Test | Propain Spindrift CF : gros débattement et gros coeur
Par Léo Kervran -
« Freeride ain’t dead ! » écrivions-nous en titre à l’occasion de la sortie de ce nouveau Propain Spindrift il y a près de trois mois. La marque allemande est l’une des rares à croire et à s’investir aujourd’hui dans la pratique et le prouve encore avec cette plateforme entièrement remaniée. Objectif, proposer un vélo capable de pédaler un minimum pour rejoindre le spot sans arriver épuisé, mais qui ne fait aucun compromis sur le comportement en descente, dans la pente et les gros sauts. Vous vous en doutez, ça n’a pas été très difficile de trouver la motivation pour aller vérifier tout ça sur le terrain…
Propain, c’est une petite marque allemande née en en 2012 avec un penchant certain pour le plaisir en descente et les pratiques engagées. C’est simple, le plus « petit » vélo de la gamme, le Hugene, est un tout-suspendu en 130 mm de débattement derrière et 140/150 mm devant. Au-dessus, on retrouve le Tyee d’enduro que nous avions découvert en tout début d’année, le Spindrift que nous avons entre les mains et le Rage de descente ainsi que l’Ekano en e-bike.
La plateforme de ce Spindrift édition 2021 est entièrement nouvelle et reprend les derniers codes de la marque, lancés avec le Hugene l’année dernière puis repris sur le Tyee. En revanche, bien que la tendance générale toutes pratiques confondues soit à l’augmentation, le débattement ne change pas : il reste à 180 mm, un chiffre impressionnant qui donne le ton quant au programme du vélo. Il serait d’ailleurs difficile d’aller plus haut sans concurrencer les vélos de DH…
Châssis
Dans cette version en carbone, le Spindrift affiche des lignes très « fluides ». A l’exception d’une nervure autour de la jonction tube supérieur – tube de selle et d’une plus légère derrière la douille de direction, les tubes sont très simples et sans artifices. L’impression n’est pas évidente à retranscrire avec des mots mais on reconnaît bien là la « patte » Propain et il y a fort à parier que même sans logo, le vélo serait facilement identifiable.
Une esthétique bien soulignée par cette finition Lime brillante (du gris et du noir sont également disponibles), qui met notamment en avant le hauban côté transmission qui se projette vers l’avant et qui paraît sans fin.
Propain utilise une technologie qu’elle appelle Blend Carbon, un mélange de plusieurs feuilles pré-imprégnées avec chacune ses propres propriétés combinées et associées de façon à offrir les caractéristiques voulues sur les différentes zones du cadre. Ainsi, on ne retrouve pas les mêmes feuilles autour du boîtier de pédalier et au milieu du tube supérieur, ou sur les bases et la douille de direction de façon à offrir le meilleur équilibre poids – résistance – rigidité – souplesse.
Les câbles et gaines passent en interne, à l’exception de la Durit du frein sur le triangle arrière. Simples et sobres, les entrées et sorties s’intègrent bien dans la ligne du vélo. Les protections sont généreuses, aussi bien du côté du tube diagonal que sur la base et le hauban côté transmission. Toujours dans cette optique de fiabilité et durabilité, les roulements sont de belle taille et joliment protégés des agressions extérieures.
Enfin, on note la présence d’un emplacement pour porte-bidon sur le tube diagonal. Pour garder une touche de polyvalence sur ce châssis hors-normes ?
Suspensions
Les suspensions, c’est probablement la caractéristique la plus marquante de ce Spindrift, et à plus d’un titre.
Tout d’abord, le débattement : 180 mm derrière et 180 ou 190 mm devant avec une fourche simple té (le vélo est néanmoins compatible avec les double té en 200 mm), des valeurs qui impressionnent et qu’on n’a pas trop l’habitude de rencontrer sur des vélos de série. Certains pilotes d’EWS montent bien des fourches en 180 mm pour réhausser leur cintre et gagner encore un peu sur l’absorption des chocs, mais ce sont des usages et des pilotages très spécifiques…
Ensuite, la cinématique. Baptisée Pro10, c’est une architecture à point de pivot virtuel (voir notre lexique des cinématiques) qui fonctionnait historiquement autour d’un amortisseur entièrement flottant placé derrière le tube de selle. Cette année, l’amortisseur reprend un emplacement plus classique et migre devant le tube de selle, tout en restant sur un montage flottant entre les deux basculeurs. Objectif, améliorer la distribution des masses (centre de masse plus au centre du vélo) et revoir le ratio ainsi que la progressivité pour donner plus de « pop » à la suspension, donc un caractère plus vivant au vélo.
