Test nouveauté | Specialized Levo 3 : plus gros, plus trail
Par Olivier Béart -
Vous connaissiez les super-cars, les super-bikes, voici le test d’un « super e-bike ». Mais ne vendons pas la peau du bike avant de l’avoir testé ! Si nous utilisons ces superlatifs à ce stade, c’est pour parler du positionnement du vélo dans le très haut de gamme, qui va le réserver à une élite fortunée ou des bikers qui font des choix radicaux pour pouvoir investir beaucoup dans leur passion. Mais qui dit positionnement ultra premium, dit aussi attentes de très haut niveau. Durant deux jours, nous avons pu en mettre plein les crampons à ce nouveau Specialized Levo 3, histoire de voir s’il tient son rang.
Si vous ne l’avez pas encore fait, filez lire notre présentation complète de toutes les caractéristiques techniques de ce nouveau Levo 3 dans cet article.
C’est bon, vous voyez un peu de quoi on parle maintenant ? Alors direction les singletracks de folie de Peyruis, dans le 04, pour un premier galop d’essai au guidon de cette machine élitiste par son tarif (on parle d’un peu plus de 11000€ pour le modèle Pro essayé, qui n’est même pas encore le plus haut de gamme) et par sa fiche technique, mais qui s’avère en fait en réalité beaucoup plus accessible qu’il n’y paraît une fois qu’on l’emmène sur les sentiers.
Connaissant très bien le Levo 2 (à gauche), qui est depuis deux ans un de nos vélos de référence pour les tests matos, et qui est aussi le vélo avec lequel j’ai pas mal roulé ma bosse, notamment aux 24h des Crapauds e-bike solo, et au premier championnat du monde e-bike à Mont-Ste-Anne, je dois avouer qu’en voyant le Levo 3 j’avais peur de perdre cette remarquable homogénéité de la génération précédente. Cette polyvalence rare qui le rend aussi à l’aise pour faire des bornes en rando que pour attaquer sur du bon single technique.
A vrai dire, je ne voyais pas vraiment comment Specialized allait réussir à faire mieux que le Levo 2, surtout en conservant à peu de choses près le même ensemble moteur/batterie alors que beaucoup (dont moi) imaginaient qu’il y allait y avoir du changement à ce niveau. En fait, à vrai dire, ils ont été malins chez Spé, car je me suis vite rendu compte qu’ils n’ont pas vraiment cherché à faire mieux, mais qu’ils ont cherché à faire… différent. Et tout cela sans complètement perdre ce qui a toujours fait la force du Levo.
Nous en avons déjà parlé dans notre premier article de présentation et cela se sent assez vite sur le terrain : le nouveau Levo 3 a un côté américain assumé. Par là, on veut faire passer l’idée que c’est moins le gros XC/downcountry confortable en débattement qu’était le Levo 2. C’est désormais clairement plus un gros vélo de trail fait pour envoyer sur des singles naturels ou un peu plus shapés comme les USA en regorgent… mais comme nous en avons aussi par chez nous !
Sur les singles de Peyruis, le Levo 3 se montre d’emblée très à l’aise. Même s’il est plus musclé que son prédécesseur, il ne faut pas longtemps pour se rendre compte que ce n’est pas un vélo de bikepark limite DH comme le Kenevo. Il garde ce côté facile et une vraie capacité à se faufiler comme un félin dans le sinueux. C’est même clairement un des vélos les plus agiles et les plus jouissifs qu’il m’ait été donné de piloter dans ces circonstances. D’autant qu’on a tout le temps un grip impressionnant, grâce aux excellents et très robustes pneus Specialized, mais aussi grâce aux suspensions, clairement plus à l’aise et capables dans le défoncé que sur le Levo 2.
Les bikers de régions au relief moins prononcé et au sol moins cassant, comme dans les Ardennes par exemple, se retrouveront sans doute un peu moins dans ce nouveau Levo 3, mais c’est peut-être l’occasion pour eux de s’intéresser de plus près au Levo SL dont la motorisation peut largement suffire pour des dénivelés moins importants, et dont le poids ainsi que la philosophie globale restent davantage XC/Downcountry en mode électrique light.
