Test | Rockrider Feel 900 LT : à la hauteur de ses promesses ?

Par Léo Kervran -

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Test | Rockrider Feel 900 LT : à la hauteur de ses promesses ?

Avec son tarif sous les 3000 € et son équipement très attrayant, le Rockrider Feel 900 LT a tout, sur le papier, d’une révolution sur le segment all-mountain et petit enduro (150/160 mm de débattement). Cependant, ce n’est pas sur une fiche technique qu’on juge un vélo mais bien sur le terrain. Grand frère du Feel 900 S qui nous avait bien plu, le Feel 900 LT est-il à la hauteur de ses promesses ? Voici notre verdict après plusieurs mois de test sur tous les terrains :

Un all-mountain / enduro (très) bien équipé pour moins de 3000 € ? Nous ne sommes pas en 2010 mais chez Rockrider, qui propose avec ce Feel 900 LT un véritable tour de force pour un modèle de 2024. La marque est coutumière des machines aux excellents rapports équipements/prix, on l’a encore vu en début d’année avec les Race 940 S de XC, mais là, on passe une double barre psychologique : celle des 3000 € (pour le symbole seulement, puisque le vélo est affiché à 2999 €) et sur un « gros » vélo, or plus il y a de débattement et plus les tarifs d’entrée ont tendance à être élevés.

C’est aussi un des rares vélos du marché à associer des équipements haut de gamme à un cadre en aluminium, une combinaison qui se fait toujours plus rare. Il existe bien sûr encore des marques qui ne jurent que par ce matériau, à l’image de Commencal, et d’autres qui tiennent à laisser le choix à tous les niveaux de gamme comme Norco ou Propain mais, de manière générale, les vélos en aluminium bien équipés se raréfient. Pour qui ne souhaite pas avoir un vélo en carbone, le Feel 900 LT a, d’après ces premiers éléments, beaucoup d’atouts.

Châssis

C’est dans son nom : avec les lettres LT pour « Long Travel », grand débattement en français, le Feel LT reprend beaucoup d’éléments du Feel S, le petit vélo joueur et polyvalent de Rockrider (lire Test | Rockrider Feel 900 S : le play-bike de l’année ?). Les lignes sont tellement proches qu’un oeil peu attentif pourrait même croire qu’il s’agit du même cadre, avec simplement quelques évolutions au niveau des composants.

Toutefois, un examen un peu plus minutieux met vite en évidence une différence de taille : contrairement à son petit frère tout en carbone, le cadre Rockrider Feel LT est en aluminium. Compte tenu des composants plus haut de gamme et plus chers, c’était la solution incontournable pour conserver un tarif aussi bas. Forcément, ça s’en ressent sur la balance puisque la marque annonce 15,9 kg pour notre modèle en taille L et nous l’avons pesé à 16,35 kg avec une chambre à air à l’arrière, soit environ 2 kg de plus que le Feel 900S (14,04 kg sans chambre à air).

En revanche, aluminium ou carbone, les lignes sont toujours aussi atypiques. L’identité de la famille Feel est bien là et on devine tout de suite qu’il s’agit d’un Rockrider, mais on ne sait toujours pas quoi en penser tant les avis divergent au sein de la rédaction. Les finitions sont également assez étranges : des soudures polies au niveau de la douille de direction mais beaucoup moins discrètes ailleurs, avec des cordons particulièrement massifs. Certainement pour gagner un peu sur le coût de fabrication – on imagine que la marque a dû chercher tout ce qu’elle pouvait pour passer sous les 3000 € – mais cela donne une impression de travail en cours, comme si le vélo n’était pas terminé. Étrange.

Côté standards, les câbles passent en interne comme c’est la norme mais via des ouïes en haut du tube diagonal plutôt qu’un système complexe à travers le jeu de direction. Le boîtier de pédalier est au format press-fit, ce qui est un peu dommage sur un cadre en aluminium, et la patte de dérailleur une Sram UDH, ce qui permet de monter toutes les transmissions à dérailleur du marché (montage classique sur la patte de dérailleur ou directement sur le cadre pour les Sram T-Type).

Les protections sont assez chiches et moins travaillées que sur le Feel S. Si celle du tube diagonal fait l’affaire pour un cadre en aluminium, on ne peut malheureusement pas en dire autant de celle de la base. Simplement collée, elle n’a pas tenu très longtemps et le cadre en a vite fait les frais. D’ailleurs, comme sur les Feel S, la peinture semble particulièrement sensible aux frottements (gaines, chaussures…). Film protecteur intégral obligatoire !