Cette nouvelle organisation permet également de mieux protéger l’amortisseur des projections, que ce soit simplement de la boue ou des éléments plus agressifs, mais en contrepartie, il devient très difficile de nettoyer correctement toute la zone devant le tube de selle sans démonter le triangle arrière…
Géométrie
L’autre grosse nouveauté de ce Spindrift millésime 2021, c’est l’arrivée de roues de 29″. Heureusement, ne signifie pas pour autant la mort du 27,5″ puisque Propain conserve les deux tailles de roues au catalogue. La marque allemande a fait le choix de développer deux cadres différents plutôt qu’un seul où l’on utiliserait un flipchip pour passer d’une taille à l’autre.
Deux versions du cadre et même trois, puisque le vélo est également disponible en montage 27,5/29. Il est alors construit avec le triangle avant du 29″et le triangle arrière du 27,5″. Une solution sans doute plus coûteuse et limitante pour les pratiquants, mais qui garantit de conserver la même position de pilotage sur toutes les plateformes, là où un flipchip ferait évoluer certaines cotes.
D’un point de vue chiffres, on note que les bases et le reach s’allongent de 10 mm (sur le 27,5″, seule taille où la comparaison est possible) ce qui devrait amener un peu plus de stabilité, d’autant plus que le boîtier de pédalier descend de 7 mm. En parallèle, l’angle du tube de selle se redresse de 2,5° et affiche désormais 78°. C’est très droit, même pour un vélo moderne, et ça devrait donner une position très agréable pour pédaler en montée. De manière générale, la géométrie est actuelle mais sans excès et paraît bien équilibrée, adaptée au programme pour lequel le vélo se destine.
Equipements
Si le Spindrift CF est disponible dans 3 versions, Propain a souhaité mettre à profit son configurateur pour ce vélo de test. Les équipements présents sur notre monture ne sont donc pas de série au sens où on l’entend habituellement mais rien ne vous empêche de passer par le configurateur Propain pour créer une machine en tout point identique à celle que nous vous présentons.
Côté suspensions, c’est du RockShox devant comme derrière et ce qui se fait de mieux chez le fabricant américain, avec une Zeb Ultimate en 190 mm couplée à un SuperDeluxe Ultimate.
Des suspensions RockShox et donc sans grosse surprise, une transmission Sram. Du GX Eagle plus précisément, avec cassette en 10-52 et plateau en 32 dents. Aucun guide-chaîne ou bashguard n’est présent malgré le programme du vélo, mais les plots ISCG 05 sont bien là si nécessaire.
En ce qui concerne le freinage, Propain a fait une petite infidélité au groupe Sram puisqu’on retrouve des Magura MT5, avec disques en 203 mm à l’avant comme à l’arrière. En théorie, de quoi attaquer sereinement et enchaîner les descentes sans chauffe prématurée.
Les roues sont un peu plus « exotiques », puisqu’on a droit à un montage sur la base de jantes Stan’s Flow S1 en 29 mm de largeur interne associées à des moyeux Propain et des rayons DT Swiss Competition. On connaît bien ces jantes pour les avoir déjà roulées sur le Transition Scout plus tôt dans l’année et on s’attend donc à un ensemble solide mais pas particulièrement dynamique.
Les gommes sont fournies par Schwalbe, avec un Magic Mary à l’avant et un Big Betty à l’arrière, tous deux en section de 2.4, gomme Addix Soft et carcasse SuperTrail. Sur le papier, cette carcasse intermédiaire peut apparaître un peu juste pour un tel vélo mais un petit tour par la fiche technique permet de se rassurer rapidement : les pneus sont annoncés autour des 1 200 g l’unité, un poids qui laisse augurer d’un bon soutien et d’une protection suffisante contre les crevaisons.
Enfin, le poste de pilotage et la selle sont siglés Sixpack, une petite marque également basée à Vogt mais indépendante de Propain, même si on se doute que les deux entretiennent des liens assez étroits. Ici, on a droit à une potence en 50 mm de long sur laquelle est monté un cintre de… 805 mm de large (et 20 mm de rise) ! La tige de selle télescopique est une KS Lev Si, en 150 mm de débattement sur notre monture taille L.
Côté porte-monnaie, c’est une très bonne surprise. Notre modèle sort à 3 873 € précisément, valves tubeless incluses. Pour un vélo en 180/190 mm de débattement, au cadre en carbone et équipé de suspensions très haut de gamme c’est impressionnant. Le rapport équipement/prix est sans aucun doute un gros point fort de ce Spindrift CF, mais ce n’est pas spécifique à ce modèle et c’est clairement l’un des atouts de Propain face à la concurrence.
