Test | Haibike Nduro 7 : un fardeau lourd à porter
Par Léo Kervran -
Châssis
Une chose est sûre, ce Nduro 7 ne fait pas dans la dentelle. Entièrement en aluminium, le cadre est massif et le côté fonctionnel du vélo semble avoir été la priorité lors du développement. Le vélo en impose, surtout quand on le voit en vrai, et ne laisse que peu de doute quant à son programme. Toutefois, malgré cette apparence surdimensionnée, on reconnaît bien la « patte » Haibike avec des angles marqués derrière la douille de direction ou ce design presque en quadrilatère du triangle arrière.
Parmi les autres caractéristiques du châssis, on remarque un montage « mulet », c’est-à-dire avec une roue avant en 29″ et une roue arrière en 27,5″. Cette dernière est en plus chaussée d’un pneu à gros volume (2,6″, contre 2,4″ à l’avant) comme on l’a déjà vu sur d’autres modèles de la gamme (lire Test | Haibike AllMtn 7 : retour réussi). Habituellement, ce genre de choix peut être motivé par deux raisons : gagner de la place pour avoir un grand débattement sans trop allonger les bases ou amener de la maniabilité, soit pour sauver ce qui peut l’être si le vélo est long soit pour le rendre plus joueur qu’un 29″ s’il a un format plus classique. Sur ce Nduro 7, il y a sûrement un peu de tout ça à la fois…
On retrouve également le rail du MRS (Modular Rail System) qui court tout le long du tube diagonal, comme sur beaucoup d’autres e-bikes de la marque. L’idée est d’offrir un support qui peut accueillir différents accessoires comme un porte-bidon classique ou aimanté, un Range Extender, une sacoche ou encore un antivol. En pratique, ce n’est pas si intéressant que ça peut le sembler puisqu’on est obligé de choisir, et surtout, cela signifie qu’on ne peut pas monter un porte-bidon d’origine sur le vélo. Il faut se procurer en plus le petit support adapté, ce qui complique les choses inutilement. On comprend l’intérêt pour un vélo de ville ou un VTC par exemple mais moins sur un VTT engagé comme ce Nduro.
En dehors de ça, on a des passages de câbles classiques, en interne avec entrées sur les côtés de la douille de direction et des protections solides aux endroits les plus exposés, même si celle des bases mériterait d’être plus longue. On note également la présence, bien pensée, d’une petite lame de caoutchouc à la liaison des bases et du triangle arrière et qui permet d’éviter l’accumulation de terre ou de cailloux. Malheureusement, la colle utilisée pour la fixer n’a pas résisté à plus de deux lavages au jet.
Assistance
Chez Haibike, trois marques d’assistance cohabitent : Bosch, Yamaha et Fazua. Les deux premières se partagent les « gros » e-bikes tandis que la dernière est, pour l’instant, réservée au seul modèle léger de la gamme, le Lyke. Dans la famille Nduro, tout le monde est logé à la même enseigne avec un Yamaha PW-X3 couplé à une batterie de 720 Wh.
Le PW-X3, c’est la dernière génération du moteur haut de gamme de Yamaha, qu’on retrouve également chez Giant dans une version un peu modifiée (Syncdrive Pro). Vis-à-vis du PW-X2, l’équipementier a surtout travaillé sur l’enveloppe pour réduire l’encombrement et le poids, ses gros points faibles. Résultat, le moteur pointe maintenant à 2,75 kg pour 85 N m de couple contre 3,1 kg et 80 N m auparavant.
La batterie est comme de coutume logée dans le tube diagonal et maintenue par une serrure à clé, ce qui permet de la retirer facilement si on souhaite la charger séparément plutôt que sur le vélo. Le port de chargement sur vélo est situé au-dessus du moteur.
Il est protégé par un cache en caoutchouc. Il faudra faire attention à ne pas le perdre puisque ce dernier n’est pas fixé au cadre.
Côté gestion, on a une petite commande à côté de la poignée et un affichage très simple rangé derrière le cintre, un peu à la manière de Shimano. C’est bien vu car le boîtier est ainsi bien protégé en cas de chute mais la qualité de fabrication laisse un peu à désirer. Les plastiques ne sont pas très flatteurs et le support n’est pas très rigide, ce qui fait que le système bouge facilement quand on le manipule.
En roulant, c’est moins dérangeant et on se concentre surtout sur les diodes qui affichent le niveau de batterie (5 diodes) et celles qui indiquent le mode d’assistance (5 diodes + couleurs). A ce propos, si l’affichage est réduit au strict minimum, ce n’est pas le cas des niveaux d’assistance puisqu’on a pas moins de cinq modes à disposition : +Eco, Eco, Standard, High et Extra Power.
Suspension
On l’évoquait en début d’article, le Nduro développe 180 mm de débattement à l’avant comme à l’arrière. Un débattement important mais obtenu par le biais de l’habituel 4 bar linkage de Haibike, reconnaissable à son point de pivot arrière placé bas et très loin de l’axe de roue.