Suspension

Sans grande surprise au vu de ce qui précède, le Feel LT reprend la suspension des Feel S et E-Feel S : un 4 bar linkage avec l’amortisseur sous le tube supérieur, qui affiche ici 150 mm de débattement – pour 160 mm à l’avant – soit 20 mm de plus que le Feel S et la même chose que sur l’e-bike.

Très courante dans le monde du VTT, cette architecture a toutefois une particularité chez Rockrider : elle est systématiquement associée à un amortisseur au format Trunnion (vis de fixation directement sur le corps de l’amortisseur), plutôt qu’un amortisseur à oeillet. Ce couple a la réputation d’abîmer les amortisseurs prématurément, car l’architecture avec l’amortisseur horizontal actionné par un yoke (la pièce en Y qui fait la liaison avec la biellette) n’est pas la plus rigide latéralement et reporte donc les contraintes sur l’amortisseur.

Chez d’autres fabricants, on utilise alors un amortisseur à oeillet qui offre un peu plus de liberté latérale pour permettre à l’amortisseur de s’aligner mais avec le Trunnion, c’est impossible : la fixation est beaucoup plus rigide et l’amortisseur est comme « verrouillé ». Les contraintes sont donc reportées sur le plongeur et l’intérieur de l’amortisseur, des zones qui ne sont pas prévues pour ça. Cependant, Rockrider semble confiante dans sa décision puisqu’elle l’a reproduite sur les deux vélos tout-suspendus de la gamme Feel (ce LT et le Feel S en 130 mm).

Notez toutefois que le choix du Trunnion n’a pas que des inconvénients : cela permet d’avoir un ressort plus long que sur un modèle de même entraxe mais à oeillet, donc un plus grand volume d’air et moins de pression. Cela améliore la sensibilité et donne un côté un peu plus « linéaire » facile à prendre en main, toutes proportions gardées puisqu’on reste sur un ressort à air, naturellement progressif.

Comme souvent chez Rockrider, les suspensions viennent de chez RockShox. Puisque notre modèle est le haut de gamme de la famille Feel LT (oui, à 2999 € on est déjà sur la version la plus chère), on a droit à ce qui se fait de mieux chez le fournisseur américain : la gamme Ultimate. Le vélo est donc équipé d’un RockShox Super Deluxe Ultimate à l’arrière et d’une RockShox Lyrik Ultimate (cartouche Charger 3, la dernière évolution 3.1 n’est pas encore arrivée sur ces vélos) à l’avant. Imbattable pour le tarif !

Géométrie

Quatre tailles disponibles comme d’habitude chez Rockrider pour ce Feel LT et une géométrie qui vise le « juste milieu » entre montagnes et collines, peut-être un peu moins tournée vers les gros dénivelés que d’autres modèles de débattement équivalent.

On le remarque notamment au niveau de l’angle de direction, qui affiche 65° alors qu’on voit souvent 64,5° voire 64°. La différence peut paraître faible sur le papier mais en pratique, on vous assure qu’elle est sensible et cela devrait faire du Feel LT un vélo un peu moins à l’aise dans les pentes raides ou gros franchissements mais plus maniable et moins pataud ailleurs.

En dehors de ça, on remarque que Rockrider rejoint les courants les plus modernes en termes de position du pilote, avec un reach de 462,5 mm en taille M pour un stack de presque 628 mm. Le vélo est donc (bien) plus long que ce à quoi à la marque nous avait habitués par le passé, mais désormais en phase avec le reste du marché de ce point de vue.

De ce fait, on aurait tendance à faire des recommandations un peu différentes de la charte des tailles de la marque : à nos yeux, la taille S convient bien jusqu’à 1m70, la M entre 1m70 et 1m80, la L de 1m80 à 1m88-90 et la taille XL au-delà. A chaque fois, 5 cm de plus que ce qui est recommandé par Rockrider.

On relève enfin des bases dans la moyenne (443 mm), un angle de tube de selle polyvalent (77°) et un boîtier de pédalier assez haut : – 20 mm par rapport à l’axe des roues seulement, c’est 10 à 15 mm de moins que la plupart des vélos du segment.

Equipements

Si on a pu voir Rockrider faire quelques économies sur la finition du cadre, il n’en est pas de même pour les composants : c’est là que réside le véritable tour de force de la marque française. Grâce à des choix sensés, elle parvient à offrir à un vélo avec un équipement exceptionnel pour son tarif… à une exception près.

On a déjà parlé des suspensions : Rockshox Super Deluxe et Lyrik Ultimate, on trouve difficilement mieux sur le marché. Performants, plutôt faciles à régler, ces produits jouent un rôle essentiel dans l’impression générale que laisse le vélo.

