Test | Propain Terrel CF : le coup de coeur qu’on n’attendait pas
Par Léo Kervran -
Avec le Terrel CF, Propain s’aventure pour la première fois sur le marché du gravel. En apparence, la marque n’a aucune expérience dans le domaine que ce soit de près ou de loin mais sur le papier, ce Terrel coche toutes les cases du gravel parfait. Est-ce vraiment possible ? Pour le savoir, nous l’avons testé pendant plusieurs mois sur tous les terrains. Voici notre avis :
Surprenante mais bienvenue, voilà l’impression que nous avait laissé l’annonce de l’arrivée de ce Terrel au printemps. Voir Propain, une marque particulièrement ancrée dans la culture freeride et qui n’avait jamais compté de semi-rigide, de vélo orienté XC ou de vélo de route dans son catalogue, investir le segment du gravel sonnait comme un sacré saut dans l’inconnu.
Pour expliquer cette décision, la marque nous confiait que « on adore ça nous-mêmes, nos clients en raffolent, notre marque peut se développer grâce à cela, et tout simplement parce qu’on le peut. Notre credo « construire les meilleurs vélos pour nous et nos amis » s’applique également au gravel. » Sur le papier, la fiche technique est en effet très convaincante mais comme toujours, le terrain sera le seul juge…
Châssis
Dans ses lignes, ce Terrel reste bel et bien un Propain ! Le Terrel CF détonne même au milieu des gravel, avec des formes bien plus anguleuses que ce qu’on a l’habitude de voir. La plupart des modèles du marché affichent des tubes arrondis, des angles adoucis et de belles courbes pour donner une impression de vitesse et de légèreté mais pour son gravel, Propain a pris le contre-pied de toute cette philosophie.
Avec son tube diagonal rectangulaire, une véritable signature qui rappelle les VTT de la marque, mais aussi une douille de direction marquée et toute droite ou une fourche anguleuse, le Terrel parle un autre langage. Les deux couleurs au choix, un orange brillant « Terracotta » comme notre modèle de test ou un noir mat « Raw », ne font rien pour adoucir cette impression.
On doit reconnaître que sur ce plan, nous ne sommes pas tous séduits au sein de la rédaction mais on salue au moins l’effort d’apporter quelque chose de nouveau et la qualité de la peinture, très solide et résistante aussi bien aux impacts qu’aux frottements (des talons sur les bases notamment). Le configurateur, qui permet de choisir l’équipement du vélo selon ses besoins, laisse aussi la possibilité de changer la couleur ou de retirer complètement le logo Propain sur le tube diagonal, ce qui peut rendre le vélo un peu plus discret.
Dans sa construction en revanche, le Terrel CF est très séduisant. Mettant de côté les grandes ambitions sportives, Propain a choisi de travailler la polyvalence et le confort de sa monture et à ce titre, le choix de ne proposer le vélo qu’en carbone peut surprendre, mais il faut rappeler qu’en termes de confort, ce matériau donne généralement de bien meilleurs résultats que l’aluminium. Il est ici combiné à des haubans bas, pour donner un peu de liberté de déformation au tube de selle, et à un dégagement très généreux qui permet de monter des pneus en 700×50 comme c’est le cas sur notre modèle par exemple.
Côté polyvalence, on profite d’une grande quantité d’inserts pour équiper le vélo d’un bout à l’autre : porte-bagage ou garde-boue à l’arrière, sacoches dans le triangle avant, sacoches encore voire porte-bagage à l’avant… Propain a même développé une sacoche sur mesure pour le triangle avant, à visser sous le tube supérieur et déclinée dans autant de versions qu’il y a de tailles du Terrel CF. D’un volume de 3,5 L (extensible à 5 L grâce à une fermeture), elle sera disponible en octobre.
Le cadre offre également une boîte à gants dans le tube diagonal, avec une « porte » d’excellente facture : parmi tout les systèmes que nous avons rencontrés en VTT ou en gravel, celui-ci nous est apparu comme le plus stable ! A l’intérieur, on trouve deux pochettes, l’une compartimentée et l’autre plus vaste. Malheureusement, leur apparence haut de gamme n’a pas résisté très longtemps, notre pompe ayant percé un trou dans le tissu avec les frottements.
