Test | Husqvarna MC5 : du salon aux sentiers
Par Léo Kervran -
Un nom qui intrigue, des premières expériences en demi-teinte mais un réseau de distribution qui se développe à pleine vitesse et de grandes ambitions… 7 ans après ses débuts dans le milieu du VTTAE, Husqvarna est toujours là et met de plus en plus de moyens dans le vélo. Vous nous connaissez chez Vojo, nous sommes plutôt curieux et nous avons voulu voir ce que la marque avait aujourd’hui à offrir sur le terrain. Voici notre essai du Husqvarna MC5, un modèle milieu de gamme polyvalent :
Tondeuses, tronçonneuses, taille-haies, aspirateurs, souffleurs à feuille, motos… Le nom Husqvarna est largement répandu aujourd’hui et même si vous n’y avez jamais prêté attention, vous êtes sûrement déjà passé à côté. Toutefois, ce qui nous intéresse ce ne sont ni des outils de jardin ni des motos mais bien des vélos.
En 2017, le groupe Pierer Mobility AG (propriétaire de KTM, GasGas, WP Suspension et Husqvarna Motorcyles depuis 2013) décide de diversifier ses activités et de se lancer sérieusement sur le marché du VAE. Les premières machines arrivent rapidement et en 2019, Husqvarna E-Bicycles fait ses premiers pas en France par l’intermédiaire du distributeur Race Company.
Un grand groupe, un distributeur reconnu… La force de vente est là mais côté technique, les produits ne sont pas suffisamment aboutis pour convaincre ou souffrent de défauts de finition, et la marque peine à décoller. Avance rapide jusqu’en 2023, le groupe Pierer gère désormais lui-même la distribution de ses marques et en apparence, les vélos ont bien progressé.
Comme Olivier a pu s’en apercevoir lors d’une visite au siège du groupe l’année dernière (Présentation | Husqvarna MC6 Carbon : le design d’une nouvelle ère), la volonté de développer une véritable de gamme de vélos est bien là et les moyens mis en œuvre impressionnants. « Pas question de faire des « motos à pédales » : Pierer veut une division vélo forte, autonome et en phase avec les attentes d’une clientèle très large qui ne se résume absolument pas juste à celle des fans de moto qui veulent le vélo assorti à leur bécane dans leur garage », écrivait-il ainsi.
C’est dans ce cadre qu’arrive la plateforme Mountain Cross, MC en abrégé. Présentée l’année dernière, cette deuxième génération se veut le fer de lance d’Husqvarna sur le marché de l’e-bike : un débattement polyvalent (150 mm), une géométrie passe-partout, un design marquant et une gamme large pour essayer de séduire tous les budgets.
Châssis
Pour un e-bike, le Husqvarna MC5 ne passe pas inaperçu. Comme sur les MC4 et MC6, le cadre est en carbone et la marque a tiré parti des possibilités offertes par ce matériau pour concevoir un triangle avant spectaculaire, entre gestion des contraintes (poids et position de la batterie, du moteur) et références à l’univers de la moto dont elle est issue.
Pour le premier point, le moteur Shimano EP8 adopte une position qui peut paraître originale mais qui en réalité de plus en plus courante : il est orienté à environ 45° vers le haut au lieu d’être fixé horizontalement. Cela permet de descendre la batterie, c’est-à-dire l’élément le plus lourd et encombrant de l’assistance, de plusieurs centimètres et ainsi de « libérer » l’avant du vélo. Quelques centimètres ce n’est pas grand chose en apparence mais c’est réellement sensible sur le terrain.
Les nouvelles batteries de 720, 750 ou 900 Wh sont si imposantes qu’elles ne peuvent pas être intégrée facilement comme les plus petites 500 ou 630 Wh. Avec un moteur en position classique, elles se trouvent placées très haut et ce n’est pas sans conséquence sur le comportement du vélo. Vous savez, cette désagréable sensation d’avoir l’avant du vélo qui « pousse » et que vous n’arrivez pas à contrôler dans les freinages ou les entrées de virages ? Voilà précisément ce que le travail effectué sur le MC5 par Husqvarna – et de nombreuses autres marques sur leurs montures – doit éviter.
Côté design, les références à la moto sont nombreuses. On les trouve aussi bien dans la forme générale du cadre, avec cette barre qui descend tout droit vers les bases en restant parfaitement parallèle au tube diagonal et rappelle un cadre de moto, que dans les accessoires comme ce logo de douille de direction déguisé en radiateur ou ces « barrettes » au rôle purement esthétique de part et d’autre de la douille de direction.
