Test | Pédalier HXR Easy Shift : et pourtant, il tourne !
Par Olivier Béart -
L’idée n’est pas neuve, elle existe dans le trial depuis bien longtemps. Mais c’est chez la petite marque française HXR qu’on trouve le premier pédalier à roue-libre intégrée destiné à d’autres pratiques, avec un penchant clair pour l’enduro. Que vaut le pédalier HXR Easy Shift ? Pouvoir changer les vitesses sans pédaler est-il vraiment utile ? Quels sont les autres avantages… ainsi que ses défauts ? Réponse avec notre test :
En trial, en intégrant la roue-libre au niveau du pédalier, l’idée est d’aller chercher la meilleure réactivité possible lors des impulsions. Ici, même si on a 108 crans d’engagement (!), le but est ailleurs. Comme le nom du pédalier HXR Easy Shift l’indique, l’objectif premier de cette transmission est de permettre de changer de vitesses sans pédaler. Voilà qui peut s’avérer particulièrement utile en usage enduro où, même en phase descendante, on peut sélectionner et engager la vitesse optimale en vue de la prochaine relance sans modifier ses appuis. Mais il y a un autre avantage, mis en avant plus récemment par HXR :
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Mis en avant par les performances de Neko Mullaly et Aaron Gwin sans chaîne sur des courses de DH, l’effet négatif du kickback ou « effet de chaîne » est actuellement sous le feu des projecteurs. Canyon a par exemple présenté cette année à l’Eurobike un concept de Sender DH doté d’une roue-libre débrayable. Mais le pédalier HXR Easy Shift est présenté comme permettant aussi de libérer en partie la suspension des contraintes liées à la tension de la chaîne, comme vous avez pu le voir dans la vidéo ci-dessus.
Concrètement, le concept du pédalier HXR Easy Shift est assez simple : on dispose d’une paire de manivelles classiques avec axe alu en 30mm de diamètre, mais avec des crans côté droit permettant d’y installer l’étoile spéciale contenant la roue-libre. Celle-ci est un modèle 4 branches standard qui peut accepter n’importe quel plateau du marché… du moment qu’il est rond ! D’origine, HXR fournit un plateau maison à dents narrow-wide de belle facture (vendu 69€ au détail).
Le pédalier est également livré avec un boîtier de pédalier. Différentes options existent, permettant le montage sur (presque) tous les cadres du marché. Ici, c’est le modèle fileté que nous avons testé.
Le montage sur le cadre est assez simple et le mode d’emploi bien clair, même si nous avons dû jouer un peu avec des petits spacers pour éviter que la roue-libre frotte contre le boîtier de pédalier, puis avec des rondelles à placer au niveau des vis de fixation du plateau (fournies) pour bien recentrer ce dernier. Par précaution, il convient aussi de vérifier que le dérailleur arrière est réglé aux petits oignons car une transmission constamment en prise ne tolère pas les approximations.
Attention, comme on le voit sur ces images, le montage d’un anti-déraillement avec sabot de protection sur le dessous est indispensable pour respecter les termes de la garantie. Vu que la chaîne et le plateau tournent en permanence, mieux vaut éviter le contact avec le sol, les pierres et les troncs d’arbres indélicats !
La finition des différentes pièces est belle et les manivelles se sont montrées résistantes à l’abrasion lors de notre test (qui n’était néanmoins pas un test longue durée), mais l’extrémité est sensible aux griffes et se marque vite. HXR a la bonne idée de livrer un kit de protection autocollant avec ses manivelles, ce qui est une très bonne chose. On prendra juste la peine d’ajouter des petits bumpers en caoutchouc au niveau des pédales.
Dernier détail très important : le pédalier HXR Easy Shift ne peut fonctionner qu’en association avec un moyeu fixe. Sans roue-libre, donc, sinon il y a doublon ! HXR commercialise ses propres moyeux dotés de cliquets fixes (remplaçables par des cliquets à ressorts pour pouvoir utiliser les roues avec un pédalier classique également). Ceux-ci offrent en plus un design amusant, avec des des trous au niveau de la partie centrale du corps qui laissent apercevoir l’axe, lui-même disponible en 4 couleurs. Nous n’avons pas testé dans la boue, mais nous avons quand même quelques doutes sur la pertinence de cette idée. Romain Olmos est également en contact avec quelques grandes marques pour pouvoir proposer des systèmes de cliquets fixes pour quelques-unes des roues les plus populaires du marché. Mais rien n’est encore officiel.
Au total, le pédalier pèse 786g vérifiés par nos soins, soit à peine 100g de plus qu’un pédalier Sram X1 par exemple. Ce qui est très raisonnable. Ce qui l’est moins, c’est l’investissement que représente l’installation du kit complet.
