Test nouveauté | Specialized Epic Evo : le XC en version agressive
Par Olivier Béart -
Un nouveau Specialized Epic Evo ? Qu’est-ce donc que cela ? La marque américaine reverrait déjà une plateforme sortie seulement l’an dernier ? Non ! Il s’agit tout simplement d’une version plus musclée de l’Epic, avec des équipements revus et surtout une fourche de 120mm à l’avant. Une sorte de recherche du compromis ultime entre un pur vélo de XC et une machine de trail. L’alchimie fonctionne-t-elle ? Vojo a fait partie des tout premiers médias à pouvoir essayer cette plateforme, et qui plus est sur nos sentiers préférés.
Ne tournons pas autour du pot et levons immédiatement le suspense : le cadre du Specialized Epic Evo est strictement identique à celui que nous avons déjà eu l’occasion de vous présenter lors de sa sortie et que nous avons essayé récemment. Ok, il reçoit une nouvelle (superbe) robe couleur sable/camouflage, mais c’est surtout au niveau des équipements qu’il y a de réels changements, à commencer par une fourche de 120mm qui relève l’avant et modifie la géométrie. Est-ce révolutionnaire ? Non, car il existe déjà quelques plateformes similaires (Focus O1E, Scott Spark, Niner RKT). Est-ce une nouvelle tendance ? Oui, et on risque de voir de plus en plus de vélos du genre ! Pensons notamment au nouvel Orbea Oiz, qui sort d’emblée en version pur XC 100mm et en TR 120mm.
Bref, l’arrivée de ce nouveau Specialized Epic Evo n’a pas été une grosse surprise. C’est une première sur l’Epic (sur nos marchés du moins car il y a déjà eu des Epic Evo aux USA), mais la marque a déjà utilisé le terme Evo pour décrire des versions musclées de certains de ses modèles, comme le Stumpjumper ou le Camber. Puis, surtout, quand on replonge dans nos souvenirs de la présentation du modèle à Mountain Creek, aux USA, il y a un an, on se rappelle avoir dévalé quelques pistes bien velues dans le bikepark. Et, même s’il reste un pur XC avec ses suspensions à blocage automatique Brain et une géométrie qui, dans les chiffres, n’a rien d’extrême, l’Epic « classique » avait déjà montré de belles prédispositions dans le technique.
Nous n’allons pas vous refaire ici toute la présentation, mais nous concentrer sur les particularités de ce nouveau Specialized Epic Evo Expert qui vient compléter la gamme actuelle et qui vient aussi combler à sa façon le trou qui existe désormais avec le Stumpjumper ST, depuis la disparition du Camber.
Geometrie
La géométrie du Specialized Epic a déjà évolué avec le nouveau modèle, passant de 71° à l’avant à une valeur plus contemporaine de 69,5°. Avec une fourche en 120mm, cet angle passe à 68,5°. Rien d’extrême, et on arrive sur des chiffres comparables au Scott Spark RC ou au Trek Top Fuel qui restent en 120mm, mais il y a de quoi changer légèrement la physionomie de l’Epic.
Sur la version Evo, on constate aussi qu’avec cet avant plus haut, le reach se raccourcit d’un centimètre (423mm en taille M), quand le stack (relatif à la hauteur) croît de 8mm. Par contre, bien évidemment, la longueur des bases ne change pas (438mm), et Specialized est reparti aussi sur une fourche avec un déport court (43mm) pour « calmer » la direction (voir plus d’explications dans notre test de l’Epic version XC). Voilà pour le menu, mais il faudra voir ce qui se ressent réellement sur le terrain.
Equipements
C’est la version Expert Carbon du Specialized Epic Evo que nous avons pu tester et que nous allons détailler ici. Sans surprise, c’est la toute nouvelle fourche Fox F34 StepCast qu’on retrouve comme proue à l’avant du Specialized Epic Evo. Nous l’avons testée récemment en primeur, et elle s’impose comme une évidence en matière de XC hard, avec son débattement de 120mm, ses gros plongeurs de 34mm (contre 32 habituellement en XC) pour plus de rigidité, et son châssis allégé qui lui permet d’afficher un poids comparable à celui des fourches de cross d’il y a quelques années (autour de 1600g).