Dernier clin d’œil à l’univers de la moto, le MC5 adopte comme l’intégralité des tout-suspendus Husqvarna le format mulet, c’est-à-dire une roue arrière plus petite que la roue avant (27,5″ et 29″, dans ce cas). L’idée est de combiner les mérites du 29″ (franchissement, grip) à ceux du 27,5″ (légèreté, maniabilité) afin d’avoir une monture qui offre le meilleur des deux mondes. Dans les faits le mariage n’est pas toujours aussi facile mais on verra ce qu’il est sur le terrain pour ce vélo.
A côté de ça, le Husqvarna MC5 adopte certaines solutions techniques caractéristiques des VTT modernes, qu’ils soient à assistance électrique ou non, à l’image du jeu de direction équipé de butées pour protéger le tube supérieur des commandes en cas de chute et qui fait par la même occasion office de point d’entrée dans le cadre pour les câbles et gaine. Toutefois, ici pas d’intégration « forcée » comme on peut le voir chez certaines marques : la potence est standard, les entretoises également et on peut donc ajuster son poste de pilotage sans problème.
Assistance
Husqvarna fait confiance à Shimano depuis ses débuts pour l’assistance et cette gamme Mountain Cross 2023 ne fait pas exception à la règle. Sur le MC5 comme sur les autres modèles, on trouve donc un moteur Shimano EP8 équipé d’une batterie 720 Wh (sur les cadres carbone) ou 630 Wh (pour les cadres aluminium).
Ce système d’assistance va sur ses 3 ans et on peut dire qu’il est aujourd’hui bien connu. Toutefois, si vous voulez en savoir plus à son sujet, n’hésitez pas à relire notre article paru à sa sortie : Test nouveauté | Premiers tours de roues en Shimano EP8. Comme toujours, on apprécie son naturel, sa simplicité (3 modes seulement), sa douceur de prise en main comparé à certaines de ses concurrents, et sa commande, l’une des meilleures du marché.
La seule chose qui démarque un peu le Shimano EP8 version Husqvarna des autres Shimano EP8 se situe au niveau de la batterie. Sur ce MC5, elle est amovible en ouvrant une trappe (dont la molette a une fâcheuse tendance à gripper) située au bas du tube diagonal, mais si vous souhaitez la recharger sans la sortir du vélo, il faut tout de même ouvrir la trappe : tout passe par le câble qui relie la batterie au moteur. Avec le recul, ce choix paraît judicieux puisque cela évite d’avoir un port de chargement ailleurs sur le vélo, souvent exposé aux projections et infiltrations lors du roulage ou du lavage. Ici, tout est bien à l’abri.
Suspension
Simple et éprouvée. Voilà comment on pourrait décrire en deux mots la suspension du MC5, un 4 bar linkage avec l’amortisseur sous le tube supérieur, une architecture popularisée entre autres par Specialized. Elle développe ici 150 mm de débattement, comme la fourche à l’avant.
Avec ce débattement polyvalent on peut envisager beaucoup de choses, et les éléments de suspension retenus pour le gérer dessinent un premier aperçu du programme de la machine : à l’avant on a la très populaire Fox 36 Performance et sa cartouche Grip, et à l’arrière, c’est le « petit » Fox Float DPS Performance qui a été retenu. Dans la gamme Mountain Cross, seul le haut de gamme MC6 a droit à un amortisseur à bonbonne, un Fox Float X en l’occurrence.
L’avantage du DPS, c’est sa simplicité : un levier à 3 positions (ouvert/intermédiaire/ferme) pour adapter la suspension à la situation, un réglage de rebond et c’est tout. L’inconvénient, c’est sa taille, surtout sur un VTTAE plus lourd qu’un vélo sans assistance : qui dit petite taille dit petit volume, donc peu d’air et peu d’huile à l’intérieur. Sous-entendu, un amortisseur qui risque de chauffer assez vite si on le sollicite beaucoup, donc un vélo qui mise plus sur le côté accessible pour le pratiquant moyen que sur la performance pour les plus expérimentés.
Géométrie
La géométrie confirme cette impression en présentant un visage moderne mais accessible, à l’image de l’angle de direction qui affiche 65,5°. Longueur des bases (445 mm) et reach (450 mm en taille M) sont des valeurs moyennes typiques de la catégorie et indiquent un vélo facile à prendre en main, tandis que le boîtier de pédalier est relativement haut (- 18 mm seulement) pour éviter de trop taper les manivelles malgré la petite roue arrière. Notez par ailleurs que la taille S n’est pas au format mulet mais en 27,5″ devant comme derrière.