Côté transmission, c’est du Sram GX Eagle à câble, avec un pédalier 32 dents en aluminium et une cassette 10-52. Rockrider a opté pour une très bonne transmission à câble plutôt qu’un modèle électrique sans fil moyen et plus cher et on l’en félicite : le GX Eagle fonctionne très bien, est facile à réparer en cas de problème (rare) et cela permet de mettre plus d’argent sur d’autres postes importants.

Les freins viennent de chez Sram également, avec des Code RSC en disques HS2 de 200 mm de diamètre. Comme d’habitude avec les freins Sram, on aime ou on n’aime pas le toucher mais avec ces disques, les performances et l’endurances sont tout à fait correctes pour le programme du vélo.

Cocorico pour les roues puisque Rockrider a choisi des Mavic Deemax (ancienne génération, modèle 2021-2024) qui comptent 28 rayons pour 28 mm de largeur interne. On a vu plus léger et dynamique puisqu’elles affichent pas moins de 2100 g sur la balance mais en termes de robustesse, il ne devrait pas y avoir de problème.

Malheureusement, on ne peut pas en dire autant des pneus. Les roues sont chaussées de pneus Hutchinson Griffus 2,4″ avec lesquels nous avons eu une très mauvaise expérience. D’abord sur le choix du profil : à nos yeux, le Griffus 2,4″ peut fonctionner à l’arrière mais il n’est pas assez agressif pour la roue avant, notamment dans les conditions humides. C’est le rôle du Griffus 2,5″ et à ce titre il est dommage que Rockrider n’ait pas choisi le « bon » couple de pneus.

Surtout, ils se sont montrés beaucoup trop souples et fragiles pour le programme du vélo dans cette carcasse 66 tpi + renfort Hardskin. Nous avons eu de multiples crevaisons par perforation, un vrai problème qui empêche de profiter sereinement de ce Feel 900 LT… au point de se résoudre à se débarrasser de ces pneus pour chausser des gommes plus robustes.

On gagne certes environ 200 g par pneu sur la version double pli mais au final, le jeu n’en vaut pas la chandelle. Hutchinson a un vrai travail à faire pour développer une carcasse intermédiaire fiable, concurrente des Maxxis Exo+ et Schwalbe SuperTrail et, en attendant, les marques qui seraient tentées de choisir du Hutchinson (pour la fabrication en France par exemple) doivent bien réfléchir à la carcasse la plus adaptée à leur vélo, et pas simplement choisir sur catalogue.

Enfin, tous les périphériques sont signés Rockrider, aussi bien au niveau du poste de pilotage (potence 35 ou 45 mm suivant la taille et cintre de 780 mm pour 20 mm de rise) que de l’assise (course de 120, 150 ou 170 mm pour la tige de selle). Fines et dures, les poignées ne nous ont pas séduits mais c’est une pièce facile à changer sans se ruiner. Avec tout cet équipement, nous avons pesé notre modèle d’essai en taille L à 16,35 kg… avec une chambre à air à l’arrière, la faute à ces fameux Griffus 2,4″ trop fragiles. Sur ces photos, le poste de pilotage est différent de celui d’origine mais il s’agit d’un test pour un article à venir.

Rockrider Feel LT : versions et tarifs

La gamme Rockrider Feel LT est simple : deux modèles, chacun disponible dans un coloris. En plus de notre Feel 900 LT à 2999 €, la marque propose ainsi le Feel 700 LT à 1999 €. L’équipement est moins haut de gamme mais reste néanmoins tout à fait correct pour le tarif et il a même la « chance » de ne pas avoir les pneus Hutchinson si fragiles qui équipent le 900 LT.

A ce prix, on a donc une transmission Sram NX Eagle, une fourche RockShox Yari RC, un amortisseur RockShox Super Deluxe Select, des freins Sram DB8 en disques Centerline de 200 mm, des roues Sun Ringle Duroc 35 (AV) / 30 (AR) et des pneus Rockrider Grip 500 2,4″.

Le test du Rockrider Feel 900 LT

Pour un vélo à « seulement » 2999 €, le Rockrider Feel 900 LT en a dans le coffre. A la montée, la position tout à fait correcte permet d’être bien installé pour pédaler et la suspension offre le soutien nécessaire. Dans les passages les plus raides, certains ou certaines pourront regretter de ne pas avoir un angle de tube de selle un peu plus droit encore (78° par exemple) mais pour une marque qui vise aussi large que Rockrider, 77° est déjà une très bonne valeur.

Il ne faut pas oublier que le vélo s’adresse à un large public, encore plus avec ce rapport équipement/prix, et que tout le monde ne grimpe pas dans du 15 % de moyenne. Sur les vélos all-mountain/enduro modernes, un angle de selle à 77° est un juste milieu : quelque chose qui n’est pas parfait dans les situations extrêmes (pente très faible ou très raide) mais qui permet de se débrouiller dans ces situations et qui fonctionne très bien sur tout ce qu’il y a entre les deux.

