Test | Santa Cruz Blur CC : un pur-sang différent
Par Olivier Béart -
Si ce sont surtout des Specialized, Scott et autres Cannondale qu’on continue à voir en tête des pelotons mondiaux de XC, d’autres marques développent des bikes de cross très intéressants.C’est le cas notamment du tout nouveau Santa Cruz Blur CC, qui marque le retour de la marque californienne aux vélos racing, après avoir délaissé le segment pendant plusieurs années au profit de tout ce qui est plus orienté Gravity. Un retour gagnant ? Réponse avec notre test.
En avril 2018, nous avons eu la chance d’assister au lancement de ce nouveau Santa Cruz Blur CC 29 pouces, ainsi que de son cousin rigide, le Highball, le tout à Santa Cruz même. Une fois n’est pas coutume, la Californie était noyée sous la pluie, ce qui nous a donné un petit goût de trop peu et une très forte envie de poursuivre l’essai sur nos terrains de jeux habituels.
Pour vous replanter le décor, le Blur a longtemps été un nom mythique chez Santa Cruz, désignant leur machine XC/Marathon en 100mm en roues de 26 pouces à l’époque. Puis est apparu le Tallboy en 29 », qui a petit à petit poussé le Blur vers la sortie. Mais même si son débattement n’a que légèrement évolué (110mm à l’arrière, 120 devant), il s’est résolument tourné vers plus de polyvalence avec sa double compatibilité 29/27,5+ et sa géométrie plus ludique que purement tournée vers la performance. Le créneau XC s’est donc trouvé un peu mis de côté pendant quelques années. Avant que n’arrive ce tout nouveau Santa Cruz Blur CC, cette fois en roues de 29 pouces, mais avec une vraie vocation « racing » et une réflexion très poussée sur le rapport poids/performance.
Cadre et cinématique
Nous avons déjà eu l’occasion de vous présenter ce Santa Cruz Blur CC en détails lorsqu’il a été dévoilé et nous vous invitons à (re)lire cet article pour en savoir plus, mais nous allons ici repasser en revue les quelques grandes caractéristiques de ce cadre. Premier point : le poids. Santa Cruz a retravaillé en profondeur les formes du cadre (même si les lignes restent très familières) et la disposition ainsi que le type de fibres utilisées afin de gagner un beau paquet de grammes, puisque le cadre avec amortisseur est annoncé à 2060g en taille M (et on sait que Santa Cruz annonce rarement des poids fantaisistes).
Il n’y a pas que la partie carbone qui a été optimisée, puisque la biellette en aluminium, nettement plus évidée que sur un Tallboy, apporte aussi sa pierre à l’édifice. Pas de carbone ici, car le gain serait marginal.
Sur ce nouveau Blur, Santa Cruz reste fidèle à son VPP dans son exécution la plus connue, avec amortisseur sous le tube supérieur (les derniers Bronson et autre Nomad par exemple, ont recours à une autre version de cette cinématique, avec amortisseur placé plus bas, près du boîtier de pédalier). Depuis 2001, le look global n’a que peu changé, mais le concept a été raffiné pour éliminer le côté gênant du pedal kickback très prononcé des premières versions. Ici, on le retrouve dans une version qui entend garder l’efficacité de la suspension en descente, mais avec une valeur d’anti-squat (anti-pompage) élevée pour maximiser l’efficacité.
Santa Cruz fait confiance à Fox, avec un amortisseur Float Kashima équipé d’un blocage au guidon (tout comme la fourche). Le passage du câble étant très direct, l’action du levier sur le cintre est aisée mais, comme nous le verrons plus loin, on ne peut que regretter que chez Fox, pour l’instant, la présence d’une commande au guidon impose de se passer de la position intermédiaire (appelée autrefois Propedal) qui permet d’avoir une compression basse vitesse plus ferme sans pour autant bloquer la suspension. Ici, c’est tout ou rien, et c’est parfois frustrant.
