Test – Sobre Cash : la magie de l’acier
Par Olivier Béart -
Dans leur Beaujolais natal, Eric Salamand et Laurent Zanotti se sont lancés dans une aventure un peu folle, il y a de cela déjà bientôt 8 ans. Leur idée : concevoir des cadres en acier, simples et accessibles, qui se concentrent sur l’essentiel avec une géométrie très soignée et un comportement résolument axé vers le plaisir. Dans une gamme aujourd’hui riche de 4 modèles vtt, nous avons sélectionné l’endurigide 27,5 » de la bande, le Sobre Cash, pour le mettre à l’épreuve. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que son nom ne trompe pas sur la marchandise !
Eric et Laurent, les fondateurs de Sobre, font partie de ces indispensables illuminés sans lesquels le monde du vélo serait bien trop standardisé. Petit à petit, ils ont réussi à se faire une place respectable dans le paysage vttiste francophone, mais aussi un peu européen. C’est que les cadres Sobre présentent des caractéristiques qui les rendent particulièrement attrayants. A commencer par leur prix, puisque tous les modèles de la gamme ont un tarif compris entre 400 et 500€ ! Malgré son patronyme, le Sobre Cash testé ici ne videra votre compte en banque que de 449€, autant dire une paille comparé aux standards auxquels le marché actuel nous habitue. Pour autant, petit prix ne veut pas dire vélo au rabais, loin de là et on sent qu’il s’agit de vélos dont la conception a été particulièrement soignée. On peut aussi vous parler de la fiabilité puisque, pour ne rien vous cacher, l’auteur de cet article est l’heureux propriétaire d’un Sobre Multi depuis près de 5 ans et, vu ce que ce vélo a enduré (y compris le placement d’un siège enfant accroché sur le tube de selle), on peut vous confirmer que c’est du solide ! Mais revenons à nos moutons : la gamme vtt actuelle est composée de 4 modèles, deux en 29 » et deux en 27,5 », avec à chaque fois une déclinaison court et long débattement. Ainsi, le Dad 29 » et le Fiver 27,5 » (aussi compatible 26 ») sont destinés à des fourches de 100 à 120mm, alors que l’Upgrade 29″ et le Cash 27,5 » sont prévus pour des débattements plus importants, entre 130 et 140 ou 150mm. Le cadre du Cash est conçu dans le Beaujolais et fabriqué à Taïwan, comme l’indique sans équivoque un amusant petit sticker posé sur le tube de selle. Son cadre est en CrMo 4130, avec un triangle avant double butted (double épaisseur en bon français) et un tube de selle custom triple butted (conçu spécifiquement pour Sobre par leur fournisseur). Tous les tubes sont traités contre la corrosion, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. La douille de direction est en 44mm de diamètre constant, et c’est le jeu de direction qui se charge de s’adapter à une fourche conique. Détail intéressant, qui est également présent sur les Dad et Upgrade : Sobre a mis au point son propre système de pattes interchangeables en aluminium, qui permettent de choisir soit un axe de 135*10mm, soit du 142*12… qui est évidemment plus indiqué quand on se destine à un usage engagé comme le Cash. Idem pour la tige de selle qui est en 31,6mm (contre 27,2 pour plus de confort sur les modèles à court débattement) afin de pouvoir accueillir un modèle télescopique, lui aussi quasiment indispensable dans le cadre de ce type de programme. Des guide-gaines sont également prévus, mais pas de passage interne à ce stade. Deux couleurs epoxy sont proposées : noir mat comme ici et bleu mat. La géométrie du Sobre Cash est engagée, mais pas extrême. Par rapport à un Commencal Meta HT CrMo par exemple, l’angle de direction est ici de 67,1° avec fourche de 150mm contre 65,5° pour le hardtail venu d’Andorre. Comparé à la tendance actuelle, le Reach (profondeur) du cadre Sobre est assez faible avec 396mm, alors que 420 à 440mm sont devenus courants. Mais cela peut s’expliquer par la volonté de Sobre de faire un vélo maniable et vif, à l’ancienne, en privilégiant un avant court. Enfin, les bases mesurent 430mm de long, ce qui est dans la bonne moyenne en 27,5 », d’autant qu’il accepte sans sourciller de gros pneus jusque 2.5 ». Nous ne nous attarderons pas longuement sur