Test : Schwalbe Procore, tout pour le grip
Par Christophe Bortels -
Avec le Procore, Schwalbe a pour ambition de révolutionner le tubeless en offrant tous les avantages de la basse pression, mais sans les inconvénients. Après une première et courte prise en main chez Schwalbe, fin 2014 en Allemagne, nous avons mis ce système à l’épreuve durant plusieurs mois. Alors, promesses tenues ?
(Test publié le 13 novembre 2015 et mis à jour le 26 novembre 2016, voir au bas de l’article)
Nous n’allons pas ici passer à nouveau en revue tous les détails concernant le Procore, que vous pouvez retrouver dans cet article réalisé l’hiver dernier. Mais s’il fallait résumer le concept en une phrase, imaginez un pneu route et sa chambre à air, gonflés à haute pression, au-dessus desquels on vient monter un pneu tubeless classique qu’il faut très peu gonfler. L’objectif annoncé est de pouvoir rouler à très basse pression pour gagner en adhérence et en confort tout en protégeant la jante des impacts et en écartant tout risque de déjantage. L’astuce principale réside dans une valve spéciale qui permet, au choix, de gonfler la chambre interne du Procore (la partie bleue) ou le pneu externe.
Avant d’aborder le montage et nos impressions sur le terrain, commençons pour une fois par le tarif. Prix public pour un kit permettant de convertir deux roues : 195€. Ouille… Oui, mais pour cette somme, Schwalbe se montre heureusement généreux et propose un kit très complet comprenant le Procore en lui-même pour deux roues (les « pneus route » bleus, donc), deux chambres avec la fameuse valve spéciale, deux « Airguide » (la pièce rouge qui guide le flux d’air venant de la valve quand on gonfle le gros pneu), du fond de jante, deux flacons de liquide étanchéifiant (latex), du liquide Easy Fit pour lubrifier les tringles et aider le pneu à « monter », trois démonte-pneus spécifiques et des stickers à coller sur la jante, autour de la valve, rappelant dans quel sens manipuler la valve pour gonfler l’une ou l’autre partie du système (l’ensemble chambre à air/pneu bleu à haute pression ou le pneu tubeless à basse pression).
Nous en avons bien sûr profité pour peser les éléments ensemble et séparément avant le montage. Verdict pour un trio pneu/chambre/Airguide : 221 grammes en version 27.5. Comme on le voit, le Procore et la chambre affichent quasiment la même valeur sur la balance, à savoir respectivement 109g et 107g, l’Airguide ne pesant quant à lui que 4g. Disons-le d’emblée, ces 221g par roue peuvent sembler beaucoup, mais nous les avons à peine ressentis pour un usage enduro. Au niveau de la prise de poids, c’est en réalité un peu comme si on roulait en ayant placé une chambre à air bien solide après avoir crevé en tubeless…
Montage et test terrain
Comme lors de notre prise en main en Allemagne, le montage n’a pas vraiment posé de problème. Enfin, presque pas, même si le souci n’est en fait pas venu directement du système Procore. Puisque Schwalbe recommande l’utilisation de jantes d’au moins 23mm de largeur interne, nous avons choisi de laisser bien assez de place aux 4 tringles (eh oui, deux par pneu…) en optant pour des Ryde Trace Enduro et leurs 29mm de large. Malheureusement, si elles sont légères et larges, elles ont la réputation d’entraîner des montages difficiles, et ça s’est vérifié. Monter un pneu dessus est déjà compliqué, alors deux, vous imaginez ! Mais avec de la patience et de l’huile de coude, nous y sommes finalement arrivés. Encore une fois, le Procore en lui-même n’est vraiment pas compliqué à mettre en place, pour autant qu’on suive correctement les instructions de montage et qu’on fasse preuve de patience. On terminera en indiquant que nous n’avons pas eu besoin de compresseur pour faire monter le gros pneu « tubeless » puisque gonfler le pneu interne à seulement quelques bars a rapidement poussé les tringles du pneu externe vers les flancs de la jante. Clac, clac, et voilà ! Bref, attention au choix de jante mais, au final, rien de bien sorcier.
En tubeless traditionnel, nous avions l’habitude de rouler aux alentours de 1.6 / 1.8 bars. Schwalbe suggère pour sa part de commencer par 1 bar avec le Procore et d’ajuster en fonction de ses sensations. Nous avons donc décidé de couper la poire en deux et de reprendre les valeurs de notre test initial en Allemagne, autrement dit 1.4 à l’arrière dans notre Schwalbe Rock Razor Pacestar et 1.2 à l’avant dans notre Magic Mary 2.35 Trailstar. Précisons ici que nos différents ajustements ont à chaque fois été réalisés avec la même pompe à pied pour éviter tout biais. Dès les premiers tours de roue et les premières racines, on retrouve le fameux feeling qui nous avait tant séduits il y a près d’un an et cette impression de disposer d’une mini-suspension ainsi que d’un feeling incroyable grâce au sous-gonflage. Mais un sous-gonflage parfaitement maîtrisé puisque, dans les virages, le pneu se déforme à peine, bien maintenu par le petit pneu interne Procore gonflé à 4 bars. Nous aurions pu monter jusqu’à 6 bars, le haut de la fourchette préconisée par Schwalbe (de 4 à 6 bars), mais nous préférions éviter les contraintes trop importantes sur la jante.
