Test nouveauté | Shimano Di2 Auto Shift et Free Shift : la transmission automatique pour VTT
Par Adrien Protano -
Une transmission qui change de rapport sans pédaler, ou bien même sans appuyer sur la commande au guidon, c’est bien la promesse de Shimano et de son nouveau groupe Deore XT Di2 ! Dotée des systèmes Free Shift et Auto Shift, cette transmission uniquement destinée aux vélos équipés de moteurs Shimano EP8 nouvelle génération ou EP6 veut ainsi permettre aux pilotes de se focaliser sur le plaisir de pilotage et non sur les changements de rapport. Nous avons eu l’occasion de tester cette transmission automatique en avant-première en Croatie. Découverte :
Nous vous en avions parlé lors de sa présentation à l’occasion du salon Eurobike 2022, le système de changement de vitesse électronique Di2 de Shimano fait son grand retour ! Introduit en 2008 sur la route puis en 2014 en VTT, ce système en provenance de chez Shimano avait depuis quelques années disparu de la circulation dans le VTT… « afin de mieux revenir ! Nous avons tenté de nous recentrer sur ce que pouvait être, mais surtout sur ce que pouvait apporter une transmission électronique », annonce la marque japonaise.
Pour son grand retour, la transmission électronique de la marque embarque deux nouvelles fonctionnalités dénommées Free Shift et Auto Shift. Afin de découvrir, mais aussi de tester ces nouveautés, Shimano nous avait donné rendez-vous sur l’île de Krk en Croatie.
Moteurs Shimano EP801 et EP6 :
Avant toute chose, il convient de préciser que cette nouvelle transmission Deore XT Di2 n’est compatible d’une part qu’avec les vélos à assistance électrique, et d’autre part qu’avec les moteurs nouvelle génération de chez Shimano. En effet, seuls le EP801 (comprenez simplement le nouveau EP8) et son petit frère le EP6 sont compatibles avec ce nouvel écosystème. La raison ? Cette nouvelle génération de moteurs est dotée de ports de branchements supplémentaires qui s’avèrent être nécessaires afin de permettre les nouvelles fonctionnalités dénommées Free Shift / Auto Shift.
Au-delà de permettre la compatibilité avec ce nouvel écosystème Di2, cette mise à jour de l’EP8 ne marque pas une révolution par rapport au bloc moteur que l’on connaissait jusqu’à présent, mais plutôt de petites évolutions ciblées. C’est notamment le cas au niveau de la gestion de la batterie qui est annoncée comme améliorée par la marque japonaise, sans plus de détails. Ce EP801 permet également une personnalisation plus précise des courbes d’assistance des différents modes sur l’application smartphone de la marque (E-Tube).
Finalement, Shimano explique qu’elle tient, plus que jamais, à combattre toute forme de tricherie. Dans cette mission, les moteurs EP8001 et EP600 détectent toute tentative de «modification» et après trois tentatives de ce genre, le moteur affiche un code erreur particulier (EN15194) que seuls un distributeur ou un revendeur Shimano peut débloquer.
On vous l’avait présenté également lorsque nous l’avions découvert sur le salon Eurobike en juillet dernier, le EP8 a un petit frère sobrement baptisé EP6. Si les deux assistances délivrent le même couple (85 Nm) et sont toutes deux compatibles avec ce nouvel écosystème Di2, l’EP8 affiche un poids moindre (2,7 kg contre 3 kg) grâce à un carter en magnésium, là où celui de l’EP6 est en aluminium, ce qui le rend plus accessible financièrement et donc présent sur des vélos à des tarifs plus attractifs.
Système Free Shift : shifter sans pédaler
Comme son nom l’indique, le Free Shift permet simplement de changer de vitesse sans pédaler. De manière simplifiée, le moteur va faire tourner la transmission juste ce qu’il faut pour changer la (ou les) vitesse(s) sans tourner les manivelles, mais uniquement le plateau. Cette fonctionnalité est rendue possible par la communication entre le dérailleur et le moteur, d’où la nécessité des ports supplémentaires que l’on retrouve sur les moteurs Shimano dernière génération.
