Test | Focus Atlas 8.8 : le bon compromis ?
Par Léo Kervran -
Partir à l’aventure c’est bien, mais avec un peu de poids en moins c’est encore mieux. En tout cas, c’est la promesse faite par Focus avec cet Atlas 8.8 en carbone, lancé un peu plus tôt cette année comme une version améliorée de l’Atlas en aluminium sorti il y a deux ans. Ce dernier nous avait agréablement surpris et à cet égard, nos attentes étaient relativement hautes pour cette déclinaison en composite. A-t-elle de quoi y répondre ? Voici notre verdict :
Comme de coutume chez Focus, l’Atlas même en carbone n’est pas un vélo « sportif », une machine faite pour aller vite telle qu’on peut en trouver chez d’autres. Le credo de la marque de Stuttgart, c’est l’aventure et le plaisir de pilotage et c’est quelque chose qui transparaît réellement dans les différents modèles, VTT ou gravel, que nous avons pu tester.
On trouvera toujours meilleur qu’un Focus quand il s’agit de rouler vite en montée ou en descente mais ces vélos sont systématiquement des montures accessibles, qui donnent du plaisir facilement et n’ont pas besoin d’être maniées d’une main de maître pour se dévoiler.
D’abord présenté sur une base en aluminium uniquement, le Focus Atlas avait été une excellente surprise l’année dernière (lire Test | Focus Atlas 6.8 : le compagnon d’aventure). Un gravel en aluminium tout simple, d’apparence anodine mais avec un caractère sympathique, finalement plus confortable qu’on ne l’aurait imaginé et presque ludique. D’ailleurs, on vous invite à relire ou ne serait-ce que parcourir rapidement l’essai car on risque d’y faire référence quelques fois aujourd’hui.
Forcément, quand la marque a dévoilé trois nouveaux Atlas en carbone en avril dernier, on avait hâte de voir ce qu’ils pouvaient offrir de plus sur le terrain. La promesse habituelle du carbone c’est moins de poids, plus de dynamisme et plus de confort : de quoi rendre l’Atlas très, très, très intéressant s’il parvient à réunir toutes ces qualités sur la même base que son alter ego en aluminium. Sur le papier, c’est déjà acquis pour le poids puisque Focus annonce avoir gagné 1 kg sur le cadre. Reste à voir ce qu’il en est pour le reste !
Châssis
Si l’air de famille entre cet Atlas carbone et les versions aluminium est indéniable, le matériau composite apporte une petite touche supplémentaire à la finition. Adieu les soudures peu travaillées et les lignes simples, le cadre se pare de jolies nervures et paraît plus abouti, plus haut de gamme. Une impression renforcée par des choix de coloris flatteurs, en l’occurrence un beige « sable » brillant pour cet Atlas 8.8. Chaque modèle a droit à son propre coloris et l’Atlas 8.9 s’enveloppe ainsi de bronze métallisé tandis que l’Atlas 8.7 fait dans la simplicité avec un noir « carbone » mat.
En dehors de ça, on retrouve toutes les caractéristiques de l’Atlas en aluminium : de nombreux points de fixation pour de la bagagerie (œillets pour porte-bagage à l’arrière, inserts sur la fourche et sur le tube supérieur), un grand triangle avant dégagé pour installer une sacoche sans compromettre l’usage de porte-bidons, une fourche compatible avec les lampes à dynamo… Une chose est sûre, ce n’est pas le carbone qui va faire perdre à l’Atlas ses envies d’aventure.
Les gaines passent en interne via le jeu de direction, une norme venue de la route et qui s’impose de plus en plus en gravel et VTT. On y est plutôt opposé en VTT car on a du mal à voir ce que cela apporte à part de la complexité, mais en gravel c’est différent : avec cette méthode, on supprime les forêts de gaines devant le poste de pilotage et il devient bien plus facile d’utiliser une sacoche de cintre. Pour un vélo qui se veut aventureux, c’est intéressant.