Un point qui peut susciter quelques interrogations au départ, mais qui s’avère vite être un atout majeur du vélo, c’est sa géométrie variable. Sur le papier, tout cela peut sembler compliqué, mais en pratique, les opérations de changement ne prennent que quelques minutes et peuvent même se faire sur le terrain car il s’agit en fait juste de quelques tours de vis.
Mieux vaut faire ça à l’aise car il y existe un petit risque de voir une petite pièce rouler au sol, mais croyez-nous, pour le reste, c’est un jeu d’enfant. Bien sûr ce n’est pas quelque chose qu’on va utiliser tous les jours ou changer plusieurs fois par sortie (sauf au début, pour faire connaissance avec le système), mais ce serait dommage de l’ignorer et de ne pas profiter de cette possibilité.
Pour les premiers runs, je suis parti avec l’angle de direction en position « neutre », soit 64,5°, et les bases longues. On a alors le Levo 3 dans sa formule « polyvalente », déjà plus agressif qu’un Levo 2 mais sans être extrême. Après avoir bien fait connaissance avec le vélo et après en avoir fini avec les réglages de suspensions, j’ai assez vite eu envie de tester les bases en position courte/haute. Le boîtier est légèrement rehaussé, mais cela se sent assez peu, et sur nos petits singles rapides et hyper sinueux, c’est un régal absolu. La vivacité est transcendée, et le placement dans les virages serrés amélioré de manière sensible. Un beau gros joujou !
Un peu sceptique, n’ayant pas un background d’enduriste pur ni de descendeur, je teste quand même pour voir la position -1°. Et là on se retrouve avec… 63,5° d’angle à l’avant. Comme sur certains vélos de DH ! Je laisse les bases courtes vu le côté sinueux des trails, et c’est une révélation. Le bike ne perd pas vraiment en maniabilité, mais pousse encore plus à attaquer, se montre encore plus à l’aise dans les quelques segments rapides et défoncés, et procure des sensations encore plus grisantes. En position bases longues/boîtier bas, il joue à fond la carte « gros vélo », ce qui aide à prendre de la vitesse dans le défoncé, sans trop pénaliser la maniabilité, mais nous avons trouvé que cette combinaison était un poil moins adaptée au contexte dans lequel nous avons testé le vélo.
Pour en avoir le cœur net, je teste la position avec l’angle de fourche plus redressé, 65,5°, et je reste sur les bases longues pour me rapprocher de la géo du Levo 2. Là par contre, le vélo n’est pas vraiment plus à l’aise dans le sinueux, mais il est un peu plus délicat à manier, plus vif mais pas dans le bon sens du terme. Au bout d’une seule longue descente et d’un deuxième petit trail, mon choix est fait, je reviens aux bases courtes et à l’angle de 63,5° ! Attention : ne prenez pas cela comme une forme de « vérité absolue ». C’est simplement une indication que ce système de géométrie variable, très simple, permet de donner au Levo 3 plusieurs visages et de s’adapter au terrain, aux goûts et aux envies de plusieurs profils de pilote. Et ça c’est assez fort. D’autant que même s’il y a des combinaisons un peu moins adaptées à certains contextes, il n’y a pas vraiment moyen de faire d’erreurs et de se retrouver avec une « mauvaise » configuration.
Si le comportement en descente surpasse clairement celui du Levo 2 (qui n’était déjà pas un « manchot », loin de là), en montée l’écart est moins marqué. Disons que le Levo 3 fait quasi aussi bien que son prédécesseur, ce qui est une très bonne chose vu qu’il s’agissait pour nous d’un des meilleurs bikes pour les amoureux de montées techniques et autres grimpettes de l’impossible. Et ce n’est pas une mince affaire d’égaler cela, surtout avec les bases raccourcies et la petite roue arrière, qui ne sont pas des atouts dans ces circonstances.
