Test nouveauté | Specialized Turbo Levo Expert 2019 : monsieur… et madame plus ! - Le Levo de monsieur, l'avis d'Olivier Beart
Par Olivier Béart -
Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas un, mais deux journalistes de l’équipe Vojo qui ont été invités en Croatie pour faire partie des tout premiers privilégiés à prendre les commandes du nouveau Specialized Turbo Levo. Deux ? Oui, un homme, Olivier, et une femme, Elodie, histoire de vous livrer deux ressentis différents mais complémentaires au guidon de la nouvelle version de ce VTT électrique qui fait figure de référence depuis sa sortie. A-t-il charmé tant Mars que Vénus ? Réponse avec ce premier test :
Le Levo de monsieur, l’avis d’Olivier Beart
J’en ai déjà parlé en introduction, mais même si un Moustache ou d’autres vélos en moteur Bosch ne me laissent pas insensibles, j’ai toujours préféré les vélos à assistance moins démonstratifs, mettant moins l’accent sur la partie moteur que sur le côté cycle. La maniabilité du vélo, ses caractéristiques de pilotage ont toujours pris le pas à mes yeux sur la poigne du moteur, la force des accélérations et d’autres considérations du genre. L’autonomie a aussi toujours été un point fondamental à mes yeux, et surtout une cause de frustration car je ne compte plus les sorties en VAE bien engagées où je m’amusais très bien pendant 25 bornes, avant d’avoir le cerveau envahi d’inquiétudes en voyant le niveau de batterie fondre comme neige au soleil… et de finalement, après 35/40 bornes, devoir me coltiner un vélo sans assistance de 20kg pour rentrer au bercail.
En me posant aux commandes du nouveau Specialized Levo 2019, j’avais encore bien en tête mes dernières sorties au guidon de son prédécesseur, qui restait toujours un des mes VAE préférés. Ici, j’ai à cœur de voir ce que donne réellement sa batterie de 700Wh, si le centre de gravité reste assez bas et bien positionné pour ne pas dégrader le comportement malgré le surpoids de ce composant hyper important. Je me demande aussi ce que vont donner les roues de 29″, moi qui ai toujours cru aux roues de 27,5+ sur les vélos électriques (moins en vélo classique). Pour commencer, je retrouve facilement mes marques sur un taille M pour mes 178cm. J’aime souvent rouler en L avec potence très courte, mais chez Specialized, pour une raison que je ne m’explique pas toujours clairement, je me sens toujours mieux en M, surtout depuis que le reach a été un peu allongé, sur le Levo comme sur l’Epic ou le Stumpjumper de dernière génération avant lui.
Malgré l’absence d’Auto-Sag à l’arrière, le réglage de la suspension est aisé, et je pars sur un bon 25% de SAG, presque 30. On démarre notre première journée de test par une petite boucle assez facile près de l’hôtel, mais déjà avec quelques côtes raides. La fourche me semble un peu dure et début de course et le vélo sautille un peu sur les petits impacts. Un peu plus tard, j’ajouterai 2 volume spacers dans la chambre d’air de la Pike, histoire de pouvoir baisser un peu la pression sans avoir une fourche qui plonge trop, et c’est selon moi bien mieux qu’avec un seul token comme à l’origine. J’ajuste aussi la pression des pneus 2.6 autour de 1.3 bar, mais pas moins car le sol est très rocailleux et, même si les pneus Specialized sont relativement rigides et solides, il ne faut pas tenter le diable.
Aucune côte ne lui résiste !
On s’en va ensuite pour une grande boucle d’une bonne quarantaine de bornes, qui commence par une longue ascension sur un chemin large mais jonché de pierres qui roulent sous les pneus. Là, le Levo m’épate déjà par sa capacité à rouler quoi qu’il advienne. Le moteur se montre très rond, de sorte qu’il n’y a pas de ruades ou d’excès de puissance qui auraient tôt fait de faire déraper la roue arrière.
Le moteur assiste aussi parfaitement, même à une cadence de pédalage relativement basse. Sa disponibilité va me bluffer tout au long de ces deux jours et c’est selon moi un des grands atouts du Brose de nouvelle génération, dont on sent vraiment qu’il est à l’aise de 40 à 110rpm voire plus, alors que d’autres sortent de leur zone de confort dès qu’on s’écarte de 80/90 tours de jambes par minute.
Je roule quasi uniquement en mode Trail et très peu en mode Eco. Non que ce dernier soit trop « faiblard » (et de toute façon tout est paramétrable selon ses goûts avec l’application Mission Control), mais j’ai envie de tester l’autonomie de la batterie et de voir si elle tient bien la distance même en tirant dessus sans trop réfléchir. Quant au mode Turbo (dans sa configuration d’origine toujours), il n’est utile que quand on veut vraiment jouer en côte raide… et avec beaucoup de grip. Le mode Trail est vraiment un bon intermédiaire car il garde assez de subtilité pour aborder les montées techniques sans réactions trop fortes de la mécanique, mais l’assistance est tout de même bien présente tout en sachant se faire discrète quand on a envie de se concentrer davantage sur le pilotage.
On enchaîne avec une série de singletracks très sinueux et rapides entre les buissons, et le nouveau Levo fait preuve d’une excellente maniabilité. Vous êtes sûr que je ne suis pas sur un Stumpjumper ?!? Si on sent les 21kg de l’engin quand on doit le porter ou qu’on joue à le soupeser, sur les sentiers cela s’oublie complètement et Specialized est encore parvenu à pousser un cran plus loin le côté purement « vélo » de son Levo. Il ne joue pas non plus dans la sur-maniabilité juste pour en mettre plein la vue du pilote quitte à se montrer délicat dans certains enchaînements ou quand la vitesse augmente. Non, on reste serein, avec des trajectoires fluides mais incisives. La répartition des masses est parfaite et la géométrie très équilibrée font que c’est un pur régal !
