Test nouveauté | Versan Heroc : un acier bleu-blanc-vivant

By Olivier Béart -

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Test nouveauté | Versan Heroc : un acier bleu-blanc-vivant

A la base, c’est une idée un peu folle née pendant le confinement dans le cerveau de Fred Puech : créer un cadre acier made in France qui parvient à se différencier de ce qui existe déjà sur le marché. Outre sa provenance locale et son côté éco-responsable, ce vélo devra aussi procurer beaucoup de plaisir de pilotage. Après une première rencontre sur le Roc 2023, nous avons cette fois pu tester le Versan Heroc dans sa version définitive. Découverte :

Même s’il habite aujourd’hui à Paris, Fred Puech a grandi dans le Sud-Ouest, non loin d’un lieu dont le nom parle à de nombreux vététistes : St-Gaudens. « Clairement, les vélos Sunn de la grande époque ont bercé ma jeunesse. »  Pourtant, notre homme n’est pas nostalgique. Le seul lien de ses vélos avec le passé, c’est le matériau : l’acier. Pour le reste, le Versan Heroc se veut un vélo bien ancré dans son époque, tant au niveau de ses caractéristiques techniques que de sa production.

L’aventure Versan a commencé en plein confinement, lorsque cet ingénieur actif dans le milieu de l’automobile a poussé un peu plus loin sa réflexion sur le vélo de ses rêves : « Je suis attiré par la simplicité, les lignes pures des vélos des années 80/90. J’aime aussi l’acier. Mais j’ai été assez déçu par les cadres asiatiques et de grandes marques que j’ai pu avoir. Ils manquaient de vie, de magie. J’avais des idées en tête et j’ai eu envie de voir si je pouvais proposer une alternative, un vélo qui correspondait à mes goûts. »

Fred s’est mis à dessiner, mais aussi à partager ses idées et sa réflexion: « J’ai créé un groupe Facebook sur lequel j’ai commencé à partager mes idées et quelques dessins. C’est là que je me suis aperçu que je n’étais pas le seul à vouloir ce genre de vélo, qui garde des racines traditionnelles, mais qui est pleinement dans son époque et qui profite des dernières avancées pour plein d’autres aspects. Je me suis donc dit qu’il y avait peut-être moyen d’en faire quelque chose de plus qu’un simple projet de cadre unique pour moi, et de le commercialiser». Dans ses grandes heures, le groupe fondé par Fred a compté plus de 500 membres actifs. C’est dire l’intérêt suscité par son projet. « C’était un moment très agréable, j’ai pu me nourrir de plein de retours sur la géométrie, le choix des standards/formats, la couleur, etc. »

C’est au Roc d’Azur 2023 que nous avons rencontré Fred pour la première fois, avec un de ses prototypes. Aujourd’hui, même si le vélo n’a plus beaucoup évolué visuellement, toute une série de petits détails ont été finalisés et un sous-traitant a été trouvé pour entamer une production en série. « En petite série, certes, mais en série tout de même. Et je suis fier de dire que j’ai trouvé ce partenaire capable d’assurer la production en France, en région parisienne même. Bien sûr, cela a un impact en matière de coût, mais cette proximité a aussi ses avantages en matière de contrôle qualité et de réactivité. Sans dénigrer le made in Asia car il y a d’excellents produits là-bas aussi, le made in France a tout de même une vraie importance à mes yeux. »

Outre la soudure du cadre, le projet a aussi une dimension européenne au niveau de la provenance des tubes. Il s’agit d’un mix provenant d’Italie (Columbus) pour la partie arrière et d’Angleterre (Reynolds) pour le triangle avant. « C’est peu courant de mélanger des tubes de différentes provenances sur un même cadre, mais après différents essais, c’est avec cet assemblage que j’ai réellement trouvé le résultat que j’espérais, à savoir un vélo qui est à la fois très vivant et réactif, mais aussi tolérant et confortable. Toute ma philosophie de conception est vraiment basée sur ce « ride feeling » et la recherche du parfait compromis entre confort et dynamisme. »

Fred Puech s’est fait un petit plaisir marketing en donnant un nom à ce « ride feeling » : Absort. « Derrière ce nom, il y a des heures de travail, de recherche des bonnes épaisseurs de tubes, du bon cintrage, de la bonne géométrie, du bon assemblage, pour au final obtenir un comportement parfaitement équilibré entre confort, motricité et réactivité du cadre. »

Outre une production locale sur base de tubes européens, Frédéric a également choisi l’acier pour son côté recyclable… et recyclé. « Les tubes utilisés pour les vélos Versan proviennent essentiellement du recyclage issu de l’automobile et d’électroménagers. Des fournisseurs comme Reynolds et Columbus se sont vraiment engagés dans cette voie et cela me semble important. Avec 1 litre d’acier fondu, on peut faire environ 3 cadres dont le poids tourne autour de 2,3 kg en taille L. »

Versan ne cherche pas à révolutionner le vélo acier dans tous ses aspects. Le débattement avant a été assez vite arrêté à 130 mm pour avoir un vélo polyvalent. La géométrie, très contemporaine, aussi, avec un reach assez long, des bases courtes mais pas trop pour permettre un montage 29 pouces ou mulet 27,5/29″ en gardant du dégagement, un tube de selle redressé et une direction bien couchée.

