Test | Sram Eagle AXS 2023 : sans égal
Par Léo Kervran -
Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de vous proposer un test de plusieurs mois à la sortie d’un produit. A l’occasion du lancement des nouveaux groupes Sram T-Type avec dérailleur en montage direct, Vojo a été sélectionné pour faire partie des quelques médias qui ont été autorisés à rouler pendant les six derniers mois avec ces nouveaux groupes Sram Eagle AXS, déclinés en XX et X0. On ne leur a rien épargné cet hiver, on a vu d’excellentes choses, d’autres moins bonnes et il est désormais temps de vous livrer notre verdict :
Si vous ne l’avez pas encore fait, prenez le temps de lire notre article de présentation de ces nouvelles transmissions. Le Sram T-Type, c’est bien plus qu’une patte de dérailleur en moins et vous comprendrez bien mieux ce test terrain si vous savez de quoi on parle !
Reportage | Sram Eagle AXS 2023 : entrée dans un nouvel âge
Vous pouvez également regarder la vidéo qui retrace notre découverte du système, de la réception du vélo à la conclusion 6 mois après en passant par la visite en Allemagne :
Sram XX SL et X0 AXS 2023 : le test terrain
Des sorties en (haute) montagne à l’automne, des températures négatives en janvier ou février, des escapades dans le sud pour aller chercher un peu de chaleur (pas toujours au rendez-vous), de la boue à intervalles réguliers, de la poussière, un peu de neige… Depuis qu’il est arrivé au bureau, le groupe Sram XX SL en a vu de toutes les couleurs. D’ailleurs, on est allé bien au-delà de son programme initial puisque Sram nous l’a monté sur un Santa Cruz Tallboy, un vélo qui ne se satisfait certainement pas d’être cantonné à du XC.
Il y a quelques semaines, il a entamé une « retraite » bien méritée sur un Scott Spark RC, tandis que le Tallboy a reçu un groupe X0 plus en phase avec ce qu’on fait à son guidon. Six mois, c’est à la fois peu et beaucoup pour juger d’une transmission. Trop peu pour aller au bout de la durée de vie de la chaîne ou d’une cassette par exemple, mais aussi bien assez pour que le dérailleur et le pédalier aient le temps de rencontrer quelques pierres, suffisamment pour avoir un premier aperçu du vieillissement esthétique et fonctionnel…
L’autre intérêt c’est que contrairement à une découverte entre les mains de la marque comme cela se fait le plus souvent, nous étions ici livrés à nous-mêmes, dans les conditions et sur les parcours de notre choix. Livrés à nous-mêmes en cas de problème, aussi. De quoi énoncer une conclusion plus sûre et avec moins de conditionnel que pour nos prises en main habituelles.
La première chose qui marque, c’est bien sûr la qualité des passages de vitesse qui a de quoi faire de l’ombre aux meilleurs groupes de route. On retrouve toute la douceur qui caractérise depuis quelques années les transmissions Sram, après avoir longtemps été l’apanage de Shimano… sauf que cette fois, ça fonctionne même en sprint ou avec tout son poids sur les pédales dans un mur mal anticipé. On peut littéralement « désapprendre » à changer de vitesse proprement ! Après tout, ça passe et même très bien alors pourquoi soulager le coup de pédale ?
La petite lenteur évoquée plus haut lorsqu’on descend plus de deux ou trois vitesses d’un coup est en effet sensible mais c’est bien l’un des seuls axes de travail qu’il reste à Sram pour que le groupe atteigne la perfection. Ceci dit, on serait curieux de voir si les changements à la volée sont réellement plus lents qu’avec une autre transmission ou si c’est juste la douceur et l’absence de craquement qui rendent le minutage plus facile à remarquer, pour le même résultat à l’arrivée.
Sur un vélo classique et hors pratique compétition, ça reste toutefois plus du confort qu’autre chose. Bien sûr, on apprécie de ne pas avoir d’à-coups lorsqu’on effectue un changement à la hâte, surpris par le profil du sentier, mais c’est une situation qui arrive finalement assez rarement et le reste du temps, la sensation est assez proche d’un groupe Eagle (encore plus en AXS) classique neuf et bien réglé. On imagine que ce seront surtout celles et ceux qui roulent en e-bike qui profiteront le plus de cette qualité.
