Test nouveauté | Lapierre Spicy : l’enduro avec une longueur d’avance
Par Léo Kervran -
Le nouveau Lapierre Spicy est là ! Après plusieurs mois à l’apercevoir en course et même quelques apparitions sur des salons ouverts au public, le nouvel enduro de la marque française dévoile enfin sa fiche technique. A la clé, une proposition unique : offrir deux vélos (voire quatre) en un, avec un point de pivot pouvant être déplacé sur le cadre. Est-ce que ça fonctionne ? Voici nos impressions après plusieurs semaines de test :
Ce nouveau Spicy, cela fait plusieurs mois qu’on court après. Dix mois, pour être précis : c’est presque jour pour jour l’écart entre la première apparition en course du vélo, sur la coupe du monde d’enduro de Châtel l’année dernière, et le lancement officiel aujourd’hui. Depuis, le vélo s’est retrouvé entre les mains du Lapierre Zipp Collective sur toutes les coupes du monde d’enduro de la saison 2024 avec Isabeau Courdurier, Adrien Dailly et Lily Planquart, sur la plupart des épreuves de DH avec Antoine Rogge, il a été aperçu sur les salons de la Pass’Portes du Soleil et chez nos confrères de Velovert pour le Velovert Festival…
A ce stade, on ne peut même plus parler de secret de polichinelle tant ce serait galvauder l’expression. Toutefois, si l’arrivée prochaine d’un nouveau Spicy était sue et connue, il y avait encore beaucoup de choses à découvrir tant le vélo semblait offrir un visage différent à chaque sortie : pivot haut ou pivot bas ? Fourche simple té ou double té ? Amortisseur à air ou à ressort ?
Une chose est sûre, ce vélo abandonne le concept de plateforme partagée avec le Zesty, le modèle all-mountain de Lapierre et dont la nouvelle génération a été présentée fin mai. Ce nouveau Spicy est dédié uniquement à l’enduro et ses lignes annoncent la couleur ! Un peu plus qu’à l’enduro même, ainsi que nous l’explique Nicolas Vouilloz : « On a voulu sortir du « 1/2 all-mountain » pour faire un vrai all-mountain et un vrai gros enduro à côté. Mais l’enduro aujourd’hui a évolué, on utilise les vélos en compétition mais aussi de plus en plus en station. »
10 fois champion du monde de DH dont 7 fois chez les Elites (de 1995 à 2002 sans interruption), l’homme participe au développement de la suspension et de la géométrie de tous les VTT Lapierre, mais du fait de son passé, on imagine que le Spicy parle un peu plus à son coeur qu’un pur vélo de XC… « On voulait continuer à innover », poursuit-il, « car c’est dans la tradition Lapierre. Et c’est comme ça qu’on est arrivé à cette idée d’avoir deux vélos en un, le premier VTT du marché à pouvoir être monté en pivot haut ou en pivot bas. »
Un cadre à deux visages : pivot haut… ou pivot bas
La promesse d’offrir deux vélos en un est tout sauf nouvelle en VTT. Sur le segment de l’enduro, on l’entend par exemple à propos du Canyon Strive et de son fameux ShapeShifter, et on pourrait peut-être en dire autant du Scott Ransom qui tient à son TracLoc (anciennement Twinloc). Cependant, le Spicy se situe à l’opposé de ces approches : Lapierre n’a pas vraiment cherché à améliorer ses capacités au pédalage d’une façon ou d’une autre, mais à lui offrir deux visages bien différents en descente.
Plutôt que de passer de descendeur à grimpeur d'une poussée sur un levier, le Spicy propose d'alterner entre descendeur... et descendeur.
Comme Nicolas Vouilloz l’expliquait, le Spicy peut donc être monté en pivot haut ou en pivot bas. L’opération peut se faire soi-même mais le changement n’est pas à décider sur un coup de tête : comptez entre 30 minutes et une heure à l’atelier car il faut non seulement changer le point de pivot principal d’emplacement mais aussi changer la biellette, monter le galet de renvoi et démonter le guide-chaîne ou inversement, monter ou démonter un petit garde-boue et changer la chaîne (116 maillons en pivot bas, 122 maillons en pivot haut).
