Test | Mondraker Raze VS Mondraker Chrono DC : quel alu pour s’amuser ?
Par Adrien Protano -
Le carbone s’est invité dans toutes les disciplines du VTT ces dernières années, au point de faire parfois presque passer les cadres en aluminium pour désuets ou de second choix dans l’imaginaire de beaucoup de pratiquants… À tort ou à raison ? Qu’est-ce qu’un cadre en aluminium moderne peut bien offrir sur le terrain ? Pour répondre à cette question, nous avons confronté un semi-rigide, le Mondraker Chrono DC, et un tout-suspendu, le Mondraker Raze, tous deux dans leur déclinaison en aluminium.
De plus en plus populaire, le carbone est aujourd’hui présent dans toutes les disciplines du vélo tout-terrain, du cross-country jusqu’à la descente en passant par le gravel. Le premier argument qui revient lorsqu’on évoque l’usage de carbone est évidemment son poids, indéniablement plus léger, et plus particulièrement son meilleur rapport poids/rigidité, que son rival l’aluminium.
Le second avantage majeur du carbone est son caractère anisotrope, comprenez là que ses caractéristiques mécaniques diffèrent en fonction de l’orientation dans laquelle les fibres de carbones sont tissées. Cela permet d’obtenir un cadre rigide par endroit (par exemple au niveau du boîtier de pédalier), et plus flexible dans d’autres régions.
L'aluminium reste une bonne solution... tant financièrement que pour certains usages.
S’il est vrai qu’on assiste à une tendance de démocratisation sur les cadres en carbone, et que de plus en plus de marques parviennent à proposer un modèle en carbone à un tarif plus accessible que par le passé, l’aluminium reste une bonne solution, financièrement parlant, mais aussi pour certains usages où le carbone se justifie moins.
Même si les vélos en carbone captent plus l’attention des développeurs, les cadres en aluminium ont fait beaucoup de progrès ces dernières années, tant sur le facteur du poids que sur le plan de la rigidité. En attestent les multiples victoires sur la scène internationale gravity (enduro et descente) de châssis en aluminium, et ce face à des modèles en carbone. Au-delà, les nouvelles méthodes de fabrication permettent d’obtenir des tubes bien plus fins que par le passé, avec des formes nettement plus travaillées, et certains fabricants s’attellent même à proposer des finitions proches du carbone, avec des soudures très discrètes, voire quasi invisibles.
Dès lors, ne devrait-on pas hésiter entre un cadre en carbone à l’équipement entrée/moyen de gamme et un cadre en aluminium doté d’équipements plus luxueux ? Au vu des progrès réalisés sur ce matériau ces dernières années, est-ce que l’aluminium n’a pas sa carte à jouer pour certaines pratiques ? Pour répondre à ces questions, nous avons demandé à Mondraker deux de leurs vélos « all-mountain » dans leurs versions alu. Et pour voir si les verdicts sont les mêmes dans les deux cas, nous avons opté pour un tout-suspendu, le Raze R, et un semi-rigide, le Chrono DC R :
Mondraker Raze R : le all-mountain qui donne le sourire
Le Mondraker Raze n’est pas tout à fait inconnu de la rédaction, le modèle en carbone ayant laissé une bonne impression suite à la prise en main réalisée lors de la sortie du modèle en octobre 2021 : Test nouveauté | Mondraker Raze : à la croisée de deux mondes ?
Pas vraiment le même, ni vraiment différent, c’est ici le modèle en aluminium 6061 qui nous intéresse. Destiné à un programme all-mountain, ce châssis aux roues de 29″ développe un débattement avant/arrière de 150/130 mm, comme son homonyme en carbone. Même géométrie, même cinématique, seul le matériau de construction du cadre diffère.
Contrairement au modèle en carbone, les gaines et Durits passent en interne, avec des entrées par le haut du tube diagonal cette fois, et non par le jeu de direction.
C’est dans sa version haut de gamme, baptisée « Raze R », que Mondraker nous a fourni son modèle all-mountain en aluminium, commercialisé à 3999€. À titre de comparaison, le ticket d’entrée en carbone est affiché à 5999€, là où le modèle le plus accessible en aluminium est à 2999€.