Une dernière remarque d’importance sur le châssis : contrairement à beaucoup de gravel, les axes de roue de l’Atlas ne sont pas au standard « route » (12×100 devant et 12×142 derrière) mais « road boost », c’est-à-dire 12×110 devant et 12×148 derrière). Comme en VTT où le Boost est le standard depuis plusieurs années, cela permet d’avoir des roues plus rigides et solides à peu de frais mais c’est une information dont il faut tenir compte si on souhaite faire évoluer son train roulant avec le temps. Au niveau des pneus, le dégagement est suffisant pour du 700×45 mais descend à 700×40 si on veut installer les garde-boue conçus par Focus pour le vélo.
Géométrie
A l’instar des lignes du cadre, la géométrie de l’Atlas carbone est proche de celle de l’Atlas aluminium mais pas parfaitement identique. On retrouve les mêmes angles de direction (70,5°) et de tube de selle (73,5°), le même reach assez long pour un gravel (395 mm en taille M) et la même longueur de bases (425 mm) mais la douille de direction est plus courte (- 9 mm en S, – 14 mm en M, L et XL) tandis que la potence est plus longue (+ 10 mm sur chaque taille sauf en L). Un avant plus bas et plus long ça donne une position un peu plus sportive, un choix qu’on peut comprendre avec le passage au carbone.
Cette petite évolution de position fait bouger un peu les lignes dans le choix de la taille : sur le modèle en aluminium, la taille L était parfaite pour Paul (1m83) mais un peu grande pour votre serviteur (1m79). Ici, avec un poste de pilotage 14 mm plus bas j’étais moins gêné et ça n’a pas changé grand-chose pour Paul mais le vélo s’est révélé un peu court pour Julien (1m86).
Equipements
Avec son tarif de 3499 €, l’Atlas 8.8 est le modèle intermédiaire de la famille Atlas carbone (voir le détail de la gamme plus bas). Comme la plupart des modèles en aluminium il est équipé d’une transmission en double plateau (46-30), un choix cohérent avec le programme à nos yeux.
Sram ayant plus ou moins abandonné le double plateau en gravel, on n’est pas surpris de trouver du Shimano à tous les étages. L’essentiel vient du groupe GRX 810, le haut de gamme gravel du fabricant japonais (équivalent à du Deore XT en VTT), mais la cassette 11-34 et la chaîne sont issues de la série 105 de route (équivalent SLX). Côté freins, les étriers sont au standard Flatmount et les disques sont en 160 mm.
Petite surprise au niveau du train roulant puisqu’on découvre des roues DT Swiss X1900 de… VTT. Au moins ce sera solide ! Elles sont associées à des pneus WTB Riddler en 700×45, comme sur l’Atlas 6.8 en aluminium que nous avions essayé l’année dernière.
Enfin, du côté des périphériques, on a une potence Focus C.I.S. (Cockpit Integrated System) avec un support amovible pour une lampe ou un compteur, un cintre Easton EA70 AX doté d’un flare (angle vers l’extérieur des parties basses) polyvalent de 16° et recouvert d’une guidoline de bonne qualité, une jolie tige de selle BBB FlyPost en carbone et une selle Fizik Taiga.
Au total, cela fait 9,1 kg sur la balance d’après Focus, soit 1,7 kg de moins que l’Atlas 6.8 en aluminium. Au moins 1 kg gagné sur le cadre, quelques centaines de grammes avec un équipement un peu plus haut de gamme, c’est cohérent et surtout ça devrait se sentir sur le terrain.
Versions et tarifs
En plus des 4 modèles en aluminium qu’on connaissait déjà (6.6 EQP, 6.7 EQP, 6.7 et 6.8, de 1699 € à 2399 €), l’arrivée du carbone ajoute trois modèles à la famille Focus Atlas : le 8.7 à 2999 €, le 8.8 essayé ici et affiché à 3499 € et enfin le 8.9 encore un niveau au-dessus, à 4299 €.
Parmi les principales différences entre ces machines, la transmission avec un groupe Shimano GRX 600 2×11 pour le 8.7 contre du GRX 810 2×11 sur le 8.8 ou du Sram Rival eTap AXS 1×12 sur le 8.9 et les roues, Novatec sur le 8.7 puis DT Swiss X1900 sur le 8.8 et DT Swiss X1600 sur le 8.9.
