Test nouveauté | Sram Maven : aux grands maux les grands remèdes
Par Léo Kervran -
Enfin ! Après plus de deux saisons à jouer à cache-cache dans les paddocks de coupe du monde, Sram dévoile finalement son nouveau frein de descente/enduro : le Maven. Au programme, (beaucoup) plus de puissance que les Code, une approche complètement revue de la gestion de la température et bien plus encore… Au point d’annoncer peut-être une révolution pour la marque américaine. Nous avons déjà pu faire nos premiers tours de roue avec ces Maven, voici tout ce qu’il y a à savoir :
S’il y a bien un domaine qui fait débat dans le groupe Sram, ce sont les freins. Très présente en première monte grâce à son « poids » dans les secteurs de la transmission et des suspensions, la marque américaine n’a jamais réussi à faire l’unanimité sur le poste du freinage. Et ce n’est pas faute d’essayer !
Depuis 2021, elle présente au moins une nouveauté par an dans le domaine, un rythme effréné qui n’est suivi par aucun de ses concurrents. Sur ces trois dernières années, seules Hayes et Hope ont présenté un nouveau produit, et un seul chacune. Chez Sram, certaines nouveautés ont eu un effet bienvenu, à l’image des disques HS2 (lire Test nouveauté | Sram HS2 : des disques plus performants) mais de manière générale, il s’agissait de petites évolutions et rien n’a vraiment révolutionné la gamme, rien n’a fait l’effet d’un « choc » dans les mentalités.
Cependant, on savait que la marque travaillait sur quelque chose puisque depuis 2021, un mystérieux étrier Sram traînait dans les paddocks de coupe du monde de DH. On avait pu le photographier en 2022 sur les Trek de Loris Vergier et Vali Höll, puis l’année dernière dans une version différente, encore sur le vélo de l’Autrichienne. Aujourd’hui, la marque lève enfin le voile sur ce projet : c’est donc le Maven, un frein en développement depuis au moins 3 ans. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que la marque n’a pas fait dans la demi-mesure !
Sram Maven : présentation
Commençons par les chiffres : selon Sram, qui communique graphique à l’appui, les Maven sont presque 50 % plus puissants que des Code ou demandent 32 % de force en moins au levier pour atteindre la même puissance de freinage. Le surplus de puissance est tel que Sram recommande de descendre d’une taille de disque par rapport à des Code : si vous rouliez en 200 mm, du 180 mm pourrait – devrait – désormais suffire.
Pour y parvenir, la marque est repartie de zéro : que ce soit du côté du levier ou de l’étrier, les Maven n’ont rien en commun avec les Code. Au niveau du maître-cylindre, on ne sait pas grand-chose si ce n’est qu’il reçoit un nouveau SwingLink, cette pièce qui fait la liaison entre le levier et le maître-cylindre et qui contrôle la progressivité du frein (voir MTB Anatomy #2 : le fonctionnement d’un frein).
La forme générale est proche de celle des derniers Code et Level Stealth, avec tout le bloc placé le long du cintre, mais l’angle de sortie de la Durit a été revu pour mieux s’adapter aux différentes formules de passages de gaines (via la potence, le cache du jeu de direction, par des orifices dans le cadre…).
A l’autre bout en revanche, on en sait un peu plus sur l’étrier et la communication de Sram nous laisse penser qu’il s’agit de la pièce maîtresse du système. Il impressionne d’abord par sa taille, mais c’est voulu : le principe est de contrôler la chaleur dégagée par les freinages, plutôt que s’en débarrasser à tout prix.
Un frein, pour fonctionner de façon optimale, doit se situer dans une certaine plage de température. Trop froid, on ne profite pas de ses meilleures performances (encore plus avec des plaquettes à garniture métallique). Trop chaud, on s’expose au glaçage des plaquettes, qui fait chuter leur coefficient de frottement et dégrade sensiblement les performances (techniquement, le fluide choisit peut également arriver à ébullition mais c’est extrêmement rare en VTT si le frein est bien purgé).
L’idée de Sram, avec cet étrier bodybuildé, est de conserver le frein le plus longtemps possible dans sa bonne plage de température. L’étrier du Maven met plus de temps à chauffer et à atteindre cette plage que celui d’un Code, par exemple, mais il en met aussi plus pour surchauffer ou pour refroidir. Résultat (en théorie), un frein plus constant sur les longues descentes, qu’elles soient constamment pentues (risque de surchauffe) ou de profil varié (risque de refroidissement sur les sections les plus faciles ou rapides).