Si la différence de prix entre la version en matériau noble et celle en aluminium est notable, notons d’entrée de jeu qu’elle emporte une différence sur la balance : le Raze Carbon R est affiché à 13,6 kg, alors que le Raze R pointe à 15,4 kg… À quelques centaines de grammes près, c’est pas moins de 2 kg qui séparent les deux interprétations de ce même modèle.
Dans cette version, le Mondraker Raze est équipé d’un duo de suspensions en provenance de chez Fox : fourche Fox 36 Rhythm et amortisseur Fox DPS Performance. Rappelons que le Raze bénéficie de la cinématique « Zero Suspension System » propre à la marque, et qui a déjà su nous séduire par le passé.
Afin de proposer un tarif contenu, Mondraker a opté pour un groupe Sram NX/GX Eagle. Rien d’extravagant, mais une transmission fiable et durable qui correspondra à une majorité d’utilisateurs. Les freins sont des Sram G2 R, associés à des disques de 180 mm.
Du côté des roues, ce sont des Mavic Crossmax XL chaussées d’un Maxxis Dissector 2.4 (gomme 3C Maxx Terra, protection EXO+) à l’avant et d’un Maxxis Agressor 2.3 (gomme dual, protection EXO) à l’arrière.
C’est la marque de composants propre à Mondraker, ONOFF, qui s’occupe des périphériques, avec notamment une tige de selle télescopique de série. Le poste de pilotage est composé d’un cintre de 800mm de large et d’une potence de 30mm de long.
Mondraker Raze R : le test terrain
Pensé selon la marque comme un vélo axé sur le plaisir de pilotage, le Mondraker Raze s’engouffre dans une de ces idées reçues lorsqu’on parle de vélo en aluminium : un vélo amusant et confortable, où la légèreté d’un cadre en carbone n’est pas la priorité.
Et c’est un trait de caractère qui va rapidement transparaître du châssis, le Mondraker Raze est un vélo qui donne le sourire. Dynamique, joueur, réactif… Il ne demande qu’à sauter de virage en virage. On a l’impression d’avoir un véritable jouet entre les mains, avec nos singletracks comme bac à sable.
Ce côté ludique et facile à placer est témoin de l’accessibilité du châssis. Pas besoin d’être un pilote professionnel pour s’amuser et pour faire vivre le châssis. On se sent rapidement à la maison, et en sécurité à bord du Raze. Pour autant, le Mondraker Raze a sa personnalité propre et ne tombe pas dans la catégorie des vélos neutres et plutôt fades.
Vendu par Mondraker comme un « Mini-Foxy », le Raze est très confortable, même dans les sections les plus défoncées où le vélo reste stable et très lisible. On aurait presque l’impression d’être sur un châssis d’enduro, jusqu’à ce que les roues et les freins nous rappellent à l’ordre quant au programme « trail » auquel se destine ce Raze.
Au-delà de la cinématique « Zero Suspension System » propre à la marque, dont on disait déjà tout le bien qu’on pense sur de précédents modèles tels que le Crafty ou le plus récent Neatt, la construction en aluminium de cette version du Raze n’est pas étrangère aux sensations ressenties sur le terrain : pour une majorité des utilisateurs, et particulièrement pour des amateurs, nous pensons que cette version en aluminium est plus facile à rouler en descente que son homonyme en carbone, notamment en raison de sa très bonne filtration et de sa rigidité bien dosée.
Comme le révélait l’analyse de la fiche technique, la construction en aluminium entraîne une différence de poids non négligeable par rapport à la version en carbone. Avec environ 2 kg d’embonpoint par rapport à son homonyme en carbone, le Raze R ne peut prétendre aux mêmes capacités en montée ou sur l’aspect nerveux au pédalage.
S’il s’avère confortable et offre une bonne position pour grimper, c’est surtout la cinématique qui est à mettre en lumière. Sans avoir l’impression de pomper ou de consommer de l’énergie, la suspension arrière permet de gommer les aspérités du terrain et de coller la roue arrière au sol, source de beaucoup d’adhérence lors des montées techniques.