On note que le cadre reçoit de véritables protections en caoutchouc plutôt que de simples pièces de ruban adhésif plus ou moins épais. C’est assez rare en gravel à cause de la pénalité de poids mais pour un vélo qui se veut polyvalent et confortable cela permet de partir avec l’esprit plus tranquille, peu importe le terrain sur lequel on s’aventure. Bien vu !
On termine par un mot sur les standards : le boîtier de pédalier est au format T47, donc vissé dans le cadre, la patte de dérailleur est de type UDH, les fixations d’étriers de frein sont en Flatmount 160, la tige de selle en 27,2 mm de diamètre et un support de dérailleur avant permet de monter au choix des transmissions monoplateau (avec ou sans guide-chaîne) ou double plateau. Seule chose discutable au milieu de ces choix judicieux, le passage interne des gaines se fait par le biais du jeu de direction. Propain assume de le faire pour le côté esthétique et (un peu) le silence en réduisant les bruits de gaines, mais c’est moins pratique pour l’entretien ou la plupart des interventions sur le poste de pilotage.
Géométrie
Sous ses (presque) airs de VTT, le Terrel affiche toutefois une belle géométrie de gravel, en phase avec le programme annoncé, c’est-à-dire plus longue et stable que celle d’une machine de compétition mais sans tomber dans des extrêmes qui lui feraient perdre en agrément sur la route.
Le vélo offre ainsi un angle de direction de 70,5°, un tube de selle à 73,5°, un reach de 405 mm et un stack de 583 mm en taille M ou encore des bases de 435 mm, pour toutes les tailles. La géométrie est ce que Propain appelle « suspension corrected », comprenez qu’elle a aussi été pensée pour l’utilisation d’une fourche suspendue (de 40 mm de débattement idéalement). Ces fourches sont généralement plus hautes que les modèles rigides mais ici, le cintre se situe à la même hauteur qu’on soit monté en fourche rigide ou suspendue.
On relève enfin que la potence est relativement courte pour ce genre de vélo : 70 mm, c’est typique d’un vélo moderne de XC alors qu’on trouve souvent 90 mm ou plus en gravel. Sur ce sujet, Propain répond justement qu’il est envisageable de sous-tailler d’un échelon et d’installer une potence plus longue pour compenser, si on souhaite un cadre un peu plus vif et nerveux.
Equipements
L’une des grandes forces de Propain, c’est son configurateur. S’il n’est pas le plus exhaustif du monde au niveau du choix des composants, il propose tout de même suffisamment de choix pour laisser la possibilité de créer des vélos très différents à partir d’un même cadre et il est particulièrement agréable à utiliser.
Comme pour tous ses modèles, la marque propose quelques montages « prêts à rouler » mais c’est bien le configurateur (entre autres) qui la rend intéressante et à ce titre, c’est justement un vélo issu de ce configurateur qu’elle nous a envoyé.
Côté transmission, notre machine est équipée d’un groupe Sram monoplateau « mulet » (l’autre, pas celui du VTT), avec des commandes ainsi qu’un pédalier Force de route (plateau de 40 dents) et un ensemble cassette-dérailleur X0 AXS de VTT. Propain propose aussi du double plateau dans le configurateur et si la supériorité du monoplateau en VTT ne fait aucun doute, on estime qu’en gravel, double et mono peuvent encore cohabiter avec l’offre actuelle.
Les freins sont, logiquement, issus du même groupe que les manettes et opèrent sur des disques Sram Paceline en 160 mm de diamètre.
Côté train roulant, notre Terrel CF reçoit des roues DT Swiss G1800 en aluminium (24 mm de largeur interne, 1845 g officiellement) chaussées de gros pneus Schwalbe G-One Overland en 50 mm de section (carcasse Super Ground, gomme Addix Speedgrip). Avec cette paire, on tient de quoi s’aventurer sereinement sur les chemins ! Le rendement sur route pourrait en revanche en pâtir, et c’est quelque chose auquel nous serons attentifs. Le Bontrager Betasso RSL que vous voyez à l’arrière sur les photos de cet article est venu en remplacement suite au passage d’un clou dans la bande de roulement mais l’essentiel du test a bien été fait avec la paire de Schwalbe.
Le poste de pilotage vient de Zipp, avec une potence en aluminium Service Course SL et un cintre Service Course 70 XPLR du même matériau, à la forme moderne et très adaptée au gravel (5° de flare, 70 mm de reach, 115 mm de drop). La guidoline, de référence inconnue, apparaît confortable au premier abord et offre un grip excellent mais c’est presque trop. En effet, nous l’avons trouvée un peu agressive sur les sols les plus abîmés, au point d’échauffer la peau lorsqu’on roule sans gants.