Versions et tarifs
On l’évoquait dans la partie précédente, 3 montages « catalogue » sont donc proposés pour ce Spindrift CF : Start (3 199 €), Performance (4 519 €) et High-End (7 254 €). En parallèle, Propain dispose sur son site d’un configurateur très facile à utiliser qui permet de personnaliser ses équipements avec un vaste choix à chaque poste (pas de transmissions Shimano toutefois) et la couleur du cadre comme des différents logos Propain.
Le Spindrift existe également en aluminium avec exactement la même géométrie, les mêmes montages et les mêmes options de configuration. Pour les modèles catalogue, il faut compter 600 € de moins que les versions en carbone. 29, » 27,5″ ou 27,5/29, aucune différence n’est faite entre les trois formats de roues et tous ont droit aux mêmes équipements.
Le Propain Spindrift CF sur le terrain
Nos premières sorties au guidon du Spindrift CF se sont déroulées en mode « enduro », à la pédale et sur des traces naturelles. Un terrain sur lequel nous avons nos repères mais qui n’est certainement pas celui de prédilection pour ce Propain.
Au pédalage, la position est excellente grâce au tube de selle bien droit et au tube supérieur pas exagérément long. On est très bien installé pour pédaler des heures et la suspension participe à cette bonne impression puisqu’elle ne pompe absolument pas (notamment grâce à un anti-squat important, 120 % au sag et supérieur à 100 % sur tout le débattement à l’exception des 10 derniers millimètres), même en laissant l’amortisseur en mode ouvert.
Cela nous a d’ailleurs surpris vu le gabarit et le programme de la machine, mais la première montée sur piste nous a vite « rassuré » quant à ses capacités dans le domaine : la notion de rendement est tout simplement absente du vélo. Malgré la position et la suspension, le poids est toujours bien présent (notamment celui du train roulant) et cela se ressent. Une fois qu’on a accepté de monter moins vite qu’avec un vélo d’enduro, tout se passe bien et on en profite pour regarder le paysage, faire des photos…
En descente, le Spindrift CF ne paraît pas encombrant malgré son débattement et on le place facilement, mais encore une fois, on sent que nous ne sommes pas sur son terrain. La suspension, particulièrement l’amortisseur arrière, est dès le réglage usine très fermée en compression et en rebond (réglé au plus rapide, le rebond correspond à une vitesse intermédiaire sur un enduro classique) et si on ajoute à cela l’anti-squat élevé, on comprend vite que la sensibilité sur les plus petits chocs est limitée. C’est un peu comme rouler avec un amortisseur réglé pour quelqu’un de 20 kg plus lourd, ça fonctionne mais la lecture de terrain pourrait être meilleure.
Sur sol souple c’est moins sensible et on peut s’amuser à envoyer le vélo d’appui en appui pour profiter de cette compression très freinée qui lui permet de ne pas s’affaisser, mais ici, c’est le rebond lent qui se fait sentir et prive un peu le vélo de dynamisme pour jouer avec le terrain.
Après ces quelques sorties de découverte, direction ce pour quoi le Spindrift a été conçu : les pistes construites pour faire du vélo et les bikeparks, notamment celui des 7 Laux en Isère. En plus d’avoir l’avantage non négligeable d’être ouvert au mois d’octobre, ce dernier a la particularité d’avoir une grande partie de son domaine tracée à la main plutôt qu’à la pelle mécanique. Résultat, de très belles pistes techniques dans la pente et les racines voire les cailloux sur le haut du domaine, le terrain de jeu idéal pour voir ce que ce Propain a dans le ventre.
Dès les premières descentes, le vélo se dévoile sous un autre jour. Ici, le fonctionnement de l’amortisseur est parfaitement adapté aux chocs que l’on rencontre et le Spindrift apparaît comme la monture idéale pour ce genre de pratique. Il encaisse sans sourciller tout ce qu’on lui présente, et avec la vitesse, il devient plus facile de profiter des petits appuis pour décoller ici et là, même si son comportement général reste plutôt du genre « collé au sol ».
Plus dynamique qu’un vrai DH lorsque la pente n’est pas très prononcée, il reste néanmoins suffisamment stable lorsqu’on se prend à tirer tout droit dans les enchaînements de racines et de marches, plus qu’un enduro qui demande d’être mieux tenu dans ces situations. Les grandes roues ne sont certainement pas pour rien dans cet « effacement » des obstacles et de la pente ; un montage avec une ou deux roues en 27,5″ sera certainement un peu moins stable mais aussi plus joueur et offrira donc des sensations différentes, moins basées sur la vitesse et plus sur la créativité.
