Test nouveauté | Rockrider E-Feel 900S : viser plus haut

Par Léo Kervran -

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Test nouveauté | Rockrider E-Feel 900S : viser plus haut

Après la très accessible mais séduisante famille E-Expl (abréviation de E-Explore) présentée l’année dernière, Rockrider muscle son jeu cette année en VTTAE avec les E-Feel. Assistance plus puissante, géométrie et suspension travaillées pour plus de sensations de pilotage… Que valent ces nouveaux modèles ambitieux ? Nous avons eu l’occasion de les découvrir sur les sentiers en compagnie des personnes qui les ont développés, voici nos premières sensations :

Si on désormais l’habitude de voir des VTTAE dans les rayons Decathlon, Rockrider n’a en réalité pas beaucoup d’expérience dans le domaine en tant que constructeur. Le Stilus, qui a longtemps occupé le terrain à lui tout seul, était en effet un cadre choisi (soigneusement) sur catalogue et il a fallu attendre 2023 pour voir arriver les premiers véritables VTT à assistance électrique imaginés, conçus et fabriqués par Rockrider. C’était avec la gamme E-Expl, orientée vers une pratique récréative du VTT avec des machines fiables, faciles à prendre en main et confortable.

Nous avions pu les découvrir il y a un peu moins d’un an et elles nous avaient tant séduits (lire Prise en main | Rockrider E-Expl 520 S & 700 S : gros succès en vue) qu’on avait hâte de voir ce qu’allait donner la suite, lorsque la marque allait s’adresser aux pratiquants et pratiquantes un peu plus chevronnés.

En effet, de la même façon que les e-bikes Rockrider E-Expl font écho à la gamme de VTT « balade » Rockrider Expl, on s’attendait à voir des E-Feel pour accompagner les Feel plus joueurs mais toujours polyvalents (voir Test | Rockrider Feel 900 S : le play-bike de l’année ?). Aujourd’hui, c’est chose faite ! Depuis quelques semaines, les Rockrider E-Feel 700 S, E-Feel 900 S et E-Feel 900 S TE sont disponibles chez Decathlon… et autant vous dire qu’ils n’ont pas grand-chose à voir avec les E-Expl.

Assistance : place à la performance

Pour les E-Expl, Rockrider avait fait le choix de moteurs Brose légèrement bridés afin d’offrir une excellente autonomie et un grand silence de fonctionnement. C’est confortable, ça fonctionne très bien et ça permet de partir l’esprit tranquille, mais ce n’est pas vraiment le sens que Rockrider souhaitait donner à ces E-Feel.

Pour ces machines plus tournées vers les sensations de pilotage, plus facilement en concurrence avec les grandes marques au savoir-faire reconnu depuis des années en matière d’e-bike aussi, il fallait une assistance puissante et performante, à la hauteur de ce que la concurrence utilise.

C’est finalement la solution de Shimano que les équipes de la marque ont retenue, avec de l’EP801 de dernière génération (voir notre test vidéo Shimano EP801 : rien ne se voit mais tout se transforme) sur deux modèles et un EP6 un poil plus accessible pour le troisième. Les deux systèmes offrent les mêmes caractéristiques de base en termes de couple (85 Nm maximum) mais l’EP801 est légèrement plus puissant et quelques centaines de grammes plus léger que son petit frère (600 W contre 500 W et 2,7 contre 3,0 kg).

Côté batterie en revanche, tout le monde est logé à la même enseigne avec la batterie intégrée (et amovible par la face inférieure du tube diagonal) de 630 Wh conçue directement par Shimano. Le fabricant japonais a pourtant validé des batteries de plus grande capacité chez d’autres spécialistes, comme Darfon ou Trendpower (700, 720 et même 900 Wh) mais Rockrider a fait le choix de rester sur un « écosystème » Shimano complet. Ceci a toutefois l’avantage d’offrir une batterie plus petite et moins lourde, afin de laisser plus de liberté dans le dessin du vélo et la gestion du (sur)poids apporté par l’assistance.

Suspension et géométrie : bien dans son époque

« La suspension et la géométrie ne sont pas élitistes mais on a cherché à faire quelque chose qui a du sens », nous explique Quentin Derbier, l’ancien pilote de 4X (champion du monde en 2018 et vice-champion du monde l’année précédente) désormais pilote essayeur pour Rockrider (entre autres casquettes) et impliqué dans le développement des familles Feel et E-Feel.