Heureusement, Lapierre fournit toutes les pièces nécessaires et hormis une chaîne si vous comptez alterner à plusieurs occasions, il n’y a rien à acheter séparément. Pour la marque, ce n’est pas une option ou une piste d’évolution du vélo comme un ajustement de géométrie « facultatif », cela fait partie de son identité.
Pour reprendre les mots de Nicolas Vouilloz, l’idée est simple : « On a les avantages du pivot haut, mais sans la crainte de ne pas réussir à l’exploiter au quotidien », explique-t-il. Bien connue depuis plus de 20 ans, la suspension à point de pivot haut a été ramenée sur le devant de la scène en descente par Commencal et de nombreuses marques se sont empressées de le décliner en enduro voire sur des vélos encore plus polyvalents (chez Norco et Forbidden notamment).
La caractéristique principale du pivot haut est d’avoir une trajectoire de roue qui recule à l’impact, plus que sur une suspension classique (plus ou moins suivant le placement précis du point de pivot). En reculant, la roue arrière « accroche » moins sur les obstacles et épouse mieux le sol, ce qui permet au vélo de rester plus stable, d’avoir plus de grip et de conserver plus de vitesse.
Toutefois, cela ne se fait pas sans inconvénient. En descente, cela donne généralement des vélos assez peu vivants à basse vitesse, des machines qui ont besoin d’être menées bon train pour dévoiler tout leur potentiel. Du fait du recul de la roue, il faut aussi un galet de renvoi pour gérer l’allongement de la chaîne avec la compression de la suspension et ce galet supplémentaire ajoute des frottements dans la transmission, frottements qui sont assez sensibles au pédalage.
Pour toutes ces raisons, le pivot haut est considéré comme une solution intéressante dans une optique de performance pure en descente mais aussi comme un système exigeant pour les pilotes, qui nécessite un bon niveau technique et physique pour profiter des bons côtés.
De là est venue chez Lapierre l’idée d’offrir deux vélos en un : une monture qui pourrait fonctionner en point de pivot haut mais aussi en point de pivot bas classique, moyennant le changement de quelques pièces. Après tout, on ne compte plus les vélos qui ont un flipchip pour faire varier la géométrie ou des coupelles réversibles pour l’angle de direction, alors pourquoi pas déplacer le point de pivot tout entier ?
Si le Spicy est à notre connaissance le premier modèle du marché à proposer ce niveau de versatilité, l’idée existe depuis quelques années. En 2020, Chris Canfield, de la marque éponyme, déposait une demande de brevet pour un cadre de VTT tout-suspendu où le point de pivot peut être déplacé exactement comme sur le Lapierre. Le document a été rendu public fin 2021 comme les lois le prévoient (US2021380195A1 / Bicycle rear suspension system with selectable axle paths) mais cela n’est pas allé plus loin, les instances considérant que l’invention ne répondait pas suffisamment aux critères de nouveauté et d’inventivité pour se voir attribuer un brevet.
Le développement du Spicy ayant commencé courant 2021, la coïncidence est amusante, voire troublante, mais passons. Ce nouveau Lapierre Spicy repose donc sur une suspension 4 bar linkage d’environ 170 mm de débattement (180 mm à l’avant) avec un point de pivot qui peut être placé plus ou moins haut, 65 mm au-dessus du boîtier de pédalier pour la configuration basse et 110 mm pour la configuration haute (soit 4,5 cm de différence).
Certaines personnes lui trouveront un air de famille avec le Cannondale Jekyll, présenté en 2021, et elles n’auront pas tort. Tant dans l’architecture technique que dans le placement de l’amortisseur, le Spicy ressemble beaucoup à l’américain. Toutefois, les deux vélos se différencient sur un point : ici, l’amortisseur est monté « flottant », actionné d’un côté par les bases et de l’autre par le basculeur tandis que sur le Jekyll, l’amortisseur est fixé directement sur le triangle avant.
