Test nouveauté | Rossignol Heretic : l’enduro conçu à Grenoble

Par Paul Humbert -

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Test nouveauté | Rossignol Heretic : l’enduro conçu à Grenoble

La diversification du groupe Rossignol dans le vélo n’est plus un projet annexe. La marque présente son nouvel Heretic d’enduro, 100% pensé et conçu à Grenoble. Présentation et prise en main du vélo, en compagnie de ceux qui l’ont créé :

 

Rossignol, c’est un des leaders du marché de l’outdoor. Historiquement ancré dans le sport d’hiver, le groupe se diversifie avec des activités de trail, de randonnée et de VTT. Rossignol est présent dans de nombreux pays et très implanté en Europe et en Amérique du nord. 

L’histoire de Rossignol dans le vélo a débuté avec des vélos achetés sur catalogue et vendus principalement à des loueurs. Le chemin de la marque prend un premier tournant en développant toute une gamme, en partenariat avec le bureau des ingénieurs de Felt (alors dans le groupe Rossignol) aux Etats-Unis. Cette gamme, on la connaît bien, puisque nous avons testé l’Heretic et le Mandate. On s’est même offert une belle balade dans le Queyras en Mandate Shift.

2025 marque le nouveau tournant, et certainement le plus marquant, pour Rossignol : la marque a rapatrié l’ensemble de la conception à Grenoble autour d’une équipe de chefs produits et d’ingénieurs. La production reste quant à elle asiatique. Premier vélo issu de ce nouveau pôle : le nouvel Heretic d’enduro. 

Le Rossignol Heretic 2025, en bref, c’est un VTT d’enduro en aluminium équipé de roues de 29 pouces et développant 170 mm de débattement à l’avant, et 165 mm à l’arrière. 

La marque nous présente ses ambitions en quelques points clés : 

  •  « un vélo avec plus de débattement pour plus de confiance »
  •   « un vélo race-ready et prêt pour jouer en bike-park. On veut trouver une réponse pour deux mondes qui s’opposent » 
  • « un vélo efficace et qui pédale mieux » 
  • « un vélo qui encaisse sans mettre de coups de raquette » 

Pourquoi l’aluminium ? 

Premier point que l’équipe Rossignol souligne en présentant son nouveau vélo : il est tout en aluminium. La marque assume son choix pour un matériau dont elle maîtrise mieux la production et qui offre une plus longue durée de vie, notamment grâce à une meilleure résistance aux chocs. L’impact environnemental de la production est également pris en compte. 

Est-ce que c’est le choix de la facilité ? Pas pour Rossignol qui explique que concevoir un cadre tolérant et « léger » impose de travailler sur différentes épaisseurs de métal, un challenge que le choix du carbone aurait facilité. 

On repère le tube inférieur, creusé pour laisser passer l’amortisseur en compression. Chaque taille de cadre est modélisée sur ordinateur et, d’après la marque, les soudures ont été positionnées loin des zones de contraintes.

Rossignol prend également pour exemple la pièce qui accueille le boitier de pédalier. Elle est conçue en deux pièces usinées puis soudées pour gagner en poids et pour s’adapter sur toutes les tailles de cadres. La solution de facilité aurait été de préférer une pièce forgée ré-usinée avec un filet. En tout, 22 pièces composent le cadre et ont toutes fait l’objet d’une attention particulière. En conception comme en production, le choix de l’aluminium n’est pas anodin. 

Pour le développement de ce cadre plus complexe que les précédentes générations, Rossignol s’est tourné vers une nouvelle usine de production en Asie. 

Et sur la balance ? La marque annonce son Rossignol Heretic à 16,7 kg en taille M et en montage GX. Le cadre est annoncé à 3,2 kg. 

À qui se destine-t-il ? 

Si Rossignol assume d’aller cibler certains pratiquants de VTT plus spécifiquement, le public visé par ce vélo reste large et il nécessairement  trouver un compromis. Le vélo sera vendu partout dans le monde, et se destinera encore en partie à des parcs de location. La marque entend que ses utilisateurs se sentent bien après 2 ans sur ce vélo, ou dès la première heure de location en station de montagne. 

Comment faire ? Cela commence au moment des choix de conception, et le plus identifiable est celui d’une géométrie équilibrée, modernisée par rapport au précédent Heretic, mais personnalisable. 

En testant différentes longueurs de base, la marque a réalisé qu’une seule réponse ne conviendra jamais à tous les pratiquants. Rossignol intègre ainsi un flip-chip au niveau des bases qui permet d’évoluer entre deux positions « flow » ou « attack » et qui permet concrètement 5 mm d’ajustement. Dans le premier mode, le vélo se veut passe-partout, et bien plus capable pour les pilotes chevronnés dans le second. 

En mode « Flow », comme le vélo est livré, on retrouve un angle de direction de 64,5, un angle de selle de 78,1 et des bases à 437 mm. En mode « Attack », on retrouve un angle de 64 degrés, des bases de 442 mm et un boitier de pédalier rabaissé de 6 mm.

