit (74,6°, soit +1°). Enfin, les bases sont raccourcies de pas moins de 2cm en passant de 450 à 430mm ! Avec ces choix à la fois bien tranchés et pleinement dans la tendance, Stevens veut proposer un vélo pas seulement « bon », mais carrément avec du caractère. Et ça, c’est une première car, il faut l’avouer, les précédents Stevens que nous avons eu l’occasion de tester pour d’autres médias n’étaient jamais mauvais nulle part, mais ils manquaient d’arguments pour réellement susciter l’enthousiasme.
A 2299€, pas d’illusions, on ne peut pas avoir de cadre carbone. Par contre, on a droit à un châssis en aluminium 7005 T6 à la finition très soignée avec une peinture mate, légèrement granuleuse, qui fait penser à une anodisation et qui s’avère particulièrement solide. Les touches de jaune/vert sont dans la tendance avec une inspiration Cannondale évidente mais qui n’est pas pour nous déplaire. La douille de direction est bien évidemment conique et l’axe arrière en 142x12mm.
A ce sujet, nous devons déjà décerner un carton rouge pour ce fameux axe : Stevens a choisi un modèle générique qui n’est ni ergonomique, ni fonctionnel. Il lui est même arrivé de rester bloqué… ce qui est extrêmement ennuyeux quand on doit réparer sur le terrain. Mais heureusement, Stevens a entendu les critiques et les modèles 2016 seront montés avec un axe DT Swiss.
Au niveau des suspensions, Stevens fait confiance à RockShox avec une Pike RC SoloAir en 160mm de débattement et un amortisseur Monarch RT3 CTL. Si vous préférez du Fox, il y a son grand frère le Sledge ES, mais il est proposé à 3499€ (Fox36, FloatX). Pour notre part, nous ne pensons pas l’upgrade indispensable mais par contre, nous aurions apprécié de disposer de la version Plus du Monarch, avec réservoir externe, qui est plus adaptée à un usage engagé et aux longues dégringolades. Mais nous en reparlerons plus loin.
Outre la fourche Pike parfaite pour le programme, on se réjouit également de voir que, malgré le prix, Stevens n’a fait aucune concession sur les pneus, avec l’excellent duo Schwalbe Magic Mary TSC devant et Rock Razor PSC derrière en 2.35 Snake Skin. Les roues sont un assemblage maison avec des moyeux SLX et des jantes génériques, mais choisies assez larges (24mm interne) pour l’usage.
Bon point aussi du côté des freins, avec des Shimano BR-M615 (niveau Deore) ergonomiques et très efficaces pour leur prix, mais qui pourraient être un peu justes pour du gros enduro. Seulement, Stevens y a pensé en montant d’origine des disques de 203mm de diamètre ! Autre détail intéressant, la patte Postmount du cadre permet le montage sans adaptateur de disques de 180mm, contre 160 habituellement (ce qui n’a pas beaucoup de sens sur un enduro selon nous).
Du côté de la transmission, Stevens est fidèle à Shimano pour toute sa gamme. On trouve donc ici un groupe complet Shimano SLX, sauf le dérailleur arrière qui est un XT Shadow+ de type « direct mount ». Ce type de montage n’est pas courant, mais il permet de gagner un peu en rigidité en rendant la première « came » du dérailleur solidaire de la patte et du cadre, plutôt que du dérailleur lui-même. A l’avant, on trouve aussi du direct mount, ce qui a permis à Stevens de courber fortement le tube de selle et de raccourcir les bases.
Le boîtier de pédalier est de type PressFit BB92, monté avec un pédalier SLX double 38/24 que nous aurions préféré voir remplacé par un mono avec anti-déraillement. Mais il est vrai que Shimano ne pousse pas vraiment cette solution et que la cassette 11/36 aurait limité les développements disponibles. Espérons que la donne changera pour la gamme Stevens 2016, avec l’arrivée des cassettes 11/40 chez le géant nippon.
Un dernier mot sur les accessoires. Là non plus, Stevens n’a pas lésiné pour équiper son Sledge malgré le tarif serré ! Seul le poste de pilotage est signé Scorpo, la marque maison, mais l’ensemble ne souffre aucune critique et on a droit à des poignées Ergon dont la présence est bien plus qu’un détail comme nous le verrons sur le terrain. On a aussi bien sûr droit à une tige de selle téléscopique (KS Lev), indispensable pour la pratique, mais qui fait parfois défaut sur les modèles d’autres marques proposés à un tarif aussi bas.