Le passage des gaines se fait en interne, de façon simple et efficace. Toujours dans un esprit de simplicité, Santa Cruz a fait l’excellent choix de laisser la Durit du frein arrière apparente. Elle n’en est pas moins très bien intégrée et sa présence n’attire pas immédiatement l’œil. Par contre, en cas de souci, le démontage en sera grandement facilité.
Il va désormais falloir s’y habituer : il n’y a plus de dérailleur avant sur le Santa Cruz Blur CC. Cela a permis, avec la présence d’un moyeu Boost 148 à l’arrière, de raccourcir les bases à 432mm seulement, ce qui est un très joli score pour un 29″ tout suspendu. Sur notre vélo de test, un plateau de 34 dents était monté sur le pédalier Sram Eagle DUB (nouveau format, plus léger et multi-compatible initié par Sram).
Toujours dans un esprit de simplicité et de fiabilité, le boîtier de pédalier reste en roulements externes avec boîtier fileté. Là aussi on perd quelques grammes, mais le côté « user friendly » est appréciable et on voit que même orienté performances, Santa Cruz a conçu ce vélo en pensant à ses clients et pas juste à des pilotes sponsorisés qui ont une armada de mécanos pour les assister.
Enfin, le boîtier de pédalier est protégé par une coque en plastique souple qui vise à renforcer le cadre à cet endroit très exposé aux projections. Cela ne nous a pas empêché de faire quelques coups sur le cadre lors de ce test qui s’est tout de même étendu sur près de 6 mois, mais dans l’ensemble on ne peut que souligner la qualité de finition exceptionnelle de ce vélo. Et, d’expérience avec la marque dont plusieurs membres de l’équipe possèdent ou ont possédé un modèle, nous savons que les cadres Santa Cruz sont solides, fiables et durables (y compris les roulements). Il semble aussi que ce soit le cas ici, malgré la chasse aux grammes.
Géometrie
Nous avons déjà parlé des bases très courtes, avec 432mm, et le Santa Cruz Blur CC 2019 s’inscrit bien dans les tendances du moment sans aller dans les extrêmes, avec un cadre « long mais pas trop » (440mm de reach en taille M) et 69° d’angle avant avec une fourche de 100mm. Sur une base très similaire, Intense est allé vers quelque chose de beaucoup plus extrême (67,5° d’angle à l’avant), quand Santa Cruz a préféré préserver une certaine accessibilité et facilité de prise en main avec des valeurs plus de compromis. Nous verrons plus loin que l’alchimie fonctionne plutôt bien !
Equipements
Sur cette version haut de gamme, on ne se refuse rien, ou presque. Il faut dire qu’à 9500€ le morceau, on comprendrait mal qu’il en soit autrement. Cela dit, luxe ne rime pas toujours avec bon goût, mais ici, les choix sont vraiment pertinents à nos yeux, à une ou deux petites exceptions près.
Commençons par du très bon, avec les roues Santa Cruz Reserve 25. Eh oui, Santa Cruz fait aussi des roues ! Ici, nous avons le modèle XC avec des jantes en 25mm de largeur interne, comme leur nom l’indique. Montées avec des moyeux DT240s, elles sont annoncées à 1550g, ce qui n’est pas hyper léger, mais la marque met avant tout l’accent sur la solidité et la capacité de ces jantes à procurer une excellente rigidité latérale couplée à une réelle tolérance frontale pour apporter un poil de confort, de grip et de filtration des vibrations. Sur le terrain, cela se vérifie, et même si on sent bien qu’on n’est pas face aux roues les plus légères du marché, elles ont du répondant, elles incitent à attaquer sans arrière-pensée en descente et leur comportement est parfaitement en accord avec la machine.
Nous sommes par contre plus réservés sur le montage des pneus Maxxis Aspen. Bien que plusieurs fois champions du Monde avec Nino Schurter, ces pneus nous semblent bien trop exclusifs pour convaincre dans le cadre d’un usage plus varié. Excellents et très rapides sur terrains durs et secs, ils deviennent délicats dès qu’on sort de ce cadre très strict. Nous les avons d’ailleurs vite remplacés par des Schwalbe Racing Ralph/Ray et par les nouveaux Maxxis Rekon Race Exo, nettement plus polyvalents.