Cette approche différente de la température a une autre conséquence : adieu les plaquettes métalliques ! Enfin, pas complètement, mais contrairement aux Code qui étaient vendus avec cette garniture de série, les Maven seront montés avec des plaquettes à garniture organique. Comme le frein doit moins « surchauffer », la garniture métallique (qui tient mieux les hautes températures) est moins nécessaire et serait même plus difficile à faire fonctionner pour le grand public, car elle freine moins bien à froid que la garniture organique. Or, on vient justement de voir que l’étrier demande plus d’énergie pour chauffer…
Côté puissance, la marque annonce avoir sur travaillé sur les ratios (lire MTB Anatomy #2 : le fonctionnement d’un frein) et la rigidité. Pour les premiers, c’est impossible à vérifier : les pistons de l’étrier sont effectivement plus gros que ceux des Code (18,5 et 19 mm contre 15 et 16 mm) mais Sram n’a pas voulu nous communiquer la taille de celui du maître-cylindre.
Pour la rigidité, on peut s’en douter à la seule vue de l’étrier : 4 énormes vis relient les deux moitiés de la pièce, contre 2 habituellement. A ce stade, on peut se poser la question du monobloc, comme le fait notamment Magura sur l’ensemble de sa gamme. Contacté à ce sujet, le chef produit Benjamin Crowe nous explique que « d’une manière générale, il est possible de concevoir un étrier en deux pièces plus rigide qu’un étrier monobloc », avant d’ajouter : « Il y a quelques autres considérations qui font des étriers en deux pièces la meilleure solution, c’est pourquoi tous nos étriers sont en 2 pièces », sans nous donner plus de détails.
En tout cas, ce n’est pas pour faciliter la vie des utilisateurs : avec cette forme si particulière, il est impossible d’insérer les plaquettes par au-dessus dans les Maven, il faut obligatoirement les glisser par en dessous.
Enfin, la dernière information importante est invisible : le Maven fonctionne à l’huile minérale ! C’est plutôt rare de voir une marque changer de fluide au cours de son histoire, même si cela arrive, mais dans le cas de Sram ça fait l’effet d’une petite révolution tant le nom de la marque était associé au DOT.
Pour être tout à fait juste, il ne s’agit pas des premiers freins Sram en huile minérale : les DB8 avaient ouvert la voie en 2022 (lire notre présentation). Cependant, ce modèle fait figure de frein de seconde zone, un peu moins puissant qu’un Code pour un dosage plus facile destiné principalement à la première monte (en e-bike notamment) pour un public peu averti du fait de leur entretien plus facile.
Sur un frein haut de gamme, amené à devenir l’un des modèles phares de Sram, c’est donc une première. Pourquoi ce changement ? Nous n’avons pas la réponse à cette question. La marque évoque des joints de très bonne qualité au niveau des pistons mais elle ne compare pas leurs performances par rapport à ceux de ses freins en DOT et ne met rien d’autre en avant. Nous l’avons bien sûr contactée pour en savoir plus sur ces raisons, mais elle n’a pas souhaité nous répondre.
Plutôt DOT ou huile minérale ?
- le DOT est le fluide historiquement utilisé dans les systèmes de freinages des engins motorisés. Il est normé (DOT est l’acronyme du Department Of Transport états-uniens), ce qui signifie que tous les flacons de DOT 5.1 se valent, peu importe la marque. Même chose pour tous ceux de DOT 4 (attention à ne pas mélanger deux DOT différents), et ainsi de suite, ce qui peut rassurer sur la qualité du produit. Il est toxique, peut attaquer les peintures et est hydrophile, c’est-à-dire qu’il peut absorber l’humidité de l’air. Sur les freins de VTT, cela sous-entend qu’il faut le purger régulièrement pour conserver ses performances, et qu’il ne sert à rien de prendre un bidon d’1L pour le conserver longtemps, il se dégradera rapidement.
DOT ou huile minérale ?
- l’huile minérale n’est pas normée, ce qui signifie que chaque fabricant est responsable de la qualité de son huile. C’est pour cette raison que les grandes marques ont chacune choisi une couleur de fluide (rose pour Shimano, bleu pour Magura, vert pour Sram…), afin de s’assurer que leurs freins sont bien utilisés avec leur huile, même si toutes les huiles sont théoriquement compatibles entre elles. Elle est toxique comme le DOT (il existe des huiles sans danger pour l’environnement mais elles sont peu utilisées), en revanche elle ne s’attaque pas aux peintures et est hydrophobe, donc ne nécessite pas un entretien aussi fréquent.
Sans explications de la marque, on se contentera de conjecturer : on peut voir les choses du bon côté et se dire qu’on profitera de l’entretien simplifié, ou être plus pessimiste et penser que Sram a fait ce choix afin de vendre son huile minérale plus cher que le DOT…
Sram Maven : poids et prix
Ces nouveaux freins Sram Maven sont affichés exactement au même prix que les Code, ce qui est à la fois une bonne et une mauvaise chose : bonne parce qu’il n’y a pas d’augmentation, mauvaise parce que les Code figurent parmi les freins les plus chers du marché et qu’il en est donc de même pour les Maven.
