Test – Lapierre Zesty TR 529 Ei : le Smart-bike à la française
Par Olivier Béart -
Santa Cruz Tallboy, Specialized Camber, Rocky Mountain Instinct ou encore Trek Fuel EX : ces noms vous parlent et vous font rêver ? N’oubliez pas non plus le Lapierre Zesty TR 29 » dans votre liste de vélos de trail polyvalents ! Un cadre en carbone, 120mm de débattement, de grandes roues… mais aussi et surtout une géométrie signée Nicolas Vouilloz et une très intéressante suspension électronique Ei-Shock : voilà un programme alléchant. Vojo a réalisé un test longue durée de ce modèle. Voici nos conclusions.
Dans ce segment, la gamme Lapierre se divise désormais comme suit : Le X-Control 120mm (qui n’est plus disponible qu’en roues de 27,5 » et que nous avons testé en version 727 lors du Roc) pour un usage plus sportif, le Zesty TR en roues de 29 » pour celui qui recherche la confiance, la polyvalence et qui vise les longues sorties et enfin le Zesty AM 140mm en roues de 27,5 » pour un usage plus montagnard ou enduro light.
La grosse nouveauté 2015 sur le Zesty TR, c’est l’apparition d’une nouvelle version du système Ei-Shock. Sorti en 2013, ce système de blocage électronique s’est d’emblée montré efficace… mais un peu complexe et doté d’une sorte de compteur de vitesse assez cheap digne de celui que vous aviez sur le vélo reçu pour votre communion.
Sur la dernière mouture baptisée Ei-Shock Auto, le mot d’ordre est « simplicité » ! Au niveau de l’amortisseur, rien n’a changé en apparence et il s’agit toujours d’un RockShox Monarch doté d’une petite excroissance spécifique qui abrite le dispositif électronique de gestion du blocage. Par contre, sur la commande qui est située au niveau du bouchon de la potence, tout a été revu.
Il n’y a désormais plus qu’un seul bouton et une petite diode LED qui indique sur quel mode on se trouve : vert, c’est… ouvert, orange signifie qu’on est en mode intermédiaire et rouge que c’est bloqué. Nous savons ce que vous pensez : un bouton de commande situé sur la potence, on a vu plus accessible. C’est vrai, et on peut aussi regretter qu’on soit obligé de placer la commande au sommet du pivot de fourche sans pouvoir choisir l’endroit où on la place, comme une simple entretoise de direction. Mais ce n’est pas vraiment gênant en pratique car l’Ei-Shock est doté d’un mode automatique particulièrement performant qui choisit pour vous le réglage de suspension le plus approprié. Voici quelques petits schémas qui expliquent comment tout cela fonctionne :
On le voit sur l’image du haut, le vélo est doté de trois capteurs : un au niveau de l’axe du pédalier, qui repère quand le pilote pédale ou pas, et deux autres situés sur la fourche et au niveau de la potence afin de voir s’il y a des chocs provenant du terrain… ou pas. Toutes ces informations sont envoyées vers le système central qui analyse les données en un dixième de seconde, soit pile le temps qu’il faut pour que le roue arrière arrive sur l’obstacle que la roue avant vient de rencontrer, lorsqu’on roule à une vitesse de 36km/h. Nul doute que ces performances évolueront très vite et que ce temps de réponse se réduira à l’avenir, mais comme nous le verrons sur le terrain, le résultat est déjà très efficace.
En pratique, voici l’accéléromètre situé au niveau de la fourche Rock Shox Reba RL. Attention : il n’influence en rien le comportement de la fourche, qu’il faut toujours bloquer manuellement avec l’habituelle mollette située sur la droite du té. Dommage aussi que le capteur soit fixé simplement avec de petits colliers de serrage. Bon, c’est pratique en cas de changement de fourche et on n’est pas lié à un modèle bien précis, mais cela fait quand même un peu bricolage.