On était assez curieux de voir ce que la marque allemande pouvait proposer avec autant de débattement. 180 mm, ça ne se gère pas comme 150 mm et si ça peut offrir plus de marge pour avoir un début de course sensible sans sacrifier les plus gros chocs, ça peut aussi devenir très compliqué au pédalage si le comportement est mal géré.
Sur notre Nduro 7, c’est Fox qui s’occupe de contrôler tout ça avec une 38 Performance à l’avant (cartouche Grip) et un Float X2 Performance à l’arrière. Leurs possibilités de réglages sont plus limitées que sur les gammes Performance Elite ou Factory ce qui peut être une bonne chose… ou rendre les choses délicates, si le vélo demande beaucoup de travail au niveau des réglages.
Géométrie
Généreux dans le débattement, le Haibike Nduro l’est aussi dans la géométrie comme en témoignent l’angle de direction de 63,5° et les longues bases (460 mm). Conséquence de cela, le vélo tout entier est particulièrement long et l’empattement dépasse les 1300 mm dès la taille L. C’est rare ! En dehors de ça, on a des cotes relativement classiques, modernes et passe-partout à l’image de l’angle de tube de selle de 77° ou du reach de 455 mm en taille M.
Equipements
Difficile de savoir que penser du rapport prix/équipement du Nduro 7, affiché à 6499 €. On vous a déjà parlé des suspensions plus haut, c’est correct sans être ce qui se fait de mieux et ce n’est pas là-dessus que le vélo se distinguera de la concurrence.
Côté freinage, c’est du très bon puisqu’on a droit à des Magura MT7 en disques de 203 mm. Pas de doute, en cas de problème on pourra toujours s’arrêter ! Les freins Magura ont la réputation d’être parfois capricieux à purger mais ils n’ont pas bougé sur la durée de notre test donc nous n’avons pas eu besoin d’y toucher.
Le train roulant est également parfaitement adapté au programme puisqu’on profite de Mavic E-Deemax avec un Schwalbe Magic Mary Super Trail Super Soft à l’avant et un Schwalbe Big Betty Super Gravity Soft à l’arrière. Carcasses solides, gommes tendre, on aimerait voir ça plus souvent !
En revanche, Haibike a vraisemblablement souhaité faire quelques économies du côté de la transmission : cassette Shimano Deore, dérailleur et manette SLX. Cela dit, c’est fonctionnel à défaut d’être luxueux. Mais est-ce qu’un groupe Linkglide en Deore XT n’aurait pas été plus intéressant pour la solidité sans trop faire monter les coûts ?
Enfin, la plupart des périphériques sont signés Haibike. Seule la selle y fait exception, puisqu’il s’agit d’une Fizik Aidon X5. On note aussi un jeu de direction à butées Acros BlockLock, pour éviter d’endommager le cadre avec les commandes en cas de chute.
Vient ensuite la pesée, un moment redouté par ce genre de vélo… et à raison. 26,7 kg sans pédales pour notre modèle en taille L, donc au-dessus des 27 kg en configuration « prêt à rouler ». Il figure sans l’ombre d’un doute dans le top 5 des vélos les plus lourds que nous ayons eu entre nos mains chez Vojo et monte peut-être même sur le podium. Signalons tout de même que la bête accepte un poids total (pilote + vélo) de 140 kg, alors que la limite est plus souvent à 120 ou 130 kg. En d’autres termes, cela signifie que le Nduro supporte en théorie jusqu’à 113 kg de poids pilote, alors qu’un vélo identique limité à 120 kg de poids système ne pourrait pas prendre plus de 93 kg.
Versions et tarifs
La gamme Haibike Nduro se compose de trois modèles en tout, avec notre Nduro 7 au milieu. En dessous, la marque propose le Nduro 6 à 5799 €, équipé de suspensions RockShox (SuperDeluxe Select / Domain R), de freins TRP Slate G-Spec et d’un groupe Sram SX Eagle. Au-dessus, on a le Nduro 8 Freeride et ses suspensions Öhlins (DH 38 M.1 / TTX 22 M), ses freins Magura MT7 et son groupe Sram GX Eagle pour 7999 €.
Le test terrain du Haibike Nduro 7
D’habitude, sur un essai nous essayons de faire la part des choses entre les bons points et les choses qui pourraient être améliorées, ou entre les caractéristiques polyvalentes et celles qui sont plus exigeantes et qui ne plairont pas à tout le monde. Le problème avec cet Haibike Nduro, c’est qu’il a un défaut omniprésent : son poids, ou plutôt la répartition de ce dernier. Dans toutes les situations, la bête fait sentir ses plus de 27 kg et cela limite ses performances à chaque instant.
En montée, le moteur Yamaha PW-X3 peine à fournir assez d’assistance pour faire avancer le système. Le premier mode (+Eco) ne parvient même pas à effacer le poids pour donner l’impression qu’on monte comme avec un vélo classique et le deuxième (Eco) ne fait guère mieux. Seuls les trois modes les plus puissants (Standard, High et Extra Power) sont réellement exploitables et encore, n’espérez pas monter de la même façon qu’avec un Bosch Performance CX en mode Turbo.
