Test nouveauté | Chiru Savage : un titane/carbone polyvalent et atypique

Par Olivier Béart -

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Test nouveauté | Chiru Savage : un titane/carbone polyvalent et atypique

Carbone, carbone, carbone : on dirait qu’il n’y en a plus que pour lui depuis quelques années. C’est vrai que ce matériau offre des possibilités quasi infinies dans le haut de gamme, mais on en oublierait presque qu’il y a des alternatives ! Heureusement, des gaillards comme Pierre-Arnaud Le Magnan et sa marque Chiru sont là pour nous le rappeler. En témoigne sa dernière création, le Chiru Savage, un tout suspendu 29″ polyvalent de 135mm de débattement qui mixe un triangle avant en titane et un arrière en carbone. Nous avons eu l’occasion de le découvrir sur nos sentiers.

 

Mais Chiru, c’est aussi un team de VTT marathon, avec des gars comme Fred Gombert (ancien champion de France de la spécialité) qui aiment les courses sur plusieurs jours, des épreuves type Transvé, etc. A ses heures perdues, Pierre-Arnaud aime aussi se faire une bonne sortie VTT plus engagée sur les hauteurs de Hong Kong ou dans ses Ardennes natales. C’est donc tout naturellement qu’il a eu envie de développer un full suspendu un peu plus engagé, spécifique et original que ceux qui figuraient à son catalogue jusqu’à présent.

Ne tournons pas autour du pot, et la marque ne s’en cache pas : les fulls Chiru actuels étaient des cadres génériques, certes performants car choisis avec soin auprès de manufacturiers reconnus et utilisés avec satisfaction par les coureurs du team, mais ils n’avaient pas l’originalité des machines en titane de la gamme qui, bien que faites aussi en Asie, sont de pures créations nées du vécu, de l’expérience et du cerveau très fertile de Pierre-Arnaud. C’est sur base de ce constat, et de quelques échanges notamment avec votre serviteur, qu’est né le Savage.

« L’idée est de profiter de la liberté qu’offre le titane pour concevoir un triangle avant qui va donner de la personnalité au vélo, et qui va aussi apporter plus de solidité et de durabilité que du carbone pour des pratiques plus engagées ou pour barouder. » Et notre homme ne croit pas si bien dire, puisque le trajet en avion depuis Hong Kong a permis de mettre le concept à l’épreuve. Bien que rangé dans un bagage adéquat, le premier prototype que nous avons essayé a été malmené lors des transferts en aéroport et son tube diagonal a pris un sacré coup. Mais, s’il a plié, il n’a pas rompu. Et le vélo, bien que visuellement marqué, est resté tout à fait roulable.

« Je ne suis pas non plus un pilote d’élite en descente ou en enduro. A l’heure où j’ai l’impression que les machines d’enduro deviennent hyper spécialisées et peut-être trop pointues pour pas mal de monde, j’ai voulu un vélo avec du débattement, une vraie géométrie contemporaine engagée, mais qui garde une certaine facilité d’accès et une vraie polyvalence. » Voilà de quoi garder un certain ADN Chiru, qui se marque aussi par la volonté de conserver un certain rendement et une capacité à enchaîner les bornes.

Pierre-Arnaud justifie son choix : « C’est pour cela que j’ai souhaité garder le triangle arrière en carbone, dérivé d’un de mes modèles marathon mais avec plus de débattement. On a une cinématique monopivot avec biellette qui permet de garder de la dynamique au pédalage ; et ce trait de caractère est renforcé par l’usage du carbone à ce niveau. Clairement, pour un bras arrière, la fibre offre de meilleures caractéristiques et cette pièce en titane n’aurait pas été aussi performante au niveau poids/rigidité. »

Specs, géométrie, poids et prix

Terminons ce tour du propriétaire par quelques chiffres et infos factuelles. L’avant est en titane 3Al2.5V, l’arrière en fibres de carbone Toray et le tout est annoncé à 2500g sans amortisseur, ce qui est un joli score sur ce créneau. Le prix annoncé pour le cadre seul est de 2849€. Des montages seront aussi proposés, ainsi que des kits avec des pièces CEC, comme les roues avec jantes et rayons en fibres Dyneema (voir plus bas dans la partie test terrain) ou un cintre qui inclut aussi ces fibres proches du Kevlar, plus souples que du carbone pour offrir une meilleure résistance aux impacts et une meilleure filtration des vibrations.

Du côté de la géométrie, donnée ici avec un montage en fourche de 140mm (il s’accorde avec des fourches entre 130 et 160mm de débattement), on voit qu’il y a de l’angle devant, un reach pas exagérément long et un tube de selle redressé pour favoriser le pédalage, bien dans la tendance des vélos enduro/AM engagé du moment. Trois tailles seront proposées dans un premier temps mais la porte n’est pas fermée à la production de cadres plus petits ou plus grands selon la demande.

Le Chiru Savage offre 135mm de débattement à l’arrière, il est prévu pour des roues 29″ avec des pneus jusqu’à 2.4 » de section, mais il pourra prendre plusieurs visages. Un plus engagé avec un amortisseur Fox Float X2, une fourche type Fox 36 en 150/160mm de débattement et des pneus/roues choisis en conséquence ; et un autre plus light, avec un amortisseur Fox Float DPS, qui va se prêter à des montages plus légers, moins engagés et qui vont jouer la carte de la polyvalence. Le proto testé ici étant en quelque sorte un intermédiaire entre les deux, avec quelques réserves sur l’amortisseur DPX2 que vous découvrirez plus bas. Enfin, signalons que par rapport au proto roulé ici, le triangle avant aura un tube diagonal cintré pour permettre le montage d’un porte-bidon.