On attaque quelques portions rocheuses en dévers, et c’est vraiment là qu’on se rend compte du gain incroyable apporté par le Procore. Le grip est tout simplement redoutable ! Disons-le franchement, ce système permet de rouler « salement » et pardonne énormément, même dans les portions les plus techniques et chaotiques. De nouvelles lignes s’offrent à nous, on ose bien plus de choses et on est rassuré en se disant que quoi qu’on fasse et où qu’on passe, ça tiendra. Et effectivement, ça tient, encore plus avec les pressions idéales auxquelles nous sommes parvenus au fil de nos ajustements : 1 bar à l’avant et 1.2 à l’arrière. Ces valeurs ne sont certainement pas universelles, mais elles convenaient parfaitement au vélo de test – un Santa Cruz Nomad 3 – et à notre façon de rouler. A chacun bien sûr de trouver les pressions qui lui conviennent ! Pour l’anecdote, nous avons un jour sans le savoir roulé avec 800g dans le pneu avant, et si nous avons évidemment senti une déformation plus importante que d’habitude, ça restait roulable et le grip était encore plus phénoménal. C’est bien simple, il faut le niveau de Nicolas Lau pour doucement sentir les limites du Procore dans certaines circonstances, comme il nous l’expliquait récemment dans une interview.
L’accroche est donc phénoménale à l’avant, mais aussi à l’arrière, ce qui se ressent davantage encore en côte. Alors qu’un pneu arrière gonflé à une pression habituelle aura souvent tendance à « rebondir » sur les racines, pierres etc, on sent ici que le pneu épouse les obstacles et adhère sur tout ce qu’on lui met sous les dents, offrant une motricité démoniaque. Une fois qu’on est habitué au bruit parfois terrible de la gomme qui se déforme et accroche sur tout, ce n’est que du bonheur ! Mais tout ça ne se fait-il pas au détriment du rendement pur sur route ou chemins roulants ? Eh bien non, étonnamment et contrairement à ce qu’on pourrait craindre, malgré la basse pression on n’a jamais l’impression d’être collé au sol.
Au fil du test, on se dit aussi que le Procore est une réelle alternative aux fameux pneus « Plus » de 2.8 ou 3.0 » dont on entend beaucoup parler maintenant. Il offre une grande partie de leurs avantages mais peu de leurs inconvénients (sensations de flou, solidité, besoin de cadres/roues spécifiques, etc). Nous n’avons pas non plus encore eu l’occasion de tester le Procore sur un vélo électrique, mais il pourrait s’agir d’une solution idéale pour continuer à rouler avec des pressions habituelles (autour de 1,5 bar) malgré le poids plus important de la machine.
Comme promis par Schwalbe, accroche incroyable et confort royal sont bel et bien au rendez-vous. Le géant allemand du pneu nous aurait donc sorti un produit magique et sans défaut ? Eh bien non… Car après quelques semaines d’utilisation, notre pneu arrière est devenu particulièrement difficile à gonfler, tant au niveau de la partie Procore avec chambre que du gros pneu tubeless. C’est comme s’il n’y avait plus assez d’air qui parvenait à passer par la valve lors du gonflage. Un démontage et nettoyage de l’obus n’y changeront hélas rien, l’encrassement (par du liquide anti-crevaison séché sans doute) se situant dans la partie non démontable de la valve. L’ennui, c’est qu’on ne peut évidemment pas remplacer la chambre du Procore par une chambre standard, il faut racheter le modèle spécifique avec la valve spéciale. Heureusement, cette pièce est proposée à la vente séparément, au prix de 19.90€. Pour info, si vous détruisez le pneu bleu, c’est pas moins de 59.90€ qu’il vous faudra débourser pour un nouveau. Heureusement, il semble solide.
Un autre problème est apparu quand il a fallu remplacer notre Rock Razor, victime de grosses épines italiennes et d’une petite déchirure naissante : démonter le système s’est en effet avéré aussi compliqué que de le monter, ici aussi en grande partie à cause de la jante Ryde récalcitrante. L’opération s’est faite chez nous, au calme, mais sur le terrain, a fortiori en course, c’eut été une autre paire de manche… Sans compter que, en cas de grosse crevaison/déchirure en tubeless traditionnel, il suffit de monter une chambre à air et on est reparti, alors qu’avec le Procore on doit d’abord retirer la chambre, le pneu bleu et le Airguide avant de monter la chambre à air de secours. Et qu’il faut aussi emporter dans son sac ou une poche de maillot le précieux kit Procore souillé par le liquide anti-crevaison… Ce cas de figure ne nous est heureusement pas (encore) arrivé.