Si le vélo est conçu en 29 pouces, il peut être monté en mulet (avec une roue de 27,5 pouces derrière) et devra être utilisé en mode « Flow ». 

Cette accessibilité passe également par un tuning d’amortisseur et une cinématique adaptés. Rossignol souhaite conserver un vélo confortable en début de course, tout en apportant plus de progressivité que sur son précédent Heretic. Sur ce nouveau vélo, Rossignol augmente la taille de son amortisseur (205×65) pour limiter la chauffe et faciliter les réglages. Reste à voir comment ça se traduit sur le terrain. 

Le vélo est également compatible avec des amortisseurs à ressort. La marque communique sur des valeurs d’anti-rise autour de 65/70%, soit assez similaires à l’ancienne génération d’Heretic. Ça évolue par contre du côté de l’anti-squat qui passe entre 100 et 110%. 

Pour mettre en musique son vélo, Rossignol a fait le choix d’une cinématique Four Bar Linkage maîtrisée.

Enfin, sur la partie « testing », Rossignol annonce ne pas s’être contenté d’un panel de pilotes professionnels ou experts pour tester la machine. Avec une filiale nord américaine, Rossignol a également pris le pouls du marché outre-Atlantique. 

Construction 

En construisant son équipe « vélo » en interne, et en s’associant aux ressources du bureau de développement Kairn à Grenoble, Rossignol Bike avait une certaine carte blanche du côté du groupe. La marque s’est reposée sur les enseignements tirés de la gamme précédente pour aller ensuite chercher de nouvelles caractéristiques. 

Sur le cadre, on repère une nouvelle interface de fixation de l’étrier de frein arrière entre l’axe de roue et le cadre qui allège cette zone de tension et permet un alignement plus facile de l’étrier. 

Pour augmenter la durée de vie de ses vélos et assurer un meilleur fonctionnement, Rossignol double ses roulements sur le pivot principal et sur le triangle arrière. La marque annonce avoir fait un gros travail sur le poids de son vélo, sans pour autant faire de compromis sur des éléments clés garantissant la fiabilité de la machine. 

Sur les VTT d’enduro récents, il est de plus en plus fréquent de retrouver des espaces de rangement ou autres « boites à gant ». Avec un cadre en aluminium, la création d’une boite à gant occasionne une prise de masse considérable et fait apparaître d’autres contraintes. Rossignol s’y est refusé, mais n’est pas resté totalement sans réponse.

Un multi-outils vient s’intégrer dans la protection en caoutchouc sous le boitier de pédalier. C’est malin, mais on doit avouer que le système pourra se raffiner, la sortie et la remise en place n’étant pas aussi fluides qu’on aurait aimé. C’est également un espace qui se charge en terre pendant les sorties boueuses. 

Côté caoutchouc et protections, on retrouve un protège-base et un petit « flap » derrière le point de pivot principal contre les projections et les cailloux qui se coincent. 

Rossignol ne plonge pas dans la tendance du « tout intégré ». La marque considère les solutions d’intégration complètes trop contraignantes, même si c’est techniquement possible grâce à une grosse douille de direction. On retrouve ainsi des entrées/sorties « classiques » et des câbles qui passent en interne, isolés de la paroi par des mousses.

Sur toutes les tailles, le Rossignol Heretic accepte des bidons jusqu’à 750 ml. Des points d’ancrage pour des outils sont positionnés sous le tube supérieur. 

Le vélo arrive avec un kit de protection transparent « basique » mais communique sur un modèle « complet » disponible au catalogue de la marque Slicy. 

Enfin, Rossignol nous glisse une information intéressante : le vélo a été conçu avec un oeil vers l’avenir. La conception du nouvel Heretic préfigure certains des vélos à venir pour la marque : certaines pièces, tubes ou visseries sont prévus pour s’adapter sur de prochains modèles. L’objectif est de rationaliser la conception, mais également de faciliter la vie des pratiquants, loueurs ou mécaniciens. Gardons l’oeil ouvert ! 

La gamme Rossignol Heretic 2025 

Le Rossignol Heretic se déclinera en quatre tailles (S, M, L, XL) et en trois montages. 

Le modèle haut de gamme que nous avons pu tester est équipé de suspensions Fox Factory, d’une transmission Sram GX et de freins Sram Maven. Il est commercialisé 6200 €. 

Le modèle milieu de gamme est équipé d’une transmission Shimano SLX et de suspensions de la série Fox Performance. Il est commercialisé à 4700 €.  Enfin, le modèle d’entrée de gamme sera équipé d’un groupe Shimano Deore 12 vitesses et de suspensions Marzocchi. Il est commercialisé à 3300 €. 

Et côté « service » ? Rossignol communique sur sa présence forte sur ses différents marchés, avec des équipes déjà en place en Europe comme en Amérique du Nord. C’est la force d’un groupe. Pas de répit d’ailleurs pour les équipes SAV pendant l’été : la saison de bike-park et de location est courte, et la marque veut pouvoir accompagner ses clients rapidement sur cette période. 