C’est en tout cas lui qui enregistre les mouvements provenant du sol, en combinaison avec le capteur de la potence. Ce qui permet à la suspension de s’ouvrir automatiquement en descente, quand il repère une répétition de chocs à haute vitesse et que le biker ne pédale pas, ou encore en côte et sur le plat quand il détecte un gros impact même si le pilote appuie sur les pédales. Quand le sol est plat et qu’on pédale, l’amortisseur se bloque et quand il n’y a que de petits impacts, il se met en position intermédiaire (plateforme).
Le système est alimenté par une nouvelle batterie cylindrique qui garantit une autonomie de 25h. Nous avons pu vérifier que le chiffre annoncé par Lapierre est même assez prudent car nous avons réussi à rouler quasiment 30h sans la moindre recharge. Quant au risque en cas de panne, il est limité, puisque la suspension se débloque alors simplement. Ici aussi, on regrette que la finition soit un peu artisanale et que la batterie ne soit pas intégrée au cadre. Les opérations de maintenance sont facilitées car tout est apparent, mais nous pensons qu’il est possible de faire mieux qu’actuellement.
L’absence d’intégration est d’autant plus dommage que le Lapierre Zesty TR est doté d’une grande plaque de protection sous le tube diagonal qui, en plus d’être une protection efficace de cette zone très exposée aux projections de cailloux, donne accès à une trappe qui permet de passer les fils, gaines et autres Durits aisément au niveau du boîtier de pédalier. Bref, il y a des pistes d’améliorations et on se réjouit déjà de voir les évolutions qui seront proposées sur le prochain millésime.
Ce fameux système Ei-Shock est proposé en option sur les Zesty TR et AM, ainsi que sur le XR, le full XC/Marathon en 100mm de débattement. Donc, si vous n’êtes pas fan de l’électronique, vous pouvez vous en passez. Vous économiserez ainsi 400€, ce qui donne, dans le cas du Lapierre Zesty TR 529, une version « standard » facturée à 3499€ et la Ei-Shock 3899€ à montage égal.
Cette suspension électronique est un gros plus très agréable comme nous le verrons sur le terrain, mais sachez que la suspension OST+ fonctionne déjà très bien sans cet artifice. Née avec les Zesty et Spicy en 2007 (pour le millésime 2008), cette suspension a été revue en profondeur pour le millésime 2014. Il s’agit toujours d’une suspension de type four bar linkage avec pivot Horst Link situé sur les bases, mais le placement des articulations a été légèrement revu afin d’améliorer l’efficacité tout en gardant la philosophie de base, à savoir peu de sensibilité au pédalage, un bon confort sur les petits chocs et de la progressivité en fin de course. On note aussi que l’étrier de frein est désormais enfermé dans la grosse « coque » formée par les haubans autour de l’axe de roue arrière, ainsi que la fixation du dérailleur avant positionnée sur les bases afin qu’il bouge avec la suspension et qu’il soit toujours bien aligné avec la chaîne.
Un dernier mot pour détailler le montage de ce modèle 529, qui dispose du même cadre avec triangle avant en carbone que le haut de gamme 829, alors que les Zesty TR 329 et 429 sont 100% en aluminium. Si le 329 proposé à 1999€ est un bon moyen d’avoir un cadre de qualité à petit prix, le 429 à 2999€ est finalement fort proche de ce 529 et les 400€ supplémentaires demandés pour le triangle avant en carbone (hors Ei-Shock) nous semblent valoir le coup.
Les équipements du modèle testé sont homogènes, avec des roues Race Face bien finies, d’excellents pneus Schwalbe Nobby Nic, des freins Shimano XT très efficaces, ou encore l’inévitable tige de selle télescopique KS Lev qui fait bien le job. Idem au niveau de la transmission qui mêle des composants de niveau SLX et XT avec un pédalier Race Face Turbine en 36/22. On regrettera juste que le dérailleur arrière ne soit pas un Shadow + car vu le programme auquel se destine le Lapierre Zesty TR, la présence de ce système destiné à réduire les mouvements de la chape auraient été bien utiles. Par contre, le poste de pilotage maison ne mérite que des éloges, que ce soit au niveau de l’ergonomie du cintre ou de la finition de la potence. Passons maintenant à l’action !
