Test nouveauté | Propain Tyee 2023 : l’enduro aux 100 visages
Par Léo Kervran -
C’est le printemps et c’est l’heure du renouveau pour le Tyee chez Propain ! Modèle iconique de la marque allemande, cet enduro polyvalent arrive aujourd’hui à sa 8e génération. Cette fois, pas de révolution, l’objectif était avant tout corriger les petits défauts du modèle lancé en 2020 pour monter d’un cran en qualité sans perdre ses racines de vrai vélo d’enduro. Qu’est-ce que cela signifie ? Voici les explications et nos premières impressions :
Ce n’est un secret pour personne, l’enduro a considérablement évolué au cours de ces 10 dernières années. Comme le dit Robert Krauss, CEO et co-fondateur de Propain, « au début les vélos d’enduro étaient très polyvalents et légers mais l’industrie pousse vers des vélos toujours plus gros et plus lourds ». Au point de voir des vélos qui portent désormais le qualificatif de trail ou d’all-mountain, comme le Canyon Spectral ou le Specialized Stumpjumper, occuper l’espace qui était avant celui des Strive et autres Enduro.
Cette évolution, Propain l’a bien sûr un peu suivie au fil du temps mais pour cette nouvelle génération de Tyee, la marque allemande a souhaité faire un pas de côté : « Nous voulions rester fidèles aux racines de la pratique », complète Robert. Autrement dit, faire un vélo passe-partout, bon en descente bien sûr mais aussi accessible en pilotage et honnête pédaleur, contrairement à certaines machines qui tendent de plus en plus vers les mini-DH ultra-exclusifs…
Résultat, le Tyee ne grossit (presque) pas : la plateforme reste en 160 mm derrière avec une fourche de 160 ou 170 mm devant et la géométrie évolue dans les détails : -0,4° sur l’angle de direction (64,1° en 170 mm), + 0,9° sur l’angle de tube de selle sur les versions 27,5″ (77,5° en 170 mm) et quelques millimètres en plus ou en moins sur le reach (- 6 mm en S, + 4 mm en L, + 9 mm en XL).
Au passage, on notera que comme souvent chez Propain, le Tyee est proposé en différentes tailles de roues suivant la taille du cadre. XS et S n’existent ainsi qu’en 27,5″ tandis que L et XL sont proposés en 29″ avec la possibilité de passer en mulet (roue arrière de 27,5″) grâce à un flipchip sur les haubans qui permet de rattraper le changement de géométrie. En M, la marque laisse le choix.
La suspension évolue de la même façon, par petites touches. Le Tyee conserve ainsi l’architecture Pro10 à point de pivot virtuel et les caractéristiques générales de sa cinématique, comme un anti-squat plutôt élevé pour la catégorie (113 % au sag) afin de pouvoir pédaler confortablement sans avoir à bloquer l’amortisseur. En revanche, elle se veut un peu moins progressive pour exploiter plus facilement l’entièreté du débattement.
Finalement c’est le cadre, dans sa construction et sa finition, qui change le plus. En ce qui concerne le premier point, la marque annonce avoir allégé le cadre en aluminium d’environ 200 g tout en rigidifiant le triangle arrière, parfois jugé trop souple par certains clients sur l’ancien modèle. Sur le modèle en carbone, le gain de poids est moins important mais il a bénéficié du même travail autour de la rigidité.
A l’avant, le Tyee devient le premier Propain a adopter les entrées de gaines via le jeu de direction. La position de la marque a d’ailleurs évolué sur le sujet comme l’explique Robert Krauss : « Au début je n’en voulais pas pour les mêmes raisons que tout le monde, mais j’ai appris à le comprendre et à l’aimer. Ça a des bons côtés et des mauvais côtés et on l’a choisi pour les bons côtés : le silence avec les gaines qui ne font plus de bruit et l’apparence, c’est plus discret sur le vélo. »
Comme tous les roulements du cadre, ceux du jeu de direction sont en acier inoxydable afin de maximiser leur durée de vie et d’espacer le plus possible les intervalles d’entretien. Enfin, pour celles et ceux qui ne voudraient absolument pas de ce système (et on les comprend), on signalera que le cadre aluminium offre toujours la possibilité de faire des passages « classiques », avec des entrées dans le cadre de part et d’autre de la douille de direction.
A l’arrière, on remarque une nouvelle protection de base à la forme plus classique que l’ancienne et censée être plus efficace pour atténuer les bruits de claquement la chaîne. De l’autre côté, l’étrier de frein qui était auparavant monté sur les haubans migre à l’intérieur du triangle, fixé à la fois sur les bases et sur les haubans. Propain a d’ailleurs développé un petit support bien pratique qui permet de passer d’un disque de 180 à 200 mm ou vice-versa sans avoir besoin d’ajouter ou de changer un réhausseur, il suffit de changer de trous de fixation.
Trois coloris sont proposés pour chacun des matériaux : Safari (beige, mat), Carbon Raw (noir, mat) ou Deep Forest (bleu foncé, brillant) pour le carbone et Aluminium Raw (gris, mat), Olive (vert kaki, brillant) ou Venomblack (noir, mat) pour l’aluminium.
Côté tarif, le Tyee commence à 2999 € avec le cadre en aluminium ou 3599 € avec celui en carbone. Quatre montages « conseillés » figurent au catalogue mais le configurateur reste bien sûr d’actualité pour celles et ceux qui souhaitent se monter un vélo unique. Les commandes sont ouvertes et les premières livraisons prévues dans six semaines.