La gamme se divise en trois niveaux :
- Maven Ultimate, 720 € la paire sans disques : levier en aluminium forgé et monté sur roulement, réglage de la garde et du point de contact sans outils, visserie titane, plaquettes organiques ;
- Maven Silver, 640 € la paire sans disques : levier en aluminium forgé et monté sur roulement, réglage de la garde et du point de contact sans outils, visserie inox, plaquettes organiques ;
- Maven Bronze, 440 € la paire sans disques : levier en aluminium embouti et monté sur palier, réglage de la garde sans outil, pas de réglage du point de contact, visserie inox, plaquettes organiques.
- pour rappel, les disques HS2 coûtent entre 58 et 74 € l’unité suivant la taille choisie (de 160 à 220 mm). Pour un set de freins complet, il faut donc rajouter 116 à 148 € aux tarifs indiqués ci-dessus.
En plus de ces trois modèles qui constitueront la famille Maven, Sram a décidé de célébrer ce lancement avec une édition spéciale, le Maven Ultimate Expert. La base technique est celle des Maven Ultimate mais l’étrier reçoit une finition « Red Splash » unique et surtout, le coffret est beaucoup plus complet : affiché à 699 €, il contient les deux freins en plaquettes organique, quatre disques (180 mm, 2×200 mm, 220 mm), une paire de plaquettes métalliques supplémentaire et un kit de purge complet.
Enfin, sur la balance, Sram annonce entre 362 et 371 g suivant le niveau de gamme pour un frein arrière « nu » (Durit de 1800 mm), sans collier de fixation, disque, visserie ou adapteurs
Et le reste de la gamme ?
Cette fois, pas de petite annonce cachée ou d’évolution en parallèle, les Maven sont bien le seul sujet de ce lancement. S’ils ont désormais plus fort qu’eux pour les pratiques les plus engagées, les Code ne disparaissent toutefois pas du catalogue. On les trouvera désormais en freins trail/AM, voire enduro suivant les préférences de chacun.
En matière de freinage, on a tendance à penser que « qui peut le plus, peut le moins » et on avait été très contents de trouver des Code sur le Scor 2030 et ses 120 mm de débattement (voir Test nouveauté | Scor 2030 : le petit vélo qui voulait voir grand). Si ce repositionnement signifie qu’on verra plus de montages dans ce genre, on ne va certainement pas s’y opposer.
S'ils ont désormais plus fort qu'eux pour les pratiques les plus engagées, les Code ne disparaissent toutefois pas du catalogue.
Les Level 2 pistons et 4 pistons restent quant à eux des freins de XC, et on ose même espérer qu’ils s’y cantonneront mieux à l’avenir maintenant que les Code sont descendus d’un étage. Les Level fonctionnent très bien dans leur domaine, mais des vélos comme le Santa Cruz Tallboy (lire Ce n’est pas la taille qui compte) méritent quelque chose de plus puissant…
Enfin, les G2 disparaîtront au fur et à mesure avec l’écoulement des derniers stocks. On rappellera au passage que les Level 4 pistons, présentés l’année dernière, sont très proches des G2, puisqu’ils sont faits d’un levier de Level 2 pistons associé à un étrier de (feu) G2. Si vous aimiez les G2, vous savez donc vers quel modèle vous tourner.
La fin du DOT ?
Ce choix de l’huile minérale pour les Maven soulève une question de taille : pourquoi toute la gamme ne passerait-elle pas à l’huile minérale ? L’absence de justification de Sram sur le choix de ce fluide ne fait rien pour lever le doute, mais si on s’en tient à la communication officielle, on ne voit aucune bonne raison qui conduirait la marque à faire cohabiter DOT et huile minérale dans sa gamme.
Si Sram ne parvenait pas à faire des bons joints en huile minérale avant, cette barrière est désormais levée. Et si les joints des Maven sont plus performants que ceux que Sram avait conçus pour le DOT, pourquoi les Code et Level n’y auraient pas droit ? Nous ne sommes sûrement pas au bout de nos surprises…
Sram Maven : premières impressions
C’est à la rédaction d’Annecy, dans les Alpes, que avons découvert les Sram Maven, version Ultimate Expert. Ici, on connaît bien les Sram Code et leur défaut principal : la montée en température dans les longues descentes raides. Habituellement, on a tout ce qu’il faut dans les environs pour mettre des freins à l’épreuve mais pour reproduire ce contexte de test au coeur de l’hiver, peu d’opportunités s’ouvraient à nous.
