Test – Niner Air 9 RDO : la boule de nerfs !
Par Olivier Béart -
Il y a quelques années, alors que les 26 » régnaient encore sans partage, on regardait Niner et ses fondateurs avec scepticisme alors qu’ils faisaient le pari de ne produire que des vélos 29 ». Aujourd’hui, plus personne ne rigole et la marque a conquis ses gallons dans le monde du vtt en grandissant sans perdre son identité et ses valeurs. Dernier né et modèle haut de gamme parmi les semi-rigides de la marque, le Niner Air 9 RDO mise tout sur la performance, sans oublier un petit brin de folie qui rappelle qu’il s’agit d’un Niner. Nous l’avons testé longuement sur nos terrains habituels et en course. Voici nos impressions :
Le Niner Air 9 RDO que vous avez sous les yeux est le deuxième du nom. Il remplace le premier RDO, dont on a tous la livrée verte « Green Frog » en tête, en apportant plusieurs modifications. Les trois lettres RDO signifient « Race Day Only »… difficile d’être plus explicite. Sur les cadres qui reçoivent cette mention, Niner utilise des fibres de carbone différentes de celles de ses cadres classiques, ainsi qu’un procédé de compactage sous pression qui permet d’affiner les parois et donc de gagner du poids. C’est ce procédé qui a été optimisé avec la nouvelle génération, permettant de gagner un peu plus de 150g, puisque nous avons eu l’occasion de peser les cadres d’ancienne et de nouvelle génération en M, à 1264g pour le précédent et 1095g pour le Niner Air 9 RDO en test ici.
Le poids n’a jamais été un cheval de bataille pour Niner (le premier Air 9 Carbon disposait d’un boîtier de pédalier excentrique permettant le montage en singlespeed !), et on est encore loin des cadres les plus légers du marché qui se situent autour des 900g, voire en dessous, mais l’effort est notable. D’autant plus que le nouveau Niner Air 9 RDO passe en axe de 142×12 (non pris en compte dans la pesée ci-dessus), et qu’il est toujours garanti 5 ans, usage compétition compris.
La dernière grande modification du nouveau millésime RDO concerne le passage des câbles en interne dans le cadre. Le précédent système a été fortement critiqué par les propriétaires pour sa complexité. Cette version simplifie les choses, avec des entrées et sorties plus grandes, compatibles Di2, ainsi qu’avec le nouveau dérailleur Shimano Side Swing. Les entrées/sorties sont rendues étanches par de petits inserts en caoutchouc, qui maintiennent aussi les gaines en place et évitent les bruits parasites. Par contre, par facilité, la Durit de frein arrière reste en passage externe, mais discret, sous le tube diagonal.
Pour le reste, le cadre du dernier Niner Air 9 RDO reste proche de son prédécesseur, avec notamment des formes très semblables, entre autres au niveau des bases et haubans d’une seule pièce, ainsi que du boîtier de pédalier PressFit30, ou encore de l’étrier de frein arrière PostMount placé au niveau de la base. Il reste également compatible avec tous les types de pédaliers, mono, double ou triple, ainsi qu’avec des pneus jusque 2.4 » de section.
A noter qu’il existe un cadre spécifique mono ou singlespeed, le One9 RDO, ainsi qu’un Niner Air 9 Carbon, identique en tous points au RDO, sauf au niveau des fibres utilisées et de sa fabrication, qui font grimper le poids d’environ 200g. Le Air 9 RDO est disponible en deux couleurs à la limite entre mat et satiné : noir/rouge comme ici ou un mélange de noir peint et de carbone vernis du plus bel effet. Le Air 9 Carbon est quant à lui disponible en noir/blanc et gris/vert.
Géométrie
Les cotes restent aussi presque identiques au précédent RDO qui, il est vrai, était assez en avance sur son temps avec notamment un avant assez long et un sloping très prononcé. Niner reste par contre sur des bases assez longues pour plus de confort, de stabilité et de grip en côte, mais privilégie un angle de direction assez droit, avec 71°, comme Specialized par exemple, mais complètement à l’opposé d’autres machines de conception très récente comme le BH Ultimate (68,5°). C’est un choix clairement assumé par Niner qui, on l’a dit plus haut, a une belle expérience en la matière et qui a prouvé qu’ils savaient y faire au niveau de la géométrie d’un vélo 29 ». Après tout, il n’y a pas qu’un chemin vers le bonheur… On remarque aussi que Niner conseille le montage de fourches en 100 ou 120mm. Le 80mm est mort et enterré, même pour le XC en 29 ».