La transmission Sram XX1 Eagle colle parfaitement avec la vocation du vélo et, grâce à la légèreté de l’ensemble, le plateau de 34 dents à l’avant ne semble pas trop gros. Un 32 est néanmoins plus indiqué pour les grands dénivelés. A noter que pour le millésime 2019, Santa Cruz devrait proposer son haut de gamme en XTR, mais les livraisons du nouveau groupe Shimano se faisant au compte-goutte, il semble que le XX1 Eagle reste disponible encore pour un petit moment…
Les freins Sram Level ULT sont agréables et leur toucher est toujours aussi appréciable. Nous n’avons pas rencontré de souci de fiabilité comme lors de notre test de ces freins réalisé il y a quelques mois. Pour du XC et des marathons dans les Ardennes, le disque de 160mm à l’avant est suffisant, mais lorsque nous avons emmené le Blur en Suisse, il a très vite montré ses limites…
La fourche Fox F32 Step Cast s’est montrée très agréable et elle colle parfaitement avec les ambitions du vélo. Jouant la carte du poids plume, elle fait quelques concessions au niveau de la rigidité, mais l’ensemble reste agréable et cohérent, d’autant que la partie hydraulique est de qualité. Par contre, nous n’avons pas résisté au plaisir de rouler aussi le Santa Cruz Blur CC avec une F34SC en 120mm en fin de test et c’est aussi un montage très pertinent pour ceux qui veulent pouvoir attaquer un peu plus, accentuer le côté ludique du vélo et/ou se lancer à l’assaut de raids à gros dénivelé. Par rapport au Tallboy, le Blur CC même en 120mm garde un peu plus de tonus et donne une plus grande sensation de légèreté qui plaira à ceux qui cherchent à garder un rendement de haut vol. Santa Cruz propose d’ailleurs maintenant aussi un montage Blur TR avec la Fox F34SC et une tige de selle télescopique.
Justement, la tige de selle télescopique, parlons-en. Si la tige de selle Syntace est de qualité (on trouve aussi une très belle et légère potence de la marque au niveau du poste de pilotage), nous avons plusieurs fois regretté de ne pas avoir la possibilité d’abaisser la selle. Le Blur se roule bien sans dropper post, mais vu son caractère, c’est un accessoire qui magnifie ses capacités, surtout quand on l’envisage avec une fourche de 120mm à l’avant.
Nous avons pesé notre vélo complet à 9,93kg, soit à très peu de choses près ce que Santa Cruz annonce. C’est un score absolument remarquable pour un full, certes haut de gamme, mais entièrement de série et qui n’est pas doté d’accessoires exotiques. Que du contraire, il mise sur la fiabilité à de nombreux endroits. Les premières versions sont proposées à 4299 et 4999€ avec le cadre carbone C, un peu plus lourd (de l’ordre de 200g), alors que le premier CC est à 6799€ et notre haut de gamme culmine à 9399€. Santa Cruz a toujours été une marque luxueuse qui ne s’adresse pas à toutes les bourses et cela ne change pas, même s’il y a eu une baisse des tarifs ces dernières années.
Santa Cruz Blur CC: le test terrain
Nous avions déjà eu un premier avant-goût en Californie lors de la présentation où, malgré le sol gorgé d’eau, nous avions perçu la nervosité du vélo et sa grande légèreté, accompagnée d’une bonne dose de fun et d’efficacité en descente. Ces impressions se sont confirmées lors de notre test longue durée, comme ici en Suisse, où nous l’avons emmené et où il s’est révélé être un redoutable compagnon pour avaler du dénivelé positif et grimper les cols, non sans mal, mais avec la certitude d’avoir entre les mains un des meilleurs outils pour le faire.
