Test nouveauté | Sram Eagle 90 & 70 : une transmission mécanique sans patte de dérailleur
Par Olivier Béart -

Impossible de le nier, l’arrivée des dérailleurs AXS T-Type chez Sram l’année dernière a été une petite révolution dans le monde de la transmission. Suppression de la patte de dérailleur, facilité d’installation, précision et douceur des changements de rapport, solidité accrue du dérailleur… Autant d’avantages que Sram veut rendre accessibles à un plus grand nombre avec ses nouveaux groupes 90 et 70 mécaniques et à montage direct. On a eu la chance d’équiper un vélo avec cette nouvelle transmission en avant-première. Présentation et premier test :
Après le lancement de sa transmission électronique baptisée AXS en 2019, et l’arrivée de nouveaux groupes AXS T-Type l’année dernière, il y a un pari que l’on n’aurait pas tenu : celui du retour de Sram sur le segment de la transmission mécanique ! La marque l’avait pourtant toujours maintenu : « Les transmissions électroniques sont un complément aux transmissions mécaniques, mais ne sont pas vouées à les remplacer totalement », pouvait-on entendre dès le lancement des transmissions AXS en 2019. Mais, par la suite, elle avait clairement mis tous ses efforts sur l’électronique sans fil.
L’électronique au service du mécanique
On replante le décor si vous n’avez pas tout suivi : en 2019, Sram lance sa transmission Eagle AXS, à savoir sa première transmission sans fil. Quatre ans plus tard, en mars 2023, la marque dévoile les transmissions AXS à montage direct, baptisé T-Type, dont la pièce maîtresse est un dérailleur qui fait fi de la patte de dérailleur au niveau du cadre, et aussi une cassette au dessin revu. Dans le même temps, la marque a continué à proposer à la vente ses transmissions mécaniques « ancienne génération », même si l’électronique semblait gagner rapidement du terrain.
Certains préfèrent l'électronique, d'autres le sentiment mécanique. Qu'importe, tous ont le rêve du parfait changement de vitesse
Pour 2025, Sram a décidé de transférer cette interface « Full-Mount », à savoir l’absence de patte de dérailleur (et tout ce que ça implique comme avantage), à une transmission mécanique : les Sram Eagle 90 et 70 ! La boucle est bouclée.
« Certains préfèrent l’électronique, d’autres le sentiment mécanique. Qu’importe, tous ont le rêve du parfait changement de vitesse. Voilà la raison d’être de ces nouveaux groupes ! », affirme la marque. On ne va pas se le cacher non plus : la démocratisation de l’électronique dans les transmissions VTT ne semble pas si simple que cela et l’option mécanique à câble permet aussi de proposer des tarifs plus accessibles.
Vous l’aurez peut-être compris, c’est bien deux transmissions que Sram dévoile dans un même temps. Basées sur la même construction et offrant les mêmes avantages, il s’agit ici simplement d’une distinction de niveau de gamme, à l’image des dérailleurs GX, SX ou NX. Pour cette découverte en avant-première, c’est un groupe Eagle 90 que Sram nous a fait parvenir, qu’on peut mettre plus ou moins au niveau du GX pour reprendre une référence connue.
Ces groupes 90 et 70 s’inscrivent dans l’écosystème « Eagle » et permettent donc une intercompatibilité totale entre tous les composants désignés par l’appellation « T-Type ». On pense bien entendu aux cassettes, chaînes et pédaliers qui sont parfaitement compatibles (on peut par exemple monter une cassette XX de dernière génération avec un dérailleur mécanique Sram 90).
Sram Eagle 90 : tour du propriétaire
Pour son dérailleur 90, Sram a repris les codes visuels très sobres de ses dérailleurs électroniques, avec une combinaison de noir et d’argent esthétiquement très convaincante. De par sa conception Full Mount, celui-ci ne peut être monté que sur des cadres bénéficiant de l’interface UDH, à savoir une quasi totalité de cadres contemporains.
