Test | Specialized Stumpjumper Expert 29 : un mythe, ça s’entretient
Par Olivier Béart -
Modèle phare de la gamme, le Specialized Stumpjumper a été complètement remanié il y a deux saisons. Géométrie revue, suspension remaniée, lignes plus tendues et autres petites astuces : ce 29 pouces ultra polyvalent met toutes les chances de son côté pour rester la référence qu’il est depuis si longtemps. Nous avons voulu voir ce qu’il en est réellement. Place à l’essai :
Les différentes versions du modèle ont aussi été rationalisées depuis la sortie de cette dernière version il y a deux ans : Il n’y a plus qu’un cadre compatible 29 pouces et 6Fattie (l’appellation du 27,5+ chez Specialized) au lieu de deux (ce qui n’avait pas beaucoup de sens il est vrai), alors que le châssis 650b est toujours disponible, mais uniquement en entrée et milieu de gamme (Comp Alu et Comp Carbon).
On trouve désormais, en tout, 4 versions et niveaux d’équipement : S-Works, Expert, Comp et Comp Alu (avec les deux derniers en 650b, cela fait donc 6 variantes en tout). Le premier dispose d’équipements très luxueux (XX1 Eagle, suspensions Ohlins, roues carbone,…) et d’un cadre entièrement en carbone fait des fibres les plus haut de gamme disponibles chez Specialized. L’Expert testé ici a un triangle avant un peu plus lourd que le S-Works et un arrière alu, ainsi que des équipements moins haut de gamme (que nous détaillerons plus loin). Le Comp Carbon se base sur le même châssis que l’Expert mais descend d’un cran en équipements (groupe 11 vitesses, fourche Revelation, roues alu,…) et enfin le Comp a le même montage que le Comp Carbon, mais avec un cadre entièrement en aluminium.
Les tarifs vont de 2999 à 8999€ et le S-Works est aussi disponible en cadre seul à 3499€. A 5499€, notre Specialized Stumpjumper Expert se place juste sous le S-Works. Il existe aussi une version Pro sur certains marchés, mais elle n’est pas prévue pour nos contrées. Les plus attentifs auront aussi noté qu’il n’y a plus de vélo complet en 6Fattie, car la demande était minime chez nous, mais des roues de 27,5+ avec pneus de 2.6, 2.8 ou 3.0 peuvent être achetées séparément et mises sur un cadre 29 ou même directement échangées en magasin.
Le cadre
Le cadre du Specialized Stumpjumper mérite qu’on s’y attarde sur au moins deux points, à commencer par sa géniale Swat Door. Elle s’inscrit dans la tendance qui est de plus en plus à rouler sans sac à dos et d’alléger le plus possible le pilote pour libérer ses mouvements. Mais, plutôt que de faire tenir l’indispensable matériel de réparation à l’aide de sangles et de scotch, on peut ici profiter de l’espace dans le tube diagonal, auquel on accède via une trappe située sous le porte-bidon. Specialized vend (séparément) un kit avec pompe, démonte-pneu, cartouche de CO2, chambre à air et le multi-outil est logé sous le porte-bidon. Simple, malin et pratique.
L’intérieur du tube diagonal est très propre et bien fini, et vu qu’on y stocke du matériel, difficile d’imaginer les câbles passer « nus » en interne. Tout est donc tubé, ce qui permet aussi de faciliter grandement les opérations de montage/démontage (pour plus d’infos, voir notre présentation du Stumpjumper lors de sa sortie et les explications du chef produit que nous avions rencontré à l’époque)
Quant à la couleur de cette version, on vous laisse juge. Pour notre part, sur le principe, nous aimons beaucoup qu’une marque s’affranchisse des clichés et se lance dans des teintes turquoises et même du rose sur un vélo de la gamme masculine. Après tout, pourquoi pas ! Et pour ceux qui n’accrochent pas, le modèle est aussi disponible en noir et rouge sobre et classique.
Cinématique et suspensions
Comme tous les Specialized, le Stumpjumper utilise la mythique suspension FSR, un four bar linkage avec pivot Horst Link placé au niveau des bases. Cette suspension, qui offre ici 135mm de débattement à la roue arrière, est séduisante à de nombreux égards : elle est connue pour être sensible en début de course tout en parvenant à bien gérer les gros impacts et en faisant preuve de progressivité en fin de débattement. Mais, à la base, elle est plutôt sujette au pompage.
Sur la précédente génération de Stumpjumper, en dépit de son orientation trail, Specialized avait recours au Brain, son système de blocage automatique issu du XC. Ici, c’est fini : la marque a réussi à trouver les solutions permettant de s’en passer et de garder un vélo vif au pédalage. On note aussi qu’un gros travail a été fait sur le dosage de la rigidité du triangle arrière, avec d’imposants tubes carrés (en alu sur notre modèle Expert) et une biellette ainsi que des points de pivot renforcés… mais plus aucun renfort pour lier les haubans gauche et droit, ce qui permet de garder un peu de tolérance.
Pour le millésime 2018, le Specialized Stumpjumper n’est plus équipé d’un amortisseur Fox, mais d’un RockShox, comme d’ailleurs la plupart de la gamme. Il s’agit ici d’un Monarch RT3, avec un levier permettant de régler la compression sur 3 niveaux. Par rapport au Fox, Specialized a travaillé sur le Monarch pour obtenir à la fois un peu plus de sensibilité en début de course, mais aussi une plateforme plus marquée pour assurer un meilleur maintien. L’effet recherché est d’obtenir un vélo qui pédale encore un peu mieux, plus dynamique quand on donne des impulsions à la suspension sur des franchissements, et qui ne s’affaisse pas du tout dans les montées raides.