Côté suspension, les E-Feel développent ainsi 150 mm de débattement à l’arrière et sont prévus pour des fourches en 160 mm. Des valeurs qui correspondent bien à l’idée qu’on se fait d’un e-bike polyvalent, avec suffisamment de réserve pour s’amuser en montagne mais sans que ce soit excessif voire gênant sur des dénivelés plus doux.

L’architecture est proche des Feel sans assistance avec un Horst Link (voir notre lexique), alors que les E-Expl reposent sur un monopivot plus simple. Quentin détaille : « On a travaillé la suspension pour offrir plus de dynamisme que sur l’E-Expl, la roue arrière recule moins. »

La géométrie suit la même direction, avec un angle de direction de 65°, un angle de tube de selle de 76,5° et un reach de 445 mm en taille M ou 465 mm en taille L. Ce n’est pas très long mais il ne faut pas oublier qu’on est sur un Rockrider, donc un vélo censé être facile à prendre en main, et que le poids des e-bikes implique généralement d’avoir un reach un peu plus court que sur un vélo sans assistance de même débattement pour conserver un minimum de vivacité dans les changements de direction.

Les bases mesurent 465 mm dans toutes les tailles, ce n’est pas ce qui se fait de plus court et il faudra voir comment cela affecte cette vivacité justement, mais ça devrait avoir l’avantage d’éviter tout problème de cabrage dans les montées les plus raides. Enfin, les roues sont en 29″, il n’y a pas de version ou d’option « mulet » (roue de 27,5″ à l’arrière et 29″ à l’avant).

Produire au Canada, plus vertueux ?

Derrière cette fiche technique somme toute classique, les Rockrider E-Feel cachent un particularité, encore plus à ce niveau de prix (entre 3499 et 5499 €) : les cadres sont fabriqués au Canada plutôt qu’en Asie.

Pour les équipes de la marque, ce choix répondait à plusieurs exigences. En premier lieu, on nous cite des exigences de qualité plus hautes que sur les modèles plus accessibles. Les clients et clientes payent plus cher donc le cadre doit être parfaitement fini. L’usage promet aussi d’être plus intense, les ajustements se doivent donc d’être plus précis pour mieux tenir face à ses contraintes.

Autre argument important, celui d’avoir une production reposant à 100 % sur l’hydroélectricité. Les différentes étapes de la fabrication d’un cadre en aluminium sont très énergivores et à défaut de nouveaux processus révolutionnaires, le choix d’une source d’énergie non fossile permet de réduire cet impact. La production au Canada offre aussi plus d’assurance sur la responsabilité sociale des fournisseurs et les conditions de travail des travailleurs et travailleuses.

Enfin, on nous évoque aussi avec un peu moins d’importance une raison stratégique : il s’agit pour la marque d’ouvrir son panel de fournisseurs de cadres, afin d’avoir plus d’options à l’avenir et si possible réparties partout dans le monde au lieu de mettre tous ses oeufs dans le même panier. On ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve.

Joseph de Poortere, l’un des ingénieurs, nous rappelle par ailleurs que c’est toujours une bonne chose « d’essayer de produire là où on vend ». Et si Rockrider a des vues sur le marché nord-américain, avoir une partie de la production sur place économise déjà un trajet par rapport à une fabrication en Asie et deux envois à gérer, vers l’Europe et l’Amérique du Nord…

Néanmoins, le premier marché de la marque française reste sans conteste l’Europe. Pourquoi ne pas avoir rapatrié la production des cadres ici alors, s’il faut « produire là où on vend » ? « La fabrication du cadre, c’est la chose la plus compliquée à ramener en France », nous répond Rémi Lozac’h, autre ingénieur produit. Il poursuit : « Mais toute l’électronique, les plastiques, c’est fait en France ou en Europe. » Le fait est que selon Rockrider, nos régions n’ont plus le savoir-faire pour produire à grande échelle les cadres de vélo haut de gamme de ces modèles. « Un vélo enfant en acier tout simple est fait en Europe voire en France, le problème c’est le haut de gamme, plutôt en aluminium, car le savoir-faire est en Asie », explique encore Rémi. En Asie… ou au Canada !

