Test – Niner ROS9 Plus : le précurseur
Par Olivier Béart -
Le Plus est sur toutes les lèvres et semble se profiler comme LA tendance de la prochaine saison. Chez Vojo, nous avons cherché à dépasser les « on-dit » et les aprioris en mettant la main sur le Niner ROS 9 Plus pour un test longue durée afin d’en savoir… plus sur ces vélos d’un nouveau genre et leurs gros pneus.
La plupart des modèles actuellement présentés sont en 27,5 », mais il en existe également en 29 », comme notre Niner Ros 9 Plus. Sur papier, le but est de proposer un grip hors du commun, notamment en côte, ainsi qu’une grande facilité dans les sections très techniques, notamment caillouteuses. Le tout en restant à un poids nettement plus raisonnable qu’un fatbike et en préservant un rendement correct.
On l’entend, on le lit et on peut le comprendre : beaucoup de bikers ont des réactions épidermiques en voyant ce nouveau genre de machines débarquer. « Encore un nouveau standard ?! » Oui, c’est vrai, il y a parfois de quoi être perdu.
Mais notre rôle de journalistes est de vous informer, et de tenter de vous donner les clés pour comprendre avec nos articles qui se veulent les plus objectifs possibles. Alors, plutôt que de rester coincés entre les « on-dit » des forums et les discours marketing des marques, nous avons voulu nous faire notre propre opinion en nous procurant un des premiers vélos du genre disponible, le Niner Ros9 Plus.
Même si tous les vélos « Plus » de 2016 n’ont pas encore été dévoilés, on voit aujourd’hui plusieurs segments qui se dessinent à l’intérieur même de cette famille de vélos à gros pneus. Certains sont des fulls suspendus qui se destinent à un usage all-mountain engagé, voire enduro sur certains types de terrains (Specialized Stumpjumper 6 Fattie, Scott Genius Plus,…); d’autres sont davantage des vélos de voyages (Rocky Mountain Sherpa); alors que d’autres encore sont plutôt de petits hardtails simples et orientés plaisir (à l’image du Specialized Fuse ou du Trek Stache).
Si on devait tenter de classer le Niner Ros9 Plus, c’est sans doute dans cette dernière catégorie qu’il irait le mieux, voire parmi les vélos de voyage. Mais il se démarque sur bien des points, qui en font un cas un peu à part.
Tout d’abord, c’est un 29 pouces ! La plupart des vélos « Plus » du marché sont actuellement des 27,5 » (sauf le Trek Stache) ce qui, à peu de choses près, donne des roues ayant le même diamètre que des 29 » conventionnelles une fois le pneu monté. Ici, on pourrait presque appeler le 29 Plus du 31 pouces.
Vu que Niner fait un peu cavalier seul dans le domaine, les composants sont assez rares et, à part la Manitou Magnum apparue récemment, on ne trouve pas de fourche suspendue pour ce genre de machine. Niner a donc construit une fourche spécifique dont la hauteur de 470mm est comparable à celle d’une fourche suspendue de 80mm de débattement. Enfin, dernier détail important et qui termine de faire du Ros9 Plus un vélo atypique : il est intégralement en acier CrMo 4130.
Le résultat, c’est un vélo entièrement tourné vers le plaisir de pilotage, sans prise de tête ni fioritures. Sa géométrie le montre : bien qu’apparu l’an dernier, il intègre déjà les tendances 2016, avec un reach assez long. Le top tube est aussi très sloping et surtout, les bases restent très courtes : 445mm.
Certes, c’est 25mm de plus que le Trek Stache mais seulement 6mm de plus qu’un Niner Air9 RDO de XC, ou 18mm de plus qu’un Ros 9 pour pneus classiques. Le tout, en plus, avec un boîtier de pédalier BioCentric 2 qui permet de régler la tension de chaîne en cas de montage en singlespeed, ou simplement d’ajuster la position de son pédalier pour, par exemple, abaisser son centre de gravité en cas d’usage avec des vitesses.