Equipements
Côté composants c’est assez contrasté, surtout au regard du tarif. Auparavant à 7799 €, il vient de descendre à 6999 € (- 800 € sur tous les modèles en carbone et – 600 à 800 € sur ceux en aluminium depuis le 1er août) mais cela reste une somme importante et pour ce prix, certains choix ont de quoi décevoir.
Comme le moteur, transmission et freins sont fournis par Shimano mais avec des niveaux de gamme très différents selon les postes. On a ainsi un dérailleur Deore XT associé à une cassette et une commande Deore (et une chaîne KMC), tandis que pour le freinage, il faut compter sur des étriers BR-MT420 et des leviers M4100.
En d’autres termes, l’entrée de gamme de la famille Deore qui couvre trois niveaux (M4100, M5100 et M6100), donc trois échelons en dessous du SLX et quatre sous le Deore XT. Les leviers longs pour un freinage à 2 doigts n’inspirent pas confiance, heureusement les disques de 203 mm à l’avant comme à l’arrière devraient pouvoir compenser un peu.
Les roues sont en revanche à la hauteur des attentes puisqu’on découvre des DT Swiss HX 1700, un modèle conçu spécialement pour les VTTAE et leurs contraintes plus importantes. Contrairement aux modèles non-e-bike, le chiffre n’indique pas le poids de la paire (juste au-dessus de 2 kg pour ce modèle) mais plutôt le niveau de gamme, et ici, on est dans le haut de gamme aluminium de la marque suisse.
Elles sont officiellement chaussées de pneus Schwalbe Nobby Nic en 27,5×2.6 et gomme SpeedGrip (arrière) ou 29×2,4 et gomme Soft (avant), les deux en carcasse Super Trail. Toutefois, notre modèle est arrivé avec des Schwalbe Magic Mary Soft Super Gravity et on ne va pas s’en plaindre. Les Nobby Nic sont roulants et permettent certes d’économiser de la batterie, mais pour les avoir déjà rencontrés sur d’autres e-bikes, on sait qu’ils sont vite dépassés sur ces lourdes machines et qu’ils sont plus à l’aise sur les vélos sans assistance.
D’ailleurs, en parlant de poids, qu’est-ce que ça donne ? Husqvarna annonce 24,3 kg pour ce modèle sans préciser la taille dans laquelle la mesure a été faite mais nous avons pesé notre MC5 en taille M à 24,07 kg. On est loin du poids plume mais ça reste une (petite) bonne surprise, surtout compte tenu des pneus plus lourds que ceux de la fiche technique.
Enfin, du côté des périphériques, rien de particulier à signaler : tout est siglé Husqvarna, de la selle aux poignées en passant par la tige de selle, le cintre et la potence. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus flatteur mais on comprend la réflexion pour une marque venant de la moto et en termes de fonctionnement, c’est tout à fait correct.
Versions et tarifs
On l’évoquait plus tôt dans l’article, le Husqvarna Mountain Cross se décline en de nombreux modèles, six précisément. Trois avec un cadre en aluminium, trois autres avec un cadre en carbone, pas de jaloux !
Les MC1 (4599 €), MC2 (4999 €) et MC3 (5499 €), à l’image ci-dessus, sont les plus accessibles mais leur cadre en aluminium est bien plus classique que la version en carbone et doit se contenter d’une batterie de 630 Wh.
En carbone, on a le MC4 (5999 €), le MC5 ici à l’essai (6999 €) et le MC6 (7999 €), tous dotés d’une batterie de 720 Wh.
Le test du Husqvarna MC5
Assez parlé technique, direction les sentiers ! De manière générale, les vélos au format mulet ne font pas les meilleurs grimpeurs mais dans ce domaine, le Husqvarna MC5 s’en sort honorablement. Le grip est correct, le cabrage est contrôlé et s’il finit malgré tout par arriver – c’est presque inévitable avec une petite roue arrière – c’est prévenant et on ne s’est jamais fait surprendre.
On peut même repousser la limite assez loin en adoptant la bonne position (selle légèrement descendue, assis en bec de selle et buste sur l’avant), bien aidé en cela par le comportement toujours aussi doux de l’EP8. En revanche, l’assistance nous a paru plus bruyante que d’habitude et on parle bien du sifflement au pédalage, pas du petit claquement en descente caractéristique du système Shimano. Moteur fatigué ? Conséquence de la conception du cadre ?
Renseignement pris, la marque reconnaît que le cadre peut faire résonner un peu le moteur mais que ça ne change rien au niveau du fonctionnement. Un peu dommage à nos yeux car l’EP8 est plutôt discret en temps normal, mais au final ce n’est que du bruit et la tolérance de chaque personne peut être différente de celle de son voisin ou sa voisine.
