Test nouveauté | Hutchinson Kraken Racing Lab : une vision très large du XC
Par Léo Kervran -
Hutchinson, qui fête les 130 ans de sa division vélo cette année, présente le Kraken Racing Lab. Attendu par les pilotes de coupe du Monde de XC, il se place comme un pneu plus polyvalent que le Skeleton, avec un spectre d’utilisation plus large tant du point de vue du terrain que du pilotage. Nous avons pu le rouler en avant-première, voici nos impressions.
Comme le Skeleton ou le Griffus, le Kraken est issu du programme Racing Lab. Comme son nom l’indique, le Racing Lab est une sorte de laboratoire terrain, dans lequel Hutchinson travaille avec ses athlètes sur les profils, les gommes, les carcasses et les technologies pour développer de nouveaux pneus. L’objectif est d’en faire ensuite profiter le grand public mais bien souvent, les pneus issus de ces développement et utilisés par les athlètes au plus haut niveau sont bien trop spécifiques pour convenir à tout le monde. Hutchinson les retravaille donc avant de les mettre sur le marché et c’est pourquoi les pneus que vous roulez peuvent différer légèrement de ceux que vous voyez dans les paddocks (ou sur nos photos des paddocks).
Le Kraken était une demande de l’équipe espagnole MMR Factory Racing au sein de laquelle on retrouve notamment David Valero, champion d’Espagne en titre et qui compte plusieurs podiums en coupe du Monde à son actif. On l’avait d’ailleurs aperçu l’année dernière sur certains vélos dans les paddocks de coupe du monde, comme en témoigne la photo ci-dessus. Les pilotes, qui roulent habituellement avec le Skeleton, souhaitaient un pneu avant plus fiable que le Cobra qu’ils utilisaient parfois. 3 points clés ont été identifiés : le nouveau pneu devait offrir plus de sécurité au freinage et dans les virages, un plus gros ballon et une construction plus souple.
Le profil et la gomme
Pour le profil, Hutchinson s’est beaucoup inspiré du Skeleton qui est plébiscité par les athlètes en coupe du Monde de XC. On retrouve donc la même forme générale, avec une bande de roulement composée d’une alternance de chevrons et de pavés, des petits crampons intermédiaires puis des crampons latéraux un peu plus prononcés.
La suite, c’est Joël Balez, responsable Recherche et Développement, qui nous l’explique : « La bande de roulement a été légèrement modifiée, avec deux hauteurs de crampons différentes pour mieux mordre le sol. Dans la même optique, on a rallongé les chevrons et réduit leur angle. Ils offrent désormais une arête plus vive, ce qui assure un meilleur grip au freinage. » On remarque aussi que les pavés centraux sont évidés, ce qui devrait leur permettre de se déformer un peu plus.
Sur les côtés, « nous avons rajouté des petits crampons intermédiaires pour adoucir la transition, tout en gardant un peu d’espace pour le débourrage. Ils font aussi office de protection contre les crevaisons puisqu’ils augmentent la hauteur de gomme par rapport au Skeleton. Enfin, nous avons redessiné les pavés latéraux qui sont un peu plus gros. Ils sont scindés en deux en surface, ce qui nous permet d’avoir toujours deux arêtes pour attaquer le sol. Pour éviter qu’ils ne se déforment trop et que le pneu soit imprévisible sur l’angle, ils sont reliés en profondeur, ce qui leur donne une certaine structure. »
Côté caoutchouc, on retrouve un mélange de 3 gommes pour offrir à la fois une bonne résistance au roulement et une adhérence satisfaisante. Le Kraken Racing Lab est ainsi composé d’une gomme dure de structure en profondeur (65 ShA), d’une gomme souple en surface sur les crampons latéraux (50 ShA) et d’une gomme à mi-chemin entre les deux pour la bande de roulement (60 ShA).
La carcasse
La carcasse, ou plutôt les carcasses devrait-on dire puisque trois versions sont au programme. Le Kraken Racing Lab sera ainsi disponible en 127 tpi non renforcée et flancs noirs, en 66 tpi avec renfort Hardskin et flancs beiges (tan wall) ou 66 tpi avec renfort Hardskin et flancs noirs classiques.
Pour comprendre ce qui les différencie, petit retour sur la construction d’un pneu. La carcasse est composée à partir d’un textile fait de fils synthétiques. Les tpi, c’est le nombre de fils par pouce carré de carcasse, soit 2,54 cm² (thread per inch). Plus ce nombre est élevé, plus il y a de fils et donc plus ces fils sont fins, ce qui confère une très grande souplesse à la carcasse. En revanche, elle sera un peu moins solide qu’un pneu avec moins de fils, puisque ces derniers seront alors plus gros et plus résistants (mais aussi plus lourds).