Pour arriver à ces fameux 445mm, Niner a gardé les grands principes du Ros9 classique, avec un tube de selle courbé et un yoke très fin pour relier les bases avec le boîtier de pédalier, mais cette dernière pièce a été revue pour être encore plus compacte. A tel point que les crampons du pneu passent vraiment très, très près du cadre.
Au niveau de l’axe, Niner est resté sur un classique 142×12 et n’est pas parti sur le Boost 148, dévoilé après la présentation du vélo. Nous verrons plus loin que ce n’est pas si anodin et que ces quelques millimètres dont beaucoup ne voient pas l’utilité auraient peut-être pu changer certaines choses sur le Niner Ros 9 Plus.
Au niveau du montage, outre la fourche rigide (avec axe de 15x100mm), le Niner Ros 9 reste également dans la simplicité : périphériques Niner alu jolis, bien finis et ergonomiques; freins Shimano Deore un peu lourds mais à l’efficacité correcte; un beau pédalier Race Face Turbine et une transmission Sram X1.
On en profite pour vous signaler que le Ros9 n’accepte pas de dérailleur avant (à cause de la courbure du tube permettant d’avoir des bases courtes) mais il est prévu pour recevoir un anti-dérailleur MRP spécifique (bash) via les pattes ISCG présentes sur le boîtier en cas de besoin.
Puis, on laisse le meilleur pour la fin, il y a évidemment les roues et les pneus ! Les roues proviennent de chez NoTubes, qui a également été, après Surly bien sûr, un précurseur avec ses jantes Hugo en 52mm de large (50mm interne) au profil très particulier. Très plates, elles sont constituée d’un tunnel central qui assure la rigidité, couplé à des crochets particulièrement fins et déportés. Cette technique permet de préserver un poids raisonnable de 630g pour la jante seule, alors que la paire de roues pèse 2100g.
L’offre en pneus 29 Plus est aussi très réduite et cela ne semble pas prêt de changer, puisque les premières grandes marques qui ont annoncé leurs gros pneus 2.8 et 3.0 » (comme Schwalbe ou Specialized) ne proposent que du 27,5 ». Seuls Trek (Bontrager) et Maxxis ont choisi aussi de proposer un modèle de pneu en 29+… et Surly, qui était également un précurseur du « Plus » (comme du fatbike d’ailleurs) et qui a l’habitude de produire ses propres pneus. Ici, on trouve un modèle Knard doté de multiples petits crampons assez rapprochés.
Voyons en pratique ce que cela donne !
Niner Ros9 Plus : le test terrain
En faisant le tour du propriétaire avant de monter en selle, on ne peut qu’admirer la superbe finition du cadre, depuis la peinture jusqu’aux soudures. Puis, quel plaisir aussi de n’avoir aucun réglage à faire avant de partir rouler. Ah, si, un : la pression des pneus, que nous avons choisi de mettre autour de 1,2bar pour commencer.
En s’installant aux commandes, on est interpellé par la largeur du cintre : 780mm ! Il faut sans doute bien cela pour faire tourner un engin avec de telles roues et on s’habitue finalement assez facilement mais il ne faut pas perdre cette donnée de vue quand on slalome entre les arbres, sous peine de rester coincé (oui, ça nous est arrivé).
Les grips se montrent aussi assez inconfortables, mais c’est facile à changer. Et cela ne parvient pas à ternir l’impression de bien-être qu’on a immédiatement en s’installant aux commandes car Niner fait incontestablement partie de ces marques capables de pondre des géométries magiques.
On voit bien le gros pneu avant juste sous son nez et un bruit de roulement un peu plus important que d’habitude rappelle que nous sommes au guidon d’une machine atypique, mais le Niner Ros9 Plus ne nécessite aucun temps d’adaptation, contrairement à un fatbike. On est aussi très surpris par le rendement !
Quand on part en sprint, le vélo décolle instantanément. Non seulement on ne ressent pas ses 13kg bien faits, mais on n’a pas non plus l’impression de tirer des pneus de tracteur. On n’est pas sur une machine de XC, mais on peut adopter un pilotage nerveux et sec si on le souhaite, sans que le vélo ne vienne dissiper toute l’énergie comme peut le faire un fatbike. On ne se sent pas non plus plafonné en vitesse de pointe et on peut sans souci tenir le rythme des collègues sur les portions roulantes.
