Test nouveauté | Scott Scale RC : trop ambitieux ?
Par Léo Kervran -
« L’histoire de Scott est intimement liée à la légèreté », écrivait il y a quelques semaines Olivier dans son article sur le nouveau Lumen eRIDE, un Spark version électrique avec une assistance légère. A ce titre, quelle meilleure façon pour la marque suisse que de terminer une année riche en nouveautés avec la présentation d’un nouveau Scale RC ? Après six ans de bons et loyaux services, le semi-rigide de XC est revu de fond en comble et la nouvelle génération se veut plus ludique et capable que jamais. Voici nos premières impressions :
Spark 900 ST, Genius, Lumen eRide et désormais Scale RC : c’est peu dire que l’année 2022 fut riche chez Scott. A l’instar du Genius, le Scale n’est pourtant pas nouveau au catalogue. Sa première génération date de 2006 et au fil du temps, il s’est imposé comme l’un des vélos les plus populaires du paddock.
Néanmoins, le temps est aujourd’hui compté pour sa famille au plus haut niveau. En 2022 aucun semi-rigide ne s’est imposé en coupe du monde de XC, que ce soit chez les hommes ou chez les femmes. Une première dans l’histoire du VTT ! Pour le Scale RC, sa dernière victoire sur le circuit international remonte à l’étape des Gets en 2019 avec Kate Courtney.
Le Scale RC devait donc se mettre à jour pour rester compétitif ou proposer autre chose, comme d’autres marques ont pu le faire. La réponse de Scott ? Encore plus léger, évidemment ! Mais aussi et surtout une géométrie entièrement revue, plus long, low and slack que jamais.
Un cadre à moins de 850 g
Gagner du poids sur un semi-rigide de XC, c’est loin d’être facile. On parle d’un cadre réduit à deux triangles et déjà allégé au maximum lorsqu’il a été conçu ! De plus en plus, les ingénieurs et designers en sont réduits à chercher dans les détails pour gagner 7 g ici ou 20 g là en espérant que ces gains s’additionnent pour atteindre une somme un peu plus conséquente.
Pour ce nouveau Scale RC toutefois, Scott a décidé de tout changer. Adieu la construction tube-to-tube (des tubes fabriqués indépendamment et liés ensuite les uns aux autres) de l’ancien modèle, le remplaçant adopte un cadre monocoque ou presque : tout le triangle avant, tube de selle compris, est formé en une pièce et l’ensemble bases + haubans, lui aussi fabriqué en un morceau, vient ensuite se fixer dessus. Moins de jonctions entre les tubes, c’est moins de poids sans compromettre la rigidité et, selon la marque, une meilleure répartition des forces entre les différentes zones du cadre.
A ce sujet, vous aurez peut-être remarqué que les haubans ne sont maintenant plus alignés avec le tube supérieur mais partent d’un peu plus bas. Comme tout bon cadre de semi-rigide, celui du Scale RC peut être divisé en une partie « légère et confortable » (tube supérieur, tube de selle et haubans) et une autre « rigide et stable » (le tube diagonal et les bases). Abaisser les haubans est une des recettes pour améliorer encore le confort, au-delà du travail sur le carbone.
Il y a cependant une limite à cela : si les haubans sont trop bas, cela peut engendrer des problèmes de flexion du tube de selle qui n’apporteront rien en termes de confort. A cet égard, Scott a donc choisi de se limiter à 30 mm de « drop » des haubans par rapport au tube supérieur.
Parmi les détails évoqués plus tôt, on peut mentionner des pattes de cadre repensées, un support d’étrier de frein simplifié qui permet à lui seul de gagner 20 g ou encore un guide-chaîne encore plus minimaliste que par le passé. Bien sûr, on note aussi la disparition des entrées de gaines derrière la douille de direction (donc des renforts associés) puisque comme le Spark ou le Genius, le Scale RC adopte les passages de gaines via le jeu de direction.
Côté pratique, on remarque une petite trappe sous le tube diagonal pour accéder auxdites gaines sans avoir à démonter le boîtier de pédalier (au format pressfit) et surtout des inserts de porte-bidons fort bien pensés sur le tube diagonal : l’élément qui intègre le filet est clipsé sur un trou dans le tube diagonal et facilement remplaçable s’il venait à s’abîmer. Reste à voir la durée de vie d’un tel système mais lors de notre prise en main, la stabilité était identique à celle d’un support classique. Si nous n’avions pas eu un cadre nu dans les mains quelques heures plus tôt, nous n’aurions jamais soupçonné l’existence de ces inserts. Seul bémol, cette petite fonctionnalité est réservée aux cadres haut de gamme HMX et HMX SL. Les Scale RC en carbone HMF, un carbone un peu moins travaillé, n’y ont pas droit.
Malgré cela, Scott insiste sur la progression et les efforts réalisés autour du cadre HMF. La marque explique que bien que destiné à des vélos plus accessibles, ce carbone est « aussi important » à leur yeux et a bénéficié du même travail d’optimisation.