Le Propain Tyee 2023 en action
Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas sur un mais sur deux vélos que nous avons réalisé cette prise en main. Propain avait en effet à cœur de mettre en avant l’éventail de possibilités offert par son configurateur et nous avait mis à disposition des montages bien différents afin d’expérimenter avec la polyvalence du Tyee. Pendant deux jours, nous avons donc alterné entre un Tyee AL avec fourche en 170 mm et amortisseur à ressort hélicoïdal (RockShox Zeb Ultimate / SuperDeluxe Coil Ultimate) et un Tyee CF en fourche 160 mm et amortisseur à ressort air (RockShox Lyrik Ultimate Flight Attendant / SuperDeluxe Ultimate Flight Attendant), les deux en taille M et 29″.
Au pédalage, on sent bien la philosophie Propain et l’influence de Robert Krauss. L’homme est grand et comme il nous l’avait expliqué à l’occasion de notre test du Hugene, il n’aime pas les blocages de suspension. Il est donc particulièrement exigeant sur la position et le comportement de la suspension et ça se ressent très vite en montant sur le vélo. Le Tyee AL s’en sort étonnamment bien pour un vélo aussi « gros » et on peut facilement envisager de longues journées à la pédale à son guidon sans avoir peur de souffrir plus que de raison.
Avec le Tyee CF, ça en devient presque ridicule. Plus léger, un peu plus bas de l’avant et plus dynamique, surtout dans cette version avec la gestion automatique des suspensions Rockshox Flight Attendant, on a l’impression d’être sur un petit all-mountain. C’est vif, ça pédale très bien et il nous fait bien comprendre que les plus grosses ascensions ne lui font pas peur… à l’image d’un enduro il y a 6 ou 7 ans. Retrouver les racines de la disciplines, vous disiez ?
En descente, c’est un peu différent. Pour le coup, le montage avec la fourche en 160 mm sur le Tyee CF ne nous a pas vraiment séduits car il donne des sensations trop « all-mountain » justement, le vélo ne met pas vraiment en confiance dans la pente. C’est plus exigeant à piloter et ça demande plus d’engagement de la part du pilote qu’avec la fourche en 170 mm. Les enduros modernes, ça a tout de même quelques avantages… Résultat, on pense qu’à part dans une optique de chasse au poids pour de grosses aventures à la pédale de plusieurs jours, la fourche en 160 mm n’a pas vraiment d’intérêt sur ce Tyee.
Avec la 170 mm, la position au pédalage reste très bonne donc ça ne pose pas de problème à ce niveau et à nos yeux, les avantages en descente prennent largement le dessus sur la pénalité de poids pourtant bien réelle (environ 300 g entre une Lyrik et une Zeb chez RockShox).
Ailleurs, le duel est plus équilibré et ce sera surtout une histoire de préférence personnelle. Le cadre en carbone et l’amortisseur à air dynamisent tous deux le vélo et le rendent un peu plus exigeant, mais pas d’une mauvaise façon comme la fourche en 160 mm. Dans cette configuration, le Tyee a tendance à s’éjecter des appuis et des compressions, il faut le tenir et ne pas hésiter à avoir un pilotage actif pour l’exploiter à sa juste mesure.
A l’inverse, l’aluminium et l’amortisseur à ressort hélicoïdal « posent » beaucoup plus la bête et la rendent plus accessible. Ici, le Tyee devient une machine qui se pilote facilement et avale tout ce qu’on lui présente avec des réactions douces et prévenantes, faciles à contrôler. Il y a du grip et c’est plus stable, sans beaucoup perdre en maniabilité puisqu’on a gardé la même géométrie. Forcément, ça donne envie d’aller encore plus vite ! Mais contrairement au Tyee CF où on a eu l’impression qu’augmenter le rythme était nécessaire pour contrôler ce qui se passe, ici c’est la facilité qui invite à pousser plus fort pour voir où se situent les limites. Le résultat est le même mais l’état d’esprit bien différent.
Le toucher et la sensibilité apportés par le ressort hélicoïdal amènent aussi plus de confort, à condition d’avoir choisi le bon ressort bien sûr. A ce sujet, on aurait peut-être aimé avoir un poil plus de progressivité car on a eu l’impression que l’idéal serait d’avoir deux ressorts différents : un pour tous les jours et les sorties plaisirs et l’autre un niveau de dureté au-dessus pour la course et les sessions les plus engagées. Le travail sur la progressivité aurait-il favorisé un peu plus les amortisseurs à air ? Impossible d’en être sûr sans pouvoir comparer avec l’ancien modèle mais cela pourrait demander quelques approfondissements.
Entre ces deux configurations « extrêmes », on peut aussi tout à fait envisager de marier carbone et amortisseur à ressort hélicoïdal, ce qui devrait rapprocher le Tyee d’une machine d’enduro race, ou aluminium et ressort air pour les possibilités de réglages et pour dynamiser un peu ce cadre très tolérant. A vous de choisir selon votre budget et vos préférences !
Conclusion
Le précédent Tyee était déjà un enduro facile à prendre en main comme Paul avait pu le constater à sa sortie et pour cette 8e génération, Propain ne change pas de direction. D’ailleurs, on parlera plus d’évolution ou de raffinement que de véritable changement en ce qui concerne le comportement. Sans être une machine « à l’ancienne », limitée lorsque les choses deviennent vraiment engagées ou techniques, le Tyee cultive une certaine polyvalence que d’autres marques ont mis de côté depuis longtemps. Avec les différentes options proposées par le configurateur, il est l’un des rares vélos à pouvoir offrir des visages aussi différents sur la même base de géométrie et de suspension, ce qui renforce encore cet aspect polyvalent. Si vous avez une pratique très spécifique et que vous n’en déviez jamais vous pourrez sûrement trouver plus adapté que le Tyee, mais si vous aimez varier les plaisirs, les sentiers et toucher à tout vous avez là un remarquable compagnon qui saura vous donner le sourire sur tous les terrains.
Plus d’informations : propain-bikes.com
Photos Nathan Hugues