Si cela peut paraître anodin comme changement, le Free Shift apporte pourtant un attrait certain sur le terrain selon Shimano. « En permettant le changement de rapports sans faire tourner les pédales, ce système permet de changer de vitesse dans la pente, mais aussi dans des endroits accidentés et/ou à l’approche d’un virage… et donc d’avoir, qu’importent les conditions, le bon rapport sans devoir se soucier de faire tourner les manivelles », explique Jonathan Davis, notre interlocuteur privilégié au sein de la marque.
Système Auto Shift avec Manual Override : la transmission automatique
Rendue possible grâce au principe LinkGlide, introduit il y a un peu plus d’un an et qui permet d’avoir des transmissions plus durables et solides tout en optimisant les passages de rapports (voir notre article complet ici : Nouveauté 2021 | Shimano LinkGlide : de nouvelles transmissions plus durables), l’Auto Shift est, comme son nom le laisse deviner, un système de passage automatique des rapports.
Vous l’aurez bien compris, c’est la combinaison du Free Shift ainsi que du LinkGlide qui ont servi de base au développement de cette fonctionnalité Auto Shift. Pourtant, l’idée d’une gestion automatique des vitesses est apparue bien auparavant au sein de la marque japonaise, puisqu’elle remonte à 1997 avec l’historique système « Auto D » , avant d’être adaptée sur les groupes urbains Nexus et Alfine Di2 en 2007. Aujourd’hui, c’est au VTT que Shimano veut s’attaquer !
Faisons un petit zoom sur cette transmission LinkGlide. Plus lourde que l’habituelle Hyperglide, cette transmission 11 vitesses est annoncée par Shimano comme plus robuste et durable grâce à une construction particulière, notamment au niveau de la largeur et de la hauteur des dents de la cassette ainsi qu’au niveau des dessins plus marqués de la cassette afin d’offrir un passage plus doux entre les rapports.
La marque explique que cette solidité accrue s’est avérée nécessaire pour permettre les changements de rapports sous forte contrainte que peut entraîner l’Auto Shift, là où une transmission HyperGlide finirait par rendre l’âme. C’est également cette différence de robustesse qui explique pourquoi la transmission HyperGlide n’est compatible avec l’Auto Shift qu’en roue libre, et non au pédalage comme le permet une transmission LinkGlide. Sur la balance, cette cassette est la principale responsable de la différence de poids entre les deux, la LinkGLide 11 vitesses affichant 609 g contre 470 g pour la HyperGlide 12.
Dans les coulisses de l’Auto Shift, c’est un algorithme qui analyse diverses informations telles que la cadence de pédalage, mais aussi la vitesse ou encore la puissance sur les pédales… et qui calcule le rapport idéal en conséquence. Toutefois, cet algorithme est entièrement personnalisable via l’application E-Tube de Shimano afin de s’adapter au mieux possible aux préférences de chacun en termes de shifting. Nous restons brefs pour le moment, mais nous ne manquerons pas de vous en parler plus en détails un peu plus bas.
Il faut également remarquer que ce système Auto Shift est associé à la fonction Manual Override qui permet toujours de changer les vitesses manuellement dans des circonstances où l’automatique ne peut anticiper certains types de situation. Pour cette éventualité, Shimano a développé une nouvelle commande au guidon spécifique à cet écosystème, avec un design pensé pour rappeler le plus possible les shifters classiques.
Juste en dessous du logo Deore XT, vous pouvez remarquer qu’un troisième bouton a fait son apparition. Il permet de switcher entre les trois modes d’Auto Shift, à savoir « Pavement » destiné aux sections bitumées, « MTB » pour les chemins et « Manual » lorsqu’on désire se passer du passage automatique.