Par rapport à la version Factory que nous avons essayée, on a ici la F34 SC Performance qui se différencie par ses plongeurs noirs et l’absence de traitement Kashima des plongeurs, et par la présence d’une cartouche Grip plus simple (et un peu plus lourde) que la Fit4 qui équipe le haut de gamme. Il s’agit d’une version réservée à la première monte et non disponible en « after market ». Mais nous savons, pour avoir déjà essayé des versions similaires en F32, 34 « classique » et 36, que les performances restent excellentes.
Nous l’avons déjà dit lors du test de l’Epic XC : une tige de selle télescopique lui va à merveille. Et sur l’Epic Evo, elle est montée de série ! Il s’agit de l’excellente X-Fusion Manic, qu’on retrouve aussi sous d’autres noms (Race Face Aeffect, Syncros,…) en version 125mm. Ce n’est pas un modèle haut de gamme, mais son fonctionnement est au-dessus de tout reproche et Specialized y adjoint sa propre commande au guidon, à l’ergonomie parfaite.
Pour mieux coller à sa vocation de trailbike, le Specialized Epic Evo se pare aussi d’un cintre plus large, en 750mm, et la potence en 70mm est 5mm plus courte que sur la version XC.
Le freinage est aussi un peu amélioré. On a (hélas) toujours les Sram Level TL qui manquaient de puissance pour nous quand nous avons essayé l’Epic Expert en 100mm, mais on a un disque avant en 180mm qui améliore un peu les choses. Reste que, tant qu’à faire, on aurait pu passer sur des Guide ou des Shimano XT.
Au niveau de la transmission par contre, pas de changement et c’est toujours le groupe Sram GX Eagle qui est présent. Sa polyvalence est parfaite pour le programme.
Au niveau du train roulant, les pneus changent, avec un Specialized Ground Control 2.3 plus accrocheur à l’avant que le Fast Track des modèles XC. A l’arrière, le Fast Track reste, mais en section de 2.3 contre 2.1. Ils sont en version Grid renforcés et dotés de l’excellente gomme Gripton.
Enfin, les jantes Roval sont aussi différentes. On retrouve un modèle en carbone qui reprend la forme des Control SL, avec un profil haut et arrondi, ainsi qu’une largeur interne de 25mm, qui se marie parfaitement aux pneus de 2.3. Grande question : sont-elles plus légères que celles, franchement lourdes, qui équipent l’Expert XC ? Hélas non. Nous les avons pesées à 1945g la paire. Il faut donc plus les considérer pour l’apport du carbone au niveau de la rigidité et de la solidité, que pour le poids dans le cas qui nous occupe ici.
Poids
Le poids, justement, parlons-en ! Nous avons pesé notre Specialized Epic Evo à 11,8kg en taille M. Un poids qui peut sembler élevé pour un pur XC, mais qui reste très raisonnable pour un vélo de trail équipé d’une fourche à la rigidité accrue et de gros pneus. On pourra par contre sans souci gagner pas mal de grammes en changeant les roues. La barre des 11kg sera difficile à franchir uniquement sur ce poste si on veut rester cohérent avec le programme engagé de cette version Evo, mais en y ajoutant quelques optimisations de périphériques, il y a moyen de l’amener très près du poids d’un très bon XC race d’il y a quelques années.
Versions et tarifs
Outre le Specialized Epic Evo Expert Carbon que vous avez sous les yeux, une autre version en aluminium M5 est également prévue, l’Epic Evo Comp. Il est équipé d’une fourche RockShox Reba RL et d’un groupe Sram NX Eagle pour un tarif de 3199€. Le modèle carbone est quant à lui affiché à 5399€, soit un peu plus que l’Expert XC. Cela s’explique par les quelques changements d’équipements, mais c’est un tarif encore un peu plus salé que la version XC, déjà pas donnée.