Dans la rocaille, se cachent aussi de plus gros obstacles, qu’on prend un malin plaisir soit à surmonter en profitant des grandes roues qui avalent tout ou presque, soit en sautant par-dessus d’un gracieux bunny-up. Car le Levo est vraiment un bon sauteur ! Ok, on sent toujours un peu le poids quand on tire sur le cintre, mais vraiment pas trop et on peut, ici aussi, le piloter quasi comme un VTT classique en se permettant quelques excentricités. Les roues Roval Traverse ne sont plus en carbone sur l’Expert, mais les modèles alu ont été revus en profondeur. Cela ne se voit pas vraiment au premier coup d’œil, sauf au niveau des moyeux, mais le comportement sur le terrain est nettement plus précis qu’avant et on se rapproche très fort des sensations éprouvées avec les précédents modèles carbone.
Les gars de Specialized ont eu la bonne idée d’inclure un bon petit paquet d’ascensions très raides sur la boucle de test, et absolument aucune ne m’a posé problème. Il a pourtant fallu se cracher dans les mains et faire chauffer les cuissots dans plusieurs d’entre-elles, mais toutes ont été vaincues… avec grand plaisir même. Le moteur Brose n’est certainement pas le plus démonstratif dans sa façon d’assister le pilote, mais quelle efficacité et surtout quelle subtilité. J’avais bel et bien l’impression que c’était juste moi sur le vélo… mais en un peu plus rapide et capable de vaincre des pentes impossibles à gravir sans un petit coup de pouce. Un peu comme si un ami me poussait gentiment dans le dos quand j’étais dans le dur, sans se montrer intrusif ou brutal. Voilà qui correspond vraiment à ma définition du VAE !
Le choix de Specialized de ne pas partir sur des bases hyper courtes joue aussi en sa faveur et, pour peu qu’on ait pris la peine d’enlever les spacers sous la potence, vraiment too much avec le cintre relevé à l’ancienne et que je changerais bien pour un plat tout en restant en 780 de large, l’avant reste facile à coller au sol pour se diriger même quand les pourcentages imposent presque d’avoir le menton sur la potence.
Tiens, et la batterie dans tout cela ? Au moment où la première journée touche à sa fin, avec 55km au compteur pour 1400m de d+… il reste encore un bon tiers d’autonomie ! Cela veut dire qu’on peut sans souci envisager 70, voire 80km de pur VTT en profitant pleinement du potentiel de la machine. Et surtout, sans crainte de rentrer à plat. Encore que, c’est probablement un des vélos les plus faciles à rouler sans assistance que nous ayons essayé. Il n’y a pas de frottements parasites (coucou Bosch) et on roule très facilement sur le plat, tout en sentant juste le poids dans les ascensions. Il n’y a pas de miracle.
Une âme de Stumpjumper
Le deuxième jour, nous avons eu droit à des traces nettement plus enduro, avec des spéciales sinueuses et rapides, un peu moins caillouteuses et avec aussi de la terre par endroits pour prendre de beaux appuis. Justement, là, je dois reconnaître que les roues de 29″ avec pneus de 2.6 sont un peu plus précises que du 27,5*2.8. Le contact avec le sol est un peu plus sec, mais le choix de Specialized est cohérent, d’autant que celui qui veut peut toujours monter son Levo 2019 en 27,5+. Niveau grip en côte, c’est kif kif ou presque entre les deux, et c’est surtout la qualité des pneus Butcher qui se fait remarquer.
Sur ces spéciales plus engagées, je constate que le maintien de la suspension arrière est meilleur que sur son glorieux ancêtre. Là où on pouvait sentir un petit creux en milieu de course, pas vraiment gênant mais perceptible, il a ici complètement disparu, le vélo semble encore mieux posé sur ses deux roues et cela renforce encore le côté équilibré du nouveau Levo. Il avale les chocs sans les effacer complètement (pour le côté bulldozer en descente, voir le Kenevo) et laisse au pilote juste ce qu’il faut de travail pour qu’il s’amuse et se prenne pour un vrai pilote. Vraiment délicieux.
Au final, s’il n’y avait pas eu cet énorme orage pour calmer nos ardeurs, il est très possible que nous serions encore en train de rouler à l’heure qu’il est. Bon, la batterie aurait bien fini par rendre l’âme, mais une fois encore, on a fait 44km en se tirant bien la bourre avec les confrères dans les côtes et sans chercher à rouler à l’économie, et on a tout juste dépassé la moitié avant de rendre le vélo. A grands regrets d’ailleurs. Car si j’ai toujours aimé les Specialized et dû reconnaître leurs grandes qualités en tant qu’essayeur, je n’en ai jamais acheté pour en faire mon vélo personnel, préférant des vélos peut-être moins « parfaits » mais avec plus d’âme, de rugosité. Le Levo pourrait bien me faire changer d’avis car, sans prétendre avoir testé tous les VAE du marché (le BH et le Rocky Mountain manquent à mon palmarès d’essayeur), c’est à ce jour ma référence. Et, oui, sans faire de son prédécesseur un vélo complètement dépassé bon à prendre la poussière dans le garage, loin de là, je dois reconnaître que le nouveau Specialized Levo millésime 2019 est un véritable « Monsieur Plus » qui parvient à relever la barre pratiquement dans tous les domaines.
Voyons maintenant ce que « Dame Elodie » en a pensé !