Test | Mondraker Crafty Carbon R : qui s’y frotte s’y pique !

Mondraker n’a pas pour habitude de faire des vélos consensuels, mais plutôt de véritables objets de passion qui reflètent la personnalité et l’engagement de leurs concepteurs. Les VTT à assistance électrique de la marque ne dérogent pas à la règle, comme le montre ce Crafty Carbon au cadre 100% composite. Nous l’avons testé dans sa version R, la plus accessible, même si on reste en présence d’un châssis haut de gamme destiné à des utilisateurs pointus et passionnés.

Nous avons déjà eu l’occasion de vous parler du nouveau Mondraker Crafty Carbon qui nous a été présenté et que nous avons eu l’occasion de prendre en main il y a tout juste un an (voir cet article). Nous n’allons donc pas vous refaire une présentation ultra détaillée du modèle, mais nous attarder aux spécificités de cette version R qui est la version la plus « accessible » de cette plateforme qui constitue le haut de gamme électrique chez Mondraker, avec une motorisation Bosch pour le côté assistance..

Lors de notre première prise en main au Portugal, nous avions roulé la version RR SL hyper haut de gamme (à gauche). Outre son tarif qui dépasse les 11 000€, elle est est équipée de toute une série de composants très pointus qui permettent de faire passer le poids sous les 20kg, mais qui sont de nature à rendre le comportement de la machine plus délicat. Nous avions donc à cœur d’essayer une version plus « normale » avec ce Crafty Carbon R affiché à 7499€, que nous avons testé sur une plus longue période et sur nos terrains de jeu favoris afin de voir ce qu’il a vraiment dans le ventre.

Châssis et motorisation

Avec son Crafty Carbon, Mondraker a clairement voulu concevoir un e-bike léger qui, malgré son débattement généreux de 160mm à l’avant et 150mm à l’arrière, se profile comme un bon pédaleur. Pour arriver à ses fins, la marque a donc eu recours à un cadre 100% carbone « Stealth Air », dont la mise en œuvre s’inspire des recherches effectuées pour les vélos de XC de l’enseigne espagnole.

Cela permet à la version tout haut de gamme de passer sous la barre des 20kg, et à notre modèle d’essai de peser à peine plus de 22kg avec sa batterie de 625Wh. Des scores impossibles à atteindre sans un cadre qui fait la chasse à chaque gramme superflu. Mais cela a imposé quelques choix radicaux, comme le fait que la batterie intégrée n’est pas amovible. Enfin, si, elle l’est en cas de nécessité, mais il faudra pour cela démonter le moteur et ce n’est pas une opération qu’on pourra effectuer simplement pour charger la batterie hors du vélo.

Ce choix technique radical permet d’avoir un tube diagonal « complet », sans aucune ouverture qui viendrait le déforcer, ce qui a permis de gagner beaucoup de poids en évitant de nombreux renforts. La charge ne peut se faire que via un port placé près du moteur, ce qui ne plaira pas à ceux qui ne disposent pas d’une prise de courant à portée de leur vélo. Toujours dans ce souci d’optimisation, les parois du tube diagonal sont si fines et si proches de la batterie qu’elles ne peuvent recevoir de perçage pour un porte-bidon. Celui-ci prend place quasi à l’horizontale, sous le tube supérieur. C’est accessible, mais mis à part avec un système de type Fidlock magnétique, on a tendance à perdre facilement ses bidons. Mondraker revendique cette radicalité et d’avoir fait primer le côté technique/mécanique sur les aspects pratiques, ce qui est un choix atypique mais respectable.

On retrouve aussi avec plaisir les formes tendues qui constituent la signature visuelle de tous les vélos Mondraker. Sur le plan du design, ce Mondraker Crafty Carbon est une réussite absolue, avec une partie basse imposante, combinée à un haut de cadre aux tubes fins et plats comme des lames. Sans oublier l’alignement quasi parfait des haubans dans le prolongement du tube supérieur. Quasi une œuvre d’art, qui ne laisse personne insensible !