Pivot haut ou pivot bas ? Les différences clés
Au-delà des différences intrinsèques entre le pivot bas et le pivot haut qu’on évoquait juste avant, Lapierre a travaillé pour donner deux visages différents à la suspension selon sa configuration.
La marque ne communique aucune donnée mais indique avoir choisi « un anti-rise élevé en pivot haut pour asseoir le vélo au freinage et limiter les mouvements de châssis » et « un anti-rise plus faible en pivot bas afin d’avoir une suspension plus active et plus confortable en phase de freinage ». La suspension serait également un peu plus progressive en pivot haut qu’en pivot bas mais dans les deux cas pensée pour être roulée en amortisseur à ressort air ou hélicoïdal, au choix.
En revanche, Lapierre a tenu ne pas supprimer complètement le kick back en version pivot haut, comme l’ajout du galet de renvoi en laisse la possibilité : « On voulait garder un peu de dynamisme donc on n’a pas annihilé complètement le kick back », explique Nicolas Vouilloz. Il est un peu plus faible en pivot haut mais reste donc présent et finalement assez proche de celui en configuration pivot bas : 10,5° et 11,5° respectivement, en compression complète et en 32×21 au niveau de la transmission.
Notez enfin que la marque préconise 27-28 % de sag en pivot haut ou 30 % de sag en pivot bas, ce qui correspond à la fourchette 19-21 mm sur l’amortisseur en 205 x 65 mm.
Deux visages, quatre configurations
Quand il n’y en a plus, il y en a encore ! Le Lapierre Spicy permet non seulement de choisir entre deux configurations de suspension, mais aussi entre deux tailles de roues à l’arrière : 27,5″ ou 29″, tandis que l’avant reste en 29″. Le passage de l’une à l’autre est bien plus rapide que pour la suspension puisqu’il n’y a qu’une pièce à changer ou retourner, selon le tableau ci-dessus.
Cela aura également une influence sur le débattement mais elle est minime : le Spicy offre 174 mm à l’arrière en mulet et 170 mm en 29″. Les vélos seront vendus dans la configuration la plus « extrême », en mulet et pivot haut mais comme on l’évoquait plus tôt, tous les accessoires pour passer sur une autre version du Spicy seront fournis.
Géométrie et construction
Côté géométrie, Lapierre s’est attaché à moderniser le Spicy. Il en avait bien besoin ! Au regard des standards actuels, l’ancien faisait en effet plus figure d’all-mountain un peu daté que de véritable enduro capable d’aller tâter du bikepark.
En configuration de départ, c’est-à-dire mulet et pivot haut, le nouveau Spicy affiche 63,5° d’angle de direction (-1,5°), 78° d’angle de tube de selle (+3,5°), un reach de 460 mm en taille M (+20 mm) et des bases de 440 mm (XS-M, +8-15 mm), 445 mm (L, +12 mm) ou 450 mm (XL, +17 mm). Le boîtier de pédalier est 25 mm sous l’axe de la roue avant, c’est 3 mm plus haut qu’avant mais Lapierre indique qu’au sag, l’ancien Spicy et le nouveau affichent exactement la même valeur.
Le passage à un montage en 29″ rallonge les bases de 5 mm… et c’est tout. Le flipchip permet de conserver le reste de la géométrie sans changement, ce qui est appréciable pour ne pas perdre ses repères. On note aussi l’apparition d’une nouvelle taille XS, une évolution pour laquelle on peut notamment remercier Isabeau Courdurier.
Parmi les meilleures pilotes d’enduro au monde, la Française du Lapierre Zipp Collective a évidemment besoin d’un vélo à sa taille mais quand on mesure 1m54, ce n’est pas toujours chose facile. Lapierre a dû en tenir compte dans la conception de ce nouveau Spicy et la marque a décidé de bien faire les choses, en développant une taille supplémentaire plutôt qu’un modèle sur-mesure pour sa pilote.