Il est maintenant temps de voir ce que le Stevens Sledge a dans le ventre, ce que nous avons fait pendant plus de deux mois, au cours desquels nous avons eu l’occasion de l’emmener sur des terrains très variés, depuis la Belgique jusqu’aux Cévennes (où ces images ont été prises, à l’occasion d’une reconnaissance de la Trans Cévennes), en passant par les Alpes et les Vosges !
Stevens Sledge 160 : le test terrain
Ne tournons pas autour du pot, ce Stevens est une authentique bonne surprise. Comme avec les Stevens que nous avions essayés jusqu’ici, on s’attendait à trouver un bon vélo, sans plus. On s’attendait aussi à dire régulièrement que « vu son prix », on peut lui pardonner tel ou tel défaut. Eh bien non ! C’est tout simplement un excellent vélo dans l’absolu et son prix canon vient comme une énorme cerise sur le gâteau, histoire de montrer qu’un vrai bon bike ne doit pas forcément être cher.
Bon, il a un physique un peu ingrat, c’est vrai. Ses lignes sont un peu torturées, mais la finition est au-dessus de tout reproche et sa peinture noire et verte agit comme une sorte de maquillage de sorte que, sous certains angles, on peut le trouver beau. Tout est question de goût. Par contre, ce qui est incontestable, c’est que Stevens a fameusement bien réussi sa nouvelle géométrie ! Le vélo est très sloping et il semble court, alors qu’il ne l’est pas tant que cela. La maniabilité est un de ses points forts. Il adore les épingles et les pif-pafs, sans se montrer délicat à haute vitesse et dans les grandes courbes rapides. C’est une première : nous avons ressenti des émotions au guidon d’un Stevens ! On se dit qu’ils ont enfin trouvé la recette magique et le Sledge est un vrai vélo fun comme savent en faire les meilleures grandes marques.
Le cintre est un peu déroutant visuellement de par sa forme, mais quand on a trouvé la bonne position, on se dit que tout cela a bien été étudié et qu’il n’est pas « bizarre » pour rien. On pourrait aussi craindre que la fine potence ne soit limite au niveau rigidité, mais il n’en est rien et elle tient sans broncher la barre de 760mm placée à son extrémité. On se réjouit aussi de trouver des poignées Ergon GE1 sur un vélo à ce tarif car elles doivent certainement coûter trois ou quatre fois le prix de modèles génériques. Mais le chef produit n’a visiblement pas voulu faire de concessions sur cet accessoire trop souvent négligé.
Il faut un peu de temps pour trouver le bon angle et on passe son temps à faire tourner les grips Ergon lors des premières sorties, mais une fois le bon réglage trouvé, quel bonheur. Non seulement la prise en mains est améliorée, mais c’est surtout après plusieurs heures de ride qu’on constate leurs bienfaits en remarquant qu’on n’a pas mal aux mains et aussi nettement moins aux bras ! Ce qui, évidemment, aide à mieux profiter du vélo dans son ensemble.
Si les détails sont soignés, les équipements majeurs le sont aussi. C’est le cas des suspensions, avec une Pike qu’on ne présente plus et qui s’est, encore une fois, montrée irréprochable pendant tout le test. Quand on a une telle proue, on commence déjà bien. Mais l’arrière n’est pas mal du tout non plus. Nous avons tâtonné un peu sur les réglages au début et nous avons trouvé notre bonheur en mettant un SAG assez important, de l’ordre de 30 à 35%. En fait, on sent que la cinématique rend la suspension très active, y compris au pédalage, mais l’amortisseur est fort freiné en hydraulique, ce qui permet de bien contrebalancer ce qui, autrement, pourrait être perçu comme un défaut. On n’a pas du tout non plus l’impression que l’arrière se tasse dans les ascensions raides.