Suspensions bloquées dans les longues ascensions, il est absolument bluffant de facilité, de tonus et de dynamisme. Dans les montées plus techniques, quand on cherche le grip, on ouvre tout et on se réjouit de voir que le pompage n’est pas trop prononcé. La roue est bien collée au sol et le pedal kickback gênant fait partie de l’histoire ancienne. Cependant, quand on entame des portions ni très techniques, ni complètement lisses, sur du plat ou en légère montée, l’absence de position intermédiaire sur les suspensions manque cruellement. C’est ce qui fait la force d’un Scott Spark avec son fameux Twinlock, et c’est quelque chose que nous avions aussi regretté de ne pas avoir sur le nouvel Orbea Oiz. Espérons que Fox propose bien vite un blocage à 3 positions dans sa gamme !
Quand on s’attaque à des portions plus défoncées, on sent bien qu’on n’a que 100mm de débattement, quand les 110mm du Tallboy semblent en offrir beaucoup plus. Le VPP à la sauce Blur marque bien son côté XC en gardant un caractère ferme, aussi dû au setting d’amortisseur commandé par Santa Cruz pour ce vélo. Il n’en reste pas moins très efficace et la roue reste bien collée au sol, tout en gardant un vélo prêt à ré-accélérer au moindre petit replat qui se présente.
Avec 25% de SAG, on dispose d’un vélo qui sait faire preuve d’un certain confort, toujours un peu ferme, mais on sent qu’on ne fatigue pas vite sur les longues distances et qu’un usage marathon est tout à fait envisageable. La géométrie très équilibrée et la position n’ayant rien d’extrême aident bien.
Comme la suspension a tendance à rester assez haut dans le débattement, une tige de selle télescopique serait vraiment bienvenue. Le vélo est très maniable et vif dans ses changements de direction (sans pour autant être traître), mais dans les épingles, pouvoir passer plus facilement sur l’arrière serait un véritable atout. Néanmoins, même comme cela, nous sommes venus à bout de toutes les descentes dans lesquelles nous l’avons emmené, et sans avoir l’impression d’y risquer notre vie, preuve d’un vélo bien né et qui a gardé quelques gènes de ses grands frères enduristes et descendeurs.
Par rapport à d’autres machines que nous avons eu l’occasion de tester, le Santa Cruz ne ressemble à aucune, mais parvient à piocher quelques bons éléments chez l’un ou l’autre, et à développer une personnalité propre, assez atypique mais d’autant plus attachante. Très nerveux et précis, il adore jouer sur un petit circuit de XC, où il n’a pas à rougir face à un Specialized Epic même si ce dernier garde un avantage avec ses suspensions à blocage automatique.
Sur le côté descendant, sans être aussi efficace et bluffant qu’un Scott Spark, il aime qu’on lui lâche la bride et il parvient aussi bien à mettre en confiance qu’à se prêter aux excentricités du pilote. Il n’a pas le débattement et les incroyables capacités d’un Orbea Oiz TR, mais une fois monté en fourche de 120mm, sa polyvalence se trouve dopée sans lui faire beaucoup perdre de sa nervosité. C’est sûr, ce n’est pas parce que le segment a été délaissé quelques années que Santa Cruz a oublié comment faire de bons vélos à petit débattement !
Verdict
C’est une certitude, Santa Cruz est bel et bien revenu sur le segment XC/Marathon ! La marque a réussi à livrer sa propre interprétation de ce que doit être un vélo moderne dans ce segment, avec un bel équilibre entre plusieurs caractéristiques a priori antagonistes comme la fiabilité et le poids, le rendement et le côté fun, etc. On sent aussi que ce n’est pas un vélo qui s’adresse uniquement à de purs compétiteurs et que la marque ne compte pas spécialement avoir, demain, un grand team de XC. C’est un vélo avant tout conçu pour des amateurs éclairés, des amateurs de beau matériel qui cherchent un vélo léger, vif, amusant à piloter, mais pas pour autant trop exigeant ou radical. Une belle réussite qui a suscité un coup de cœur unanime au sein de la rédaction.
Plus d’infos : https://www.santacruzbicycles.com/fr-FR/blur
Test | Santa Cruz Blur CC : un pur-sang différent