C’est la même chose pour l’installation. Dans ce domaine, ne plus avoir de patte de dérailleur réduit considérablement les mauvaises surprises, car même neuves elles ne sont pas toujours parfaitement alignées. Idem pour le réglage qui peut se faire sur le pied d’atelier, au lieu de devoir mettre l’amortisseur au sag. Comme on vous l’expliquait plus haut, il n’a donc jamais été aussi facile d’installer correctement une transmission.
Pour atteindre la perfection, c’est-à-dire le silence de fonctionnement, ça peut demander un peu plus de doigté et nous n’avons pas (encore) trouvé la recette pour y parvenir sans faille à chaque fois. Notez aussi que ce nouveau dérailleur est un peu plus gênant que l’ancien lorsqu’on veut enlever la roue arrière. Il pivote moins vers l’arrière et on a donc moins de place. C’est un peu dérangeant au début puis on s’adapte et on modifie son geste.
Au quotidien, ce qui change vraiment la donne c’est la solidité. En 6 mois, notre dérailleur en a vu de toutes les couleurs (et ses cicatrices sont là pour en attester) mais il fonctionne toujours à la perfection, comme au premier jour. Un petit exploit, quand on considère qu’il nous faut en général beaucoup moins de 6 mois pour endommager, même légèrement, une patte de dérailleur. Et là, AXS ou pas AXS, la chaîne grattera forcément sur un pignon ou un autre. Cette fois, rien à signaler.
La précision et les changements de rapport en douceur avec un groupe neuf, c’est une chose à laquelle Sram comme Shimano arrivent maintenant très bien. Maintenir cette qualité dans le temps sans aucune intervention autre que huiler la chaîne, ce n’est pas la même histoire et c’est ici que ces transmissions se distinguent.
Sur nos six mois de test, nous avons rencontré un seul problème : le dérailleur, censé être serré à 35 N m sur l’axe de roue, s’est desserré au cours d’une sortie après quatre mois de roulage. Ça se sent immédiatement puisque dès qu’il n’est plus dans sa position idéale, on n’a plus accès à tous les pignons de la cassette et les changements sont beaucoup moins précis. C’est la seule façon dont la transmission peut se dérégler. Là où c’est intéressant, c’est que ça prend littéralement moins d’une minute à « réparer » avec deux outils que tout le monde a sur son multi-outils, les clés hexagonales de 6 et 8 mm.
On a revérifié le serrage avec de vraies clés une fois à la maison par acquit de conscience (pas toujours facile d’aller chercher les 35 N m au multi-outils) et cela n’a pas bougé depuis ce jour. Franchement, pour la tranquillité d’esprit c’est imbattable. Notre dérailleur a retouché des cailloux depuis mais ça fait longtemps qu’on a arrêté de serrer les dents quand on le sent…
Si vous voyagez fréquemment avec votre vélo démonté, c’est aussi un bel atout. Désormais, démonter le dérailleur n’est plus une étape indispensable et vous pouvez tout à fait le laisser sur le vélo sans risque.
La nouvelle commande a également marqué de bons points chez la plupart de nos testeurs. Plus discrète que ce à quoi certains s’attendaient après avoir vu les premières images, elle a aussi et surtout l’avantage de ne demander aucun temps d’adaptation contrairement à celle qu’on connaissait jusque-là. Deux boutons, l’un pour monter les rapports et l’autre pour les descendre. Quoi de plus simple ? Évidemment, tout est configurable via l’application. On peut ainsi inverser le rôle des boutons, activer ou non et dans quelles conditions le multi-shift (passage de plusieurs rapports quand on garde le bouton enfoncé)…
Les sensations offertes par les boutons sont très bonnes, avec un « clic » bien dosé et un caoutchouc agréable sous le doigt. Seul un de nos testeurs a regretté que la commande ne permette pas de changer de vitesse par l’arrière, avec l’index. Toutefois, c’est surtout une question de préférences personnelles et cela pourra être corrigé facilement si Sram décide de proposer d’autres interfaces.