Vrai petit jouet pensé pour s’amuser les sentiers, le Mondraker Raze offre une interprétation intéressante de ce à quoi peut se destiner un modèle en aluminium. Plus lourd que ses concurrents directs en carbone, l’all-mountain de Mondraker ne promet pas d’être le premier en haut des sentiers, mais est-ce vraiment ce que l’on recherche ?
Mondraker Chrono DC R : un hardtail presque plaisir
Le Mondraker Chrono est la plateforme accessible de cross-country de la marque espagnole. Plus abordable que les modèles de la famille Podium, le Chrono se décline en une version originelle de 100 mm de débattement, ainsi qu’une nouveauté du catalogue 2023 de la marque, le Chrono DC et ses 120 mm de débattement.
S’inscrivant dans cette tendance des modèles de cross-country d’aller vers davantage de polyvalence, le Chrono DC se veut être un hardtail « downcountry », le DC de son nom en étant simplement l’acronyme. En plus du passage du débattement à 120 mm, cela se traduit également par de petites évolutions de la géométrie et des choix de composants en connaissance de cause.
Disponible tant en carbone qu’en aluminium, c’est à la seconde version citée que nous nous intéressons aujourd’hui. Construit en aluminium 6061, le Chrono DC R est un châssis ayant pour vocation d’effectuer le grand écart entre la pratique du cross-country et celle du trail.
L’augmentation du débattement avant à 120 mm, contre 100 mm pour le Chrono originel, porte l’angle de direction à 68,5° (contre 70° pour le Chrono). Si l’angle de tube de selle (72,5°) et les bases (430 mm) restent identiques, le reach se voit quant à lui porté à 440 mm en taille M, pour 426 mm sur le Chrono.
Notre modèle (Chrono DC R) est la version haut de gamme au sein de la famille Chrono DC, avec un tarif de 2199€, soit 350€ plus cher que le ticket d’entrée (Chrono DC) commercialisé à 1849€. À titre de comparaison, le modèle le plus accessible en carbone pointe à 2199€ tandis que le modèle le plus onéreux culmine à 3499€.
Notons que Mondraker vient de dévoiler la famille Chrono DC 2024. Si aucun changement n’est à noter sur le châssis en lui-même, c’est sur les coloris, les composants et surtout la diminution des prix que l’accent est mis ! En plus de baisser le prix des deux modèles précités de 400€ (Chrono DC à 1499€ et Chrono DC R à 1799€), conjointement à une légère descente en gamme de certains composants, la marque espagnole a ajouté le Chrono DC RR à son catalogue. Modèle le plus luxueux, celui-ci est affiché au tarif de 1999€.
Dans cette version 2023 que Mondraker a mise à notre disposition pour ce test, c’est Fox qui est aux commandes au niveau de la fourche avec une 32 Float Rythm.
Notons que sur les modèles 2024, c’est une fourche RockShox Recon Silver RL qui équipe le Mondraker Chrono DC R, et une Fox 32 Float Rythm sur le Chrono DC RR.
Sram s’occupe de la transmission avec un groupe GX Eagle, caractérisé par une cassette 11-50 et un plateau de 34 dents. Les freins sont de la même crémerie avec des Sram Level, associés à des disques de 160mm.
Le train roulant est composé de roues maison de 25 mm de largeur interne (MDK-XP1 29 TLR) et de pneumatiques Maxxis Ardent en 2.4 de section, gomme dual et carcasse EXO. Notons que le cadre est effectivement en mesure d’accueillir des pneus en 2.4, là où le Chrono est limité à une section de 2.2.
Au-delà du poste de pilotage maison de chez Mondraker, avec un cintre de 740 mm de large et une potence de 50 mm, remarquons que la marque espagnole a fait l’effort de doter le Chrono DC R d’une tige de selle télescopique de série !
Mondraker Chrono DC R : le test terrain
Là où le Mondraker Raze ressemble à la copie type attendue lorsqu’on parle du bon usage de l’aluminium en VTT, le Chrono DC R peine un peu plus à faire valoir ses arguments. Sans aucun doute parce qu’en l’absence de suspension arrière, les limites de l’aluminium se voient de manière plus flagrante.