Résultat, sur la balance le cadre HMF gagne plus de 100 g et frôle désormais la barre du kilogramme : 1139 g pour le précédent modèle, 1013 g pour le nouveau en taille M. Le cadre HMX économise lui un peu plus de 50 g (969 g pour l’ancien, 912 g désormais) et le HMX SL, le plus exclusif, perd une trentaine de grammes (de 879 g à 847 g en taille M avec patte de dérailleur Sram UDH et tous les petits éléments).
La vraie évolution : une géométrie ambitieuse
Si on a commencé cet article avec le sujet du poids, c’est toutefois au niveau de la géométrie qu’il se passe le plus de choses. Il faut dire que dans le domaine, l’ancien Scale n’avait plus grand chose de moderne avec sa conception de 2016-2017 : angle de direction à 69,5°, reach de 422 mm en taille M…
Pour son successeur, Scott a travaillé avec le laboratoire Swiss Biomechanics et les athlètes de l’équipe Scott-Sram (c’est-à-dire Nino Schurter, Kate Courtney, Lars Forster et Andri Frischknecht) afin d’optimiser le comportement. Le résultat, c’est un reach qui s’allonge de 20 mm (442 mm en taille M), un angle de direction qui descend à 67,9° voire 66,7° grâce à des coupelles réversibles (les mêmes que sur le Spark ou le Genius) et un angle de tube de selle qui se redresse de 1,8° pour atteindre 75,4°. De quoi digérer bien plus facilement les passages spectaculaires et parfois engagés des circuits modernes de XC…
Avec cette géométrie, l’absence de tige de selle télescopique de série a de quoi surprendre. Chez Scott, on ne cache d’ailleurs pas que ce fut un choix ardemment débattu pendant la conception mais la marque a finalement décidé de privilégier le poids et le prix avec la tige de selle rigide. René Krattinger, le chef produit, nous rappelle au passage que si la tige de selle télescopique est plutôt bien, voire très bien acceptée sur les territoires français, suisses ou belges, d’autres marchés comme l’Espagne ou l’Amérique du Sud y sont encore assez réfractaires. Or, il s’agit précisément de régions où le semi-rigide est particulièrement fort et bien implanté… Comme dans tout développement il faut faire des choix et ici, Scott a décidé de répondre aux attentes de ces clients plutôt qu’aux nôtres, qui penchent de toute façon plus vers le Spark RC et les tout-suspendus.
Versions et tarifs
Ce nouveau Scale RC se décline en 5 modèles, tous en carbone. Au sommet de la gamme, le très exclusif Scale RC SL (13 999 €) a de quoi mettre des étoiles dans les yeux de tout le monde : cadre HMX SL, roues Syncros Silverton SL, freins Trickstuff Piccola Carbon (une première sur un modèle de série ?)…
A peine plus raisonnables, les Scale RC World Cup (7 499 €) et World Cup Evo (9 499 €) arrivent juste derrière. Ils partagent le même cadre en carbone HMX mais le premier est en roues DT Swiss XRC 1501, transmission Sram X01/GX Eagle AXS, freins Sram Level TLM et fourche RockShox SID Select+ tandis que le second, plus haut de gamme, profite de DT Swiss XMC 1200, d’un groupe Sram XX1 Eagle AXS, de freins Shimano XTR et d’une fourche SID Ultimate.
Enfin, les Scale RC Team (3 499 €) et Team Issue (4 799 €) font office de ticket d’entrée avec leur cadre en carbone HMF et leur fourche RockShox SID SL. Roues Syncros Silverton 2.0 et ensemble Shimano Deore XT pour le premier, transmission Sram GX Eagle AXS avec freins Shimano Deore XT et roues DT Swiss XR 1850 pour le second.
La famille Scale 900
Derrière ces déclinaisons haut de gamme RC, la traditionnelle famille 900 n’a pas été oubliée. Du 980 en aluminium au 910 en carbone HMF (et Sram GX AXS / Fox 32 SC / Freins Shimano SLX), 10 modèles s’échelonnent de 1 199 € à 3 999 €. Les modèles en carbone partagent la même construction que les RC et tous disposent de la même géométrie.
Sur le terrain
Direction le siège de Scott à Givisiez en Suisse, en bordure de Fribourg, pour découvrir ce Scale RC sur le terrain en compagnie de quelques autres journalistes. Pour l’occasion, la marque a mis les petits plats dans les grands et nous a préparé de superbes Scale RC SL. Nous avions déjà eu l’occasion de tester les roues Silverton SL (lire Test | Syncros Silverton SL : les roues façon Batman) donc il n’y a rien de nouveau de ce côté même si on les retrouve avec plaisir, en revanche nous n’avons pas souvent l’occasion de poser les doigts sur des freins Trickstuff… Avec un tel montage et sans tige de selle télescopique, le poids a de quoi faire rêver : 8,9 kg, soit le poids d’un gravel milieu de gamme !