Rockrider E-Feel : modèles et prix

La famille Rockrider E-Feel se compose de trois modèles, ou plutôt trois déclinaisons du même modèle à différents niveaux de gamme. Il n’y a en effet qu’un seul cadre E-Feel au catalogue Rockrider, celui qu’on vous présente ici en 29″ et 150/160 mm de débattement. Les seules différences se font sur l’équipement.

E-Feel 900S TE (pour Team Edition) à 5499 € : assistance Shimano EP 801, suspensions RockShox ZEB Ultimate & Super Deluxe Ultimate, roues Mavic E-Deemax S et pneus Rockrider Grip 500, freins TRP Trail Evo 4 pistons, transmission Shimano Deore XT Di2 avec cassette Deore

E-Feel 900S à 4499 € : assistance Shimano EP801, suspensions RockShox Domain RC & Deluxe Select, roues Sun Ringlé Duroc SD37 Comp et pneus Rockrider Grip 500, freins TRP Trail Evo 4 pistons, transmission Shimano Cues Di2

E-Feel 700S à 3499 € : assistance Shimano EP6, suspensions RockShox 35 Gold RL & Deluxe Select, roues Sun Ringlé Duroc SD37 Comp et pneus Rockrider Grip 500, freins TRP Slate Evo 4 pistons, transmission Shimano Cues mécanique

Les plus attentifs ou attentives auront remarqué un léger chevauchement entre les gammes E-Feel et E-Expl : le E-Feel 700S est au même prix que le E-Expl 700S. A nos yeux, ce n’est pas forcément incohérent puisque ces deux machines affichent le même niveau de gamme (700) et pour Rockrider, ce n’est pas gênant non plus car les deux machines ne se destinent pas au même usage : rapide et intense pour le premier, long et tranquille pour le second.

Test du Rockrider E-Feel : les premiers tours de roue

Direction Passy et le Decathlon Mountain Store, en face du mont Blanc, pour découvrir ce nouveau Rockrider E-Feel le temps d’une journée. C’est ici que les équipes « VTTAE » de Rockrider sont installées depuis quelques années (lire Visite | Rockrider à Passy : une marque en transition(s)) et c’est aussi sur ces sentiers que nous avions pu découvrir la famille E-Expl l’année dernière. De quoi avoir quelques éléments de comparaison ! A notre disposition, deux machines : le E-Feel 900S TE et son équipement luxueux d’un côté, le E-Feel 900S un peu plus accessible de l’autre.

En montant sur les vélos, on se sent bien positionné comme de coutume sur la plupart des machines modernes et les premières sensations de pédalage sont dignes de n’importe quel e-bike récent. Malheureusement, on ne peut pas en dire autant de l’ergonomie du poste de pilotage à cause d’un détail, mais ô combien important : le choix des manettes Shimano EN600, pour l’assistance uniquement sur les 900S TE et 700S mais aussi pour la transmission sur le 900S.

Peu pratique, cette manette à deux boutons a tout d’une version « bas de gamme » de l’excellente EM800 qu’on trouve plus souvent sur les VTTAE équipés d’une assistance Shimano. Passe encore pour le contrôle de l’assistance, car on ne change pas aussi souvent de mode que de rapport, mais avoir la même manette de l’autre côté pour la transmission sur le E-Feel 900S (photo ci-dessus) est une véritable faute de goût. On conçoit que ce soit moins cher qu’un vrai shifter Di2 comme sur la version Team Edition, mais les boutons sont peu accessibles et dans les sections techniques, cela complique réellement les choses pour changer de rapport à la volée, lorsqu’on est concentré sur autre chose.

Dommage, car en dehors de ça le E-Feel offre un comportement tout à fait satisfaisant en montée. Le vélo ne cabre pas même dans le raide, on se faufile sans forcer dans les enchaînements de virages et l’assistance Shimano, qu’elle soit EP801 ou EP6, est toujours aussi séduisante avec sa douceur qui suit le pédalage naturel au lieu de forcer la main comme certains systèmes concurrents.

Dans les passages techniques qu’on évoquait juste au-dessus, la suspension se montre assez ferme. Face aux E-Expl, la différence est flagrante et si on a moins de confort, cela donne aussi un vélo qui s’affaisse moins dans les franchissements et qui reprend plus facilement de la vitesse dès qu’on a quelques mètres de répit. En revanche, cela demande aussi un pilotage plus précis et mieux maîtrisé, surtout avec ces pneus Rockrider Grip 500.

