Test nouveauté | Focus : Docteur Jam² et Mister Sam²
Par Léo Kervran -
Décidément, on ne manque pas d’idées chez Focus. Après la refonte du Jam² à moteur Bosch en 2019, le lancement de son grand frère le Sam² l’année suivante et l’arrivée du Jam² à moteur Shimano et suspension revue fin 2021, la marque allemande présente aujourd’hui les nouvelles générations de ses Jam² et Sam² à moteur Bosch. Suspension entièrement nouvelle, géométrie encore affinée, batterie 750 Wh, déclinaisons en carbone… Sur le papier tout change mais qu’en est-il sur le terrain ? Nous avons pu les prendre en main, voici nos premières sensations :
Les Jam² 6 Series et 8 Series
Sorti en 2019, l’ancien Focus Jam² 6 Series avait un caractère de bon gros randonneur (lire Test | Focus Jam² 6.9 Nine : à mettre entre toutes les mains), un vélo en aluminium rassurant, facile et à l’aise sur beaucoup de terrains sans penchant particulier. Présentée deux ans plus tard, la version 7 Series toujours en aluminium mais en moteur Shimano apportait un peu plus de caractère sans tomber dans l’élitisme.
Aujourd’hui, c’est donc le Jam² 6 Series que Focus renouvelle, la version en moteur Bosch et cadre en aluminium. Il est rejoint au catalogue par le Jam² 8 Series, pourvu d’un cadre en carbone mais autrement identique en tout point aux modèles 6 Series.
Toutefois, la déclinaison en carbone n’était pas la seule motivation à l’origine de ce changement de génération. Il s’agissait aussi, et surtout, de faire rentrer le Jam² dans l’ère du Bosch Smart System, cette grosse évolution de l’assistance du fournisseur allemand qui comprend (entre autres) une batterie de 750 Wh, une meilleure ergonomie et plus d’options de personnalisation pour l’assistance. Resté sur l’ancien système beaucoup moins malléable, le Jam² commençait à perdre sérieusement en attrait face à la concurrence et une mise à jour devenait donc nécessaire.
Côté assistance, on a donc un moteur Bosch Performance CX avec une batterie de 750 Wh (ou 625 Wh sur les modèles d’entrée de gamme), contrôlés par le désormais habituel couple LED Remote et Kiox 300 sur les Jam² 6 Series (cadre aluminium), ou par le plus récent Mini Remote / System Controller sur les Jam² 8 Series (cadre carbone).
Pour celles et ceux qui n’en auraient pas l’habitude, on rappellera que si elle est très répandue, cette assistance donne une certaine impression de puissance et de force qui n’est pas toujours facile à gérer, notamment sur les modes les plus élevés (eMTB et Turbo), et qui peut facilement mettre en évidence un cadre mal équilibré en montée…
Côté suspension, le vélo offre 160 mm de débattement à l’avant et 150 mm à l’arrière, c’est-à-dire la même chose que le Jam² 7 Series et 10 mm de plus sur la fourche que l’ancien 6 Series. Cependant, le plus intéressant réside dans l’architecture de cette suspension : après avoir longtemps cru, défendu et essayé de perfectionner le système monopivot + biellette, Focus change radicalement d’approche et adopte pour ce nouveau Jam² un 4 bar linkage Horst Link (voir notre lexique), probablement l’architecture la plus répandue en VTT toutes catégories confondues car très polyvalente.
La marque de Stuttgart explique ce choix par une raison très terre à terre : ce nouveau système permet de gagner un poids important par rapport à ceux qu’ils utilisaient avant, ce qui permet dans une certaine mesure de compenser le surpoids de l’imposante batterie Bosch 750 Wh, parmi les plus lourdes du marché (4,4 kg à elle seule).