« Avec ce dérailleur, on est parvenu à obtenir le même passage de vitesse sous la contrainte que ce qu’on propose avec l’AXS T-Type. Il suffit de shifter et de continuer à pousser sur les pédales », explique la marque. « Le développement d’une telle solution a commencé il y a huit ans, et on a passé beaucoup de temps dans le labo à tester différentes solutions. C’est difficile de parvenir à un résultat assez fiable, en termes de précision et de durée dans le temps. Mais là, nous sommes satisfaits du résultat », continue-t-elle.
Ici, pas de chape en carbone comme ça peut-être le cas sur les luxueux XX SL, mais un corps et une chape en alu. Celui-ci est également doté d’une pièce de protection, baptisée « Skid Plate », facilement remplaçable en cas de problème ou de traces esthétiques.
À ce sujet, et à l’image des autres dérailleurs AXS de dernière génération, l’Eagle 90 est entièrement démontable et réparable. Il est possible de le démonter à la façon d’un Lego pour le nettoyer et, si nécessaire, le réparer en remplaçant les pièces défectueuses. On notera au passage que le plus accessible dérailleur 70 est quant à lui construit autour d’un corps fixe, et donc moins facilement bricolable en cas de soucis.
Deux shifters sont prévus par la marque : une option « Single Click » à destination des VTTAE et une seconde « Two Click ». La première citée limite les changements à une vitesse à la fois pour répondre aux besoins spécifiques des VTTAE et éviter l’usure prématurée ou la casse de la chaîne.
Un peu massive au premier coup d’œil, cette commande 90 affiche par contre un design très profilé et plat, de quoi maximiser son intégration visuelle sous le poste de pilotage.
Prudence par contre, les commandes des générations précédentes ne sont pas compatibles avec ces nouveaux dérailleurs Eagle T-Type en raison d’un ratio d’actionnement différent. Impossible donc d’imaginer équiper votre vélo d’un de ces nouveaux dérailleurs tout en laissant votre précédente commande mécanique sur votre poste de pilotage.
Le groupe est également doté de ses propres manivelles, avec une version spécifique pour VTTAE équipée d’une interface ISIS. Toutes deux en aluminium forgé, celles-ci sont similaires à celles du groupe GX AXS. A noter que nous avons ici laissé le plateau d’origine sur le Moustache Game qui nous a servi de test car nous ne disposions pas de l’outil pour le remplacer, mais Sram propose bien évidemment des plateaux adaptés aux principaux moteurs du marché (Bosch notamment). Cela a été l’occasion de voir que des plateaux « génériques » fonctionnent avec la chaîne T-Type FlatTop de Sram, même si c’est clairement plus smooth et agréable avec le plateau Sram dédié que nous vous conseillons fortement d’adopter, d’autant qu’il est qualitatif et durable.
Cinq longueurs de manivelles sont au catalogue (de 155 à 175 mm) tandis que le version e-bike est disponible de 150 à 170 mm. Comme pour le reste des transmissions T-Type (à l’exception du XX SL), il est possible de monter un bashguard amovible, qui vient se prendre dans l’étoile du plateau. Il est possible de choisir d’en monter un seul, deux ou aucun, et d’ainsi protéger un peu plus sa transmission si on le juge utile pour sa pratique.
Du connu et éprouvé du côté du duo cassette/chaîne puisque l’on retrouve un ensemble GX, avec une cassette (XS-1275) de 10-52 dents et une chaîne FlatTop. Un élément essentiel dans le passage des rapports sous la contrainte grâce aux cheminements directement usinés dans les pignons pour guider parfaitement la chaîne dans ses déplacements.
Pour rappel, cette cassette GX se veut plus simple dans sa construction, mais également moins luxueuse dans les matériaux utilisés, avec un seul pignon en alu (contre trois sur la XX par exemple), et ses autres pignons sont rivetés plutôt qu’usinés dans un seul bloc d’acier.
La cassette ainsi que la chaîne sont recouverts d’un revêtement en nickel, permettant d’allonger la durée de vie et de retarder l’usure. L’expérience montre en effet que Sram est parvenu à rendre ces composants particulièrement durables.
Sram Eagle 90 et 70 : les avantages de l’électronique sur un groupe mécanique (ou inversement) ?