Lapierre Zesty TR 529 Ei-Shock : Sur le terrain
Quand on s’assied aux commandes du Zesty TR, on est ravi de trouver une position bien dans l’air du temps avec un tube supérieur assez long et une potence courte. Certes, le vélo est moins profond (reach) que certains bikes de dernière génération (on pense notamment au nouveau BH Lynx), mais cela laisse augurer de belles choses et on se rend vite compte qu’un certain Nicolas Vouilloz collabore avec la marque depuis plusieurs années et qu’il joue bien plus qu’un rôle de prête-nom ! Au niveau de la différence de hauteur entre la selle et le cintre, on retrouve aussi des valeurs en accord avec le programme mixte du vélo, même si nous avons assez vite rabaissé la potence au maximum afin de pouvoir mieux charger l’avant dans les appuis.
Le Lapierre Zesty TR a une géométrie qui met vraiment en confiance et qui permet aussi d’envisager des sorties longues sans fatigue car le poids est bien équilibré et le bassin bien placé pour pédaler. On est un peu plus sur l’avant que sur un Zesty AM, et bien plus que sur un Spicy, histoire de pouvoir vraiment appuyer sur les pédales en côte et de ne pas juste considérer les parties entre les descentes comme de simples liaisons. A ce niveau, il rappelle fortement le Camber de chez Specialized, une marque bien connue pour faire des cadres sur lesquels on se sent immédiatement très bien posé.
Puis, il y a cette extraordinaire suspension arrière. Nous avions eu l’occasion de tester le Zesty TR l’an dernier pour un autre magazine, sans l’Ei-Shock. Nous l’avions déjà beaucoup apprécié… mais il prend ici une toute autre envergure ! Le mode automatique est particulièrement performant et bien géré. On peut se permettre de partir avec un SAG généreux dans l’amortisseur (de l’ordre de 30% pour ce test) afin de profiter d’une suspension très onctueuse en descente, sans pour autant souffrir dans les côtes.
Sans qu’on s’en rende compte, grâce à des transitions particulièrement douces mais très rapides entre les différents modes, l’amortissement s’adapte en permanence au terrain rencontré, si bien qu’on oublie très rapidement qu’il y a un mode manuel. Pas d’obstacles ? C’est bloqué et le rendement s’en trouve fameusement boosté. On attaque une descente ? Tout s’ouvre sans qu’on ait besoin d’y penser et on se retrouve au guidon d’un petit enduro, vif, ludique et doté d’une suspension qui nécessite un fameux niveau de pilotage pour en apercevoir les limites. L’impression de dynamisme de l’ensemble est aussi renforcée par le blocage qui s’active automatiquement dès qu’on relance et qui donne l’impression d’avoir un vélo très nerveux et bien plus léger qu’il ne l’est en réalité. L’Ei-Shock agit en quelque sorte comme une injection de Nitro ou une piqure de produit dopant (légal) sur la monture !
Le Ei-Shock du Lapierre Zesty TR rappelle inévitablement le système Brain de Specialized, mais avec deux grands avantages à nos yeux. Premièrement, on dispose d’un mode intermédiaire qui permet d’optimiser de façon très sensible la motricité dans les passages techniques. Deuxièmement, le vélo est par défaut en position ouverte et on ne ressent donc pas du tout l’impression de premier choc non absorbé; une sensation que Specialized a bien domptée sur les dernières évolutions mais qui est ici totalement absente. Le confort est aussi absolument royal sur les petits chocs.
Pour autant, l’Ei Shock n’est pas dépourvu de réactions un peu déconcertantes, comme par exemple quand on arrête de pédaler juste avant un virage en appui. Le déblocage automatique de la suspension va entraîner un tassement de l’arrière qui peut donner l’impression d’avoir perdu de l’air dans le pneu, mais une fois qu’on s’y est habitué, cela devient assez amusant car le phénomène rajoute un peu de sensation de glisse dans les virages sans nuire à la précision car le cadre est bien rigide latéralement. Par contre, il excelle dans les réceptions de sauts, où on ne sent pas la moindre interférence et où on apprécie la capacité naturelle de la suspension OST+ à digérer les gros obstacles.