Bien sûr, la puissance est suffisante pour avaler les murs les plus raides mais on n’a pas cette accélération qu’on peut trouver sur des VTTAE plus légers. Qui plus est, l’autonomie fait grise mine à force de n’utiliser que les trois niveaux les plus élevés. Cinq modes d’assistance c’est beaucoup et ce n’est pas forcément adapté à une pratique VTT sportive. Trois niveaux bien répartis et tous utilisables offriraient probablement une meilleur autonomie que ces cinq modes, qui ne font que restreindre le champ d’action dans la réalité.
Par ailleurs, cette troisième génération ne corrige pas le problème « d’hypersensibilité » qu’on trouvait déjà sur le PW-X2. A l’arrêt avec un pied sur la pédale, la manivelle tremble à l’instar d’un cheval qui piaffe et ne demande qu’à partir tandis que quand on monte à allure régulière, on a parfois des variations d’assistance non sollicitées, vraisemblablement lorsque le système détecte d’infimes et inconscientes variations de l’effort fourni par le ou la pilote. Cette sensibilité a aussi du bon, dans certains passages où l’adhérence est difficile ça peut se révéler utile mais cela manque encore de raffinement, surtout face à la concurrence.
Pour compléter le tableau, le Schwalbe Big Betty en 27,5×2.6 monté à l’arrière s’est révélé décevant sur le gras. Ce n’est qu’une demi-surprise, on avait déjà eu de mauvaises expériences avec cette combinaison de roue-pneu et le constat est le même ici : les crampons ne sont pas assez agressif, le profil trop rond et on perd vite l’adhérence. Sur le sec c’est mieux.
Dommage, car à côté de ça la géométrie est réussie et permet d’adopter une position confortable sans demander trop d’effort pour contrer le cabrage. C’était quelque chose qu’on appréhendait particulièrement car une fois que les 27 kg commencent à se lever il n’y a plus grand-chose à faire mais dans ce domaine, le Nduro fait aussi bien que la moyenne des e-bikes.
En descente, le souci du poids reste présent. Au-delà du poids, le Nduro a un réel problème d’équilibre. La roue arrière est très lourde et chasse brutalement sur les côtés au moindre semblant de dévers tandis que l’avant est très léger, ce qui oblige à le charger énormément pour contrôler la direction. Si vous pilotez centré sur le vélo, la roue avant ne prend pas le virage et continue tout droit, poussée par l’arrière. Résultat, le Nduro figure parmi les machines les plus exigeantes qu’il nous ait été donné d’essayer.
Avec autant de poids, on pourrait s’attendre à ce que le vélo soit une machine pour piste défoncée mais ce n’est pas le cas. Là encore, le déséquilibre dans la répartition du poids est plus fort que tous les potentiels avantages et on se fait vite peur à cause de la direction trop légère. Qui plus est, la suspension ne brille pas spécialement par son grip ou son confort. Le seul endroit où elle se montre réellement agréable, c’est sur les grosses réceptions de marche ou de saut.
Pour l’anecdote, parmi tous nos testeurs le seul qui ne s’est pas spécialement plaint de ce problème est aussi le plus grand et pourrait sans mal rouler sur une taille XL d’après les recommandations Haibike.
Pourtant, d’autres vélos ont prouvé que le concept d’un e-bike à très grand débattement pouvait fonctionner. On l’a constaté par nous-mêmes il y a quelques temps avec l’essai du Mondraker Level RR (lire Test | Mondraker Level RR : assumer ses choix), encore plus lourd que cet Haibike avec ses 26,9 kg sans pédales. Là aussi le poids était présent mais bien mieux réparti, ce qui donnait un vélo plus équilibré et avec de vrais atouts dans certaines situations.
Verdict
Un loupé, ça peut toujours arriver… Haibike sait faire des vélos intéressants et leurs machines peuvent convenir à de nombreux pratiquants mais cette fois, ce n’est pas le cas. Nous avions été séduits par le Allmtn 7 mais le Nduro est plombé (c’est le cas de le dire) par son poids et la répartition de ce dernier, et les efforts sur l’équipement bien pensé aux postes importants ou sur la géométrie ne suffisent pas à équilibrer la balance. En conséquence, le Nduro est un vélo exigeant à piloter qui n’est réellement utilisable que par des pilotes confirmés. D’autres marques ont montré que ce genre de débattement peut fonctionner en e-bike mais l’exemple du Nduro illustre bien que cela reste compliqué et très délicat à concevoir. En attendant, on fait le grand écart à la rédaction puisqu’on vient de recevoir un Lyke, l’e-bike léger de Haibike. Rendez-vous d’ici quelques semaines pour le test complet, avec plus de succès on l’espère !
Plus d’informations : haibike.com