Le premier point sur lequel insiste Sram avec ses transmissions mécaniques, c’est la facilité d’installation comparable à ses groupes sans fil… et on doit dire que c’est vrai. Si on excepte le passage du câble et de la gaine dans le cadre, la mise en place est quasiment aussi simple que celle des versions électroniques. Fini les vis de butée et d’englobée ! La seule chose qui diffère, c’est qu’il faut régler la tension du câble avec la petite molette située sur le shifter, mais dans notre cas, cela s’est réglé en deux tours de molette, puis nous n’y avons plus touché ! Au passage, notre tutoriel « atelier » des transmissions AXS T-Type reste ainsi d’actualité : Installation | Sram Eagle AXS 2023 : tuto à l’atelier
C’est peut-être l’un des points les plus intéressants de tout le sujet : la douceur et la précision des passages de rapport, même sous contrainte ! Avec ces nouvelles transmissions mécaniques à montage direct, Sram entend proposer les mêmes qualités que leur alter ego électronique à un plus large panel d’utilisateurs.
On vous rassure, on n’est pas monté sur le vélo de cette façon à la rédaction, mais Sram n’hésite pas à illustrer la solidité de son dérailleur de façon très explicite… On vous l’expliquait quelques lignes plus haut, ce dérailleur 90/70 reprend une construction similaire à ses grands frères AXS T-Type, tant dans l’élaboration du dérailleur en lui-même que dans l’absence de patte de dérailleur. De quoi procurer au Sram Eagle 90/70 une solidité similaire à ce que l’on a déjà pu expérimenter avec les groupes T-Type précédents. Bien sûr, il n’y a pas de débrayage du petit moteur qui sert à actionner le dérailleur, comme sur la version électronique, mais le dérailleur mécanique peut bouger librement vers l’intérieur puisque dans ce cas, le câble se détend simplement avant de revenir à sa position initiale. On a donc aussi une forme de système de débrayage en cas d’impact sur cette version mécanique.
Toutes ces belles promesses seront à vérifier sur le terrain, mais sur le papier, la logique voudrait qu’on retrouve des caractéristiques communes aux derniers dérailleurs sans fil, qui nous ont beaucoup plu depuis leur lancement !
Sram Eagle 90 : les poids vérifiés
Nous étions curieux de voir la différence de poids de ce nouveau groupe Sram Eagle 90 par rapport aux autres groupes de la marque, mécaniques et sans fil. Pour ce qui est des pièces maîtresses, le dérailleur pèse 390 g tout rond, là où le dernier GX mécanique de la gamme pointe à 299 g, et où le plus léger des dérailleurs électroniques sans fil (XX SL) culmine à 446 g. Bref, un parfait entre-deux en termes de poids. Pour ce XX SL, cela s’explique évidemment par la présence du moteur et de la batterie, une différence qui est atténuée en partie par la nécessité de câble et de gaine sur la version mécanique.
Pas de surprise du côté de la cassette qui affiche 444 g sur notre balance, un poids identique à celle du groupe AXS GX… étant donné que c’est la même !
Plus massive, la commande Sram 90 One Click fait 132 g, soit 25 g de plus qu’une GX mécanique… Les manivelles pour VTTAE sont à 480 g la paire.
Versions et tarifs du Sram Eagle 90 et 70
Le groupe Eagle 90
- Dérailleur 90 : 205 €
- Commande 90 : 55 €
- Pédalier 90 : 170 € – Plateau en 32 dents et manivelles en 165, 170 ou 175 mm.
- Plateau T-Type Eagle : 20 €
Au complet, le groupe s’affiche entre 645 et 730 € en fonction du type de pédalier (spécifique VTTAE ou non).
Le groupe Eagle 70
- Dérailleur 70 : 135 €
- Commande 70 : 35 €
- Pédalier 70 : 100 € – Plateau en 32 dents et manivelles en 165, 170 ou 175 mm.
- Plateau T-Type Eagle : 20 €
- Chaîne Eagle 70 T-Type Flattop : 35 €
Aucun tarif n’a été communiqué à ce stade sur les groupes complets 70. Mais, on le voit, les prix sont clairement plus accessibles que sur les transmissions électroniques, et on se situe dans des tarifs comparables à ceux de l’ancien GX mécanique.