On trouve aussi quelques détails intéressants, qui témoignent du soin apporté à la conception de cette machine. On pense notamment à l’intégration complète de la câblerie qui rentre directement dans le cadre au niveau de la douille de direction. Ou encore au petit garde-boue intégré sur les haubans. Le cadre est aussi doté de petites « ouïes » et d’une sortie au bas du tube diagonal, destinées à permettre à un léger flux d’air de venir lécher la batterie afin de la refroidir. Bon, on doute de l’effet réel de la chose, mais la touche design est sympa. Côté fiabilité, Mondraker a monté tous les points de pivot sur des roulements Enduro Maxx.

Du côté du moteur, Mondraker a fait le choix du Bosch Performance CX de dernière génération, dont la compacité et le poids plume collent bien avec la philosophie du vélo, tout comme son côté musclé et sportif. On dispose de série de la batterie de 625Wh, mais on peut aussi y monter une 500Wh, selon qu’on souhaite jouer plutôt la carte du poids plume ou de l’autonomie. Cerise sur le gâteau, on a aussi droit à la console de commande Kiox, quand beaucoup de concurrents (y compris haut de gamme) ont toujours le modèle Purion, ergonomique et pratique, mais franchement plus basique.

Géométrie

Un Mondraker ne serait pas vraiment un Mondraker sans la fameuse Forward Geometry. Les vélos avec un avant long et une potence courte sont aujourd’hui devenus la norme, mais l’histoire retiendra que la marque a été parmi les pionniers de ce type d’architecture. Et aujourd’hui encore, elle reste parmi celles qui en font l’application la plus radicale.

Ce Mondraker Crafty Carbon dispose d’une déclinaison spécifique e-bike du principe de la Forward Geometry, avec un tube de selle assez redressé pour favoriser le pédalage en côte raide, un reach important de 470mm en taille M et un angle de direction de 65,5°. Du côté des bases, on reste sur une valeur de compromis, avec 455mm, ce qui permet d’éviter d’être en délicatesse au niveau du grip de la roue arrière (qui a tendance à devenir plus précaire quand les bases sont très courtes) tout en évitant d’avoir un comportement de « péniche » sur un vélo qui serait trop long de l’arrière.

Cinématique et suspensions

Là aussi, on retrouve la signature Mondraker, avec la suspension Zero, qui est une forme de VPP (suspension à point de pivot virtuel – voir notre lexique pour de plus amples explications) dont le comportement a ici été adapté à l’e-bike.

Mondraker explique avoir cherché à obtenir un début de course assez souple pour offrir un bon grip et faire passer la puissance du moteur. On rentre ensuite dans une zone offrant plus de progressivité pour éviter que la suspension ne consomme trop vite le débattement sur les impacts et pour permettre au vélo de garder une bonne assiette. Après plusieurs essais, Mondraker a fait le choix de monter un petit Fox Float DPS « inline » sur son Crafty Carbon. Plus léger, il offre aussi selon la marque de meilleures performances que le DPX2 avec réservoir externe, ou même qu’un gros X2. Au niveau de la fourche, on a par contre droit au châssis Fox 36, bien nécessaire selon nous pour offrir la rigidité nécessaire pour avoir une proue précise sur un e-bike.

Quant à la cartouche, sur la version R testée ici, on retrouve la Fit Grip d’entrée de gamme… mais dont le comportement nous semble particulièrement convaincant. On est sur une fourche simple, facile à régler, efficace et flatteuse, qui n’a certes pas le même raffinement qu’une Grip2 aux très nombreuses possibilités d’ajustement (rebond et compression hautes et basses vitesses), mais que nous avons tendance à préférer à la cartouche Fit4 montée sur les Crafty Carbon plus haut de gamme. Cette Fit4 a en effet du mal à cacher le fait qu’elle est apparue d’abord sur des fourches de XC et son comportement parfois assez « sec » nous avait troublés sur le Crafty Carbon RR SL testé au Portugal.

Equipements

Si le Mondraker Crafty Carbon R testé ici dispose du même cadre que les autres modèles de la gamme (RR à 8999€ et RR SL à 11999€), on voit qu’il y a quelques concessions qui ont été faites sur certains équipements afin de faire un peu baisser le tarif (7499€). Mais comme nous allons le voir, si sur le papier on peut « tiquer » à la lecture de la fiche technique, en pratique nous avons trouvé ces choix tout à fait fonctionnels et pas de nature à brider le comportement de la machine.