Enfin, la tige de selle en carbone est signée SixPack, une marque d’accessoires voisine avec laquelle Propain a développé une forte synergie, et elle est surmontée d’une selle Selle Italia SLR Boost SuperFlow à la finition flatteuse.
Au total, ce montage est affiché à 3 994 € avec le kit tubeless proposé par Propain (option à 40 € avec valves pré-montées et 250 mL de liquide) pour 9,25 kg sur la balance en taille M sans pédales ni porte-bidon, avec un cadre donné pour 1090 g. C’est loin d’être léger… mais on avait compris dès le début que la course au poids ne faisait pas partie des objectifs de ce Terrel CF. Reste à voir l’influence de ce choix sur le terrain !
Versions et tarifs
On l’a dit, le configurateur de Propain est très intéressant pour construire soi-même le montage qui sera adapté à ses besoins et son budget. Cependant, pour celles et ceux qui n’auraient pas suffisamment de connaissances en matériel pour choisir ou qui ne voudraient tout simplement pas s’embêter avec cette étape, la marque propose aussi 4 modèles « prêts à rouler » :
- Terrel CF Base, 9,5 kg et 2 599 € : groupe Shimano GRX 1X, roues DT Swiss G1800 et pneus Schwalbe Overland 700×50.
- Terrel CF Adventure, 8,8 kg et 3 199 € : groupe Shimano GRX 2X, roues Newmen G34 Fade et pneus Schwalbe Overland 700×50.
- Terrel CF Trail, 10,15 kg et 4 079 € : groupe Sram « mulet » Apex AXS & GX AXS, fourche RockShox Rudy XPLR, tige de selle RockShox Reverb AXS, roues DT Swiss G1800 et pneus Continental Terra Trail 700×45.
- Terrel CF Competition, 8,05 kg et 4 999 € : groupe Sram Force XPLR AXS, roues DT Swiss GRC 1400 et pneus Continental Terra Speed 700×40.
Sur le configurateur, le tarif maximum pour un Terrel CF est de 6 274 € à l’heure où nous publions cet article, en mélangeant les équipements des versions Competition (transmission, roues) et Trail (fourche, tige de selle).
Le test du Propain Terrel CF
Collines et montagnes de l’Aveyron et de la Haute-Savoie, Pays Basque, contreforts de la Chartreuse, volcans d’Auvergne, arrière-pays Nîmois… En voyage, à la journée ou à la demi-journée, le Terrel en a vu de toutes les couleurs durant cet essai ! Pourtant, dans cette configuration le vélo n’a certainement pas le train roulant le plus léger et avenant qui soit.
Avec une paire de roues à plus de 1800 g nue on pourrait même dire que c’est son point faible, et les pneus de 50 mm de section qui dépassent chacun les 600 g ne font rien pour arranger la chose. Forcément, les relances s’en ressentent mais à en dehors de ça, le comportement au pédalage est — à notre grande surprise — tout à fait honnête.
D’abord, on est vraiment bien installé sur le vélo. Que ce soit mains en haut du cintre, sur les cocottes ou en bas, bras tendus ou fléchis pour adopter une position plus aérodynamique, tout est facile à tenir et confortable, voire familier. Ensuite, sur le plat, l’inertie du système fait qu’on conserve bien la vitesse et en montée, on se cale au train sans problème, alternant facilement entre les positions assises et en danseuse.
Même gonflés aux basses pressions (entre 1,5 et 1,7 bar pour 60-65 kg) permises par la section large, les pneus Schwalbe G-One Overland ne s’écrasent pas au point de devenir des ventouses sur la route et on garde de bonnes sensations de pédalage. Il n’y a que sur les faux plats montants que le Terrel pêche réellement, donnant l’impression de perdre de la vitesse peu importe la position qu’on adopte ou l’énergie qu’on y met. On fait alors contre mauvaise fortune bon coeur, on accepte de rouler tranquillement et on profite un peu plus du paysage !
Nous avons essayé d’autres pressions de pneu mais la fourchette 1,5-1,7 bar semble, pour nous, être le point d’équilibre : plus haut, on ne gagne pas grand-chose sur route et on perd beaucoup en confort sur les pistes tandis que plus bas, on se sent vraiment collé sur la route et on vient toucher la jante un peu facilement sur certains chocs lorsqu’on la quitte.