Bon, soyons clairs, s’il y avait une chose à reprocher au Sledge, ce serait son côté un peu pataud. Il pèse 14,5kg, ce qui n’aide pas, mais son poids ne se ressent finalement que très peu, sauf sur de longues ascensions raides où on sent bien que les cuisses chauffent un peu plus que d’habitude. Ce n’est pas non plus la suspension, car elle pompe finalement très peu et le levier de blocage étant facile d’accès, on le manipule sans mal pour durcir la compression. Disons que c’est plutôt un ensemble de facteurs qui font que les relances ne sont pas vraiment sa tasse de thé et, s’il nous avait toujours semblé au top en toutes circonstances lors de nos sorties plaisir, il a montré ses limites lors de l’enduro de Dabo où on sent qu’il n’est pas vraiment fait pour jouer les podiums. Nous n’avons cependant pas hésité à faire de très longues sorties à son guidon, sans avoir l’impression de trainer un fardeau.
En descente pure, nous n’avons trouvé aucune situation où il ne nous a pas donné la banane et une grande confiance. On l’a dit, la Pike est impeccable, mais l’arrière fait mieux que se débrouiller, avec tout ce qu’on aime : de la sensibilité en début de course, du maintien au milieu pour les impacts répétés et une courbe bien progressive sur la fin pour gérer les réceptions et les gros coups. La seule chose, c’est que dans les très longues dégringolades, on sent que l’amortisseur perd un peu de son efficacité et se durcit. Cela nous amène à dire que, vu les capacités du Sledge, un Monarch Plus avec réservoir additionnel serait un bel upgrade. On en profite aussi pour dire un mot de la rigidité latérale du cadre qui est excellente, ce qui n’est pas une surprise car nos voisins allemands accordent beaucoup d’importance à ce facteur.
A 2299€, on s’attendait à trouver quelques équipements un ton en dessous. Mais on a eu beau chercher, on n’a pas trouvé. La tige télescopique KS Lev est une valeur sûre. Les freins pourraient être un peu justes, mais Stevens a eu l’intelligence de mettre des disques de 203mm qui les rendent parfaits pour le programme. La transmission fait le job avec efficacité et rapidité (merci les commandes SLX qui n’ont rien à envier aux XT), même si on se pose la question de l’utilité d’un double plateau sur un tel vélo. Nous aurions en tout cas apprécié la présence d’un anti-déraillement car il nous est arrivé de dérailler. Rarement, certes, mais c’est toujours ennuyant.
Dernier point qui est souvent critiqué et critiquable sur les vélos proposés à des tarifs agressifs : les roues. Eh bien ici, ce n’est même pas le cas ! Ok, elles sont lourdes, mais elles sont plutôt bien montées (pas de voile ni de saut durant tout le test) et elles disposent de jantes tubeless ready relativement larges qui permettent aux pneus d’exprimer pleinement leurs qualités. Et quelles qualités ! Le Schwalbe Magic Mary à l’avant est… magique de par son grip, et le Rock Razor arrière offre un rendement assez étonnant, tout comme sa polyvalence, puisqu’il ne perd pas complètement la boule quand le sol devient humide. Le seul gros point noir de ce vélo, c’est son axe de roue arrière, que nous avons déjà évoqué plus haut mais qui sera remplacé sur le prochain millésime.
Verdict
Vous l’aurez compris, ce Stevens Sledge nous a vraiment éblouis ! A un tel prix, même Canyon a du souci à se faire, c’est dire. A 2299€, il pourra séduire de jeunes enduristes, comme des débutants dans la discipline qui veulent voir si cela leur plait avant d’investir un jour plus dans une machine plus légère. Mais il peut aussi séduire des pilotes expérimentés qui n’ont pas envie de se ruiner pour leur sport. Avec le Stevens Sledge, ils ne devront pas faire de vraies concessions, sauf peut-être au niveau du poids. Mais pour le reste, il est prêt à rouler très, très fort dès sa sortie du carton et ça, croyez-nous, c’est particulièrement rare. Taillé pour l’enduro, il est aussi à l’aise en montagne ou pour de longues sorties typées Trail. N’en jetez plus, on tient une perle qui mérite sans aucun doute ses 5 étoiles, mais aussi un coup de coeur car en plus de parler au portefeuille, le Stevens Sledge parle aussi aux sentiments.
Plus d’infos, fiche technique et géométrie : www.stevensbikes.de/2015/sledge – Distribution Benelux : www.carbonbike.be