Son poids n’est pas étranger dans cette difficulté à découvrir les bons côtés du châssis. Avec 13,9 kg sur la balance, il faut se lever tôt pour permettre au Chrono DC de se mesurer à ses concurrents en carbone. Si on pardonne plus à un tout-suspendu all-mountain l’embonpoint engendré par sa construction en aluminium, un hardtail en aluminium est un dossier plus difficile à défendre.
Le Chrono DC n’est pas un mauvais vélo, mais ses jolies facettes sont enfouies sous le poids de son châssis, et cachées derrière le rendement très moyen qu’il offre. Sur l’aspect de l’efficacité et du rendement, il n’y a pas photo… Les modèles en carbone ont une sacrée longueur d’avance.
L’ennui est que ce Chrono DC R s’avère également assez dur à l’usage dans les portions techniques et défoncées, avec une filtration des chocs et vibrations en provenance du terrain assez faible. Même abstraction faite de la fourche milieu de gamme, qui ne permet pas d’avoir à la fois du soutien sur les plus gros chocs et du confort sur les plus petits, le reste du cadre se déforme peu sur les vibrations.
Par contre, quand la pente s’inverse, l’ADN davantage « downcountry » de ce châssis – comparé à l’originel Chrono – se fait ressentir et le vélo nous permet de pousser un peu plus loin le curseur. Cette capacité du Chrono DC se marque évidemment par son débattement revu à la hausse, par sa géométrie évoluée, mais également par sa tige de selle télescopique de série qui permet d’être plus à l’aise au moment d’affronter des sections techniques et franchissements.
Malheureusement, ce Chrono DC R nous a semblé tiraillé entre les deux pratiques, ni suffisamment efficace pour être un vrai bon châssis de cross-country, ni assez radical (en géométrie notamment) pour être une bonne arme de trail polyvalente. Comme si Mondraker n’avait pas été assez loin et était resté dans un vague compromis, pile entre les deux. Au vu de son poids, nous pensons que le Chrono DC en aluminium aurait tout à gagner à pousser davantage le curseur vers l’endurigide, avec une géométrie plus capable, tout en conservant le Chrono comme arme semi-rigide accessible de cross-country.
Verdict
Oui, les cadres en aluminium ont toujours du sens et de l’intérêt, même face au populaire carbone qui s’est invité dans toutes les disciplines. Oui, mais pas sous n’importe quelle forme et pour n’importe quel usage ! Les deux châssis en provenance de chez Mondraker nous ont permis d’illustrer cette idée, une fois de plus.
Du côté des châssis semi-rigides de cross-country, cet essai nous pousse à conseiller d’opter pour un châssis en carbone à l’équipement plus bas de gamme, plutôt qu’une cadre en aluminium à l’équipement plus luxueux. Il est plus facile de faire évoluer son train roulant pour sublimer son cadre en carbone, que de tenter de rendre performant son vélo en aluminium. Attention, des exceptions existent évidemment. Dissimulé derrière son rendement moyen et son confort passable en raison de la faible filtration des chocs et vibrations du cadre, le Mondraker Chrono DC R a des arguments, mais qu’il n’est pas en mesure d’exploiter dans sa mouture en aluminium. On aimerait par contre vraiment le tester dans sa nouvelle déclinaison en carbone qui vient de sortir !
Mais comme ce n’est jamais ni réellement blanc, ni tout à fait noir, le Mondraker Raze R est venu démontrer que les cadres en aluminium ont et conservent un intérêt certain ! Non, vous n’avez peut-être pas toujours besoin d’un VTT en carbone, surtout s’il s’agit d’un tout-suspendu all-mountain. Ludique, amusant, sécurisant… Le Raze R est une machine à sourire. Loin de l’idée de performance, c’est un vélo sur lequel on ne se concentre pas sur l’aspect efficacité. Pourtant, l’all-mountain de Mondraker répond présent au moment de pédaler et de grimper. Simplement, il n’est pas question de se confronter à des modèles en carbone affichant quelques kilos de moins sur la balance au moment de remonter vers la prochaine descente. Tant mieux, ce n’est pas l’exercice qu’on préfère au guidon de ce Raze.
Pour plus d’informations : https://mondraker.com/be/fr