Car, aux 449€ du pédalier en lui-même, il faut ajouter celui des roues pour lesquelles il faut compter au bas mot 700€ pour un montage type Fury Star de JPRacing1 comme testé ici (les moyeux seuls sont vendus 418€ la paire). Sans oublier l’anti-déraillement (comptez 99€ pour le Mozartt/HXR), et vous arrivez à une addition coquette qui peut dépasser les 1000€ ! Bref, un investissement non négligeable qui risque, selon nous, d’être un réel frein au succès du système même si on peut comprendre les prix pratiqués vu les faibles quantités produites à ce stade. Néanmoins, Romain Olmos précise que « en pratique, la grande majorité de nos clients s’en sortent pour moins de 500€ et se chargent eux-mêmes de bloquer leur roue-libre car l’opération est très simple en pratique ». Dans ce cas, on revient heureusement dans des zones plus raisonnables. Reste à voir sur le terrain si le jeu en vaut la chandelle.
Pédalier HXR Easy Shift : le test terrain
Au premier abord, le pédalier HXR Easy Shift se fait oublier. Il faut réfléchir un peu et se souvenir qu’on a cette possibilité tout à fait unique de pouvoir changer les vitesses tout en pédalant. Mais une fois que le déclic s’est produit, on se prend vite au jeu. Nous l’avons emmené dans tous les passages « piège » que nous connaissons, avec des descentes bien techniques suivies de coups de cul et c’est clair que ce qui était un problème avant n’en est plus un avec le HXR Easy Shift.
En usage pur enduro et sur des terrains qui demandent un réel engagement, ce pédalier d’un nouveau type est clairement un avantage.
Quand on a pris l’habitude de rouler en Easy Shift, on constate qu’on est constamment sur le bon rapport et qu’on ne doit plus faire de gymnastique inconfortable pour changer de rapport alors qu’on devrait éviter de bouger les pieds et les laisser se concentrer sur les appuis. Fini les mauvaises surprises quand on doit relancer en poussant bien trop gros (aïe la crampe) ! On évite aussi pas mal de risques de déraillement, notamment au rétro-pédalage, car la chaîne est ici constamment en (petite) tension. En usage pur enduro et sur des terrains qui demandent un réel engagement, ce pédalier d’un nouveau type est clairement un avantage.
L’autre point intéressant avec le pédalier HXR Easy Shift, c’est qu’il libère (au moins en partie) la suspension des contraites liées à la tension de la chaîne. Nous n’avons pas eu l’occasion d’objectiver le gain avec un appareillage de télémétrie mais le système a été monté sur un vélo que nous connaissons bien, un Santa Cruz Bronson de première génération, et celui-ci nous a semblé avoir une nouvelle jeunesse. Pour l’anecdote, il s’agit du vélo de notre graphiste, qui s’apprêtait à le mettre en vente. Ce qu’il a fait finalement, mais nous l’avons trouvé tellement efficace lors de ce test, que nous avons tout fait pour l’en dissuader. Et le fait que le pédalier HXR Easy Shift laisserait mieux travailler la suspension n’est peut-être pas étranger à cela. Bref, ne nous emballons pas, mais on a quand même eu l’impression de sentir un petit gain à ce niveau.
Tout cela est bien beau, mais nous voyons quelques limites au système. On a parlé du prix, mais on pense aussi qu’en dehors d’un usage purement enduro (ou DH), les avantages du HXR Easy Shift sont plus limités. Sur des sorties plus mixtes ou en usage XC, nous avons beaucoup moins vu la pertinence. Mais HXR ne s’en cache pas, ce n’est pas la cible. Au niveau de l’usure, on peut éventuellement s’attendre à ce qu’elle soit un peu plus élevée mais même si la chaîne ne s’arrête jamais de tourner, elle n’est pas soumise à de fortes charges tant qu’on ne pédale pas. Ce phénomène devrait donc être limité. Par contre, dans la boue et sur des terrains « sales » (on pense aux hautes herbes ou à des zones fraîchement débroussaillées), la transmission joue au ramasse miettes… avec les risques que cela comporte. Enfin, même si la chaîne n’est pas toujours en charge, une transmission qui tourne en permanence va logiquement entraîner une usure supplémentaire, même limitée, de la chaîne, des pignons et du plateau.
Verdict
Si vous êtes un enduriste pur et que vous évoluez sur des terrains montagnards et/ou franchement engagés, le pédalier HXR Easy Shift est clairement un produit qui peut apporter un plus dans le cadre de votre pratique. Dissocier le changement de vitesses du travail des jambes dans les descentes permet de rouler plus relax, sans doute un poil plus vite et surtout de prendre plus de plaisir. L’argument de liberté totale de la suspension en descente par rapport aux contraintes du pédalage est aussi un bel avantage. Mais en-dehors de cette cible restreinte, l’intérêt est moins évident. Il reste à espérer que le nombre de pratiquants qui peuvent réellement tirer avantage de ce produit soit assez large pour assurer un succès commercial à ce pédalier atypique. C’est en tout cas agréable et rafraichissant de voir que de petits acteurs du monde du cycle parviennent encore à concrétiser leurs projets et à faire souffler un vent nouveau sur des points qui semblaient jusque là immuables. Rien que pour cela, le pédalier HXR Easy Shift a toute sa raison d’être, et la démarche mérite d’être saluée. Nous lui décernons également un coup de coeur, pas du tout rationnel… mais après tout, c’est justement le principe du coup de coeur !
Plus d’infos : http://hxr-components.com