Enfin, on retrouve avec grand plaisir le génial système Auto SAG, qui permet d’effectuer très facilement le réglage initial de la suspension. Il suffit de gonfler l’amortisseur à 250psi, d’activer l’Auto SAG en appuyant sur sa petite valve et il ne restera dans l’amortisseur que la pression adaptée à votre poids. En pratique, cela marche très bien, même si après quelques heures de roulage, nous avons enlevé environ 10psi pour obtenir une suspension un poil plus souple qu’avec le réglage d’origine.
A l’avant, pour offrir les 150mm prévus, c’est le chemin inverse qui a été fait : exit RockShox, on trouve maintenant une fourche Fox 34 Performance avec non pas la cartouche hydraulique FIT4, mais la Grip plus basique. Elle offre néanmoins un réglage de la compression, mais sans différencier les hautes et basses vitesses. Côté air, on a par contre droit à la dernière génération à cartouche Evol. Nous verrons sur le terrain dans quelle mesure elle joue sur le comportement global du vélo.
Géométrie
La géométrie est un point sur lequel Specialized a beaucoup travaillé lors du remaniement du Stumpjumper il y a deux ans. L’adoption d’un axe arrière en Boost 148 a permis de raccourcir très fort les bases, qui sont passées de 455 sur l’ancienne version à 437mm sur le petit dernier. L’angle de direction est de 67° : rien d’extrême, mais en 29″ et vu le programme polyvalent du vélo, c’est tout de même une valeur qui a de quoi mettre en confiance lorsqu’il s’agira d’emmener le vélo dans du raide.
L’angle de selle est assez redressé, avec 74°, ce qui est intéressant pour favoriser le pédalage. Mais, à nouveau, on est plus dans des valeurs de compromis. C’est aussi le cas au niveau du Reach. Alors que la tendance est d’allonger très fort le triangle avant, Specialized reste sur quelque chose de plus court avec 431mm en taille L ; un chiffre qu’on rencontre aujourd’hui souvent sur du médium. On note aussi que, si la hauteur de douille de direction est identique en S et M, elle progresse de 3 cm en taille L. Même si elle n’est pas démesurée, cela relève assez fort l’avant d’une taille à l’autre. A garder à l’oeil si on hésite entre les deux tailles.
Equipement
Specialized est, depuis longtemps, assez fort sur ce point. La marque n’hésite jamais à panacher les marques et même à faire produire des séries de composants spéciaux, mais on sent que tout cela est fait par des personnes qui roulent et l’ensemble tient en général très bien la route. Ainsi, le montage de notre Specialized Stumpjumper Expert va dans le très haut de gamme sur certains points cruciaux et va gratter quelques euros à d’autres endroits pour rester sous la barre des 5500€… un prix déjà salé, mais qui ne permet pas encore de faire toutes les folies imaginables au moment de remplir la fiche produit. Il faut aussi se rappeler qu’à sa sortie, le Specialized Stumpjumper Expert était affiché à 6000€. La version 2018 baisse donc de tarif, ce qui est plutôt une bonne nouvelle.
Cette recherche d’optimisation et de rencontre des demandes des bikers se voit clairement au niveau des roues, puisqu’on a désormais droit aux excellentes jantes carbone Roval en 30mm de large. Attention, il ne s’agit pas à proprement parler des Traverse qui sont vendues en after market et qui sont montées sur le S-Works : les jantes sont identiques, mais les moyeux sont différents, tout comme le rayonnage. N’empêche, le principal est là, et c’est très bien.
Pour compléter cette bonne base au niveau du train roulant, on trouve des pneus maison, avec les Specialized Purgatory à l’arrière et Butcher à l’avant, tous deux en 2.35 de section, carcasse Grid renforcée et surtout avec l’excellente gomme Gripton. Specialized produit de bons pneus depuis longtemps, mais une étape a été franchie l’année dernière et on peut dire très clairement qu’il s’agit de pneus qui comptent parmi les meilleurs du marché. Nous verrons d’ailleurs dans notre test qu’ils ne sont pas pour rien dans l’excellent comportement global du vélo.
Au niveau de la transmission, Specialized a par contre fait des économies, puisqu’il n’y a plus besoin de dépenser des sommes importantes pour profiter des grands développements du 12 vitesses. Le Sram GX Eagle est plus lourd et un poil moins rapide que les XO1 et XX1 Eagle, mais il fonctionne très bien (nous avons eu quelques ratés sur d’autres vélos de test, mais pas ici) et sur un vélo qu’on peut emmener un peu partout comme le Stumpjumper, cela permet de ne pas craindre de devoir vendre un rein chaque fois que le dérailleur cogne un caillou. A propos de caillou, on note aussi la présence de manivelles un peu plus courtes, en 170mm, pour minimiser les risques de contact des manivelles avec le sol.
Les freins viennent aussi de chez Sram avec les Guide R, la version d’accès, mais dont les performances des étriers 4 pistons sont en accord avec le programme du vélo. Ils sont montés avec des disques de 200mm à l’avant et 180mm à l’arrière (sur les vélos en taille L et XL ; les S et M étant en 180/160).
Pour le reste, on retrouve pas mal de composants maison, comme la selle, ou encore le poste de pilotage (un peu haut – nous en reparlerons), mais aussi l’excellente tige de selle télescopique Command. Les soucis de fiabilité des débuts sont visiblement oubliés, sa nouvelle commande est encore plus souple à manipuler et ses trois positions sont finalement bien suffisantes. Seule sa très grande rapidité de remontée pourra déconcerter certains, mais on ne peut pas vraiment parler de défaut.