Sram Eagle 90 : le test terrain
Comme « qui peut le plus peut le moins », nous avons choisi de tester le nouveau groupe Sram 90 sur un e-bike (un Moustache Game 150 avec moteur Bosch Performance CX de dernière génération) afin de martyriser la transmission non seulement avec nos mollets, mais aussi avec l’aide d’une assistance puissante. Rien de mieux pour voir si cette version mécanique parvient à se montrer aussi douce et précise dans les situations extrêmes que la version électronique.
Ne tournons pas autour du pot : cette nouvelle transmission mécanique Sram 90 parvient bel et bien à procurer des changements de vitesse aussi doux que toutes les autres transmissions T-Type électroniques que nous connaissions jusqu’ici chez Sram. Vous pouvez mettre toute la puissance de vos mollets et celle de l’assistance en mode turbo, et les rapports changeront sans broncher, que ce soit à la montée ou à la descente.
C’est assez logique, car cela tient beaucoup au dessin des dents de la cassette et de la chaîne, qui est parfaitement guidée d’un pignon à l’autre et qui ne se retrouve jamais « dans le vide », ce qui permet d’éviter les pertes de charge et les à-coups désagréables.
Certains disent que c’est moins rapide que les anciennes transmissions Sram ou que chez Shimano, mais c’est surtout selon nous une impression et le changement des rapports sur les dernières transmissions Sram est surtout redoutablement efficace et doux. Ce qui nous semble plus important.
Le dérailleur joue bien entendu aussi un rôle ! Et, en reprenant la même architecture et la même cinématique que les versions électroniques, il se montre non seulement (presque) aussi facile à régler, et aussi précis que ses grands frères.
Il dégage également une vraie impression de robustesse qui donne confiance quant à la durabilité à long terme, même si cela devra être vérifié par un test plus longue durée. En tout cas, quand c’est très chahuté, dans les racines ou au milieu d’un océan de cailloux, on ne craint ni les sauts de chaîne, ni les chocs sur le dérailleur qui semble imperturbable.
Au niveau du shiter, le feeling est évidemment différent de l’électronique, puisqu’il faut actionner un câble et pas juste appuyer sur un petit bouton. A la descente c’est toutefois très proche, puisqu’on actionne juste un cliquet qui relâche le câble, ce qui se fait quasi sans effort et très rapidement. A la montée des rapports, on note qu’il faut un peu plus de force au niveau du pouce par rapport aux précédentes transmissions Sram mécaniques. Le levier est d’ailleurs plus long pour avoir un meilleur bras de levier, mais on sent que la cinématique du dérailleur nécessite un peu plus d’effort qu’avant à la montée. Néanmoins, cela reste très acceptable et cela ne nous a pas réellement gênés. Il faudra toutefois être attentif à garder un câble en bon état pour ne pas rajouter une résistance supplémentaire à ce niveau.
Verdict
A défaut d’être parvenu (pour le moment ?) à rendre l’électronique réellement accessible à toutes les bourses, Sram a réussi à décliner avec brio ses concepts T-Type et Full Mount en version mécanique. Facilité de montage, douceur de fonctionnement, robustesse : les ingrédients de base sont préservés et cette transmission Sram 90 est une véritable réussite, proposée à un tarif plus doux que les versions électroniques. Tout juste a-t-on noté une montée des rapports nécessitant un peu plus de force au niveau du pouce que par le passé, mais pour tout le reste, on frôle la perfection et l’évolution par rapport aux précédents groupes de la marque est bien perceptible, même si ces derniers étaient déjà très efficaces (on pense surtout au GX Eagle mécanique ; moins aux SX et NX qui ont eu plus de mal à convaincre). Bref, si vous n’êtes pas convaincu par l’électronique ou que vous jugez l’AXS trop onéreux, cette nouvelle transmission devrait faire plus que vous intéresser. Et Sram accentue encore un peu plus son avance sur la concurrence, qui va avoir fort à faire pour rivaliser.
Pour plus d’informations : https://www.sram.com/en/sram