Test | Specialized Stumpjumper Pro 2021 : plus qu’un digne héritier

Par Olivier Béart -

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Test | Specialized Stumpjumper Pro 2021 : plus qu’un digne héritier

Même s’il garde les derniers codes esthétiques de la lignée et un fameux air de famille avec son prédécesseur, le nouveau Specialized Stumpjumper 2021 est une petite révolution au sein de la marque au « S ». Il abandonne en effet la sacro-sainte suspension FSR au profit d’un mono-pivot avec triangle arrière qui joue sur la flexibilité du carbone… comme sur les machines de XC. Sacrilège pour le 130/140mm qui se veut polyvalent et joueur ? Pour le savoir et pour découvrir l’influence de toutes les petites et grandes évolutions qu’il cache, Vojo l’a testé :

Modèle important dans l’histoire de la marque, le Specialized Stumpjumper évolue de fond en comble pour 2021. On est toujours en présence d’une machine destinée au segment « trail », et le Stump reste en roues de 29″ comme son prédécesseur, mais la suspension et la géométrie changent radicalement pour (re)faire de ce vélo la référence des montures joueuses et polyvalentes, plus dynamiques et amusantes que les purs vélos d’enduro taillés pour le chrono, et plus tolérantes et capables que les XC bodybuildés en 120mm qu’on voit arriver de plus en plus sur le marché.

Esthétiquement, le nouveau Specialized Stumpjumper 2021 reste très proche de son prédécesseur. Pourtant, malgré l’emploi de codes visuels très similaires, quand on se penche sur la fiche technique, on comprend qu’il s’agit bel et bien d’un tout nouveau vélo, et qu’il subit des changements fondamentaux que nous allons vous détailler :

Châssis

Tout d’abord, ce qu’il faut bien garder à l’esprit, c’est qu’il n’existe désormais plus que deux Stumpjumper. Celui que vous avez sous les yeux, et le modèle Evo plus radical (voir toutes les infos ici). Exit par contre le Stumpjumper ST en 120/130mm. Jugé trop proche de l’Epic Evo, il disparaît, et le nouveau Stumpjumper que vous avez sous les yeux, en 130/140mm de débattement, est censé remplacer à la fois l’ancien « Long Travel » (140/150) et le « Short Travel ».

Au niveau du cadre, les grands ingrédients qui ont fait le succès du Stumpjumper restent, mais Specialized s’est attelé à réduire le poids du cadre, annoncé à un poids record (pour le segment) de 2240g en taille S4 avec amortisseur et visserie complète ! Pour arriver à ce poids plume, la marque a travaillé sur trois axes.

Premièrement, les formes du cadre ont été analysées finement et un regard averti remarquera que le nouveau cadre a des lignes plus droites, plus tendues permettant d’éliminer des renforts, de minimiser le volume de carbone employé et de laisser les fibres de carbone les plus droites et continues possible. Cela se remarque notamment au niveau de l’ancrage de l’amortisseur, de la forme du top tube ou du renfort latéral autour de l’amortisseur.

Ensuite, le layup de carbone a aussi été optimisé en fonction des zones, avec également l’utilisation de fibres Fact 11m qui comptent parmi les plus légères disponibles au catalogue de la marque. Enfin, chaque taille de cadre a droit à son layup spécifique dans le but de permettre tant à un rider de 50kg roulant sur un vélo en taille S1 qu’à un grand musclé roulant sur le plus grand modèle S6 d’éprouver les mêmes sensations au guidon.

En plus du cadre alu disponible sur les deux premiers modèles de la gamme (et annoncé à 1kg de plus que le modèle carbone pour le cadre seul, tout de même), un seul et même cadre tout en carbone (avant et arrière) se retrouve sur tous les modèles supérieurs. Exit, donc, les bras arrière en aluminium. Seul le SWorks a droit en plus à un « yoke » en carbone pour relier le triangle arrière et l’amortisseur.

Enfin, on notera aussi que la fameuse Swat Door est plus que jamais au programme. Permettant d’ouvrir une trappe sous le porte-bidon et d’avoir accès à l’intérieur du cadre pour y stocker différentes choses, elle voit sa capacité augmenter. Désormais, on peut aller vraiment quasi jusqu’à l’axe de pédalier, et un nouveau set de pochettes dédiées permet de prendre plus de matériel avec soi, ainsi qu’une réserve d’eau sous forme d’une outre flexible. Bien pensé et vraiment utile !