Shimano EP8 avec Free Shift et Auto Shift : le test terrain
La petite île croate de Krk offre de multiples facettes : vallons, forêts, oliveraies et vignes entrecoupées de pâtures à moutons. C’est aussi le programme de notre première journée de test au guidon d’un Transition Repeater, équipé du moteur EP801 et d’une transmission Deore XT Di2 en 11 vitesses. De quoi mettre à l’épreuve ces systèmes Free Shift et Auto Shift dans diverses circonstances de passage de rapport.
Durant cette première ascension de la journée, le feeling est assez étrange, voire mauvais… L’Auto Shift ne semble jamais dans le bon timing, ce qui a pour conséquence que le rapport choisi par l’algorithme est toujours en décalage avec le rapport que nous désirons. Cela influence logiquement notre cadence de pédalage, ce qui amène le système à changer intempestivement de rapport. Sur la route, c’est encore pire, le Di2 semble perdu, passant un rapport supérieur de manière prématurée avant d’en redescendre deux dans la foulée…
Lorsque la pente s’inverse, le système Free Shift (qui pour rappel permet de changer de vitesse sans tourner les manivelles) fait par contre des miracles. La région regorge de passages rocailleux dans lesquels faire tourner les manivelles afin de changer de rapport demande beaucoup de dextérité, d’anticipation… et souvent de petits incidents. Or, grâce à ce Di2 et son système inhérent Free Shift, nous n’avons rencontré aucun souci et le passage des vitesses s’est fait en tout confort. Cerise sur le gâteau, le principe LinkGlide offre une certaine souplesse et onctuosité dans ces changements de rapports. L’Auto Shift quant à lui se débrouille un peu mieux que lors de l’ascension, mais sans être réellement séduisant.
Nous profitons d’une courte pause à la fin de cette première spéciale de la journée afin de modifier les réglages au sein de l’application E-Tube. La plateforme permet de faire varier 2 paramètres afin d’ajuster ce mode Auto Shift. La première variable est la cadence de pédalage, qui correspond grossièrement au moment du changement de rapport. Attention, il s’agit là d’une indication par rapport au calcul qu’effectue l’algorithme et non la cadence précise à laquelle le système effectuera le changement. Le second paramètre sur lequel l’application permet de personnaliser le fonctionnement de l’Auto Shift est la « Réponse à la montée« , qui influence la fréquence à laquelle le système change de rapport durant les ascensions. Avec 8 niveaux disponibles, les premiers se destinent davantage aux débutants avec un changement de rapport très fréquent tandis que les niveaux les plus élevés sont orientés vers les pratiquants les plus expérimentés.
Une fois les réglages affinés, l’Auto Shift offre un second visage bien plus plaisant. Si le système n’est pas encore parfait, il est beaucoup plus proche de nos attentes. Nous attaquons divers franchissements sans nous soucier du rapport sur lequel on se trouve, et la magie opère ! Le XT Di2 se charge de passer les vitesses à notre place et dans des timings un peu différents de ce que nous aurions eu tendance à faire… ce qui s’avérera être bénéfique. Si cela demande un petit temps d’adaptation, l’Auto Shift nous permet de nous concentrer sur nos trajectoires et shifte au moment opportun d’un point de vue physique, lorsque le système sent que le rapport engagé est trop élevé. D’habitude, nous aurions eu tendance à passer ce rapport inférieur dès l’entrée de l’obstacle puisqu’il nous aurait été quasi impossible de changer en plein milieu de son franchissement.
Nous terminons cette première journée de prise en main avec beaucoup de curiosité quant à d’éventuelles modifications que nous pourrions effectuer le lendemain afin de rendre le système encore plus précis et agréable à l’usage.
Pour cette seconde journée de test, cap sur l’île voisine de Rab, à environ 2 heures de bateau de notre camp de base. Le programme de la journée est annoncé comme moins technique, mais plus varié. Nous sommes également accompagnés de Yuki Sakagawa, ingénieur japonais qui travaille désormais au sein des bureaux néerlandais de la marque, afin de nous guider dans les réglages de l’application.