Au final, c’est surtout le poids de la bête qui sera limitant pour les longues sorties ou ascensions. S’il monte sans mal au train, le Feel 900 LT ne fait jamais complètement oublier ses 16 kg et quelques sur la balance et il faudra un peu d’entraînement… ou beaucoup de ravitaillement dans le sac pour se lancer dans de belles aventures.

En descente en revanche, le poids n’est plus un problème et le Feel 900 LT dévoile un beau caractère polyvalent, passe-partout et sain jusque sur les sauts. Avec des suspensions réglées au plus souple, même des néophytes complets du VTT se sont fait plaisir à son guidon. Cette fois, il se fait oublier mais c’est dans le bon sens !

Les plus expérimenté(e)s trouveront peut-être un léger manque de rigidité dans les gros appuis mais pour tous les autres, soit la majorité des pratiquantes et pratiquants, ce sera un atout : le vélo offre un bon grip en dévers et nous a surpris par sa stabilité à haute vitesse, avec une filtration intéressante des petits impacts.

Comme prévu, on touche à ses limites dans la pente, surtout quand on vient y ajouter des gros impacts ou des franchissements : entre l’angle de direction de 65° et le boîtier de pédalier haut, on est vite sur l’avant et il faut bien gérer son freinage, sa trajectoire et sa position pour ne pas se faire surprendre. A cet égard, on peut regretter un peu le choix d’un boîtier de pédalier aussi haut. Le descendre de 10 à 15 mm aurait apporté un peu plus de stabilité longitudinale sans compromettre la maniabilité puisqu’on garde l’angle de 65° à l’avant.

Néanmoins, il n’y a rien de dramatique : on parle de situations assez précises, qu’on ne rencontre pas sur tous les terrains et qui sont faciles à identifier pour s’y préparer le cas échéant.

L’architecture de suspension qui nous inquiétait avant l’essai ne nous a pas posé de problèmes de fiabilité au cours de ces plusieurs mois de test mais nous avons remarqué que les vis de suspension avaient tendance à se desserrer un peu, notamment les différents points d’attache sur le triangle avant. Un contrôle régulier est de toute façon toujours utile, peu importe la marque et le modèle du vélo, mais ici on conseillerait de le faire un peu plus fréquemment qu’ailleurs.

Finalement, le seul gros défaut de ce Feel 900 LT en action, outre les pneus, était assez inattendu. Il se trouve que la fixation d’amortisseur sur le tube supérieur est plutôt volumineuse… Trop volumineuse. Particulièrement proéminente et dotée de plusieurs arêtes saillantes, elle est un véritable piège pour les genoux qui n’arrêtent pas de s’y heurter et parfois de façon assez douloureuse. Genouillères obligatoires, et on ne plaisante pas ! Certes, quand on a 150 ou 160 mm de débattement ce n’est de toute façon pas une mauvaise chose mais on préfèrerait que ce soit un choix libre plutôt que quelque chose imposé par un design qui n’a pas été complètement éprouvé.

Verdict

Avec un tarif sans aucune concurrence pour ce niveau d’équipement, le Rockrider Feel 900 LT fait de belles promesses… et il les tient sur le terrain. Equilibré, accessible et polyvalent, son comportement est tout à fait honnête et en phase avec les habitudes de la marque. Le pari est donc réussi et c’est un vélo qui plaira certainement beaucoup à celles et ceux qui cherchent un compagnon fiable pour les régions avec un peu de dénivelé sans y mettre trop d’argent. Néanmoins, à ce prix il faut toujours faire des concessions : on a beau s’appeler Decathlon/Rockrider, personne ne peut faire de miracles. Ici, c’est donc au niveau de la conception du cadre et des finitions que des économies ont été faites. Ça se voit, ça peut même être gênant (pour la fixation d’amortisseur) mais si vous êtes prêt à composer avec ça, ou si vous savez que cela ne vous dérangera pas, le Rockrider Feel 900 LT reste une excellente affaire.

Rockrider Feel 900 LT

2999 €

16,35 kg taille L, sans pédales mais avec une chambre à air et porte-bidon Fidlock (16 g)

  • Rapport équipement/prix imbattable
  • Comportement général, vrai all-mountain polyvalent
  • Pilotage accessible
  • Fiabilité à long terme de la suspension en yoke + Trunnion ?
  • Finitions du cadre inégales
  • Boîtier de pédalier un peu haut
  • Pneus trop fragiles pour le programme
  • Montage d'amortisseur proéminent sur lequel les genoux tapent

Évaluation des testeurs

  • Prix d'excellence
  • Coup de coeur
  • Rapport qualité / prix

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ParLéo Kervran