Seul bémol dans cette géométrie, le tube de selle est très court puisque traversé par l’amortisseur. Cela limite le choix de débattement au niveau de la tige de selle et avec le modèle d’origine, une TranzX Rad+ plutôt encombrante, on n’a pas mieux que 150 mm en taille M ou 170 mm en taille L (la course peut être réduite en tournant une bague). Cela donne une sortie de selle en position basse assez importante ce qui nous a gêné à plusieurs reprises sur le terrain. A nos yeux, un remplacement par un modèle plus compact qui permettra d’aller chercher plus de débattement (type OneUp Dropper) s’impose.
Dans la construction du cadre, la marque a cherché a baisser et recentrer les masses afin d’offrir un vélo plus vif lors des passages sur l’angle. C’est entre autres ce qui a dirigé le dessin de la suspension, mais ce n’est pas tout. Ainsi, le Spicy reçoit une boîte à gants dans le tube diagonal mais elle est accessible… par en dessous !
On peut entendre l’argument du centrage des masses mais il faut tout de même signaler que la « porte » est nettement plus exposée aux projections de boue et de poussière qu’avec un accès par au-dessus. Cette porte ressemble à celle du Zesty CF mais l’espace de stockage dans le cadre apparaît un peu moins volumineux du fait d’un tube moins épais à cet endroit.
La rigidité du vélo a également fait l’objet d’une certaine réflexion, l’ancien étant jugé trop souple au niveau du triangle arrière (en plus de certains soucis de casse au niveau des haubans, comme nous en avions fait les frais). Le nouveau Spicy a donc été renforcé dans cette zone, avec un pontet entre les haubans, de façon à offrir un vélo plus précis et « cohérent » entre l’avant avec la direction, le milieu avec le boîtier de pédalier et la suspension et l’arrière qui joue sur les deux tableaux.
« On avait réfléchi à un vrai bras de renfort dans le triangle avant, entre le tube diagonal et le tube de selle », explique Nicolas Vouilloz, « mais c’était trop rigide. Au final, on a donc juste fait un cadre bodybuildé. » Entièrement en carbone à l’exception du basculeur, le cadre est annoncé à 3,2 kg sur la balance, en taille M.
Côté pratique, on note que tous les couples de serrage sont gravés au laser sur les vis, une excellente décision ! Par ce choix, Lapierre se distingue de marques qui prétendent à un certain prestige (on regrettait leur absence sur le dernier Specialized Stumpjumper par exemple), et pour un vélo qui offre la possibilité de démonter régulièrement la suspension pour alterner entre deux configurations, c’est particulièrement utile.
Enfin, on remarque un choix intéressant à l’avant du vélo : de série, les gaines rentrent dans le cadre (où elles sont guidées) via le jeu de direction comme c’est la tendance… mais des entrées plus classiques sont toujours là ! Ces entrées, c’est que Lapierre appelle le Race Ready Routing, des passages faits pour faciliter la mécanique sur tous les vélos amenés à courir en compétition et souvent démontés puis remontés. Le Spicy les inaugure mais on devrait ensuite les retrouver sur d’autres modèles.
Lapierre Spicy 2025 : poids, prix et modèles
A l’image du dernier Zesty, ce nouveau Spicy n’est proposé qu’en cadre en carbone et cela devrait en rester ainsi d’après le discours de la marque, qui soutient qu’entre le côté compétition du vélo et les formes complexes du cadre, l’aluminium ne conviendrait tout simplement pas.