l’équipement de notre Sobre Cash de test, dans la mesure où la marque ne vend que des cadres seuls. Cela dit, le montage que vous avez sous les yeux, un peu hétéroclite et bigarré, montre qu’il est possible de se monter une très belle machine pour environ 2000€, voire encore bien moins si on prend la peine de chercher les bonnes promotions. Le principal est bien présent, avec notamment une fourche RockShox Revelation en 150mm de débattement, peut-être pas aussi rigide et efficace qu’une Pike, mais malgré tout très performante et bien adaptée à la philosophie du vélo. L’indispensable tige de selle télescopique est aussi de la partie, de même que les roues Mavic CrossRoc XL et leurs pneus associés en 2.40 » de large. Ce couple nous a vraiment séduits et, sans taper dans le haut de gamme, il offre un comportement parfaitement en accord avec le Cash. Pour le reste, pas de chichis, avec des composants Sram 1×10 d’entrée de gamme au niveau de la transmission, un peu lents mais fonctionnels. Vu la présence d’une cassette 11/36, et étant donné que le vélo ne vise pas la performance, nous aurions juste préféré un plateau de 30 dents en lieu et place du 32 monté ici et qui s’est avéré parfois un peu dur à emmener. Par contre, la qualité du plateau Hope et l’efficacité de son anti-déraillement minimaliste n’ont jamais été remis en question. Seuls les freins, des anciens Avid Elixir 5, nous ont limités dans nos ardeurs car, comme nous allons le voir de suite avec le test terrain, les capacités du Sobre Cash sont assez importantes, et il ne faut pas lésiner sur ce poste pour vraiment en profiter. Bien que plus tout à fait dans « l’air du temps », la géométrie du Sobre Cash fait vraiment merveille sur le terrain. Il affiche un sens de l’équilibre hors pair. Et quand on parle d’équilibre, c’est dans tous les sens du terme. Equilibre, dans le sens où il réussit à faire preuve d’une très grande polyvalence et à se montrer particulièrement à l’aise tant quand il faut pédaler et grimper longtemps, que quand il s’agit de s’engager dans du très technique, voire même de faire du trial. Et là, on parle d’équilibre au sens propre du terme. Car, en l’absence de suspension arrière pour absorber de l’énergie et pour grever le poids du vélo (encore que, le cadre pèse un bon 2,5kg, soit comme un full léger), on se prend au jeu et, pour peu qu’on ait quelques bases, on peut facilement s’amuser à franchir certains obstacles façon Kenny Belaey. Mais nul besoin d’être un expert pour profiter des charmes du Sobre Cash, car son pilotage est particulièrement accessible et il ne faut pas aller spécialement vite pour sentir qu’on roule sur un vélo qui a un petit quelque chose de différent des autres. C’est presque une évidence de le dire, mais ce cadre en acier est particulièrement confortable. La selle SDG BelAir de notre modèle de test, généreusement rembourrée, ainsi que les gros pneus Mavic en 2.40 », jouent aussi un petit rôle. Mais l’essentiel du travail est bel et bien assuré par le cadre qui filtre les vibrations avec brio. Les plus gros impacts sont quant à eux comme arrondis, et la stabilité du vélo est impressionnante pour un hardtail. Même les réceptions de gros sauts, que le Sobre Cash adore au point qu’on se demande s’il n’a pas quelques gènes de vélos de dirt, donnent l’impression que le sol est aussi moelleux qu’un marshmallow géant. Cela dit, il ne faut pas trop s’emporter non plus. Cet endurigide ne vous rappellera jamais violemment à l’ordre, mais si vous cherchez à aller vite, vous vous souviendrez vite de la deuxième partie du mot endu…rigide. Le déséquilibre entre la fourche de 150mm de débattement qui absorbe presque tout et l’arrière qui ne fait qu’atténuer les reliefs demande un petit temps d’adaptation. On si dit d’ailleurs que 150mm à l’avant, c’est peut-être un peu beaucoup, même si la hauteur de la fourche dans cette configuration est plutôt agréable et ne met pas du tout en péril l’assiette du vélo. En l’absence de suspension arrière, pas de miracle : dès que ça va vite et que ça tabasse, il faut revoir ses ambitions à la baisse et laisser filer ses potes qui ont du