Test | Pivot Switchblade : une fine lame en pneus Plus
Par Olivier Béart -
Le Pivot Switchblade est le représentant d’une toute nouvelle génération de vélos qui brouillent complètement les cartes. Oubliez la notion de standard et les catégories rigides dans lesquelles on essaie trop souvent de faire rentrer les vélos selon leur taille de roues ou leur débattement. Car même si on ne sait trop classer cette machine de 135mm de débattement, qui accepte tant le 29 » que le 27,5+ et qui se pare d’un triangle arrière unique en Super Boost Plus… force est de reconnaître que le résultat est détonnant. Plus d’explications avec notre essai détaillé.
Aux yeux de la marque, basée dans l’Arizona, le Boost 148 classique ne va pas assez loin, surtout pour les vélos à plus grand débattement. C’est de là que part l’idée de créer le Super Boost Plus… dont le nom est un peu trop caricatural pour ne pas cacher un brin de moquerie par rapport à toutes ces questions de standards. Car en fait, bonne nouvelle, le Super Boost Plus n’est autre qu’un moyeu de DH classique dont l’espace entre les flasques permettant d’accueillir les rayons a été élargi. Mais n’importe quel moyeu de DH peut-être utilisé si besoin. Comme un petit dessin vaut mieux qu’un long discours…
Bon, voilà déjà de quoi clore le débat : le Pivot Switchblade utilise des références existantes tout en cherchant à optimiser certains paramètres en fonction de l’utilisation qu’on souhaite en faire. Voilà qui nous semble être une démarche intéressante, qui démontre qu’il vaut mieux s’informer un minimum avant de crier au loup. Actuellement, DT-Swiss, Industry Nine et Reynolds produisent déjà ces moyeux optimisés et d’autres devraient suivre, car il est probable que Pivot ne reste pas longtemps seul à utiliser cet entraxe. Justement, au-delà de cette fameuse roue arrière dont on a déjà presque trop parlé, qu’a-t-il d’autre comme spécificités ce vélo ?
Avec le Pivot Switchblade, l’idée de la marque est de proposer un vélo hyper versatile. Et le point de départ de cette polyvalence, c’est de laisser le libre choix du format de roues entre 29 » et 27,5+ comme nous l’avons testé ici. Mais un pré-requis était également que cette liberté de choix n’oblige à aucune concession au niveau de la géométrie. Et grâce au moyeu arrière en 157mm, au dessin complexe du bras arrière et à la suspension DW Link très compacte, les bases ne font pas plus de 428mm de long. Un record pour ce genre de machine.
Pour le reste, le Pivot Switchblade se pare d’un magnifique cadre 100% carbone dont le poids est annoncé à 2910g. Outre une finition très soignée et un design léché, on remarque aussi qu’énormément de détails ont été soignés. Les roulements sont parfaitement protégés, les assemblages impeccables, les entrées et sorties de câbles à la fois esthétiques et pratiques, sans oublier la présence de protections aux endroits sensibles. Il y a même un logement spécial près du boîtier de pédalier pour accueillir une batterie Shimano Di2. Certes, on paie (très) cher un tel cadre, 3499€, mais la pilule passe mieux quand on voit que rien n’est laissé au hasard.
Cinématique et suspensions
Pivot est depuis toujours fidèle à la suspension DW-Link mise au point par Dave Weagle et qu’on retrouve également sous d’autres formes chez Ibis ou encore Turner. Il s’agit d’une suspension de type « point de pivot virtuel » qui comprend un bras arrière en une pièce, relié au triangle avant par deux biellettes, ainsi qu’un basculeur qui assure le lien avec l’amortisseur. Si vous souhaitez aller plus loin, nous vous invitons à aller voir le site Web dédié, très simple et clair : www.dw-link.com
Cette suspension est couplée à un amortisseur Fox Float Evol pour développer 135mm de débattement. Ceux qui souhaitent orienter leur Pivot Switchblade vers un usage plus engagé pourront opter pour un Fox Float X2, proposé en option (entre 469 et 649€ selon les versions). Un petit indicateur de SAG bien pratique équipe aussi le vélo pour faciliter le réglage initial. Notez aussi que le Switchblade a un petit frère, le Mach 429 Trail, également compatible 29/27,5+ et qui offre 116mm de débattement.