La rigidité de l’ensemble cadre-fourche-roues, assez prononcée à basse vitesse, fonctionne bien sur ces pistes où le rythme est naturellement plus élevé que sur un petit sentier naturel. Elle offre le bon équilibre entre une certaine tolérance qui économise le pilote et permet de rattraper les erreurs et le soutien nécessaire pour exploiter les appuis et conserver de la stabilité.
Au final, c’est surtout la sensation de facilité qui nous a marqués en bikepark. Avec ce Propain Spindrift, c’est facile de pousser dans les virages relevés, facile de s’engager dans la pente, facile de rouler vite, facile de jouer avec les trajectoires. Même les sauts apparaissent soudain naturels, tant le vélo reste sain et équilibré en l’air puis stable sur les réceptions. On se sent vite pousser des ailes avec ce genre de machine…
Pour terminer, quelques mots sur les composants. Côté suspensions rien à signaler, on est sur du très haut de gamme et cela fonctionne à la perfection. La rigidité de la Zeb, qui peut déranger certaines personnes sur les plus petits débattements (150/160 mm), est ici parfaitement adaptée et on ne la remplacerait certainement pas par une Lyrik si cette dernière existait en 190 mm. On aurait aimé tester le Spindrift avec un amortisseur à ressort hélicoïdal pour être à 100 % dans l’esprit « bikepark » et voir ce que ce montage peut apporter, mais la cinématique fonctionne déjà très bien avec un amortisseur à ressort air comme ce RockShox SuperDeluxe Ultimate.
Le train roulant s’est aussi bien comporté, les roues Stan’s / Propain sont lourdes mais solides et le combo Schwalbe Magic Mary (avant) / Big Betty (arrière) en gomme Soft nous a séduits et devrait rapidement devenir un montage de référence pour ce type de pratique. A titre personnel, la carcasse SuperTrail nous a largement suffi, mais on peut imaginer que des pilotes plus lourds se sentiront plus en sécurité sur du SuperGravity voire du SuperDownhill. Malheureusement, ces carcasses ne sont pas proposées dans le configurateur Propain, il vous faudra donc acheter les pneus séparément.
Le seul point qui nous a déçus, ce sont les freins. Au-delà de leur ergonomie perfectible, avec ces leviers 2 doigts inadaptés à une vraie pratique VTT (heureusement remplaçables par d’autres leviers de la gamme Magura), les Magura MT5 qui équipaient notre modèle de test ont rencontré des difficultés à terminer les sessions de bikepark. Le point de contact reculait de plus en plus loin dans la course au fil des descente, jusqu’à rendre la purge obligatoire avant de pouvoir faire une nouvelle sortie. Plutôt étonnant pour un frein conçu pour ce genre de traitement et il est possible que ce soit un problème isolé, mais c’est en tout cas un point à surveiller.
Verdict
Très exclusif et peu commun, ce nouveau Propain Spindrift excelle dans son domaine et nous nous sommes régalés à le tester. Si certains vélos d’enduro lui ressemblent de plus en plus sur le papier, en terme de cotes et de débattement, il en est autrement sur le terrain. Le Spindrift est un pur vélo de freeride, fait pour engager dans la pente, les sauts et les gros appuis. Il pourra certes vous accompagner à l’occasion sur un tour enduro sans que la sortie ne se transforme en punition, mais ce n’est clairement pas ce pour quoi il a été conçu et là où il développera tout son potentiel. Et si ses qualités intrinsèques n’étaient pas suffisantes pour lui permettre de se démarquer, son excellent rapport équipement/prix et les possibilités de personnalisation achèvent de faire de ce Propain le vélo idéal pour celles et ceux qui trouvent les enduro un peu justes pour leur pratique mais les machines de descente trop portées sur l’efficacité et la performance. Reste la question de la taille de roue : 29″, mix ou 27,5″ ? En 29″ le comportement du Spindrift évoque par certains aspect un vélo de DH, tout en restant plus vif. Dans cette configuration, les sensations arrivent avec la vitesse et les limites du vélo sont loin, très loin. Le 27,5″ devrait en revanche être un peu moins tolérant mais plus joueur et aussi plus aérien car un peu plus léger.
Propain Spindrift CF
3 873 €
15,4 kg(taille L, sans porte-bidon ni pédales)
- Comportement dans les appuis, sur les gros impacts et dans la pente
- Stabilité à haute vitesse dans cette version 29
- Rapport prix-équipement
- Comportement général en montée, hors rendement
- Freins un peu justes en bikepark
- Suspension trop ferme pour une pratique enduro
- RAS
Évaluation des testeurs
- Prix d'excellence
- Coup de coeur
- Rapport qualité / prix
Plus d’informations : propain-bikes.com