En ce qui concerne le vieillissement esthétique, c’est un peu moins rose. Le dérailleur a quelques marques, notamment sur la chape, mais ce n’est pas le plus gênant, d’une part parce que la chape carbone du XX SL n’a peut-être pas été prévue pour un usage trail/AM et d’autre part parce que toutes les pièces qui sont touchées sont facilement remplaçables.
Le plus embêtant, c’est le pédalier. La finition du carbone est tout simplement fragile, tant sur les impacts que face aux frottements des chaussures. Pour les premiers on peut sauver un peu les meubles avec les embouts de protection (qu’on vous recommande chaudement d’utiliser) mais pour les seconds, il n’y a malheureusement pas grand chose à faire. Les rayures apparaissent vite et c’est dommage de voir ça à ce niveau de gamme. La durée de vie de la finition des pédaliers carbone est souvent un sujet compliqué, Sram n’est pas la seule marque concernée, mais on ne s’attendait tout de même pas à la voir s’user aussi vite.
Pour finir, une remarque à titre personnel : à la rédaction, chacun a son avis sur les groupes AXS mais en ce qui me concerne, le système ne m’avait jamais vraiment convaincu en VTT avant cette nouvelle génération. Bien sûr, le fonctionnement de la manette était agréable et ne pas avoir de câble à gérer est un vrai plus mais, à l’usage, je trouvais toujours qu’une transmission mécanique bien réglée et entretenue faisait tout aussi bien le travail avec le « confort » d’être en terrain connu. En tant que journaliste et testeur, je roule la plupart du temps sur les vélos que vous voyez ensuite passer dans ces pages mais si j’avais dû en garder un pour mon usage personnel, j’aurais sûrement pris une transmission mécanique.
Avec ces nouveaux groupes « T-Type », ça n’a plus rien à voir. On a la sensation que Sram exploite enfin le potentiel du système à sa juste mesure et c’est ce qui m’a (enfin) convaincu. Est-ce qu’on vous conseille pour autant d’abandonner votre transmission actuelle au plus vite afin de vous équiper de la nouvelle ? Évidemment, non. En revanche, quand la question de changer de vélo se posera, on vous recommande sans hésiter de vous diriger vers une machine qui sera équipée d’un de ces nouveaux groupes… En espérant que la technologie se décline en version plus accessible sous peu.
Verdict
« Côté performances et sensations, on frôle la perfection. Ni plus, ni moins. Pas de quoi rendre complètement has been un XX1 ou un X01 Eagle à câble, ni tout à fait de quoi envoyer le Shimano Di2 au rayon des antiquités, mais on est indubitablement un ton au-dessus » écrivait notre rédac’ chef Olivier à sa découverte de l’AXS première génération, il y a quatre ans. Le clin d’oeil à son article est facile, trop facile, mais la conclusion est bien là : cette fois, ces nouveaux groupes rendent complètement has been ceux à câble et envoient le Shimano Di2, qui a d’ailleurs presque disparu en VTT depuis qu’il n’a pas suivi le mouvement du 12 vitesses, au rayon des antiquités. Facilité d’installation, niveau de performance et maintien dans le temps, solidité, les transmissions Sram T-Type ont tout pour elles et n’ont simplement pas d’égal sur le marché. C’est aussi un très gros coup porté à Shimano, qui risque de se voir bientôt cantonnée à l’entrée de gamme si elle ne réagit pas rapidement… A nos yeux, c’est réellement une nouvelle ère qui s’ouvre pour les transmissions et on n’a qu’une hâte, c’est que cette technologie se démocratise. Dire qu’il aura fallu attendre 2023 pour en arriver là !
Vous en voulez encore plus ? Nous avons retranscrits les interviews complètes des différentes personnes que nous avons rencontré chez Sram en Allemagne, là où la transmission a été imaginée et conçue : Sram Eagle AXS 2023 : dans les coulisses du développement
Et pour toutes les informations techniques (vous êtes sûr ?) : sram.com