La transmission est un bel exemple : on a un mélange de Sram GX et NX Eagle, qui peut sembler fort basique eu égard au tarif, mais qui se montre plutôt agréable à utiliser sur le terrain. Les changements de vitesse restent précis et l’ensemble encaisse bien le couple du moteur. Seul le changement de vitesse NX est un peu mou sous le pouce, mais rien de rédhibitoire. On apprécie par contre la petite touche sympa avec les manivelles Race Face en 165mm.

Elément important, les roues de 29″ viennent de chez DT Swiss avec la série 1900 en version Hybride à jantes de 30mm de large. Ce modèle spécifique e-bike n’est pas vraiment léger, mais moyeux et jantes sont de qualité et leur robustesse ainsi que leur rigidité bien dosée en font une valeur sûre.

Contrairement au modèle RR SL qui est équipé de pneus légers et peu cramponnés pour passer sous les 20kg, on a droit ici à des valeurs sûres au niveau des gommes, avec du Maxxis Minion DHR à l’arrière et DHF à l’avant, le tout en carcasse Exo+ et section de 2.6″ qui est un bon compromis entre le format « plus » (2.8″ et au-delà) et les pneus 29″ classiques plus fins.

Le freinage est confié aux nouveaux Sram G2 RSC. Progressifs, faciles à doser et dotés de leviers dont nous apprécions beaucoup l’ergonomie, ils conviendront parfaitement pour un usage all-mountain et des pilotes légers, mais ils risquent de montrer assez vite leurs limites dans des régions avec plus de dénivelé et/ou pour des pilotes plus lourds. Ils constituent cependant une énorme évolution par rapports aux Guide de première génération, que nous avons régulièrement critiqués.

Enfin, les périphériques sont issus du catalogue OnOff, la marque d’équipements de Mondraker. On apprécie leur très belle finition et leur design valorisant. La tige de selle télescopique mérite une mention spéciale pour son fonctionnement très onctueux et sans le moindre raté.

Mondraker Crafty Carbon R : le test terrain

Lors de notre première prise en main, le Mondraker Crafty Carbon RR SL nous avait donné l’impression d’un vélo au caractère bien trempé ! Nous ne savions pas exactement quelle part de ces sensations était à attribuer aux composants, et notamment aux roues carbone. Nous étions donc curieux de tester cette version aux équipements plus classiques et basiques. Et il n’a pas fallu longtemps pour se rendre compte que même dans cette version moins luxueuse, le vélo ne perd pas grand chose de son tempérament !

Alors, soyons clairs, ce n’est pas l’e-bike le plus facile à prendre en main et on ne le conseillera pas du tout aux simples randonneurs et aux débutants qui risquent de trouver dans ce Crafty Carbon une machine qui les dépasse et dont ils ne parviendront pas à tirer la quintessence. C’est un peu comme pour des skis : on ne débute pas avec des spatules de race qu’on ne parviendra pas à dompter et à faire tourner. Mais ça tombe bien car, pour eux, il y a déjà pléthore d’autres vélos sur le marché, et il y a aussi le Dusk qui se veut plus « grand public » dans le catalogue Mondraker.

Par contre, si on est un pilote qui a un peu plus de bouteille, et qui cherche à retrouver certaines sensations de légèreté et de dynamisme des vélos classiques sans assistance, ce Mondraker Crafty Carbon mérite assurément qu’on s’y intéresse. Même dans cette première version de la gamme, l’impression de légèreté de l’ensemble reste bien présente. Et c’est surtout en descente que cela se perçoit. A la fois hyper sécurisant de par sa longueur, sa géométrie et ses suspensions efficaces, il sait à la fois survoler les passages défoncés comme un vrai « gros vélo » et se montrer très agile dans les changements de direction.

Enfin, quand on parle d’agilité, il va falloir une certaine vitesse et un bon niveau d’engagement pour vraiment en profiter et découvrir l’énorme potentiel de la machine. Pas vraiment amusant, voire même un peu pataud à basse vitesse, il se libère totalement dès qu’on prend un peu de vitesse. On vous l’a dit, ce n’est pas une machine pour se balader, mais pour souder ! Par contre, quand on roule fort, quel plaisir ! Le vélo ne semble pas réellement avoir de limites, si ce n’est son poids qui, bien que faible pour un e-bike, reste conséquent quand il faut freiner. On ne triche pas avec les lois de la physique.