Lourde mais aussi longue, cette batterie Bosch est un casse-tête pour les ingénieurs et designers lorsqu’il s’agit de la faire rentrer dans un vélo sans déséquilibrer toute la machine. Comme d’autres avant elle, Focus donc décidé de faire pivoter le moteur vers le haut pour pouvoir placer la batterie dans la position la plus verticale et la plus centrale (loin de la roue avant) possible. C’est ce qui donne ces coudes si marqués aux deux extrémités du tube diagonal.
Elle est évidemment amovible et pour la retirer, ça se passe en bas du vélo. Le cache en plastique (recyclé) pivote et dévoile un bout de sangle qui permet de tirer facilement pour faire coulisser la batterie. Inconvénient, on aura les mains sales en cas de sortie dans la boue. Avantage, c’est très facile d’accès et on ne se bat pas avec le système de verrouillage comme cela peut parfois arriver.
Enfin, la géométrie évolue elle aussi sensiblement. L’angle de direction affiche 65,5° soit 0,5° de moins que sur la génération précédente mais on a la possibilité de descendre à 64,5° grâce à des coupelles réversibles. L’angle de tube de selle se redresse lui de 1,5° pour atteindre 76,5°, les bases s’allongent à 447 mm (+ 3 mm) et le reach gagne 10 à 20 mm selon la taille (460 mm en taille M). Avec le jeu de direction en position « Steep » (droite), les cotes de ce nouveau Jam² 6. Series sont presque identiques à celles du Jam² 7 Series.
Sept modèles composent la gamme au total, trois en aluminium sous l’étiquette 6 Series et 4 en carbone pour la famille 8 Series. Parmi ces quatre modèles, le plus haut de gamme est une édition limitée avec l’ensemble Bosch Performance CX Race plus sportif et exigeant, voire difficile à maîtriser dans certaines situations comme nous avions pu l’expérimenter (lire Prise en main | Moteur Bosch Performance CX-Race Limited Edition : le tout pour le tout). Au catalogue, on a donc :
- Jam² 6 Series (entre 24,4 et 25,7 kg) : Jam² 6.9 à 7399 € / Jam² 6.8 à 6499 € / Jam² 6.7 à 5799 € (batterie en 625 Wh pour ce dernier)
- Jam² 8 Series (entre 23,4 et 24 kg) : Jam² 8.0 à 8899 € (assistance Bosch Race) / Jam² 8.9 à 7999 € / Jam² 8.8 à 6999 € / Jam² 8.7 à 5999 € (batterie en 625 Wh)
Notez par ailleurs que tous ces vélos ont un « System weight » de 150 kg, c’est-à-dire qu’ils sont testés et acceptent officiellement des poids pilote + vélo allant jusqu’à 150 kg. Cette limite se situe plus souvent entre 110 et 130 kg, et quand le vélo pèse déjà 25 kg, ça compte…
Les Sam² 6 Series
Le Sam² c’est la même chose… en plus gros. Ici, on vise le (gros) enduro quand le Jam² se veut la machine à tout faire par excellence. Le cadre est en aluminium uniquement et le débattement passe à 170 mm derrière pour 180 mm devant, avec une suspension pensée et conçue avant tout pour les amortisseurs à ressort hélicoïdal.
La géométrie s’adapte logiquement au programme : l’angle de direction affiche 64,5°, voire 63,5° en retournant les coupelles, l’angle de tube de selle est encore plus droit que sur le Jam² (77,5°) et le reach s’allonge encore de 10 mm pour atteindre désormais 470 mm en taille M. C’est 20 mm de plus que sur la génération précédente ! De façon générale, le nouveau Sam² affiche une vraie géométrie d’enduro quand son prédécesseur semblait essayer de préserver une certaine polyvalence malgré son débattement imposant.
En ce qui concerne l’assistance, les accessoires et détails de construction, ce nouveau Sam² 6 Series offre le même niveau d’équipement que les Jam². On retrouve ainsi le Bosch Smart System, la potence « pieuvre » C.I.S (Cockpit Integrated System) pour l’entrée des gaines et Durits dans le cadre, la petite sacoche amovible sur le tube diagonal et de généreuses protections en plastique recyclé sur le tube diagonal et la base côté transmission.