Par curiosité, nous avons monté le temps d’une sortie un train roulant plus léger et plus roulant, plus aérodynamique aussi (la surface frontale des pneus a une réelle influence sur l’effort à fournir) afin d’évaluer la part du cadre et celle de l’ensemble roues-pneus dans ce comportement. Sans transformer radicalement le vélo, on a gagné un peu de dynamisme bien appréciable et surtout effacé complètement ce souci sur les faux plats montants. S’il ne relance pas encore comme une machine de course — et ne le fera jamais — le Terrel CF offre désormais largement de quoi s’amuser à appuyer un peu sur les pédales, signe que c’était bien le train roulant qui l’étouffait.
Par ailleurs, la grande plage de développements permet de se sortir de (presque) toutes les situations : avec un 40×52 en plus petit rapport, on monte plus facilement qu’avec un pédalier double en 48-31 couplé à une cassette en 11-36 (développement de 1,70 m contre 1,91 m) ! Avec le confort et l’adhérence procurés par le cadre et la monte pneumatique, s’il faut mettre pied à terre c’est que c’est vraiment trop raide… ou qu’on a quitté le territoire du gravel.
Et cela peut arriver plus facilement qu’on ne le pense ! En effet, le confort est de très bon aloi sur les pistes et sentiers : avec des pneus aussi larges, comment pourrait-il en être autrement ? Cependant, même avec une monte plus étroite le Terrel reste confortable pour un gravel sans aucun artifice de suspension, preuve du bon travail effectué sur le cadre.
Confortable, mais pas mou. Que ce soit pour tailler des courbes sur le bitume ou naviguer entre les racines ou les pierres, le vélo répond bien et se place facilement. S’il sait dissiper les chocs verticalement, le cadre reste rigide latéralement et, sur route, il tient sa ligne sans flou. En tout-terrain, il fait preuve d’une stabilité tout à fait convaincante, rassurante même selon les pneus et selon le profil choisi, on pourra atteindre leur limite bien avant celle du vélo…
Finalement, il n’y a que lorsque la pente s’incline vraiment vers le bas qu’on touche aux limites du Propain Terrel, dans cette configuration en tout cas. L’angle de direction reste plutôt sage (le BMC Urs descend à 69,5° par exemple) et avec cette forme de cintre on bascule irrémédiablement vers l’avant ce qui « pimente » le franchissement de la moindre petite marche, alors qu’on n’y aurait même pas fait attention au guidon d’un VTT semi-rigide. Dans ces moments, on se dit qu’une tige de selle télescopique (disponible dans le configurateur) ne serait pas de refus mais cela alourdirait un vélo qui n’est déjà pas léger et on ne peut s’empêcher de penser qu’on touche peut-être aux limites de la pratique.
Verdict
Facile à vivre et sans fioritures, voici comment on pourrait résumer ce Propain Terrel CF. Agréable sur tous les terrains, tolérant pour s’amuser en descente ou sur les talus, confortable mais pas pataud, le vélo est vite devenu l’une de nos montures favorites à la rédaction et certaines personnes ont eu bien du mal à le lâcher ! Que ce soit pour faire quelques courses, voyager avec des sacoches, découvrir une nouvelle région ou se balader autour de la maison, le Terrel CF répond toujours présent et donne le sourire à chaque fois. Ce n’est pas un gravel ultra-sportif inspiré d’un vélo de route, ce n’est pas un VTT car la forme du cintre le rend tout de même plus exigeant lorsqu’il y a un peu de pente, mais pour tout ce qui est entre les deux, il est parfait et pour nous, c’est un véritable coup de coeur. Félicitations à Propain pour cette première (très) réussie !
Propain Terrel CF
3994 €
9,25 kg taille M, sans pédales ni porte-bidon
- Très facile à prendre en main
- Cadre confortable et sécurisant
- Grand dégagement pour les pneus
- Plusieurs visages selon le montage, réellement polyvalent
- Nombreux inserts pour voyager avec du matériel
- Configurateur pour adapter le montage à ses besoins
- Passage interne des gaines dans le jeu de direction
- Guidoline un peu agressive
- Design un peu trop polarisant ?
- RAS
Évaluation des testeurs
- Prix d'excellence
- Coup de coeur
- Rapport qualité / prix
Plus d’informations : propain-bikes.com