Cinématique et suspensions

Ici, il y a du gros changement. Voire même une révolution, puisque le Specialized Stumpjumper abandonne le sacro-saint principe de suspension « Horst Link » sur les bases. On passe ici sur un monopivot à biellette, avec un triangle arrière qui joue sur la flexibilité du carbone pour se passer de « vrai » point de pivot sur roulements. C’est là un des secrets de la légèreté de son cadre, à laquelle il parvient en empruntant des recettes habituellement vues sur des vélos de XC. (pour plus d’infos, voir notre grand lexique des suspensions)

Néanmoins, malgré ce changement technique important, le nom FSR reste puisqu’il signifie simplement « Future Shock Rear », et la philosophie de fonctionnement de la suspension reste fort similaire. Pas question d’avoir quelque chose de « raide » et trop « vif ». La courbe de suspension reste relativement similaire, avec un début très sensible, un support important en milieu de course, et une fin de course pas trop ferme (qu’on peut ajuster au moyen de volume spacers dans l’amortisseur), sauf en toute fin de course pour éviter la sensation de « taper au fond ».

En parallèle, Specialized a opté pour un réglage « RX Tuned » assez léger en compression. L’idée au niveau du setting d’amortisseur est d’offrir un bon maintien sur les compressions lentes (au pédalage par exemple) et beaucoup de souplesse sur les successions de chocs pour offrir au pilote une réelle sensation de confort et de vélo qui colle bien aux reliefs. Ah oui, et avec tout cela, on en oublierait presque le débattement, qui est réduit à 130mm, contre 140mm sur le précédent Stumpjumper LT et 120mm sur le ST. Un véritable intermédiaire, complété par la présence de la version Evo plus radicale, avec 150mm de débattement à l’arrière.

Géométrie

Ici aussi, il y a du changement. Et pas que dans les cotes elles-mêmes, mais aussi et surtout dans la manière de les présenter. Et, au final, dans la manière de guider l’acheteur vers la taille idéale pour lui. Oubliez les traditionnels « small, medium, large,… » ; place ici à un code de chiffres : « size 1, 2, 3, etc ». L’idée est de repérer dans ces tailles celle qui est théoriquement « idéale » pour vous ou la plus proche de votre vélo actuel, tout en étant encouragé à lorgner vers la taille du dessous si vous souhaitez un vélo plus orienté vers le côté joueur et maniable, ou vers celle du dessus pour un vélo plus stable et orienté vers la recherche de vitesse.

De manière générale, la géométrie du Specialized Stumpjumper 2021 s’inscrit bien plus dans la tendance que celle de son prédécesseur, très court par rapport à la concurrence. Le reach s’allonge de 3cm (!) entre l’ancien taille M et le nouveau S3, l’angle de direction perd 1° (65,5°), l’angle du tube de selle se redresse de 2° (76,5°) et les bases perdent 5 mm (432 mm). Des bases courtes, un angle de direction généreusement ouvert et un reach long mais sans excès : voilà qui devrait donner un cocktail intéressant sur le terrain.

On remarque enfin que la géométrie est ajustable, grâce un flip-chip à deux positions qui fait évoluer l’angle de direction (- 0,5° en Low), l’angle du tube de selle (- 0,5° en Low) le reach (- 5 mm en Low) et la hauteur du boîtier de pédalier (- 7 mm en Low).

Equipement

Nous avons eu l’occasion d’obtenir un exemplaire du Specialized Stumpjumper Pro 2021, c’est à dire le montage le plus haut de gamme avec le cadre classique, juste sous le S-Works. Les suspensions Fox Factory Kashima sont identiques sur le Pro et le S-Works, avec notamment la toute nouvelle fourche Fox 34 avec la complexe mais très performante cartouche Grip2 réglable en compression et rebond hautes et basses vitesses.

Proposée à 7499€, cette version se pare logiquement d’équipements très haut de gamme. Si les tarifs Specialized restent toujours élevés (sauf en entrée de gamme, puisqu’on peut déjà avoir un Stumpjumper alu équipé tout à fait décemment pour 2199€), mais on sent que la marque a fait un vrai effort sur les montages, où on ne rencontre plus les petites mesquineries qu’on pouvait encore trouver il y a peu et qui ne manquaient pas de faire froncer les sourcils.