Specialized Epic Expert Evo: le test terrain
Nous ne comptons plus les fois où nous avons écrit que les parcours XC deviennent de plus en plus techniques et exigeants. Les frontières sont toujours plus floues entre les disciplines, et ce n’est pas plus mal car cela donne des vélos plus capables et amusants à piloter. Pour le commun des mortels, ça donne aussi naissance à des vélos comme le Specialized Epic Evo, dont un utilisateur lambda, adepte de longues sorties et de grands espaces, tirera le maximum. C’est donc moins sur des circuits de pur XC que sur nos terrains de jeu habituels et sur quelques portions que nous prenons habituellement avec des machines d’enduro que nous avons roulé cette version délurée et très tendance de l’Epic.
En se posant au guidon de ce nouveau Specialized Epic Evo, on se sent directement à la maison. Comme toujours avec les réalisations de la marque. Le vélo est court, mais pour nos 178cm, nous n’avons pas envie d’aller sur du L et le M est parfait. Seule différence notable par rapport à la version XC en 100mm : l’avant plus haut se sent immédiatement et nous avons rapidement retiré les entretoises pour mettre la potence au plus bas. certains ressentiront même peut-être le besoin de mettre une potence plus plongeante. Cela ne déséquilibre pas la machine, et cela ne gène pas vraiment pour placer la roue avant en côte, mais on se sent tout simplement mieux et plus en équilibre en prenant la peine de rabaisser le poste de pilotage.
Par rapport à ce que l’AutoSag prescrit, nous avons très légèrement réduit la pression dans l’amortisseur arrière, comme lors de notre test de la version XC. C’est avant tout une question de goût, et pour des terrains un peu plus lisses, on peut au contraire mettre un peu plus d’air. Ensuite, on joue avec le Brain, et là, sur cette plateforme, nous n’avons pas eu envie de dépasser la position 2 et nous avons même préféré rouler avec le réglage le plus souple. Les positions 3, 4 et 5 nous semblent presque superflues et on en vient à regretter que Specialized n’ait pas recalibré le Brain sur cette version où l’avant n’est pas doté de blocage automatique, contrairement à la version XC. Mais était-ce techniquement possible ?
La fourche justement, se gonfle avec une pression environ égale au poids du pilote. La chambre d’air Evol assure une très bonne sensibilité sur les petits chocs, et la partie hydraulique Grip très fluide apporte aussi sa pierre à l’édifice. Bref, on a un avant très onctueux, qui se marie pas mal à l’arrière, à condition que le Brain ne soit pas dans une des positions les plus fermes. Auquel cas, on se retrouve avec un vélo qui peut paraître déséquilibré.
Après avoir aussi travaillé un peu sur le réglage du rebond pour accélérer un peu le retour et obtenir un vélo un peu plus dynamique sur les enchainements de chocs, nous avons trouvé un bel équilibre entre les suspensions et un Epic comme on l’aime, à savoir nerveux, ludique et dont les capacités en descente sont dopées par la proue en 120mm plus rigide.
L’Epic est déjà très capable dans sa version classique, mais ici on aborde les passages difficiles avec un peu plus de décontraction
La Fox F34 SC apporte un petit supplément de confort bienvenu et elle suit mieux le relief en descente qu’avec une proue plus légère en 100mm. L’Epic est déjà très capable dans sa version classique, mais ici on aborde les passages difficiles avec un peu plus de décontraction, et quand ça tabasse longtemps ou qu’il y a plus de pente, l’apport des 120mm est sensible. Pas de quoi remettre en question la pertinence de la version purement XC, mais l’arrivée de cette déclinaison supplémentaire a réellement du sens pour séduire un public plus large, pour qui un ADN plus racing n’est pas adapté.