Equipements :
Le vélo est largement vendu en cadre seul dans nos contrées, et il séduit nombre d’amateurs de montage à la carte. Il est vendu au tarif de 2399€ avec jeu de direction, blocage de selle et le fameux bouchon de potence YAWYD (You Are What You Drink) qui permet de monter une capsule de bière en guise de déco. A titre de comparaison, le One9 RDO, plus lourd car renforcé pour l’usage singlespeed, est proposé au même tarif, alors que le Air 9 Carbon est affiché à 1799€.
Evidemment, avec un cadre à 2400€, il est impossible de se monter un vélo à moins de 4000€ mais, pour ce test, l’importateur nous a confié un montage de rêve dont le tarif dépasse allègrement les 8000€. Rien que le cadre et les roues valent déjà plus de 5000€ ensemble. Mais, même si nous essayons toujours de garder le contact avec les réalités budgétaires lors de nos tests, on peut aussi rêver de temps en temps !
L’importateur belge Busybee nous a confié un montage très haut de gamme avec notamment un kit Sram comprenant une transmission XO en double plateau 38/26, ainsi qu’une fourche RockShox SID World Cup. Quant aux freins, il s’agit des très légers et puissants Magura MT8 (voir notre test ici).
Mais ce qui fait grimper l’addition, ce sont surtout les Enve M60 Forty (également importées par Busybee), plus larges les M50 que nous avons testées récemment, mais seulement 30g plus lourdes par jante. Le tout est monté avec de vieilles connaissances, les Schwalbe Racing Ralph et Rocket Ron en 2.25. Comme nous le verrons plus en détails dans le test terrain, les pneus travaillent effectivement mieux sur ces jantes élargies (23mm interne), mais la rigidité frontale propre à Enve reste très prononcée et les M60 demeurent des roues particulièrement exigeantes.
Niner dispose d’une large gamme de composants et c’est donc assez logiquement eux qui équipent notre Air 9 RDO de test. Clairement, ils n’ont rien d’accessoires au rabais. Tous jouissent d’une finition de très haut vol et, dans leur version RDO montée ici, ils sont aussi très légers. Au-delà des chiffres et de l’apparence, ils bénéficient de développements assez poussés, ce qui permet notamment à la tige de selle d’offrir un flex deux fois plus important que le modèle en alu, ou encore au cintre d’avoir une forme particulièrement agréable et ergonomique. Nous avons juste pris soin de changer la potence d’origine en 110mm par une autre en 90mm que nous avions dans notre atelier car le vélo était réellement trop long pour nos testeurs et le comportement global s’en trouvait altéré par rapports à nos références actuelles. « Pedal Damn It » est-il écrit sur le tube supérieur : d’accord, c’est ce qu’on va faire !
Niner Air 9 RDO : le test terrain
Nous connaissons assez bien la maison californienne et ses réalisations, puisque nous avons eu l’occasion de tester par le passé (pour d’autres magazines) aussi bien le premier Niner Air 9 Carbon que le précédent RDO, ainsi que la version alu. Un des membres de notre testing team possède même le nouveau Air 9 Carbon (non RDO, donc), ce qui va nous permettre de bien comparer le petit nouveau et de le replacer parmi d’autres références bien connues.
Même si elle ne colle pas vraiment aux derniers standards à la mode, la géométrie Niner prouve une nouvelle fois qu’elle est parfaitement aboutie. On se sent tout de suite comme à la maison… une fois la longue potence changée, mais c’est un détail vu que sa longueur peut être adaptée au moment de l’achat. D’emblée, le vélo se comporte comme un véritable jouet, et il ne faut lire aucun mode d’emploi pour prendre du plaisir dans les singletracks. Sa direction est d’une grande vivacité, mais jamais traître. Une réussite totale… tant qu’il n’y a pas trop de pente.
Quand on attaque des descentes longues, techniques et cassantes, on se rend compte qu’il faut être capable de tenir fermement l’engin car il n’est pas rare qu’il y ait quelques ruades de l’arrière. Clairement, le nouveau RDO est dans la lignée de son prédécesseur sur ce point : on prend beaucoup de plaisir à le piloter et il n’est jamais dangereux, mais gare au coup de fatigue, auquel cas c’est plus le vélo qui va vous conduire que l’inverse. Dans ce contexte, le choix des composants principaux joue un rôle majeur. On pense bien entendu aux roues, mais aussi à la fourche.