La couleur des flancs peut aussi avoir une influence sur le comportement chez Hutchinson. Pour faire un pneu classique à flancs noirs, la carcasse est entièrement recouverte de caoutchouc chargé en noir de carbone, une petite particule très fine qui permet d’améliorer la durée de vie et la solidité du pneu. Pour faire une version à flancs beiges, il existe deux solutions : teindre les flancs, ce qui ne change rien au comportement du pneu, ou ne pas les charger en noir de carbone. Chez Hutchinson, c’est la deuxième qui a été retenue. Les flancs sont peut-être un peu plus fragiles mais ils sont surtout plus souples (le noir de carbone a tendance à rigidifier légèrement la carcasse), ce qui améliore le confort et l’adhérence. La différence n’est donc pas qu’esthétique.
Enfin, le renfort Hardskin est une maille qui court d’une tringle à l’autre du pneu pour le protéger des crevaisons. Avec sa forme de grille très fine, il se distingue des renforts des marques concurrentes qui utilisent généralement une toile continue. C’est un choix d’Hutchinson, qui privilégie la résistance à la déchirure pour ce renfort et admet qu’il puisse être un peu moins performant que d’autres face aux perforations (la marque compte sur le liquide préventif pour boucher ces petits trous). Cette forme lui permet aussi d’être plus souple que les renforts concurrents et donc de moins altérer le comportement intrinsèque du pneu.
On comprend donc que la version 127 tpi, avec ses fils très fins et son absence de renfort, est réservée à la compétition et aux terrains peu agressifs. Pour la majorité d’entre nous, la version 66 tpi + Hardskin sera le choix à privilégier, en version noire ou tan wall selon le pilotage, le terrain et ce qu’on recherche.
Les versions
Au total, le Kraken Racing Lab est disponible en 8 versions toutes tubeless ready, pour des prix allant de 36,90 € à 49,90 € :
- noir ou tan wall, 66 tpi, Hardskin, gomme tri-compound, 29×2.3 : 49,90 € et 800 g
- noir, 127 tpi, gomme tri-compound, 29×2.3 : 44,90 € et 700 g en 2,3″
- noir, 66 tpi, SideSkin (renfort flancs uniquement), gomme mono-compound : 36,90 €
Les deux versions haut de gamme sont fabriquées en France dans l’usine historique de Châlette-sur-Loing, mais ce n’est pas le cas de la version « économique », qui est fabriquée en Asie.
On remarque au passage que le pneu n’est disponible qu’en 2,3″, une section réservée à la descente et l’enduro il y a encore quelques années. Ici aussi, cela vient des athlètes du team MMR mais ils ne sont pas les seuls et Nino Schurter roule lui en 2,4″. C’est d’ailleurs une tendance générale dans toutes les disciplines du vélo : les sections se décalent vers le haut. En route, on est passé du 23 mm au 25 voire 28 mm, le gravel qu’on croyait stabilisé autour de 40-42 mm monte maintenant jusqu’à 50 mm, les 2,6″ sont désormais monnaie courante sur les vélos de 140 mm de débattement et plus…
Par souci de cohérence, le Skeleton Racing Lab est lui aussi disponible en 29×2.3 depuis quelques semaines (version 66 tpi Hardskin noire uniquement). Plus qu’un simple « upsizing », le pneu a été légèrement redessiné pour parfaitement s’adapter à cette nouvelle taille : la hauteur de gomme est un peu plus importante et les pavés latéraux sont plus longs et larges que sur la version 2,15″, des changements qui rendent le pneu un peu moins exclusif.
Sur le terrain
Notre prise en main s’est déroulée en trois temps. Nous avons d’abord pu faire quelques sorties sur nos sentiers dans les Alpes avec la version 66 tpi + flancs beiges, puis nous avons pu essayer la version 66 tpi + flancs noirs à l’occasion de la présentation presse dans le sud de la France, et nous sommes enfin retournés sur nos sentiers pour découvrir la version 127 tpi. Des terrains très différents qui nous ont permis d’avoir une bonne vue d’ensemble du comportement du Kraken, ainsi qu’un premier aperçu des différences entre les carcasses.
Dans les 3 configurations, le pneu était monté à l’avant comme à l’arrière de notre vélo. Dans le cadre d’une utilisation en XC pur, on le montera plutôt à l’avant uniquement couplé à un pneu plus roulant à l’arrière mais il peut être envisagé à l’arrière dans le cadre d’une pratique trail, avec un autre Kraken ou un modèle un peu plus cramponné à l’avant. Côté pression, Hutchinson conseille de partir sur une base de 1,5 bar pour 70 kg. Après quelques essais, nous sommes descendus à 1,3 bar à l’avant et 1,4 bar à l’arrière pour 65 kg et en version 66 tpi + flancs noirs. A ces pressions, nous avons mesuré le ballon du pneu à 55 mm sur une jante en 25 mm de largeur interne, ce qui confirme les chiffres avancés par la marque.