Chiru Savage : premier test terrain

De passage en France, Pierre-Arnaud a fait un crochet par Liège, en Belgique, pour venir nous présenter la bête. Et aussi nous permettre d’effectuer un premier petit roulage, certes court, mais sur des sentiers que nous connaissons par cœur, ce qui permet déjà de tirer quelques premiers enseignements de cette rencontre. Rappelons aussi qu’il s’agit d’un proto, certes assez abouti et parfaitement roulable, mais sur lequel quelques détails vont encore être modifiés notamment suite à des séances d’essai et à des retours comme ceux que nous avons l’occasion de faire ici.

Un point sur lequel le bébé est déjà particulièrement bien né, c’est sa géométrie. Pas de doute, notre gaillard sait y faire et il a réussi un subtil mélange, inspiré à parts égales par les tendances AM/enduro du moment, son expérience personnelle et les retours des coureurs du team marathon. Il y a de l’angle devant, un reach généreux, mais le vélo reste facile à prendre en main et ne se réserve pas à une élite. Il est à l’aise quand on hausse le rythme, mais le rouler peinard en mode balade est aussi tout à fait possible, ce qui est devenu rare sur des machines avec un peu de débattement.

Quand on l’emmène dans nos descentes favorites, pas très longues mais bien cassantes, le Chiru Savage a aussi un côté tolérant très agréable. Le titane semble assez clairement apporter une filtration des vibrations, alors que la suspension se montre efficace. Nuançons tout de même : la cinématique semble bonne et son adaptation à un plus grand débattement réussie. Par contre nous sommes plus réservés sur le choix de l’amortisseur Fox DPX2, dont on sait qu’il ne va pas à tous les vélos. Et le mariage avec le Savage n’est pas optimal, dans la mesure où il se montre « sec » à mi-course sur les successions de chocs. Message visiblement entendu, puisque sur les vélos de production, on trouvera un Float X2 pour les montages et usages musclés, ou un plus petit Float DPS pour les montages plus légers. Voilà qui devrait régler le problème.

Très amusant à piloter au-delà de son côté facile et tolérant, le Chiru Savage permet aussi d’aller vite et de se sentir en confiance

Très amusant à piloter au-delà de son côté facile et tolérant, le Chiru Savage permet aussi d’aller vite et de se sentir en confiance. Au point que la fourche Fox 34 de notre exemplaire de test semblait vraiment limite par rapport au potentiel du vélo. Même pour la Belgique, une Fox 36 en 150mm de débattement nous aurait semblé plus appropriée, et on réservera un montage en 34 si on veut faire du Savage une sorte de vélo de marathon à grand débattement.

Il se démarque aussi grâce à un très bon rendement pour cette catégorie de vélos. On n’est pas sur un XC mais ça envoie quand même. Il se montre assez neutre au pédalage, de sorte qu’on ne doit pas vraiment utiliser le blocage de l’amortisseur. On peut envisager de rouler longtemps à son guidon sans s’épuiser prématurément ou avoir l’impression de se trainer. Les roues CEC (la marque d’équipements de Chiru) très légères renforcent aussi ce tempérament. Il s’agit d’une version renforcée et à jantes plus larges du modèle XC ultralight que nous avions testé il y a quelques mois. On retrouve aussi sur ces roues les fameux rayons composite Dyneema qui apportent un peu de souplesse et de tolérance supplémentaires au train roulant, tout en renforçant le dynamisme au pédalage. On pourra aussi arriver à un bon compromis avec un montage plus classique à rayons acier mais c’est une petite « cerise sur le gâteau » plutôt agréable et qui renforce le côté atypique de la machine.

Petit bémol néanmoins : si le triangle avant et les roues nous donnent l’impression d’une souplesse utile et bien dosée, la liaison avec le triangle arrière en carbone, reprise des modèles XC/marathon, nous a semblé un peu faiblarde. Conséquence : ce proto Savage donne l’impression de se tordre un peu trop dans les appuis et il lui arrive de développer des réactions parasites, par exemple en sortie d’un virage relevé pris avec détermination. Mais là aussi, à peine le souci évoqué que le concepteur propose une solution, avec la présence d’un axe renforcé et d’une double rangée de roulements de chaque côté sur le pivot principal.

Verdict :

C’est un proto que nous avons essayé et il n’est pas encore parfait, mais que c’est bon et rafraichissant de voir des acteurs se bouger et développer ce genre de machine originale et avec une vraie personnalité. Les fondamentaux sont là, avec un concept pertinent, une géométrie bien pensée et une cinématique qui fonctionne. D’ici à la sortie en série – imminente  à l’heure où vous lirez ces lignes -, des solutions auront été mises en place pour corriger les petits défauts identifiés, et nous pensons que le Chiru Savage pourrait se faire une petite place sur le marché en séduisant des bikers qui veulent rouler différent et qui cherchent un vélo à la fois original, avec une vraie personnalité, mais pas extrême et réservé à une élite au niveau du pilotage ou de réglages sur lesquels il faudrait passer des heures. 

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ParOlivier Béart