Quatre modèles figurent au catalogue :
Spicy CF 6.9, 5499 € et 16,5 kg : suspensions RockShox Zeb Select & Vivid Air, freins Shimano M4120 4 pistons, transmission Shimano Deore / SLX, roues Rodi Tryp30 Evo (moyeux Shimano TC500), pneus Schwalbe Big Betty Soft / Magic Mary Ultra Soft en carcasse Super Trail
Spicy CF 7.9, 6499 € et 16,1 kg : suspensions Fox 38 Grip 2 Performance Elite & Float X2 Performance, freins Shimano SLX 4 pistons, transmission Shimano Deore / SLX / Deore XT, roues DT Swiss E1900, pneus Schwalbe Big Betty Soft / Magic Mary Ultra Soft en carcasse Super Trail
Spicy CF 8.9, 6999 € et 16 kg : suspensions Fox 38 Grip 2 Factory & Float X2 Factory, freins Shimano Deore XT 4 pistons, transmission Shimano Deore / SLX / Deore XT, roues DT Swiss EX1700, pneus Schwalbe Big Betty Soft / Magic Mary Ultra Soft en carcasse Super Trail
Spicy CF Team, 10 000 € et 15,8 kg : suspensions RockShox Zeb Ultimate & Vivid Air Ultimate, freins Sram Code Silver, transmission Sram X01 Eagle, roues DT Swiss EXC1501, pneus Schwalbe Big Betty Soft / Magic Mary Ultra Soft en carcasse Super Trail
Enfin, un kit cadre Spicy CF Team sera également proposé, au tarif de 3699 € avec amortisseur RockShox Vivid Air Ultimate.
Le test du Lapierre Spicy
Comment écrit-on le test de quatre vélos en un seul article ? C’est le genre de question qu’on s’est posée avec ce nouveau Spicy. Après une découverte sur l’Evo Bike Park il y a quelques semaines, nous avons pu rentrer à la rédaction avec un modèle CF 8.9 pour approfondir nos sensations et comparer les différentes configurations sur des sentiers que l’on connaît plus. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que Lapierre ne ment pas quand elle parle de deux vélos en un !
Le test en pivot bas
Commençons par les configurations les plus polyvalentes, celles qui doivent (à nos yeux) être utilisées la plus grande partie du temps : pivot bas et mulet ou 29″, selon les préférences de chacun. Dans ce montage le Spicy pédale bien, voire très bien avec la roue arrière en 29″. On est bien posé sur le vélo, la suspension ne s’affaisse pas outre mesure et au train, le pompage n’est pas trop sensible même si le levier de verrouillage de l’amortisseur est toujours bienvenu sur les sections roulantes.
Sans dire qu’on monte vite, car le train roulant n’est pas ce qu’il y a de plus léger, on monte bien et on peut sans problème envisager de longues journées en montagne avec le vélo dans cette configuration, ce n’est pas un enduro qu’on préfère accrocher à l’arrière d’une navette ou d’une remontée mécanique. Visuellement, le tube diagonal apparaît imposant (aux alentours de la fixation de la biellette notamment) mais il n’est pas gênant. En revanche nous avions un peu tendance à frotter les talons sur les bases, attention à bien protéger cette zone.
En descente, le Spicy montre un dynamisme qui a de quoi faire rougir bon nombre de vélo de trail/all-mountain. C’est même surprenant pour quelque chose avec autant de débattement, car il ne faut pas oublier qu’on a 180 mm de débattement à l’avant ! En version mulet, le Spicy nous catapulte littéralement hors des appuis, la facilité avec laquelle le vélo accélère lorsqu’on pousse sur les jambes est presque ridicule.
Forcément, ça donne envie de jouer mais là, attention : ce dynamisme se transforme en une exigence de précision lorsqu’on arrive sur les sauts et sections aériennes, et il faut être dans le bon timing sur les appels pour conserver l’assiette du vélo et réussir ses réceptions.
En montage 29″, le caractère ressemble encore plus à celui d’un vélo de trail mais dans le bon sens du terme : le mot qui nous vient à l’esprit, c’est « équilibre ». Le dynamisme est toujours là mais de façon un peu plus adoucie qu’en mulet, plus confortable et facile à prendre en main. On peut toujours pousser dans les appuis et tirer des bunny-hops facilement par-dessus les obstacles inconvenants mais c’est fait de façon moins pointue, on a l’impression d’être sur un all-mountain qui nous prend par la main.