En côte, la traction de la roue arrière est bonne, mais il faut beaucoup travailler sur le vélo pour garder l’équilibre et bien poser les deux roues sur le sol. C’est surtout la roue avant qui se montre un peu rétive et nous avons d’emblée mis la potence au plus bas afin de pouvoir bien charger l’avant. Pourtant, la douille de direction n’est pas vraiment haute, mais si on ne place pas le poste de pilotage au plus bas, nous avons eu du mal à bien poser l’avant, tant en montée qu’en descente. Peut-être qu’une fourche en 150mm lui conviendrait mieux ?

Du côté des suspensions, l’arrière ne mérite que des éloges. Le petit amortisseur Fox est impeccable et la cinématique Zéro ne semble jamais dépassée. Elle offre aussi un confort assez agréable sur de longues sorties. A l’avant, la Fox F36 à cartouche Fit Grip est onctueuse et très agréable, même si elle manque un poil de maintien en milieu de course. On prendra soin de rajouter un ou deux volume spacers du côté air pour contrecarrer un peu ce phénomène, mais on ne pourra pas complètement enlever le caractère un peu creux de la cartouche hydraulique. Par contre, nous l’avons clairement préférée à la F36 Fit4 qui équipe le modèle haut de gamme, dont le côté « raide » rend le vélo trop pointu et moins agréable à notre goût.

Les petites roues alu DT 1900 nous ont aussi semblé bien plus cohérentes sur ce châssis que les très raides DT 1200 en carbone. Même si Mondraker s’en défend, le cadre du Crafty Carbon est plutôt bien rigide et des roues alu un peu souples lui vont comme un gant. Il faut toujours s’appliquer un peu mais on garde plus facilement les lignes en dévers et le vélo est plus facile à contrôler dans des conditions humides et glissantes. Trouver le grip demande un peu de concentration, mais on peut dire ici que cela fait partie du jeu et du plaisir de pilotage de cette machine. Il faut toujours la dompter, mais elle est plus facile à apprivoiser dans cette version. Comme quoi, plus cher ne veut pas forcément dire mieux !

Un dernier point avant de passer à la conclusion : nous avons été surpris par l’autonomie de notre modèle de test, assez faible. Nous avons eu du mal à dépasser les 40/45km et 1000m de d+ en batterie de 625Wh, alors que nous avons fait bien plus de 50km et près de 1500m de d+ avec la plupart des autres vélos en Bosch de dernière génération passés entre nos mains. Mais il devait s’agir d’un souci propre à ce modèle d’essai, car lors de la prise en main du RR SL, nous avions constaté une très bonne autonomie. Nous avons également reçu des témoignages de propriétaires de ce modèle, qui n’ont pas évoqué ce souci. On ne tirera donc aucune conclusion et on évitera de généraliser, mais nous nous devions de le mentionner par souci de transparence.

Verdict

Même dans cette première version moins luxueuse, le Mondraker Crafty Carbon garde son tempérament de feu qui le rend si atypique dans la production actuelle, et si attachant. Ce n’est pas un vélo passe-partout, et il ne connaît pas le consensus mou. C’est un vélo radical, qui demande de l’engagement pour en tirer pleinement parti. Mais si on l’aime, c’est justement pour ses petits défauts, pour ses choix techniques osés et ses aspérités qui le rendent unique et si attachant. Si vous savez où vous mettez les pieds et que vous cherchez un e-bike hors normes, façon bête de course sans aides à la conduite, histoire de pimenter chacune de vos sorties, ne cherchez pas plus loin, il n’y en a pas deux comme lui dans la production actuelle. Bonne nouvelle aussi, il nous a même semblé plus agréable, ludique et domptable dans ce modèle R que dans son montage RR SL inutilement élitiste.

Plus d’infos : https://www.mondraker.com/hk/fr/2021-crafty-carbon-r

Notre article de présentation du modèle et notre prise en main du RR SL : https://www.vojomag.com/test-nouveaute-mondraker-crafty-carbon-rr-un-poids-plume-qui-pese-dans-le-game/