Le test du Focus Atlas 8.8
Dès les premiers tours de roues, on retrouve sur cet Atlas 8.8 un des traits de caractère qui nous avaient tant plu sur le 6.8 : l’accessibilité. Le vélo met vite en confiance et donne facilement du plaisir. La géométrie relativement longue fait son travail et on se sent en sécurité, jamais surpris ou dépassé par des réactions imprévues, et ce même dans du singletrack de VTT ou sur de la piste bien abîmée. Evidemment, la maniabilité en pâtit un peu mais cela reste acceptable. Bon, on ne vous cache pas qu’on s’amuserait encore plus avec une tige de selle télescopique mais cet accessoire n’est pas encore très populaire en gravel…
Les petits changements apportés par Focus sur la position n’ont pas soulevé de remarque particulière et au pédalage, le vélo se présente toujours comme un bon compromis. On n’a pas la réactivité d’un carbone « sportif » comme le Scott Addict Gravel, le BMC Kaius ou même l’Urs LT ou encore l’Open Wi.De mais c’est tout de même mieux que l’Atlas 6.8 en aluminium. Les 1,7 kg de moins sous la pédale sont appréciables et au train, le vélo garde toujours aussi bien la vitesse.
Il n’est bien sûr pas au niveau des machines citées plus haut et on sentira ses limites si on veut se donner à fond mais on peut appuyer un peu sur les pédales et avancer à bon rythme sans avoir l’impression de traîner un poids mort. Pour reprendre les mots d’un de nos testeurs, « ce n’est pas un veau qui est juste bon à se promener sur des piste en Himalaya chargé comme un mulet et ce n’est pas une fusée sol-sol, c’est pile entre les deux et polyvalent ».
Parmi nos testeurs, certains ont apprécié le double plateau plus que d’autres mais en gravel, c’est avant tout une histoire d’habitude. Quand on roule beaucoup en mono on peste au moment de passer sur du double face à cette complexité « inutile » et cette perte de naturel, mais quand on fait le chemin inverse on râle à nouveau et cette fois contre le « manque » de développement ou l’étagement perfectible. En vérité, il n’y a pas de réponse parfaite et la transmission idéale dépend beaucoup de la pratique.
Finalement, c’est du côté du confort que l’Atlas 8.8 nous déçoit un peu. Qu’il n’y ait pas de méprise, le vélo fait mieux que le Scott Addict Gravel dont on parlait plus haut par exemple mais compte tenu du fait que l’Atlas 6.8 faisait presque des miracles dans le domaine pour un cadre en aluminium, on s’attendait à ce que ce modèle en carbone atteigne des sommets.
Ce n’est pas le cas et le cadre se révèle même plutôt raide, ce qui fait reposer l’essentiel du confort sur le train roulant. Heureusement, les WTB Riddler en 45 mm tolèrent bien les basses pressions et on peut se permettre de descendre autour de 1,5-1,6 bar (pour 65 kg) sans se faire peur mais on en attendait tout de même mieux.
Verdict
Le Focus Atlas 6.8 était un « compagnon d’aventure », cette déclinaison en carbone est exactement la même chose avec près de 2 kg de moins. Machine polyvalente, l’Atlas 8.8 est une belle monture pour s’évader le temps de quelques heures ou quelques jours sans avoir à se préoccuper de son matériel et de ses capacités. Toutefois, c’est surprenant à dire mais il ne nous a pas fait vibrer comme l’Atlas 6.8 en aluminium a su le faire. C’est un bon gravel au caractère sympathique, qui contentera largement celles et ceux qui cherchent un compagnon fiable et pas trop lourd, mais on en attendait un petit plus… comme souvent chez Focus. La marque allemande fait de bons vélos mais à chaque fois ou presque on passe à très peu de choses d’avoir des machines réellement excellentes, capables de se placer parmi les meilleures de leur catégorie, et c’est dommage de ne pas aller chercher ces quelques points qui font la différence.
Plus d’informations : focus-bikes.com