En descente, le MC5 commence par un bon point : malgré sa grande et lourde batterie, il ne pousse pas sur l’avant et reste facilement contrôlable, même dans la pente ou lorsqu’on prend de la vitesse. C’est un vélo qui ne demande pas un excellent niveau de pilotage pour être manié et on ne se fait jamais embarquer par son poids comme ça peut, ou a pu, être le cas sur certaines machines. Pour un modèle qui se veut accessible, c’est une excellente chose.
Tant qu’on roule tranquillement le MC5 offre un visage cohérent et sécurisant, son comportement convient tout à fait à celles et ceux qui font du vélo pour le plaisir d’être dehors plutôt que pour les sensations ou qui sont dans une démarche de progression. Si on cherche à rouler un peu plus vite en revanche, une limite se fait facilement sentir et c’est encore plus flagrant pour les pilotes légers.
L’arrière apparaît lourd, ancré dans le sol, comme si tout le poids qui a été « enlevé » de l’avant avait été « reporté » sur l’arrière du vélo. Plus que le poids en lui-même, car certains e-bikes ont ce comportement collé au sol et l’assument parfaitement, c’est ce déséquilibre entre l’avant et l’arrière qui est dérangeant. On a la sensation que la suspension arrière est dépassée par le poids qu’elle doit gérer et qu’elle n’arrive plus à suivre le rythme. A cette vitesse, les successions de racines ou les sections de cailloux deviennent éprouvantes pour les jambes alors que c’était moins sensible en mode balade.
Nous avons bien sûr essayé de jouer avec les réglages de suspension mais nous nous sommes heurtés à une nouvelle limite : la plage de réglage est plutôt freinée et quand on est léger (moins de 70 kg), il est impossible de concilier un sag cohérent et un rebond suffisamment rapide. Soit on privilégie le rebond, mais on perd alors toute sensibilité sur les petits impacts ce qui n’est déjà pas spécialement le point fort du vélo, soit on essaye d’avoir un sag correct pour retrouver un peu de confort mais le rebond est alors trop lent.
Un rebond lent, c’est plus facile à gérer quand on n’a pas un pilotage expert donc c’est presque logique vu à qui Husqvarna destine ce vélo, mais c’est tout de même dommage de le limiter ainsi car d’autres parviennent à concilier ces deux facettes.
L’autre point gênant, ce sont les freins. Déjà peu flatteurs à l’arrêt pour le prix, ils offrent en plus de cela un fonctionnement loin des standards auxquels on est habitué, ou auxquels on peut s’attendre, lorsqu’on dépense près de 7000 € dans un vélo. La puissance est là, sans aucun doute, mais leur comportement est extrêmement progressif, trop à notre goût. Encore une fois, ça passe lorsqu’on se promène mais dès qu’on veut mettre un peu plus de vitesse, il faut beaucoup plus d’effort sur le levier pour obtenir les mêmes distances de freinage qu’avec un frein Deore M6120 ou un SLX (M7120), pour rester chez Shimano et en 4 pistons.
Est-ce que cela fait du Husqvarna MC5 un mauvais vélo ? Non, certainement pas. Sa géométrie lui permet de passer partout et on peut tout à fait envisager de belles sorties ou de se lancer sur des sentiers techniques sans se faire peur à son guidon. Le tout est de rester dans son programme, c’est-à-dire le voir comme un compagnon qui permet d’aller dehors et non comme une machine pour chasser le chrono ou repousser ses limites à chaque sortie.
Verdict
Ambitieux et spectaculaire en termes de design, le Husqvarna MC5 est beaucoup plus sobre sur les sentiers. Machine facile à prendre en main, il se montre plaisant et sécurisant avec une belle capacité à passer partout tant qu’on ne cherche pas trop l’engagement. La limite de son programme, c’est la vitesse et le niveau de pilotage plus que la difficulté du sentier. On aurait aimé que Husqvarna voie un peu plus haut histoire d’aller titiller les références de la catégorie, d’autant que cela tient surtout à l’équipement (freins, amortisseur) mais dans l’absolu, le MC5 fait bien ce qu’on lui demande.
Husqvarna MC5
6999 €
24,07 kg(taille M, sans pédales)
- Facile à prendre en main
- Sécurisant, réactions lisibles et prévenantes
- Poids qui ne pousse pas sur l'avant...
- ...mais qui ancre un peu trop l'arrière
- Plage de réglage de l'amortisseur en rebond limitée
- Moteur un peu bruyant
- Freins indignes pour ce niveau de prix
Évaluation des testeurs
- Prix d'excellence
- Coup de coeur
- Rapport qualité / prix
Plus d’informations : husqvarna-bicycles.com/fr