Du côté du moteur, j’ai retrouvé avec plaisir le Specialized/Brose et son côté « main de fer dans un gant de velours » particulièrement appréciable car il marie force/couple et douceur, ce qui est idéal pour s’en sortir avec le bon compromis poigne/finesse indispensable dans de nombreuses circonstances en VTT. Attention : par défaut, le réglage de la réponse du moteur est mise sur zéro, ce qui m’a donné l’impression au début que le moteur était « dégonflé » par rapport à la précédente version, et que la mise à jour avait eu pour effet de brider un peu le moteur pour préserver la courroie. Mais en augmentant la valeur de ce paramètre entre 6 et 8, j’ai retrouvé tout le tonus et le répondant nécessaires pour faire face à des changements de relief qui se succèdent sans cesse.
Outre les modes Eco/Trail/Turbo qu’on connaît déjà et qui sont personnalisables via l’app, j’ai beaucoup apprécié le nouveau mode Micro Tune, qui permet d’ajuster l’assistance finement, à la carte, de 10% en 10%. Dans certaines circonstances, c’est vraiment idéal pour s’adapter parfaitement au terrain et au rythme de ses potes, mais aussi pour bien gérer son autonomie. Bref, pas indispensable, mais franchement sympa. Côté autonomie justement, sans avoir pu faire de mesures précises ou de comparaison directe avec le Levo 2, cette nouvelle génération nous a paru rester sur les mêmes excellentes bases que par le passé. Et avec la batterie de 700Wh, on a largement de quoi se fatiguer très fort les jambes et les bras sur des sorties de 2,5, 3h, voire plus, sans devoir se soucier réellement de l’autonomie. Quant au nouvel afficheur sur le tube supérieur, c’est sympa d’avoir quelques infos sous les yeux quand on en a envie, et on reste dans quelque chose de très discret comme cela a toujours été le cas sur le Levo au niveau de l’électronique. L’affichage est un peu petit pour pouvoir être lu en roulant, mais qu’importe, le Levo a beau être électrique, c’est un vélo qui incite davantage à se focaliser sur le sentier que sur un quelconque équipement électronique.
Reste enfin une question qui fâche : celle du prix. Que le tout haut de gamme S-Works soit super cher, ce n’est pas nouveau. Mais cela restait un cas isolé, un montage hyper luxueux pour une clientèle ayant les moyens de se faire plaisir. Ici par contre, pas moyen de goûter au nouveau Levo pour moins de 9000€, alors que le haut de gamme culmine à près de 14000€. On espère que des versions plus accessibles, notamment avec cadre en alu, arriveront un peu plus tard, et on espère qu’elles afficheront des tarifs un peu plus raisonnables. Car oui, il y a une énorme demande mondiale en vélos, oui, ce nouveau Specialized Levo 3 est un très, très, très bon vélo. Mais tout de même, là, on a un peu peur d’un effet de « bulle » qui, à force de vouloir voler trop haut, risque d’éclater.
Verdict
Ce nouveau Specialized Levo 3 tient parfaitement son rang. Oui, c’est encore et c’est même plus que jamais un des meilleurs VTT à assistance électrique du marché. S’il n’apporte aucun changement révolutionnaire au niveau de la partie moteur/batterie, sa personnalité évolue par contre assez fort au niveau de tout le côté châssis/suspensions/géométrie. Au point d’en faire quasiment oublier son côté assisté pour se concentrer beaucoup plus sur les sensations qu’il offre, qui se rapprochent assez incroyablement de celles ressenties au guidon d’un Stumpjumper Evo (sans assistance, donc). Le niveau de grip qu’il procure, sa maniabilité, la qualité de ses suspensions sont autant d’atouts qui constituent un package d’une homogénéité rare. Eblouissant en descente, toujours à l’aise dans les grimpettes, il frôle la perfection. Hélas, cela a un prix. Et pour le coup, même s’il y a certainement plein de très bonnes explications, on est dans des sphères qui semblent assez irréelles et qu’il nous est difficile de valider. Espérons que de futurs modèles plus accessibles arrivent et gardent les traits de caractère qui font de ce Levo 3 un vélo d’exception, tout en revenant dans des zones tarifaires moins stratosphériques.
Plus d’infos : https://www.specialized.com/fr/fr/turbo-levo
Notre présentation complète du modèle : https://www.vojomag.com/test-nouveaute-specialized-levo-3-une-evolution-qui-sent-lamerique/