Côté transmission, on a ainsi droit à du Sram XO1 Eagle avec pédalier Truvativ Descendant carbone et cassette 10-52 dents qui offre un petit coup de pouce parfois bien agréable dans les montées raides… que ce vélo incite clairement à grimper. Le petit plateau de 30 dents montre clairement aussi que le but de ce vélo est de pouvoir aller partout et d’avaler du dénivelé, plus que de viser les grosses moyennes.

Les roues sont bien évidemment des Roval, la marque maison, avec des cercles Traverse carbone en 30mm de largeur interne, montés sur des moyeux DT Swiss 350. Quant aux pneus, on a le couple Butcher devant et le nouveau Purgatory très orienté traction/freinage à l’arrière. Tous deux en carcasses Grid et avec gomme Gripton, le tout en section 2.3.

Les freins sont les nouveau Sram G2, pas aussi puissants que les Code, mais parfaitement suffisants dans le cadre d’un programme « trail », comme celui prévu ici. Les soucis de fiabilité et d’inconstance de la précédente génération semblent bien faire partie du passé et même s’ils restent toujours des freins très progressifs, où il faut aller chercher assez loin la puissance, nous les avons beaucoup appréciés.

Enfin, du côté des accessoires, le cintre en carbone et la très bonne selle sont signés Specialized, mais on trouve une originale potence Deity en 35mm de long pour compléter le poste de pilotage, et une tige de selle Fox Transfer Kashima dont le généreux débattement de 175mm devient vite assez addictif et indispensable.

Au total, notre modèle de test sort au poids très bas de 12,830g sans pédales, mais avec les accessoires Swat dans le cadre. Pour la catégorie, c’est rare de passer sous les 13kg ! Pour plus de détails sur les autres modèles de la gamme et montages, rendez-vous dans cet article : https://www.vojomag.com/news/nouveaute-specialized-stumpjumper-2021-adieu-le-fsr/

Specialized Stumpjumper Pro 2021 : le test terrain

Bon, c’est le haut de gamme, alors on va dire que c’est facile, mais la finition et la présentation de ce modèle Pro ne peuvent pas laisser indifférents. C’est classe, c’est cohérent, les lignes sont plus épurées que jamais et les côtés pratiques ne sont pas oubliés non plus avec la Swat Door qui permet de décharger le pilote au profit du vélo, ce qui est assez appréciable sur le terrain. Seul petit regret : on remarque assez vite que les pieds viennent frotter sur les bases et rendent la peinture plus matte. Quant aux réglages de suspensions, ils sont simplissimes et nous avons roulé selon les préconisations du constructeur, sans ressentir le besoin de s’en écarter par la suite.

Sur papier, ce nouveau Specialized Stumpjumper est censé en remplacer deux (les anciens ST et LT). Et sur le terrain, cela se confirme ! On a le beurre et l’argent du beurre avec le « pep’s » de l’ancien ST (voire même encore un peu mieux) et quasi le débattement ainsi que les capacités du LT dans le technique. Son poids plume pour le segment lui confère une réelle facilité de pédalage et une faculté à avaler les portions roulantes comme peu de ses concurrents peuvent le faire. En cela, il nous a rappelé le Giant Trance Advanced avec ses suspensions Live Valve… mais sans que le Stumpjumper ait à recourir à quoi que ce soit d’électronique pour offrir ce beau dynamisme.

Bien sûr, ce n’est pas un Epic Evo, on sent directement que la cible n’est pas la même, mais si on ne va pas chercher à battre des records de vitesse moyenne, on n’a jamais l’impression de se trainer, ni de rouler sur un vélo qui mange l’énergie au pédalage. Parallèlement à cela, il offre un grip absolument redoutable en côte et, grâce aussi à son excellent pneu arrière, la traction est assez redoutable. Si vous avez la force nécessaire dans les jambons, peu de montées impossibles devraient vous résister. Et tout cela sans jamais vraiment ressentir le besoin de durcir l’amortisseur avec la petite mollette de « blocage ». Sauf peut-être dans les longues côtes sur asphalte.