La grosse différence avec des machines au débattement plus réduit apparaît lorsqu’on arrive sur des passages techniques, pentus ou défoncés. Peu importe la taille de roue, avec sa géométrie et son débattement le mode d’emploi du Spicy est simple : on lâche les freins et on y va ! Le vélo a une capacité à encaisser digne de ce qu’on attend d’un bon enduro et nous rappelle qu’il est bien un « gros vélo » en avalant tout ce qui se passe sous ses roues sans sourciller. Cette capacité à être dynamique et joueur d’un côté et à mettre en sécurité dans les sections les plus techniques est réellement bluffante ; on n’a pas souvenir d’un vélo aussi bien capable de jouer sur les deux tableaux.
Le test en pivot haut
En pivot haut, vous devrez nous croire sur parole mais c’est bien un tout autre vélo qui s’offre à nous. Au pédalage d’abord, le Spicy est un peu moins séduisant. Il monte correctement pour un vélo avec ce genre de suspension mais c’est forcément moins bon qu’en configuration pivot bas, la suspension s’affaisse un peu plus et les frottements de la transmission se font sentir. « On a un petit galet [15 dents] mais il est positionné en arrière donc l’angle des maillons est similaire à celui d’un gros galet placé verticalement au-dessus du pédalier », indique Nicolas Vouilloz.
En descente en revanche, c’est le jour et la nuit. Sans hiérarchie entre les deux, mais pour insister sur la différence avec le pivot bas. On perd en dynamisme mais cela reste tout à fait correct pour un pivot haut, avec bien plus de répondant qu’un Trek Slash ou un Norco Range par exemple.
En revanche, on gagne en capacité d’absorption de façon spectaculaire. On est sur un vrai enduro à point de pivot haut et si vous n’en avez jamais roulé, la sensation est difficile à décrire. Le vélo n’encaisse plus, il efface. Du fait du choix de Lapierre de pas « retirer » complètement tout dynamisme à la suspension, on sent un peu plus ce qui se passe sous les roues qu’avec les autres vélos cités au-dessus mais ça ne l’empêche pas d’offrir d’excellents niveaux de grip et de stabilité.
Sur tout ce qui est aérien, le Spicy devient un véritable moniteur : il nous prend par la main, corrige les approximations et se déséquilibre beaucoup moins facilement. On apprend à sentir les bons timings pour être propre sans la peur de se faire mal en cas d’erreur et on prend vite confiance à son guidon, un caractère qui poussera les meilleurs pilotes à envoyer toujours plus gros et les moins expérimentés à progresser.
L’effet est d’autant plus prononcé que la rigidité nous a paru bien dosée, elle est suffisante pour permettre au vélo de bien se comporter lorsqu’on pousse fort et qu’on chasse le chrono sans être excessive pour rouler tranquillement, contrairement à certains de ses concurrents (on vous reparlera bientôt du Trek Slash…).
En passant sur une roue arrière de 29″, on sent que cela accroche un peu moins sur certains obstacles (grâce au plus grand diamètre) et tout incite à rouler très vite, à doser et anticiper au mieux ses freinages pour ralentir le moins possible. Le mulet se montrera en revanche plus maniable dans les virages serrés et comme la suspension est maintenant plus portée sur la conservation de la vitesse que sur les relances, cela peut permettre de rééquilibrer les choses. Question de préférences.
Le mot de la fin
Lapierre a pris son temps pour revoir son Spicy mais c’est un succès ! Le pari était ambitieux mais il est réussi : tour à tour très ludique pour son débattement en mulet et pivot bas, très polyvalent en 29″ et pivot bas ou digne d’un petit DH en pivot haut, le vélo est réellement capable d’offrir plusieurs visages bien différents et couvre ainsi un très grand spectre d’utilisation. A nos yeux, c’est le vélo idéal pour celles et ceux qui aiment à la fois les grands débattements et les belles sorties à la pédale : on peut le rouler pendant la majorité de l’année en pivot bas pour avoir quelque chose déjà performant en descente mais bon pédaleur, et quand vient l’été, le passer en pivot haut pour aller s’amuser en bikepark ou sur des journées navettes où il pourra délivrer tout son potentiel tout en gardant la possibilité d’aller pédaler à l’occasion. Un vrai coup de cœur !
Plus d’informations : lapierrebikes.com
Photos Pierre Vieira – Lapierre / Paul Humbert