Les Enve M60 marchent clairement dans les traces des M50 et malgré leur largeur plus importante, elles restent très peu conciliantes avec le pilote. Elles se prêtent nettement mieux, selon nous, à un montage sur un full suspendu, que sur un hardtail déjà nerveux à la base comme le Air 9 RDO testé ici. Notre testeur propriétaire de l’Air 9 Carbon de dernière génération a d’ailleurs fait le test en montant ses roues alu (American Classic) sur le RDO et il a clairement retrouvé le vélo nettement plus tolérant et confortable qu’il connaît. A roues égales, la différence avec le Air 9 Carbon simple est assez mince, même si on sent le RDO un poil plus tranchant dans les relances.
Par la suite, nous avons aussi roulé le Niner Air 9 RDO avec des roues (Asterion Edition One) auxquelles nous sommes plus habitués et nous avons retrouvé un ensemble nettement plus cohérent, qui peut même s’aventurer sur de longues distances. Quand il faut pousser sur du plat assis sur la selle, la tige de selle Niner RDO se montre particulièrement agréable pour filtrer les petites vibrations. La position n’a rien d’extrême non plus et on peut alors rouler des heures à son guidon.
Par contre, reconnaissons un mérite aux Enve M60 : sur des épreuves courtes comme le championnat de Belgique XC auquel nous avons participé à son guidon, elles se montrent particulièrement réactives dans les relances, ce qui magnifie le côté dynamique et plein de pep’s du Niner Air 9 RDO qui s’est montré parfaitement dans son élément dans ce contexte où il faut relancer en permanence, tourner dans tous les sens et tailler ses trajectoires au millimètres sur un sol fuyant. Il n’y a qu’en fin de course, quand le regard se brouille, qu’on aurait aimé avoir un vélo un peu plus conciliant, mais pour le reste, il s’est montré parfait, en nous donnant même l’impression d’une forme olympique qui était pourtant loin d’être de la partie.
Au niveau des composants, au-delà des roues, nous avons beaucoup apprécié les freins Magura MT8 qui se sont une nouvelle fois montrés absolument parfaits tant au niveau de leur puissance que de la modularité, comme nous l’avions vu lors de notre test publié l’an dernier. La fourche RockShox SID a montré qu’elle a encore de très beaux restes, même si elle se montre moins onctueuse que la nouvelle RS-1, ou même que la Fox F32 Fit4 de dernière génération, ce qui influence également la perception d’ensemble du vélo. Sa rigidité ne nous a par contre pas semblé problématique. Enfin, comme le vélo ainsi monté est plus à l’aise sur des formats courts, nous aurions trouvé plus cohérent de l’équiper d’une transmission 1×11, parfaite pour le XC. Mais lorsque nous avons effectué des sorties de près de 4h à son guidon, on ne peut s’empêcher de penser que le double n’est pas près de disparaître car il nous a quelques fois sauvé la mise.
Verdict
Extrêmement performant et vif, maniable et précis, le dernier Niner Air 9 RDO a de quoi faire taire tous les réfractaires au 29 », si du moins il y en a encore. Par rapport à son prédécesseur, il n’y a pas de révolution, mais quelques belles petites évolutions (gain de poids, axe en 142×12, passage de câbles simplifié) qui lui permettent de rester plus que jamais dans le coup. Ce test a toutefois montré qu’avec un tel châssis, il faut redoubler d’attention lors du choix des composants, notamment des roues. Ce n’est pas tout de mettre du beau et du haut de gamme, il faut aussi veiller à la cohérence de l’ensemble sur le terrain. Nous avons aimé les Enve M60 pour leur incroyable répondant sous les coups de pédales, mais pour le reste, elles ont clairement plus leur place sur un full avec du débattement et des gros pneus. Avec des jantes alu plus conciliantes, le Niner Air 9 RDO ne perd rien de son côté joueur ni de son charme. Au contraire, sa douceur le rend encore plus désirable et son spectre d’utilisation s’élargit, notamment vers les longues distances. Il justifie alors aussi pleinement son coup de coeur car, si cette machine n’est pas parfaite, elle a une vraie personnalité, terriblement attachante.
Plus d’infos : www.ninerbikes.com/air9rdo – Niner Benelux : www.busybee.pro – Niner France : www.ninerconfigure.com