Côté formats et standards, Versan joue la carte des valeurs sûres avec un jeu de direction semi-intégré, un boîtier de pédalier fileté, une patte de dérailleur universelle, un tube de selle en 31,6 mm et des câbles qui passent à l’intérieur des tubes pour l’esthétique mais sans pour autant oublier l’accessibilité puisque la Durit du frein arrière reste en extérieur.

La peinture a également fait l’objet d’un soin tout particulier. La couleur vert pistache tenait à cœur de Fred, après en avoir discuté avec sa petite communauté, et elle a été mariée à des marquages de couleur orange. Mais c’est surtout sa durabilité qui a été travaillée. Et même si Fred promet qu’elle est d’une très grande solidité, il sait qu’elle n’est pas totalement indestructible et la marque proposera un service de re-peinture pour 290 €.

Justement, en parlant de tarif, le Versan Heroc est proposé au prix de 1485 €. Deux montages sont aussi proposés, en Sram GX ou Sram XO1/XX1 (mécaniques) à 4290 € et 5900 €. « Ce n’est pas toujours possible, mais pour les postes où il y a un fournisseur européen crédible, je l’ai choisi. C’est ainsi que je travaille avec Magura, Specialites TA, Hutchinson ou encore Mavic sur les montages. » 

Après la théorie, place à la pratique ! Nous avons eu l’occasion de faire une jolie boucle en forêt de Meudon en compagnie de Fred pour découvrir le Heroc dans sa version définitive.

Versan Heroc : le test terrain

Ne tournons pas autour du pot : Fred et Versan nous promettaient un vélo « vivant et réactif », et c’est vrai ! Même s’il est en acier et même s’il s’agit d’un vrai all-mountain avec des pneus Hutchinson Wyrm pas forcément très roulants, le vélo dégage immédiatement une vraie impression de vivacité et de nervosité dans les accélérations. Bien sûr, ce n’est pas comparable à un carbone haut de gamme destiné à la compétition XC, mais le Heroc n’a rien d’un acier placide et lourdaud. Si on devait le comparer, c’est d’ailleurs plus avec de bons cadres en titane qu’on trouve des points communs.

La géométrie est très équilibrée. Versan n’est pas allé jouer dans les extrêmes pour se démarquer pour le plaisir de se démarquer, et c’est très bien. On est sur un vélo sécurisant et surtout vraiment joueur dans les singletracks, où il se place avec une grande facilité. Là aussi, il dégage une belle impression de légèreté, et son pilotage a un côté instinctif très agréable. Soyons clairs : nous ne l’avons pas testé sur des terrains très engagés, mais pour s’amuser dans les beaux petits sentiers des massifs au sud de Paris, c’est un jouet très amusant ! On ne doute pas qu’il peut aussi bien s’en sortir ailleurs, puisqu’il a été développé également dans les Pyrénées.

A l’arrière, tant que ce n’est pas trop cassant, l’acier fait des merveilles pour dissiper les vibrations et arrondir les reliefs. On sent qu’il y a eu un vrai travail à ce niveau, et il porte ses fruits. Les racines et les petits rochers ne parviennent pas à le perturber le moins du monde. Par contre, par rapport à un tout-suspendu, on est logiquement beaucoup plus « connecté » au terrain. Ce qu’on perd en efficacité, on le gagne en sensations, et maîtriser le vélo, jouer avec son corps et ses jambes pour apprivoiser les reliefs fait partie du plaisir.

Rouler en hardtail acier est un vrai choix. Celui de troquer un peu d’efficacité pure au profit du plaisir de rouler sur un vélo simple et épuré. Mais, grâce à son cadre finement conçu et réfléchi, le Versan Heroc ne fait pas payer cher ce choix à son pilote. On ne doute jamais qu’on a bien entre les jambes un vélo de 2025 : un acier qui ne s’est pas reposé sur ses lauriers et qui n’a pas confondu simplicité avec paresse.

Verdict

Face aux avancées du carbone, face à l’émergence de l’impression 3D qui ouvre de nouvelles portes au titane, face à l’alu qui se raffine en restant très accessible, l’acier a-t-il encore une place aujourd’hui dans le monde du VTT haut de gamme ? S’il est sûr que l’époque de son hégémonie est bel et bien passée, le Versan Heroc démontre qu’il y aura toujours une petite place pour lui. En plus d’offrir un comportement ludique qui en fait un véritable vélo plaisir et une machine à donner le sourire dans les singletracks, il ajoute une dimension sociale et environnementale qui ne peut laisser indifférent dans le contexte actuel. A défaut de tout-suspendu, on espère que Versan se lancera prochainement dans le gravel, où la philosophie du Heroc pourrait aussi trouver un bel écho.

Plus d’infos : https://www.versan.fr/

ByOlivier Béart