débattement sous le postérieur. Le pilotage du vélo est physique, d’autant que la géométrie, privilégiant la vivacité, pousse au vice, ce qui implique un gros travail des bras et des jambes pour tenir le rythme. Mais bon sang, quel pied ! Si on ne va peut-être pas aussi vite qu’avec un full suspendu d’enduro dernier cri, on se marre comme rarement ! On roule aussi sans arrière-pensée quel que soit le terrain ou la météo. Toujours, dans un petit coin de son esprit, on a en tête la robustesse de ses tubes en acier et son prix modéré qui aide à se dire que de toute façon si on se cartonne, les conséquences seront bien moindres qu’avec un carbone haut de gamme (on ne parle pas de l’état du bonhomme, c’est un autre problème… et n’oubliez pas de sortir bien protégés). Au fond, rouler sur un endurigide comme le Sobre Cash, c’est un peu comme rouler en Caterham ou en Lotus Elise de première génération : c’est en sentant le moindre gravillon, en étant en contact direct avec le terrain, qu’on en profite le mieux. Et il n’y a pas besoin de rouler très vite pour éprouver des sensations de vitesse assez grisantes. On travaille aussi la pureté de ses gestes, et les portions plus lentes deviennent vite votre terrain de prédilection C’est là que vous rattrapez vos potes, et où vous les épatez en passant avec assurance dans les portions les plus raides. Inévitablement, il fait penser aux hardtails en pneus « Plus » comme le Specialized Fuse que nous avons testé récemment. Les deux se destinent à un programme similaire, orienté « trail » et plaisir, mais ils y parviennent par des chemins différents. Si vous habitez dans une zone très cassante, genre Alpes Maritimes, un Plus sera peut-être mieux adapté. Mais pour la boue, les reliefs souvent humides et un poil moins prononcés, le Cash reprend l’avantage. Ce n’est pas un hasard si les endurigides sont aussi populaires en Grande-Bretagne… On l’a dit, il faudra juste penser à l’équiper de freins mordants, et peut-être aussi de pneus un peu plus polyvalents que les Mavic CrossRoc XL du test qui, s’ils sont bons sur le sec, perdent vite de leur superbe dans la boue et les rochers humides. Sur la fourche, le blocage a vite rendu l’âme, mais ce n’est finalement pas bien important car les relances en danseuse ne sont pas vraiment l’exercice auquel on a le plus envie de s’adonner quand on possède ce genre de vélo. Pourtant, on peut réellement parler de rendement, car le Sobre Cash fait preuve d’une belle nervosité quand on appuie sur les pédales. L’élasticité de l’acier renvoie l’énergie de façon assez directe et malgré un train roulant pas franchement léger, ainsi qu’un poids en ordre de marche autour de 13kg (avec pédales), on ne se traine pas à son guidon et on a pas du tout l’impression de rouler avec un vélo pataud. En conséquence, on se surprend à ne pas voir le temps passer à son guidon et à faire de très longues sorties sans vraiment s’en apercevoir. Seul le développement pas vraiment adapté limite parfois les ardeurs et un groupe 1×11 type Shimano XT M-8000 ou Sram Gx serait plus adapté voire, à défaut, un pignon adaptable de 40 ou 42 dents. Plaisir et évasion : n’avons-nous pas là deux des principaux points que nous recherchons tous quand nous grimpons sur notre monture. Et c’est justement ce que le Sobre Cash offre en priorité. Pas de chichis, pas de suspension arrière, pas d’artifices de style : juste de la… sobriété, mais aussi et surtout le principal, à savoir une géométrie et un cadre en acier parfait pour prendre son pied en toutes circonstances. Accessible par son prix, le Cash l’est aussi dans son comportement. Vélo d’hiver, vélo à tout faire, vélo d’esthète, peu importe comment on l’imagine, peu importe comment on le définit : que c’est bon que ce genre de vélo existe ! Attention : à moins que vous ne soyez un compétiteur avide de vitesse pure, si jamais vous craquez en vous disant que « à ce prix là, cela fera un bon 2e ou 3e vélo », vous risquez fort de le sortir bien plus souvent que prévu et de laisser vos autres montures au clou. Plus d’infos : www.sobre-bikes.comGéométrie
Equipement
Sobre Cash : le test terrain
Verdict