Le créneau allait donc être serré : quelques heures seulement après avoir découvert et installé les freins, direction Bourg-Saint-Maurice et son funiculaire ouvert aux vélos pour une ultime journée avant les vacances d’hiver des skieurs. Le choix n’est pas innocent : la descente est suffisamment longue, on connaît bien la piste, et on sait précisément où les Code peuvent faire défaut.
On embarque donc pour cinq descentes de 800 m de dénivelé négatif au guidon du Nukeproof Giga, qui nous sert de mule de test depuis l’été dernier. Avec les Code, nous avions choisi des disques de 220 mm devant et 200 mm derrière. L’ensemble offrait de bonnes performances avec des plaquettes en bon état et des purges régulières, mais dans les longues sections de freinage dans la pente on parvenait généralement à atteindre les limites du frein, malgré les avantages offerts par les disques HS2 depuis leur arrivée.
Avec les Maven, on suit (à moitié) les recommandations de la marque et on passe sur deux disques de 200 mm de diamètre. La prise en main des leviers n’est pas déroutante puisqu’on reconnaît, à l’arrêt, un touché et un levier presque identiques à ceux des Code. En revanche, dès les premiers mètres de descente et les premiers freinages, on sent que nous n’avons pas affaire à des Code. Il va falloir revoir notre dosage, car on arrive très vite au blocage des roues !
Petit à petit, on prend le pli et on retrouve un meilleur degré de gestion du freinage. Plus besoin de serrer fort le levier sur les gros freinages, la puissance est disponible sans forcer. Elle n’est jamais venue à manquer et en terrain gras, on pourrait presque la juger un peu trop présente puisqu’on bloque assez facilement la roue, ce qui diminue le contrôle sur le terrain.
Là où les Sram Code montraient systématiquement leurs limites, les Sram Maven impressionnent.
Et quand ça chauffe alors ? C’est tout simplement le jour et la nuit. Dans une section que nous avions clairement identifiée et où les Sram Code montraient systématiquement leurs limites, les Sram Maven sont impressionnants. On arrive au niveau de puissance souhaité, sans plus d’effort, et sans diminution des performances de freinage, même quand ladite portion est longue. On gagne ainsi en contrôle, en confort, en précision de pilotage et tout ça sans se fatiguer.
Au niveau de la fiabilité, il est encore bien trop tôt pour se prononcer mais on a senti, à quelques reprises, un point de contact un peu fluctuant. Rien de dangereux dans la mesure où ça n’affectait pas les performances, mais c’est toujours un peu gênant et encore plus à ce prix. Modèle de pré-série, réel souci qui toucherait toute cette première génération ou autre chose ? On comptait de toute façon poursuivre le test pour approfondir nos ressentis, mais on sera particulièrement attentifs à l’évolution de cette sensation.
Repositionnés sur des pratiques moins engagées, les Code ont encore largement de quoi faire le bonheur d'un bon nombre de pilotes.
Reste une question : est-ce que ces Maven nous donnent envie de jeter les Code par la fenêtre ? La réponse, comme souvent, est à la fois oui et non. Oui sans aucun doute en montagne, où on peut se retrouver facilement confrontés à des problématiques de chauffe ou de fatigue. Ailleurs, où ces problèmes sont beaucoup plus rares sinon exceptionnels, non et même pas du tout. Les Code ne sont pas des mauvais freins et repositionnés sur des pratiques moins engagées, ils ont encore largement de quoi faire le bonheur d’un bon nombre de pilotes.
L’année dernière, nous écrivions que « avec l’arrivée des Level 4 pistons et les petites évolutions des Code, on a le sentiment que la marque maîtrise enfin sa gamme en termes d’usages et de positionnements ». Sans être les références absolues, les Code et les freins Sram avaient leur place sur le marché, avec leurs points forts et leurs faiblesses. Visiblement, ce n’était pas suffisant pour Sram qui nous donne tort et montre qu’elle veut réellement dominer la concurrence. Y parviendra-t-elle avec ces Maven ? Il est encore trop tôt pour le dire mais une chose est sûre, on a véritablement affaire à un tout nouveau frein qui fera du bien dans certaines pratiques (on pense aussi aux e-bikes). On les accueille donc d’un oeil soulagé, mais on ne manquera pas de rester attentif à la fiabilité, un souci un peu trop fréquent sur les premières séries de freins et pas uniquement chez Sram.
Plus d’informations : sram.com
Et si vous voulez tout savoir sur les freins ainsi que sur les différents paramètres qui influencent leur fonctionnement, on vous invite à (re)lire notre épisode de MTB Anatomy sur le sujet : MTB Anatomy #2 : le fonctionnement d’un frein