Les réglages effectués la veille étant bien plus plaisants, nous nous permettons de jouer avec l’application E-Tube et fonctionnons par essai-erreur afin d’affiner les réglages de ce système Auto Shift. Les virages s’enchaînent, tout comme les remontées, et l’Auto Shift se débrouille plutôt bien. Estimant que le dérailleur passe légèrement trop tard les rapports, nous faisons part à Yuki de nos sensations afin qu’il nous propose d’éventuelles modifications.
Notre parcours mêlant sentiers rapides, passages techniques, descente urbaine et remontées imprévues a tout pour mettre en défaut cet Auto Shift, et pourtant il s’en sort avec brio. Ces réglages finaux font LA différence entre un système relativement bien réglé et un système parfaitement réglé. Si cette différence est fine au niveau des réglages, elle a un apport certain sur le terrain. Dans cette mouture (à titre d’information, 74 rpm pour le réglage de cadence et niveau 5 de réponse à la montée), l’Auto Shift offre un comportement très très proche de nos préférences personnelles, le système passant quasiment à chaque fois un rapport au moment où l’on se disait « à cet instant précis, je changerais de vitesse personnellement ».
S’il est vrai que nous n’avons pas tous un ingénieur de la marque à disposition, c’est en réalité plus le temps investi dans la personnalisation du système qui fait la différence. L’Auto Shift nécessite de tester certains réglages afin de l’ajuster à son style de pilotage, à son physique, à ses préférences…
Avec un peu d’habitude et les bons réglages, cette transmission Deore XT Di2 est un vrai plaisir en mode manual comme automatique… et pourtant nous n’y touchons plus, c’est le comble ! Le dérailleur offre beaucoup de souplesse et de douceur dans les passages de vitesses, et nous n’avons jamais l’impression de forcer sur notre transmission étant donné qu’elle passe les rapports au « bon moment ». Si la promesse de la marque japonaise est de « renforcer le plaisir de pilotage en permettant de se focaliser uniquement sur le fun », il faut avouer que c’est réussi. Il nous reste toutefois une question : ne serait-ce pas un plaisir de passer ses rapports manuellement ? Nous n’avons pas pour objectif de répondre à la question, la réponse étant bien trop personnelle. Quoi qu’il en soit, l’avantage que peut procurer une telle technologie est indéniable, reste à chacun de décider si elle le sera pour lui ou pas…
Conclusion
Si la technologie Free Shift qu’embarque ce nouveau groupe XT Deore Di2, permettant de changer de vitesse sans faire tourner les manivelles, est sans conteste une plus-value notable, l’Auto Shift nécessite quant à lui un peu plus de temps d’adaptation et de personnalisation des réglages au sein de l’application afin d’offrir un fonctionnement précis sur le terrain. Ce système de passage automatique des rapports, une fois bien réglé, permet de se détacher complètement de la gestion de ses vitesses et de se concentrer uniquement sur son pilotage et ses trajectoires. Au-delà, le temps où l’on changeait de rapport en amont d’une difficulté est révolu, le système permettant de conserver le « bon » rapport et d’effectuer le changement uniquement lorsque cela s’avère nécessaire. Si cela engendre des changements de rapport à des moments différents de ce que l’on peut connaître, cela n’est pas pour autant mauvais, mais uniquement surprenant. Mention très bien également pour le LinkGlide, qui permet d’obtenir une transmission onctueuse et sans à-coups.
Pour plus d’informations : https://bike.shimano.com
Depuis la publication de cet article, nous avons eu l’occasion d’essayer la motorisation sur nos terrains et d’en faire une vidéo, visible ici : Test vidéo | Shimano EP 801 : rien ne se voit mais tout se transforme
Photo : Dan Milner