Si le débattement arrière est relativement modeste (mais largement suffisant quand c’est parfaitement géré comme nous le verrons plus loin), à l’avant il faut choisir entre 150mm en 29 » et 160mm en 27,5+. Ou alors placer une petite cale entre la fourche et le jeu de direction pour rehausser l’avant du vélo de 17mm pour compenser la légère différence de diamètre entre les deux formats de roues, qui a tendance en plus à s’accentuer quand on monte de gros pneus bien cramponnés en 2.35 ou plus sur les jantes de 29 »… ce qui est vivement conseillé pour profiter pleinement des capacités de la bête. Pivot signale néanmoins que la petite entretoise peut aussi être utilisée pour coucher les angles en 29 », au risque néanmoins de se retrouver un peu haut de l’avant dans certains cas.
Géométrie
Cette histoire d’entretoises sous la douille de direction nous amène naturellement au chapitre de la géométrie. Tout d’abord, soulignons que 5 tailles sont disponibles, ce qui est un bel effort pour une « petite » marque comme Pivot et s’agissant d’un châssis carbone. Ensuite, on remarque bien entendu les bases ultra courtes, mais aussi que Pivot n’a pas spécialement joué la carte d’une géométrie extrême. Avec 430mm de reach en M on est sur des valeurs aujourd’hui devenues classiques sur le segment. Idem pour l’angle de direction, engagé mais pas hors normes avec 67,25° ou 66,5° selon la configuration choisie.
Equipement
Les clients de marques comme Pivot, Yeti et autre Santa Cruz aiment souvent monter leur bébé à la carte. Néanmoins, la marque et son importateur français Mohawks Cycles proposent également plusieurs montages dont les tarifs vont de 5899€ en Shimano XT, jusque… 11.749€ en XTR Di2 et roues carbone. Glups. Quant à notre version d’essai, il s’agit du Pivot Switchblade Pro 1X XT/XTR, équipé de suspensions Fox Factory avec notamment la fourche 36 à l’avant qui signale d’emblée que le bike n’est pas juste fait pour du gentil all-mountain.
Outre la transmission Shimano, on retrouve un pédalier Race Face Aeffect basique mais au look valorisant. Il est équipé d’un plateau de 30 dents parfois un peu juste sur les portions rapides, mais avec la cassette en 11/42 derrière, c’est la sécurité pour ne pas s’épuiser en côte. A noter qu’en série, c’est une cassette Shimano XT 11/46 qui est désormais montée (voir notre test ici). Sur le poste de pilotage, ce sont des composants maison de très belle facture qui prennent place, avec une potence de 50mm et un cintre carbone en 740mm de large. La tige de selle est une KS LEV.
Un mot enfin sur un paramètre très important : les roues. Nous avons testé le Pivot Switchblade en 27,5+, avec des roues montées sur base des excellentes jantes Dt-Swiss XM551 en 40mm de largeur interne. Au cours de notre test intensif, elles ont prouvé leur solidité à toute épreuve ! Pour tout vous dire, ce sont les premières jantes « Plus size » que nous rendons tout à fait intactes en fin de test.
Par contre, on ne peut pas en dire autant des pneus Maxxis Rekon en 2.8 qui, s’ils sont polyvalents et accrocheurs, sont aussi bien trop fragiles pour un usage engagé et typé enduro où le Switchblade est pourtant dans son élément. Bref, du côté des pneus Plus , il y a encore du boulot car ici, on ne compte plus le nombre de mèches utilisées pour boucher les trous ! Nous aurions aimé testé aussi ce Pivot en roues de 29 », mais le format peu courant du moyeu et l’absence de disponibilité chez l’importateur ne nous ont pas permis de le faire. Dommage, mais espérons que ce ne soit que partie remise. Et voyons déjà ce que vaut la bête avec ses gros boudins.