Par contre, quand on relance énergiquement ou qu’on pousse le bike au maximum dans les appuis, on entend assez vite que le pneu touche le cadre au niveau des bases. Difficile de dire précisément ici d’où vient la faute, mais il nous semble que c’est un ensemble de facteurs (roue, cadre, pneu) et que Niner a dû tirer un peu trop sur la corde des standards actuels.
Le yoke est très proche du pneu et on se rend vite compte que le Boost est quasi indispensable sur ce genre de vélo.
Le moyeu arrière à entraxe de 148mm permet d’avoir des flasques plus déportées pour avoir des roues plus rigides, mais il permet aussi d’avoir des bases plus courtes tout en préservant un meilleur dégagement du pneu. Nous n’étions pas forcément convaincus avant ce test et nous attendons encore de voir l’apport sur des 29″ classiques comme les nouveaux Trek 2016 mais là, cela ne fait plus aucun doute que c’est une quasi obligation sur un bike en « Plus » ! A l’avant par contre, nous n’avons pas rencontré le même souci, mais nous sommes prêts à parier que Niner ne va pas tarder à « Booster » son Ros9 Plus.
Si le dynamisme global fait penser à un vélo classique, le Niner Ros9 Plus se rapproche d’un fatbike au niveau du grip en côte : un véritable tracteur ! A tel point qu’on s’amuse sans arrêt à choisir les lignes les plus improbables et difficiles. Avec ses repères habituels, on se dit que cela ne va pas passer… mais en fait, si ! Quel pied !
Surtout que le vélo ne fait pas le travail à votre place : il faut bien bouger sur la machine, pédaler rond (et réussir à pousser le plateau de 32 dents), mais le vélo est systématiquement là pour récompenser vos efforts et vous aider à atteindre l’objectif. Ce n’est en tout cas jamais à cause de lui qu’on abandonne. On retrouve aussi une sensation de grip bluffante dans les courbes, où il faut vraiment attaquer très fort pour prendre le bike en défaut… à condition que le sol soit bien dur !
Ca y est, on vient de mettre le doigt sur une des limites de ce vélo en « Plus » : si la traction du pneu arrière est monstrueuse quasi en toutes circonstances, même dans la boue, l’accroche latérale devient précaire dès que le sol est fuyant. Si c’est de la terre compacte ou qu’il y a des rochers bien ancrés au sol, ça passe.
Mais dans les autres circonstances, on est victime d’un effet « snow-scoot » très déstabilisant, avec un avant et un arrière qui partent dans des directions opposées. Essayez par exemple de rester en haut d’une ornière quand le sol est un peu glissant : c’est quasiment impossible. On manque aussi régulièrement de grip à l’avant au freinage car le pneu, de par sa largeur, semble ne pas « rentrer » assez dans le sol pour aller chercher la couche dure et donc l’adhérence.
Nous nous garderons néanmoins de tirer de trop grandes conclusions sur le « Plus » car nous pensons que les pneus Surly du Niner Ros9 Plus ont une grande part de responsabilité. Surly est une petite marque qui n’a pas accès aux meilleures gommes des grands fabricants, de sorte que le caoutchouc des Knard 3.0 n’est pas de première qualité. Leurs dessins ne sont pas très recherchés non plus et ils ont une forme qui nous semble excessivement ronde.
Avec un tel profil, difficile de faire travailler les crampons latéraux du pneu car le décrochage se produit bien avant.
Malheureusement, l’offre en 29″ risque de rester réduite et on ne pourra pas monter les très prometteurs Schwalbe Rocket Ron ou Nobby Nic 2.8 ou 3.0, pas plus que des pneus Specialized. La solution pourrait venir de Vittoria, qui propose un modèle en 29+, que Niner a d’ailleurs choisi de monter désormais en première monte.