Gare enfin au retour sur des pneus gonflés à pression normale : avec le Procore, on prend l’habitude de couper à travers tout sans poser de question, et faire pareil avec des pneus gonflés entre 1.5 et 2 bars, ça ne pardonne pas. Nous en avons fait l’expérience !
Mise à jour / 26 novembre 2016
Voilà maintenant plus d’un an et demi que nous roulons avec le Procore, que nous avons emmené partout, à la montagne, en compétition et sur nos traces locales. Et au fil du temps, c’est une véritable relation d’amour/haine qui s’est construite. Amour parce que le grip et le maintien du pneu sont un vrai bonheur à l’usage et nous permettent de repousser nos limites, de choisir des lignes audacieuses et de rouler fort sans crainte de casser une jante. Haine car un changement de pneu est toujours une épreuve à laquelle il faut se préparer psychologiquement – la faute à nouveau à ces jantes asymétriques pratiquement incompatibles avec le système ! -, et parce que ces soucis d’encrassement de valve sont inévitables et vont généralement en s’empirant…
Mais tout d’abord, une petite anecdote ! Cet été, après un changement de pneu dans l’urgence, on se dit pour gagner du temps qu’on se passera bien du Procore pour quelques semaines. Mauvaise idée, car arriva ce qui devait arriver… Les 2 Alpes, un petit jump, une pierre tranchante à la réception qui sectionne le flanc du pneu arrière, crevaison instantanée… et la jante qui prend cher dans la foulée !
Difficile de dire combien de fois le système a fait le job et a protégé la jante quand il était monté, mais ici on peut sans aucun doute dire qu’il l’aurait sauvée et permis de redescendre la trace gentiment pour aller changer de pneu à l’appartement ! Evidemment, le Procore a été remonté dans l’heure… La jante a quant à elle été remplacée par une DT XM481 (non-asymétrique) sur laquelle le système s’avère bien plus simple à monter.
Revenons à présent à ces soucis d’encrassement de valve. C’est plus que jamais l’élement sensible de l’ensemble Procore ! La pièce est très astucieuse et fait appel à de la fine mécanique, mais comme on le voit, les trous à la base de la valve (qui servent à orienter l’air vers le gros pneu quand la valve est en position dévissée) sont vraiment petits, tout en étant exposés. Résultat, le liquide anti-crevaison passe par là et envahit tout le système, où il va sécher au fil du temps. A un point tel que nous nous sommes déjà retrouvés deux fois dans l’impossibilité totale de pouvoir régler la pression. L’air ne passe tout simplement plus, dans un sens comme dans l’autre. Impossible donc de gonfler… ou de dégonfler ! Pour démonter l’ensemble dans le but de remplacer la chambre, il faut alors retirer l’écrou de la valve et pousser fort sur cette dernière pour décoller le joint en caoutchouc du fond de jante, ce qui permet de mettre fin à l’étanchéité et de vider le gros pneu.
Reste le problème de la chambre qui est elle toujours gonflée et en circuit fermé, et qui en plus fait pression sur les tringles du gros pneu et les maintient en place… La première fois, on s’en est sorti en appuyant sur le pneu interne, ce qui permettait de faire sortir l’air par la valve très très lentement… La deuxième fois, cette méthode ne marchant pas, nous avons donc laissé la valve ouverte et la roue appuyée au sol pendant une nuit, en espérant que la chambre se dégonflerait toute seule très lentement… et ça a marché ! En parlant de chambre qui se dégonfle seule, voilà un autre problème que nous avons rencontré : certains exemplaires de chambre Procore ont une fâcheuse tendance à perdre de la pression par la valve. Si on la laisse en position de base (vissée comme pour gonfler la chambre), on retrouve souvent le pneu plat parce que le pneu interne a perdu toute sa pression, prend du coup moins de place dans le gros pneu qui se retrouve à plat aussi. Solution : laisser l’obus de la valve en position dévissée (gonflage du pneu principal) ! Plus aucune perte n’a été à signaler depuis…
Bref, le Procore fait toujours des merveilles sur le terrain. Il faut juste intégrer que le système a un gros point faible – la valve – et que la chambre à air Procore est un consommable à remplacer régulièrement pour que l’ensemble reste utilisable et performant !
Verdict
Trop lourd pour le XC, le Procore est par contre taillé pour les pratiques gravity comme l’enduro et la descente où il offre des tonnes de grip, de confort et de sérénité tout en protégeant parfaitement la jante. Le montage/démontage demande un peu de patience mais n’est pas aussi compliqué qu’on pourrait le craindre, seuls des soucis de valve encrassée sont finalement venus ternir un tableau quasi parfait. Alors, une révolution ? On n’en est pas loin !