Pivot Switchblade : le test terrain
Prendre ses marques au guidon du Pivot Switchblade est très facile. Les réglages de suspension se trouvent en quelques minutes (merci l’indicateur de SAG et l’amortisseur performant mais sans trop de mollettes à tourner dans tous les sens) et les commandes tombent naturellement sous les mains. Nous avons choisi d’abaisser le plus possible le poste de pilotage pour pouvoir bien charger l’avant, et nous aurions aimé un cintre un peu plus large, mais on se sent quand même vite chez soi.
Côté pression dans les pneus Plus, il faut tâtonner un peu. Selon nous, la vérité se situe entre 0,9 et 1 bar
Par contre, trouver la bonne pression des pneus Plus nécessite de tâtonner un peu. Nous avons quelques références en e-bike, ou sur des vélos un peu moins agressifs, mais ici il a fallu essayer beaucoup de réglages différents. A 0,8 bars, les Maxxis Rekon ont tendance à se tordre, à perdre en pression dans les virages appuyés et à rendre le comportement du vélo flou. A 1,2 bars, le vélo rebondit et on perd en adhérence autant qu’en intérêt du Plus. La vérité se situe plus entre 0,9 et 1 bar, et cela se joue souvent à très peu de chose selon le terrain.
Bon, maintenant qu’on a optimisé tous les paramètres, on peut penser à avionner ! Et le premier mot qui vient à l’esprit c’est : sta-bi-li-té. Avec son boîtier de pédalier bas et ses gros boudins, rien ne semble pouvoir l’arrêter et il met immédiatement en confiance. On attaque sans retenue et on peut se permettre d’être un peu moins regardant par rapport aux reliefs du sol. Grâce aux pneus et à ses suspensions impériales, ça passe à peu près partout avec calme, sérénité et une bonne dose de fun. Même quand on pense qu’on va se faire secouer, voire même éjecter pour cause d’erreur de pilotage, on parvient à se récupérer… et c’est très gai !
Mais il y a hélas un revers à la médaille. D’une part, et nous l’avons déjà évoqué plus haut, on n’arrête pas de crever quand on cherche à atteindre les limites (très lointaines) du Switchblade et à profiter pleinement de la confiance offerte par les gros pneus. Puis, à haute vitesse ou quand un pilote de bon niveau se met à réellement attaquer, les pneus Plus se montrent bien trop imprécis pour les vitesses que le vélo permet d’atteindre. D’autant que la rigidité du cadre est importante et met directement en lumière le moindre errement d’un des composants. Le dessin des pneus Maxxis Rekon n’est pas non plus en cause car, à part dans la boue, ils s’en sortent à peu près partout et leur grip latéral est franchement bon.
Oui, le Plus est un format intéressant et agréable dans beaucoup de situations. Mais non, ce n’est pas la panacée !
Un châssis aussi pointu que celui du Pivot Switchblade nous a clairement permis de voir les limites du concept de pneu Plus et de nous rendre compte que, oui, c’est un format intéressant et agréable dans beaucoup de situations (e-bikes lourds qui se pilotent collés au sol, terrains très caillouteux pour pilotes moins aguerris, envie de rouler en mode plaisir et de s’attaquer à de nouvelles pentes, etc), mais non, ce n’est pas la panacée. Et cela nous a vraiment manqué de pouvoir tester le Switchblade en roues de 29 » qui sont, nous semble-t-il, les seuls capables de révéler le vrai tempérament de « racer » qui sommeille aussi dans le Switchblade.
N’écoutant que notre courage, nous avons malgré tout emmené le Pivot Switchblade en course et, malgré les crevaisons, le chronos se sont avérés assez impressionnants (avec notamment un top 15 à l’enduro de Giromagny pour un de nos testeurs), preuve que c’est surtout dans le feeling que les pneus Plus viennent troubler les repères. Tout est donc une question de goût, de terrain et d’utilisation de sa machine. D’où la pertinence de vélos comme celui-ci qui laissent le choix du format de roues au pilote.
Cet essai nous a montré que faire aujourd’hui des vélos de ce type uniquement pour du 29″ ou uniquement du 27,5+ n’a plus de sens, alors que la double compatibilité ouvre de nouveaux horizons en élargissant le spectre d’utilisation de la machine. Les solutions « 2-en-1 » sont de plus en plus courantes (Specialized Stumpjumper et Enduro, Santa Cruz Tallboy et Hightower,…) et nous espérons clairement qu’elles vont se généraliser. Bien sûr, chacun aura un format de prédilection, mais avoir l’autre paire de roues dans un coin pour changer de temps en temps est quelque chose qui, selon nous, a beaucoup de sens. Surtout sur ce genre de vélo haut de gamme qui s’adresse à des bikers pointilleux (qui a dit coupeurs de cheveux en quatre ?).