Autre point noir : la solidité des jantes NoTubes Hugo. Il s’agissait d’un modèle de présérie et le souci a semble-t-il été solutionné depuis, mais nous les avons pliées à plusieurs reprises au niveau des crochets. Résultat : dégonflage immédiat du pneu. Par contre, nous sommes à chaque fois parvenus à redresser la jante sur le terrain et à regonfler le pneu tubeless avec une petite pompe. Nous aurions bien voulu descendre la pression à 1 bar, voire moins, mais ces soucis de crevaisons à répétition au moindre choc nous ont obligé à rouler à minimum 1.3, voire 1.4 bar de pression pour ne pas pincer. Et le confort, bien que plutôt bon, s’en est ressenti. Mais même gonflé entre 1 et 1,2 bar comme en début de test, la capacité d’absorption des pneus se limite aux très petits chocs.
Cela dit, malgré ces défauts que nous venons d’énumérer, qu’est-ce qu’on s’amuse au guidon de ce Niner Ros9 Plus ! Certes, on en ch… dans les descentes rapides pour maîtriser la direction vu l’absence de suspension avant, et on se fait parfois franchement peur. Certes, on rentre complètement rincé physiquement après chaque sortie.
Mais on a l’impression de faire du vrai vtt, pur, sans filtre, et avec l’esprit focalisé uniquement sur le sentier. Avec quand même ces fameux gros pneus qui rendent la machine bien plus capable dans les portions techniques qu’un « simple » tout rigide avec des pneus étroits qui sera vite limité aux parcours roulants. Le Ros 9 Plus, ce qu’il aime, ce sont les passages trialisants, avec de la rocaille de des racines à négocier à basse vitesse. Bref, des circonstances où l’absence de suspension avant est un atout car l’avant le plonge pas; alors que les gros pneus assurent une accroche démentielle sur les reliefs agressifs.
Verdict
Si nous devions comparer ce Niner Ros9 Plus à une voiture, ce serait à quelque chose entre la Lotus Super 7 et le buggy : pas vraiment polyvalent, pas vraiment rapide, mais capable de transformer la moindre sortie en une véritable expédition riche en sensations. Quant au « Plus », ce test ne permet pas de se faire un jugement ferme et définitif car le Niner est trop typé pour cela et on ne peut généraliser à partir d’un vélo de niche. Cependant, nous avons perçu plusieurs choses.
1) le nouveau standard Boost 148 semble indispensable avec du « Plus » pour faire des roues et des cadres bien rigides avec des bases courtes.
2) le rendement et le comportement global se rapprochent plus d’un vélo classique que d’un fatbike, et c’est plutôt une bonne nouvelle.
3) avec des suspensions, ce genre de vélo pourrait ouvrir de nouveaux horizons pour des bikers un peu justes techniquement. Certains sentiers rocailleux du Sud ou des épreuves comme la Transvé pourraient soudainement devenir bien plus accessibles.
4) le « Plus » ne conviendra jamais à tous, ni à tous les types de terrains, même si nous pensons qu’une option type Scott avec des pneus en 2.8 sur des jantes de 4″ pourrait s’avérer plus polyvalente. Nous attendons également beaucoup l’arrivée de nouveaux pneus car, comme aux débuts du 29 », on se cherche encore un peu à ce niveau et les pneus « Plus » que nous avons essayé jusqu’à présent nous semblent être trop ronds et manquer de grip latéral dès que le sol est un peu fuyant.
5) on verrait bien un moteur sur ce genre de vélo et on se dit que le Plus est sans aucun doute voué à un très grand avenir du côté des e-bikes, à défaut de remplacer ou de faire réellement de l’ombre aux 27,5″ et 29″ classiques.
Rendez-vous dans quelques mois, voire quelques années pour voir si nous avions vu juste. En attendant, si vous cherchez un 3e ou 4e vélo complètement atypique… et que vous êtes prêt à le payer près de 3500€, le Niner Ros9 Plus a de quoi vous faire découvrir des sensations inédites.
Plus d’infos : www.ninerbikes.com/ros9plus – Distribution Benelux : www.busybee.pro