Pas de carbone pour le Sam² afin d’accentuer encore son programme « gravity », le vélo n’est proposé qu’en aluminium ce qui signifie 6 Series dans la nomenclature Focus. En revanche, il a droit à une version en Bosch Performance CX Race alors que cette déclinaison n’est proposée que sur le modèle en carbone dans la famille Jam². La gamme compte donc 4 modèles échelonnés comme suit : Sam² 6.0 à 8699 € (Bosch Race), Sam² 6.9 à 7899 €, Sam² 6.8 à 6999 € et Sam² 6.7 à 5499 € (batterie en 625 Wh), pour des poids qui vont de 25,4 kg à 26,7 kg.
Sur le terrain
Le Jam² 6.9
Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas la version haut de gamme en carbone que Focus a mise à notre disposition pour cette découverte mais celle en aluminium, le Jam² 6.9. La bête est annoncé à 25,7 kg, un poids dans la moyenne pour un e-bike en aluminium mais qui reste important dans l’absolu.
Cependant, en grimpant dessus on sent assez rapidement que Focus a fait progresser le dynamisme du vélo. C’est flagrant par rapport à l’ancien Jam² 6 Series qui était très neutre et pouvait paraître un peu mou tandis que par rapport au 7 Series, déjà plus vivant, on a beaucoup moins cette notion de « vitesse critique » qui le rendait difficile à manier à basse vitesse. Résultat, ce nouveau Jam² 6 Series est bien plus agréable à toutes les allures et se rapproche des références du domaine. Qu’est-ce que ça doit être sur les modèles en carbone !
En montée, on profite évidemment des capacités du Bosch Performance CX : ça pousse ! Comme ses contemporains, le Jam² gère bien le cabrage, l’ère des e-bikes qui cabrent sur le moindre talus est désormais révolue. Bon, en insistant on arrivera toujours à obtenir une réaction plus difficile à contrôler mais le vélo se situe tout à fait dans la moyenne de sa catégorie, et en usage normal il n’y a aucun souci à se faire.
Pas de remarque sur l’autonomie cette fois, ce n’était qu’une prise en main et nous n’avons pas eu l’occasion d’évaluer ce point. Néanmoins, le système Bosch avec la batterie de 750 Wh est maintenant bien connu et on peut s’attendre à des performances similaires à celles des autres machines équipés de cette assistance.
Lorsque la descente devient un peu plus sérieuse, le vélo montre qu’il n’a pas perdu grand-chose de sa facilité de prise en main. On se balade sans problème sans se faire embarquer et quand on engage un peu plus (on ne se refait pas), le vélo garde des réactions très saines. Ce n’est pas une machine d’enduro, on a réussi à toucher ses limites comme sur ses prédécesseurs mais on n’a jamais perdu le contrôle et on arrive à calmer le jeu facilement quand c’est nécessaire.
On découvre au passage le comportement des freins Sram DB8, sortis au printemps dernier et qui ont la particularité de fonctionner à l’huile minérale quand le reste de la gamme du fabricant américain est au DOT (lire Nouveauté | Freins DB8 : de l’huile minérale chez Sram). Sur le papier, ils doivent troquer un peu de puissance (10 % de moins que des Code) contre un entretien plus facile (purge moins fréquente). On ne pourra pas se prononcer sur ce point mais on est plutôt d’accord avec ce qui est annoncé pour la puissance. 10 % de moins que des Code, cela reste toutefois bien puissant et il faudra une pratique relativement engagée pour avoir besoin de plus… Ça tombe bien, ce n’est pas vraiment le programme du vélo et il existe d’autres machines plus adaptées à cela avec le même débattement sur le marché.