En côte, on retrouve avec plaisir tout ce qui fait l’intérêt d’une plateforme comme l’Epic. Par rapport à de « gros » vélos de trail qui ont tendance à tirer vers l’enduro light, comme l’Orbea Occam par exemple, on est sur quelque chose de plus nerveux, et les gènes de pur crosseur refont surface. On peut sans aucun souci imaginer s’aligner au départ d’une compétition XC au guidon du Specialized Epic Evo, et encore plus d’un marathon. Mais c’est sur des épreuves très techniques type Transvé ou Chemins du Soleil qu’il se sentira le mieux.
Dans ces circonstances, on prend aussi pleinement conscience de l’intérêt du Brain. Même réglé en position souple, il permet de garder l’arrière haut et de juguler complètement le pompage, de sorte que l’Epic Evo reste un Epic… et un véritable dragster. Quand c’est très technique, le grip est excellent et c’est un chamois. Par contre, on en vient à se dire qu’un léger Brain à l’avant, dans la Fox F34 SC, ce serait assez agréable. Parce que la fourche pompe tout de même un peu et qu’on ne prend par toujours le temps de manipuler le levier de blocage. Un blocage automatique très sensible et discret serait une belle évolution pour ce modèle, et marquerait encore plus la différence de l’Epic Evo par rapport à ses concurrents.
De façon assez surprenante aussi, on ne sent pas vraiment le surpoids par rapport à la version XC, et les roues lourdes se font oublier rapidement. Les accélérations sont nettes et sans bavure, et le vélo se roule des heures durant sans fatigue particulière, y compris quand il y a pas mal de dénivelé. C’est d’autant plus vrai que la position un tout petit peu plus relevée soulage les cervicales et rend aussi l’Epic Evo accessible à un public plus large, et notamment des bikers moins entraînés qui sont séduits par le caractère de l’Epic, mais qui ont peur que la version XC soit trop exigeante pour eux. L’Evo est-il l’Epic pour monsieur (ou madame) tout le monde ? Ou un Epic plus adapté à la rando sport ? Oui, on peut le dire.
Plus accessible, l’Epic Evo est aussi plus capable et en terminant ce test par quelques descentes plus typées enduro, on se rend compte qu’il y est vraiment à l’aise. La tige de selle télescopique et la fourche plus haute permettent de basculer plus facilement le centre de gravité sur l’arrière du vélo et de faire rentrer la suspension plus vite dans le débattement, ce qui est plus compliqué sur la version XC dont l’arrière donne toujours l’impression de rester haut. Les gros impacts sont très bien absorbés et, même si on sent que le débattement reste réduit et que son caractère demeure très cross, c’est une machine qui n’a pas peur des terrains difficiles.
On peut aussi compter sur des équipements en rapport avec les capacités de ce Specialized Epic Evo, à commencer par les pneus et les jantes plus larges donnent pleinement confiance et nous rappellent que viser le poids le plus faible n’est pas toujours ce qui rend un vélo plus performant. Du moins quand on n’est pas un compétiteur de très haut niveau et qu’on cherche surtout un vélo pour rouler vite mais longtemps et sur des terrains variés. Seuls les freins Sram Level TL nous laissent encore un peu sur notre faim, même avec un plus grand disque à l’avant.
Verdict
Aussi longtemps que vous ne vous appelez pas Annika Langvad ou Sam Gaze, et que vous n’envisagez pas d’être recruté par le Specialized Racing Team, l’Epic Evo est plus que probablement un vélo plus adapté pour vous que les modèles purement XC. Bon, rouler sur le même vélo que les champions, c’est aussi très agréable, et l’Epic classique a de grandes qualités qui ne sont pas seulement réservées à l’élite, mais cette version Evo apporte plus de polyvalence et d’aisance au commun des mortels. C’est donc, à nos yeux, un très beau complément à la famille Epic, et on se réjouit que l’offre de vélos de XC délurés s’étoffe dans les mois et les années à venir.
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