Alors, parfait ce fameux Lapierre Zesty en roues de 29 » ? Presque ! Clairement, il nous a donné énormément de plaisir et il peut rivaliser avec les références du segment (pour la plupart bien plus chères), comme le Specialized Camber, le Santa Cruz Tallboy, ou encore le Trek Fuel EX, surtout quand on le dote de l’option Ei Shock. Par contre, qui aime bien châtie bien et, même si on a la banane à chaque fois qu’on roule avec le Zesty, on est d’autant plus agacé par un ensemble de petits détails qui sont d’autant plus difficiles à digérer que la plupart semblent assez faciles à solutionner (du moins pour une marque capable de mettre au point un système de suspension aussi poussé).
On en a déjà parlé, mais quand on est au guidon, il y a toujours bien un élément du Ei-Shock qui tombe sous le regard et, mis à par le boîtier de commande, ainsi que l’excroissance de l’amortisseur qui ne sont pas désagréables, le reste pique toujours un peu aux yeux.
Vu les capacités du vélo, sa géométrie très aboutie qui permet de se lâcher en descente et la qualité de la suspension arrière qui donne l’impression d’offrir bien plus que 120mm de débattement, la fourche RockShox Reba semble aussi parfois un peu légère et on verrait bien le Zesty avec une Pike, toujours en 120mm, mais dont l’amortissement est plus performant. Ou alors, pourquoi pas avec une Magura TS8 dotée d’un système de blocage Elect qui rappelle très fort le fonctionnement du Ei-Shock. Car ce dernier est tellement agréable, qu’on en vient très rapidement à regretter que la fourche ne soit pas gérée électroniquement.
Il y a aussi quelques détails d’équipement qui sont perfectibles. Le plus ennuyant est sans conteste le dérailleur Shimano XT sans système Shadow+. C’est à se demander comment on faisait quand il n’existait pas car sans ce maintien plus ferme de la chape, la chaîne saute allègrement et nous avons connu plusieurs déraillements. Les roues Race Face, bien que valorisantes esthétiquement, ne font pas honneur à leur prestigieux patronyme. Elles offrent un rendement correct, mais leur rigidité n’est pas à la hauteur et elles prennent facilement du voile. Les DT 1700 auxquelles elles ressemblent fort et qui appartiennent à la même catégorie, sont par contre plusieurs crans au-dessus au niveau du comportement !
Enfin, le dernier reproche concerne la largeur du bras arrière. Il s’agit ici d’un point plus difficile à résoudre car il dépend de la conception même du cadre, mais les pieds viennent quasi systématiquement au contact des haubans particulièrement imposants. Lapierre dote d’origine son Zesty de protections, mais elles se détériorent vite et on sent aussi les pieds frotter en roulant, ce qui peut se montrer assez désagréable lors de longues ascensions.
Verdict
Malgré quelques petits défauts, cette version du Lapierre Zesty a vraiment réussi à nous toucher. Avec cette conception de l’électronique discrète et au service du plaisir de pilotage, Lapierre est sur la bonne voie. Le système Ei-Shock en lui-même est très abouti et il est monté ici sur une plateforme parfaitement adaptée. Car quand on roule sur une machine comme le Zesty TR, on n’a qu’une seule envie : profiter des sentiers au maximum. Il a la suspension qu’il faut, des roues de 29 » qui collent bien à l’idée de polyvalence qu’il défend, une géométrie parfaite, et le Ei-Shock vient comme une cerise sur le gâteau pour aider le vélo à donner en permanence le meilleur de lui-même sans que le pilote ait quoi que ce soit à faire. A nos yeux, le surcoût de l’Ei-Shock vaut largement le coup. On n’attend plus qu’une une fourche dotée du même système, une meilleure intégration de l’électronique dans le cadre et l’amélioration de quelques détails d’équipements pour octroyer une 5e étoile au Lapierre Zesty TR et lui décerner le titre de roi de la catégorie !
Plus d’infos, specs et géométrie : www.cycles-lapierre.fr/2015/velos-vtt-all-mountain-trail/zesty-tr-529