Rossignol garantit son cadre pendant 5 ans et s’engage à disposer d’un stock de pièces détachées pendant 10 années. 

Le vélo est commercialisé directement sur le site de la marque et vous est livré à l’adresse de votre choix, sans protection plastique inutile et avec les outils nécessaires au montage. 

Prise en main : Rossignol Heretic GX 2025

Notre prise en main débute derrière le bureau de la rédaction, en compagnie de l’équipe de la marque. La première chose qui nous marque, c’est le silence du vélo. Une roue libre discrète, des câbles isolés et des protections de bases qui amortissent les chocs : on n’entend que le bruit de nos pneus sur le sol et des suspensions qui travaillent. 

On grimpe sur le modèle le plus haut de gamme, le montage GX AXS équipé d’une Fox 38 et d’un amortisseur Float X2. Le vélo est équipé de roues DT Swiss E1900 Spline et de pneus Maxxis en carcasse Exo+. Du côté des freins, on retrouve des Sram Maven équipés de disques centerline en 200mm. Le montage est cohérent, avec de moyens mis là où il faut, sans faire exploser le budget. Les riders les plus engagés ou les plus lourds pourront passer sur des pneus à carcasse plus solide ou opter pour des disques Sram HS2, mais rien n’est nécessaire pour profiter du vélo dès sa sortie du carton. 

En actionnant le « blocage » de l’amortisseur, l’Heretic se présente à nous comme un vélo qui pédale plutôt bien pour la catégorie. Ça reste un vélo d’enduro de presque 17 kg, on ne cherchera pas à être les plus rapides, mais le vélo reste agréable, sans « gober » notre énergie.

En mode « flow », le mode le plus facile d’accès, on découvre un vélo plutôt agile pour la catégorie, même si côté géométrie, l’Heretic a grandi considérablement, avec un reach de 489 mm en taille L. Le vélo perd un peu son côté ultra-facile qui absorbe les aspérités du terrain à basse vitesse, mais on gagne en précision, en fun, et en vitesse justement ! 

On a un vélo qui répond quand on pousse dans les jambes, mais qui, une fois sur l’angle, ne semble pas trop rigide et ne nous pousse pas à la faute. On se laisse vite aller à quelques premiers petits sauts, et à lâcher les freins.

En version « flow », on a un vélo bien équilibré qui n’est pas trop exigeant à tourner et avec lequel on peut se laisser glisser le long des sentiers. Une chose se dévoile toutefois très vite : l’Heretic aime aller vite. C’est quand on accélère, qu’on lui rentre dedans que le vélo prend tout son sens. Les suspensions offrent un très bon support à mi-course et on se sent presque plus à l’aise quand on arrive vite dans les pierriers. 

On se surprend à pousser encore plus fort dans les jambes pour aller chercher le fond du débattement. On ne vient pas « toucher le fond » si facilement et le vélo continue d’aller vite. C’est assez agréable de découvrir un vélo qui peut rouler tranquillement, mais qui se révèle une fois qu’on prend de la vitesse. La lecture de terrain est très bonne et on prend pas mal de plaisir à aller chercher de nouvelles lignes. Peut-être moins à  « tirer » dans tous les sens. 

Si cet article ne nous y avait pas poussés, nous n’aurions pas passé le vélo en mode « attack » aussi vite, le mode « Flow » étant déjà très adapté au terrain que nous avons roulé en compagnie de l’Heretic. Quand on bascule, on sent que le vélo passe un cap, gagne en capacité en descente, mais perd en polyvalence. Il faut charger davantage le vélo pour tourner, et on perd en facilité en roulant tranquillement. En revanche, on gagne en grip, et encore en stabilité à haute vitesse. 

C’est un mode qu’on conseillera à celles et ceux qui veulent rouler vite, mais qui ont le terrain et le bagage pour le faire. Moins accessible par définition, il pourra débloquer de nouvelles possibilités au vélo. De notre côté, on est repassés en mode « Flow », mais on compte bien passer en « Attack » à nouveau dès l’ouverture des bike-parks. 

Avec ce nouvel Heretic et une première prise en main, on découvre un vélo assez en phase avec les promesses de la marque. Le précédent Rossignol Heretic nous avait séduits pour sa polyvalence, son côté très accessible et un tempérament presque all-mountain. Ici, on garde la même idée, mais dans un vélo résolument moderne, complètement enduro, mieux conçu et bien plus abouti. L’Heretic reste polyvalent, mais pour un public enduro déjà dégourdi, ce n’est plus un « gros all-mountain » et surtout, il ne plafonne plus comme par le passé. Cet Heretic est prêt à aller vite, en se reposant sur des choix de conception malins basés sur une belle connaissance de la discipline. 

Plus d’infos sur le site de la marque : https://www.rossignol.com/fr-fr/bikes-heretic.html 

Par  Paul Humbert