Initialement, les E-Feel devaient être équipés de Grip 900 plus performants (carcasse plus solide, gomme plus souple) mais des soucis de délais de livraison ont conduit la marque à basculer sur des Grip 500 afin d’être en mesure de proposer les vélos à la vente dès ce printemps. Ces pneus fonctionnent de manière honorable mais il faut bien reconnaître qu’ils sont loin des références des grandes marques en termes d’adhérence. Sur sol mouillé ou détrempé, les roues décrochent plus facilement que ce à quoi nous sommes habitués. C’est clairement un point d’évolution du vélo, et on espère que Rockrider aura l’occasion de remettre des Grip 900 d’ici quelques mois.

En descente, le vélo est sans conteste plus vif que les E-Expl et offre un comportement bien plus proche des e-bikes que nous testons régulièrement. Comprenez par là que c’est un vélo qui réagit bien à un vrai pilotage actif et sur lequel on peut facilement varier les rythmes, tantôt tranquille tantôt plus à l’attaque. La suspension se pose aussi beaucoup moins et participe à cette sensation de vélo plus dynamique. Rockrider oblige, la facilité de prise en main reste bien au rendez-vous et les E-Feel n’ont rien de machines de course à dompter, on trouve facilement ses repères.

Côté équipements, on apprécie le choix d’un gros châssis pour la fourche (ZEB sur le E-Feel 900S TE, Domaine sur le E-Feel 900S) qui amène une certaine stabilité à l’avant dans les appuis, réceptions et freinages. On aime aussi la fonctionnalité Freeshift sur les deux modèles équipés en transmission Di2, qui permet de changer de rapport sans pédaler (le moteur entraîne le plateau mais pas les manivelles). Il faut un peu de temps pour se rappeler qu’elle existe et penser à l’utiliser mais une fois que c’est fait, c’est bien pratique pour anticiper des petites remontées ou des passages qui pourraient nécessiter quelques coups de pédale.

Néanmoins, ce rapprochement avec les références du genre invite aussi à la comparaison et à ce jeu, tout n’est pas flatteur pour le E-Feel. Le vélo apparaît notamment assez lourd de l’avant, et malgré la « petite » batterie (630 Wh tout de même) le poids n’est pas aussi bien géré que chez d’autres. Cela nécessite parfois un peu d’engagement sur l’avant pour tenir une ligne et on sent qu’on se bat un peu contre la machine lorsqu’on chercher à « alléger » pour survoler des racines ou un cailloux un peu trop proéminent. Ça n’empêche certainement pas de rouler mais les personnes pointues qui espéraient trouver un vélo parfait plusieurs milliers d’euros en dessous de la concurrence resteront un peu sur leur faim. A chacun ou chacune de voir si le rapport équipement/prix défiant toute concurrence permet de passer au-dessus de ça ou pas…

Après les e-bikes accessibles à tout point de vue et à un tarif défiant toute concurrence, Rockrider se lance sur un nouveau segment avec cette gamme E-Feel. Ici, on parle plaisir de pilotage, performance, exigence(s) aussi. Du point de vue de la cohérence de la gamme, c’est logique puisqu’il fallait bien accompagner le Feel sans assistance, autrement laissé bien seul. Sur le terrain toutefois, cette première expérience au guidon des E-Feel nous a moins bluffés que celle avec les E-Expl. Les vélos n’ont pas vraiment de concurrence sur le rapport prix/équipement et c’est pour ça qu’il sera toujours difficile de les comparer à des machines d’autres grandes marques mais il nous a semblé que la plateforme en elle-même, le fonctionnement du cadre, pourrait encore être amélioré pour ce positionnement « sportif », notamment avec ce poids un peu trop sur l’avant à notre goût. Les E-Feel restent néanmoins des VTTAE tout à fait corrects et surtout bien conçus, qui pourront vous accompagner à peu près partout sans faiblir. On aimerait leur en demander encore plus sur le plaisir de pilotage mais encore une fois, vu ce qu’on a déjà pour ce tarif c’est une concession qui peut être envisageable. Et si Rockrider décrochait déjà la lune avec ces modèles, que resterait-il aux autres ?

Plus d’informations : decathlon.fr

ParLéo Kervran