En somme, ce nouveau Jam² 6.9 reste fidèle à ses racines, un bon e-bike passe-partout et à tout faire. Petit à petit, Focus améliore sa copie et si on écrivait à l’occasion de la sortie des modèles 7 Series qu’ils ne rendaient pas obsolète l’ancien 6 Series, celui-ci constitue un joli progrès. Malgré l’encombrement du système Bosch, Focus a réussi à évacuer une bonne partie de ses problèmes de gestion du poids et à rendre sa machine plus intéressante à piloter sans la rendre plus exclusive. Du mieux sur tous les tableaux, que demander de plus ?
Le Sam² 6.9
Justement, quand on touche aux limites du Jam² il y a le… Sam². Lui, pour le dépasser c’est autre chose. Notre modèle d’essai, là aussi en version 6.9 donc avec un montage similaire au Jam² de la veille à l’exception des suspensions, est annoncé à 26,6 kg. Seulement 900 g de plus ça paraît peu, encore moins en pourcentage (3,5 %), mais combiné au débattement et à la géométrie, les sensations sont complètements différentes sur le terrain.
Le Sam², c’est un tank. Mais un tank qui grimpe tout de même. Sans surprise, la machine (le monstre ?) brille moins dans l’exercice que son petit frère mais si on fait l’effort de se concentrer un peu, elle reste capable d’avaler des passages bien corsés.
En descente… Disons qu’il y a le vélo, et vous. Le Sam² avale absolument tout ce qu’on lui présente et si le couple géométrie-suspension venait à ne pas suffire, l’inertie apportée par le poids se charge de trouver un chemin quand même. Ça peut aller jusqu’à devenir piégeux puisqu’on peut parfois avoir l’impression que le vélo vit sa vie sans se préoccuper de qui est dessus. On se déconcentre alors, mais se déconcentrer quand on a tout ce poids et cette longueur à gérer, c’est rarement une bonne idée…
C’est un fait, le Sam² est plus difficile à piloter et demande plus d’implication que le Jam². Il est moins polyvalent dans le spectre de pratiques mais aussi dans les utilisateurs à qui il s’adresse. En ce qui me concerne, je suis plutôt du genre léger (65-66 kg) donc bien sensible au poids réel ou ressenti des VAE et j’ai eu bien plus l’impression de me battre avec le Sam² qu’avec le Jam², qui s’en sort plutôt bien dans le domaine. Marches, dévers, compressions, réceptions, plus vous êtes léger et plus le Sam² nécessite un pilote actif et présent pour briller.
Quand on se met dans cette zone en revanche, la machine impressionne par son confort et son efficacité. Comme dit plus haut, on a l’impression que rien ne peut l’arrêter… à part un bunny-hop, parce qu’on vous souhaite bien du courage pour le faire décoller du sol ailleurs que sur des sauts. Le Sam² se pilote comme un vélo de freeride, avec de la vitesse et de l’amplitude, pas des petits mouvements nerveux et des changements de rythme incessants.
N’allez pas croire que le Sam² est un mauvais vélo, il est juste plus exclusif et s’adresse à des personnes bien informées qui auront choisi ce vélo en toute connaissance de cause. A cet égard, il très différent du Jam² qui peut lui convenir à une plus grande variété de pilotes.
Verdict
Focus progresse d’année en année sur ses e-bikes et c’est plaisant à voir. La mention spéciale va au Jam², qui a gommé après 4 ans tous ses défauts les plus importants et se dote maintenant de déclinaisons en carbone bien placées en termes de tarifs quand on les compare à celles en aluminium. On a été un peu moins sensible au Sam² mais la machine est néanmoins bien là pour ces usages très spécifiques de l’e-bike et a certains arguments à faire valoir (le prix entre autre, vis-à-vis de la concurrence) dans ce segment où les vélos finissent toujours par se battre plus ou moins contre leur poids… et donc se ressembler. On espère toutefois que Focus profitera de cette nouvelle génération pour stabiliser un peu sa gamme parce qu’avec le rythme de nouveautés incessantes de ces dernières années, il y a de quoi s’y perdre facilement si on n’a pas suivi le sujet de près.
Plus d’informations : focus-bikes.com