Indépendamment du format de roues choisi, il y a aussi des caractéristiques dont on sent qu’elles font partie de l’ADN du Switchblade. Court de l’arrière, il vire dans un mouchoir de poche. Malgré son côté très stable, les épingles et pifs-pafs sont un régal de facilité que ce soit à plat ou dans la (grosse) pente. Tout passe avec une aisance naturelle et le velo semble souvent bien moins limité que le pilote. On peut dire merci à la géométrie bien aboutie et au cadre très bas qu’il est aisé de faire voyager entre les jambes.
Autre conséquence des bases courtes : les manuals et autres wheelings sont on ne peut plus faciles. On profite aussi du petit effet rebond des pneus Plus pour les écraser et s’en servir comme des alliés pour décoller. Bref, c’est un petit jouet, un vrai vélo plaisir diablement efficace et qui donne la banane à chaque sortie ! Reste un dernier point à aborder, pas si anodin que cela si on veut profiter des heures durant de ses charmes : est-il un bon pédaleur ?
Eh bien la réponse est positive, sans l’ombre d’un doute. Bien sûr, le vélo n’a rien d’un XC. Oubliez les relances tranchantes si vous n’avez pas un minium de vitesse. Oubliez aussi l’idée d’enfiler les bornes à bloc sur le plat. Mais est-ce le but avec ce genre d’engin ? Bien sûr que non ! Par contre, il fait preuve d’une belle neutralité quand on appuie sur les pédales et il n’est pas du genre à épuiser son cavalier. Même les roues surprennent et semblent relativement légères. Le côté roulant des Maxxis Rekon n’y est pas étranger. On se réjouit aussi de voir qu’on ne touche jamais le bras arrière avec les pieds, preuve que c’est le design du cadre qui crée ce genre de souci bien plus que la largeur d’axe choisie…
Hyper active en descente, la suspension est par contre très peu sensible au pompage. On peut sans souci rouler en mode ouvert tout le temps, même si le mode intermédiaire est aussi un bon compagnon. Il permet de garder la suspension un peu plus haute, ce qui n’est pas du luxe avec un boîtier aussi bas. Quant au mode le plus ferme, il est utilisable dans les longues ascensions sans pour autant perdre tout confort et le grip grâce aux pneus Plus. Au final, il n’y a que dans les fortes côtes que l’avant fort haut est pénalisant et ne place pas dans une position optimale pour pédaler ainsi que pour placer la roue pile où on le souhaite. On aurait presque envie de retirer la coupelle sous le jeu de direction mais alors on a la garantie d’avoir les manivelles qui raclent le sol à la moindre occasion.
Verdict
Si nous n’avons malheureusement pas pu rouler le Pivot Switchblade en roues de 29 », ce test en configuration 27,5+ a malgré tout été riche en enseignements. Véritable vélo haut de gamme dont la finition et le soin du détail permettent (presque) de digérer un tarif très élevé, le Switchblade est aussi un engin au comportement jouissif et à l’efficacité redoutable. Le côté « 2-en-1″ est également un gros atout. En pneus Plus, c’est une arme à sourire, un vélo fun et facile qui transforme les sentiers en montagnes russes. Mais on ne doute pas un seul instant que les plus sportifs et techniques le préfèreront en 29 ». On sent qu’il y a encore des petits détails à travailler pour que la géométrie soit parfaitement équilibrée dans les deux options, et que les manufacturiers de pneus ont du pain sur la planche pour développer des carcasses plus solides, mais on se dit que des solutions seront très vite trouvées. Et dans l’état, le Pivot Switchblade est déjà une machine bien née, prête à procurer de longues heures de plaisir.
Liens utiles : www.pivotcycles.com/bike/switchblade – www.mohawkscycles.fr, le distributeur français de Pivot.