Forcément, avec un engin aussi léger on démarre au quart de tour et debout sur les pédales. Les premières sensations mettent en exergue un très bon comportement en danseuse, le vélo est rigide et la position bien équilibrée. Encore heureux pour une machine de compétition ! En revanche, le dynamisme nous surprend : on s’attendait à plus d’élasticité, plus d’invitations à relancer mais le Scale RC semble relativement neutre. Problème de vélo ou de jambes du pilote ? Voilà qui demande quelques approfondissements.
En attendant, on arrive sur les chemins un peu plus techniques et surtout recouverts de racines qui se cachent dans les bois derrière Givisiez. Sur ce terrain, le Scale RC offre deux visages. A la montée et sur le plat, on sent clairement que le vélo n’est pas idéal pour ces sentiers et encore moins dans ce montage. Entre la rigidité verticale des roues Silverton SL et celle du triangle arrière, on rebondit sur les racines sans parvenir à conserver de la vitesse et cela devient très vite fatigant. Clairement, c’est un terrain sur lequel un Spark RC serait bien plus à son avantage. On serait curieux de voir la différence avec une paire de roues un peu plus souples mais il est tout de même fort probable que ce Scale RC soit à réserver pour les circuits avec des montées les plus roulantes possible.
En descente, une fois qu’on a réussi à prendre un peu de vitesse et qu’il n’y a plus besoin de pédaler, le sourire revient : ce Scale RC est un vrai BMX ! La géométrie est sans hésitation la meilleure qu’il nous ait été donné d’essayer sur un semi-rigide de XC (taille L pour 1m79) et on peut réellement engager fort sans se faire peur ou se mettre en danger. Toutefois, avec un tel caractère les limites qu’impose la tige de selle rigide sont encore plus flagrantes. On aimerait pouvoir bouger sur le vélo pour sauter dans tous les sens, s’amuser avec le terrain et voler d’appui en appui mais cette tige de selle nous prive de l’espace pour le faire correctement et nous force à être sur la retenue. On sait que ce n’est pas dans les habitudes de Scott mais une option « tige de selle télescopique » à la commande serait plus que bienvenue, véritablement nécessaire pour permettre à qui le souhaite d’exploiter tout le potentiel de la machine.
Après une autre sortie le lendemain et quelques discussions avec d’autres journalistes, il apparait que la sensation de « neutralité » ne viendrait pas de votre serviteur mais bien du vélo. Si vous avez déjà pu essayer un XC haut de gamme, vous avez probablement dû sentir cette « élasticité » si caractéristique de ces vélos, comme si le cadre stockait chaque coup de pédale pour nous renvoyer le double d’énergie dans l’instant qui suit. C’est très addictif et c’est ce qui donne envie de relancer sans cesse avec ces machines, mais nous n’avons pas eu cette sensation sur le Scale RC SL.
Peu importe les sensations, on juge avant tout ce genre de vélo face au chronomètre.
Le vélo est léger et réagit à la moindre impulsion, aucun doute là-dessus, mais on n’a pas eu l’impression qu’il « encourage » son ou sa pilote comme d’autres peuvent le faire. On ne vous cachera pas qu’on a toujours du mal à le croire tant Scott est habituellement réputé pour sa maîtrise du carbone, mais au final on se demande si à vouloir faire toujours plus léger, la marque n’a pas oublié le dynamisme en route… Ceci dit, prudence tout de même car on parle ici uniquement de sensations, nous n’avons pas pu évaluer le vélo face au chronomètre. Or, c’est bien ceci qui compte avant tout pour un semi-rigide de XC : peu importe que les sensations ne soient pas flatteuses si les temps sont plus rapides.
Impressions mitigées pour ces premiers tours de roue avec ce nouveau Scott Scale RC. D’un côté, il s’agit sans conteste du semi-rigide de XC le plus ludique à rouler qu’on ait jamais essayé. La combinaison du poids ridiculement bas et de la géométrie audacieuse fonctionne à merveille et en descente, on a un véritable jouet entre les mains, ce qui n’est pas commun sur ce segment. De l’autre, on justement du mal à comprendre ce que Scott a voulu faire : quel intérêt de faire un XC aussi fun si c’est pour le priver d’une tige de selle télescopique ? Quel intérêt de faire un XC aussi capable dans le technique si les tout-suspendus sont privilégiés dès que les circuits présentent quelques obstacles ? Surtout, quel intérêt de faire un semi-rigide de XC s’il paraît – et on insiste sur ce mot car ce n’était qu’une découverte – peu vivant au pédalage ? On est prêt à lui laisser une deuxième chance, notamment pour mesurer ses performances de façon plus précise qu’avec de simples impressions, mais en attendant on ne vous cache pas qu’on est un peu dans le flou avec ce Scale RC, surtout lorsqu’on tient compte de son pedigree et de la réputation de Scott dans le domaine.
Plus d’informations : scott-sports.com