La première chose qui nous a marqués avec ce Kraken Racing Lab, c’est sa tenue sur l’angle. Habituellement, on est obligé d’adapter un peu notre pilotage lorsqu’on passe sur un vélo avec des pneus de XC car l’accroche latérale de ces pneus est moins marquée qu’avec des pneus d’enduro, mais ici, point de tout cela. On engage dans les virages sans arrière-pensée et le pneu tient parfaitement sa ligne, sans décrocher et entraîner de sous-virage. C’est bien mieux que les Bontrager XR3 qu’ils remplaçaient sur le Trek Top Fuel qui nous a servi de support pour ce test et ça nous rappelle les Maxxis Ardent Race, une référence en terme de monte avant polyvalente pour du XC/marathon.
Au freinage, le Kraken reste stable et on ne se retrouve pas avec la roue arrière qui part en glisse sur les côtés, un souci que nous avions pu rencontrer sur le Pirelli MTB R. Les chevrons rallongés et les différentes hauteurs de crampons sur la bande de roulement font vraisemblablement leur travail, bien aidés il est vrai par l’excellent comportement de la suspension du Top Fuel.
Le rendement nous a paru tout à fait honnête mais il faut reconnaître que ce n’est pas un point sur lequel on sent facilement les différences dans cette catégorie de pneus XC « polyvalents », à moins de comparer immédiatement avec un pneu concurrent.
Finalement, le seul moment où nous avons réussi à prendre le Kraken en défaut (mais on s’y attendait un peu) c’est dans les sections grasses ou boueuses. A l’avant, il arrive à survivre grâce à ses bons crampons latéraux, mais l’arrière est vite dépassé, au freinage comme au pédalage. C’est la limite de la polyvalence de ce pneu, qui s’en sort encore bien lorsque le sol est « simplement » humide.
Côté carcasses, la différence de souplesse entre les flancs noirs et les flancs beiges sur la version 66 tpi est réellement perceptible sur le terrain. A pression égale, ça se traduit par un pneu un peu plus confortable, qui filtre mieux les petits chocs types cailloux, racines fines… C’est très agréable mais cette plus grande souplesse a aussi un inconvénient : en descente, le pneu se déforme plus et tient moins bien sous les appuis.
Selon votre terrain de jeu et votre pilotage, on vous conseille donc de surgonfler légèrement avec la version à flancs beiges. Le confinement a interrompu nos tests prématurément mais il semblerait que la bonne valeur soit entre + 0,1 et + 0,2 bars par rapport à la version à flancs noirs pour retrouver le même niveau de support sans affecter l’adhérence. Vous perdrez alors le bonus de confort mais vous y gagnerez en rendement au pédalage. Si vos descentes sont peu engagées et/ou votre pilotage plutôt prudent, vous pouvez très bien envisager de ne pas surgonfler et tirer alors au maximum profit du confort supplémentaire.
A notre échelle, le principal intérêt de la version 127 tpi c’est son poids.
Enfin, la carcasse 127 tpi et flancs noirs procure des sensations similaires à la 66 tpi et flancs beiges. L’utilisation d’un grand nombre de fils très fins apporte une souplesse supplémentaire à la carcasse et compense vraisemblablement la présence de noir de carbone sur les flancs. Le principal intérêt de cette version est donc son poids puisqu’elle est 100 g plus légère que les 66 tpi. Sur un pneu de XC, c’est loin d’être négligeable. Nous étions un peu hésitants à l’idée de rouler avec des pneus sans renfort anti-crevaison mais aucune crevaison n’est à signaler pour l’instant, sur un terrain qu’on pourrait qualifier de moyennement agressif (cailloux, pierres plus ou moins coupantes, racines et quelques épines mais loin des calcaires acérés du sud de la France).
On vous avoue que lorsque nous avons vu le Kraken Racing Lab pour la première fois, nous étions un peu circonspects. Entre sa bande de roulement très marquée et sa ressemblance avec le Skeleton, il ne nous paraissait pas si polyvalent et plutôt adapté pour un montage arrière sur terrain sec. On a donc été agréablement surpris par son comportement lors des premiers tests sur nos sentiers et cette impression s’est renforcée en changeant de terrain et de carcasse. Le Kraken est un pneu très sécurisant, avec une bonne accroche et un comportement prévisible lorsqu’on atteint la limite. Il s’adresse à un très grand nombre d’utilisateurs, du pilote de XC ou de marathon qui cherche un bon pneu avant pour engager en descente au randonneur qui souhaite un pneu fiable et qui roule le plus souvent sur des terrains secs, avec le bonus du Made in France.
Hutchinson Kraken Racing Lab
à partir de 36,90 €
702 g(vérifié, version 127 tpi)
- Tenue sur l'angle et au freinage
- Côté prévisible et sécurisant
- Souplesse de la carcasse en 66 tpi flancs beiges et 127 tpi
- Solidité
- Poids en version renforcée (pour du XC pur)
- Limité sur le gras (mais c'est un peu hors programme)
- RAS
Évaluation des testeurs
- Prix d'excellence
- Coup de coeur
- Rapport qualité / prix
Plus d’informations : hutchinsontires.com