Avec son changement de suspension, a priori pas bénéfique pour la sensibilité, on attendait le nouveau Stump au tournant au chapitre du confort. Et nous avons été très agréablement surpris ! Franchement, on nous aurait caché la suppression du point de pivot Horst Link, pas sûr que nous aurions pu la deviner. Et ce réel effet « coussin » est vraiment agréable car il n’y a pas besoin de rouler vite ou d’engager au guidon du Stumpjumper pour éveiller sa suspension et profiter de ses charmes. Voilà qui élargit encore plus son public cible et qui mérite d’être souligné à l’heure où beaucoup de vélos lorgnent sans cesse vers plus de radicalité. Ici, c’est une vraie invitation à rouler.

Et en descente alors ? Eh bien la fête continue ! Elle prend même une autre dimension. Nous avons testé le Stump’ en taille S4 pour des pilotes compris entre 178 et 182cm, et nous avons vraiment apprécié ce choix de la grande taille. Avec 480mm de reach, on est clairement sur un vélo long… mais cela ne se ressent pas tant que cela et il ne faut pas spécialement être un expert pour en tirer parti. Sa stabilité est, comme on s’y attendait, assez démoniaque, d’autant que les roues sont littéralement collées au sol par les suspensions.

On l’a déjà dit, mais l’arrière ne souffre pas, ici non plus, de la suppression d’un des points de pivot. Et, à l’avant, la « petite » Fox 34 s’en sort plus que bien. Son châssis rigide mais pas trop semble un bon compromis sur ce genre de machine et nous n’avons pas vraiment ressenti le besoin de passer sur une 36 plus rigide, du moins dans le cadre d’un usage sur des reliefs moyens (comprenez : pas à la montagne – mais pour cela, il y a le modèle Evo).

Pour autant, malgré sa longueur, la maniabilité, les côtés facile et joueur sont totalement préservés et on a l’impression d’avoir entre les mains un petit jouet, léger et plein de répondant. A ce titre, on apprécie aussi les roues Roval, assez rigides pour offrir une vraie précision dans les trajectoires, mais sans tomber dans l’excès.

Pas effrayé par les longues sorties, que du contraire, capable de faire de la simple rando, et même de s’en sortir avec les honneurs sur un marathon, il pourra aussi offrir plaisir et sécurité à son pilote pour un usage occasionnel en montagne ou même en enduro. Clairement, son « petit » débattement ne se sent pas du tout et on pourrait croire sans mal qu’on a 150mm à l’arrière. Bref, en matière de polyvalence, dur de faire mieux !

Verdict

Remplacer deux Stumpjumper par un seul : la mission du petit nouveau n’était pas facile. Mais il s’en sort avec les honneurs, et même plus que cela. Nous avions déjà vu passer quelques tests très élogieux chez certains de nos confrères de la presse internationale, et nous ne pouvons que confirmer : ce millésime 2021 du Stumpjumper fera date ! Sur le papier, nous avions quelques craintes quant au nouveau principe de suspension, et quelques questions par rapport à l’évolution de la géométrie (Specialized, qui a toujours fait des vélos assez courts, n’avait-il pas juste cédé à la mode ?). Et sur le terrain tout cela a été vite dissipé. Léger, très bon pédaleur, hyper capable en descente sans oublier d’être fun : voilà un engin qui coche toutes les cases. Ou presque, car son prix reste hélas très élevé. Petit conseil : n’hésitez pas à regarder vers les modèles moins onéreux. En carbone, le cadre reste le même, et moyennant quelques petits upgrades vous pourriez facilement arriver à retrouver quasiment ce qu’offre le Pro de notre essai. Quant au modèle alu, il perdra sans doute un peu en rendement, mais il devrait conserver la plupart des autres charmes du modèle.

Specialized Stumpjumper Pro 2021

7499€

12,830kg

  • Suspension arrière plus efficace que jamais
  • Géométrie renouvelé, plus radicale, mais toujours aussi équilibrée
  • Comportement joueur...
  • ... tout en offrant beaucoup de confort et de facilité
  • Les tarifs, toujours salés même si l'équipement est à la hauteur
  • RAS

Évaluation des testeurs

  • Prix d'excellence
  • Coup de coeur
  • Rapport qualité / prix

ParOlivier Béart