Test | Commencal Tempo : un jouet très exclusif
Par Léo Kervran -
Un petit vélo qui pédale chez Commencal, le monde serait-il devenu fou ? 125 mm de débattement à l’arrière et 140 mm à l’avant, un cadre en aluminium comme toujours : en apparence le Tempo a tout du petit vélo simple et passe-partout qui peut plaire à beaucoup de monde. Mais comme souvent chez la marque andorrane, on aurait tort de s’arrêter à la première impression, car sous ses airs classiques, le Tempo cache une révolution pour Commencal et un caractère bien particulier. Explications et essai complet :
Si Commencal a fait ses débuts dans le VTT avec des « petits » vélos tournés vers le XC (comme le semi-rigide Supernormal vainqueur sur le Roc d’Azur en 2000 ou le tout-suspendu Doctor), cela fait aujourd’hui bien longtemps que la marque affiche et revendique fièrement une image « gravity », solidement ancrée dans les pratiques les plus engagées du VTT.
A ce titre, l’apparition au printemps 2022 entre les mains de Cécile Ravanel d’un prototype qui ne portait pas encore le nom de Tempo (voir Spyshot | Bientôt un petit trail chez Commencal ?) a eu de quoi surprendre et exciter. Avant cela, la gamme Trail de Commencal reposait presque entièrement sur les épaules du Meta TR et comme nous avions pu le constater par nous-mêmes, ce dernier n’avait rien d’un vélo de trail… mais tout d’un enduro (lire Test nouveauté | Commencal Meta TR 29 : plus vite, plus haut, plus fort).
Et ce prototype était d’autant plus intéressant qu’il semblait cacher une autre révolution : celle d’être le premier vélo de la marque andorrane à reposer sur une suspension à point de pivot virtuel, plutôt que le monopivot + biellette qui avait fait sous différentes formes les beaux jours de toutes les générations de Commencal depuis 20 ans.
Châssis
Sur le papier, aucun doute possible : avec ses 125 mm de débattement derrière et 140 mm devant le Tempo est bien un « petit vélo » et c’est bien un Commencal. Esthétiquement, il ressemble à un Commencal avec ces lignes sans artifices, ces tubes aux formes nettes et cette apparente simplicité qui caractérise les vélos de la marque depuis quelques années, et surtout, il est en aluminium.
Cherchez tant que vous voulez, vous ne trouverez pas de cadre en carbone dans le catalogue Commencal. La marque s’y est essayée à la fin des années 2010, sur le Skin ou le Meta de l’époque notamment, mais elle a depuis tourné le dos au composite pour se concentrer sur le travail de l’aluminium. Question d’éthique entre autres, le fondateur Max Commencal évoquant régulièrement les risques pour la santé liés à l’utilisation de ce matériau sur les lignes de production.
Le Tempo est donc entièrement en aluminium, AL-6066 précisément. Forcément, cela a un impact sur la balance : Commencal annonce un poids de 3,125 kg pour le cadre nu, sans peinture ni accessoires. Comptez donc quelques centaines de grammes en plus pour la version complète et prête à être montée. Mais on sait bien que le poids du cadre à lui seul ne suffit pas à présager du comportement du vélo au pédalage.
Ce choix de conception mis à part, le cadre du Tempo est tout ce qu’il y a de plus moderne… Jusqu’aux passages internes des gaines et Durits via le jeu de direction. On espérait que Commencal ne céderait pas à cette tendance mais peine perdue. Il faut dire que du point de vue de la conception du cadre, cette solution technique facilite les choses en évitant de percer des trous dans une zone soumise à de nombreuses contraintes. Vu de l’utilisateur en revanche, cela complique considérablement la vie et on en a encore fait l’amère expérience avec un problème de gaine de tige de selle télescopique.
Tant qu’on parle de l’entretien du vélo, un autre point nous a posé problème : de nombreuses vis de la suspension sont inaccessibles en configuration normale de roulage, il faut souvent démonter l’amortisseur (a minima) pour y accéder. Pas l’idéal pour vérifier le serrage par acquit de conscience, et encore moins lorsqu’un jeu fait son apparition…
Pour le reste, le vélo est bien doté au niveau des protections en caoutchouc sur les zones sensibles (tube diagonal, triangle arrière) et a droit, comme c’est plus ou moins la norme aujourd’hui, à des inserts sous le tube supérieur pour installer divers accessoires, en plus du porte-bidon sur le tube diagonal.
On termine ce tour du châssis avec un mot sur la finition. Elle est magnifique dans cette version Silver, qui rappelle l’aluminium brut en plus fin et plus sombre, mais malheureusement assez fragile. Petits cailloux ou gravillons mal placés, molette de réglage de l’amortisseur en le démontant pour atteindre les fameuses vis de la suspension… Il est facile de laisser des petites marques sur le cadre. Dans ces conditions, on ne saurait trop vous recommander l’installation d’un kit de protection intégral type Slicy Sublimistick ou RideWrap dès l’achat du vélo.
Suspension
On l’évoquait en début d’article, la suspension du Tempo est une révolution pour Commencal. Pour la première fois de l’histoire de la marque, un de ses modèles de série repose sur une suspension à point de virtuel. Si le Supreme V5 de DH a initié le mouvement le premier, le vélo est longtemps resté au stade de prototype réservé aux athlètes et c’est bien le Tempo qui a eu l’honneur d’inaugurer cette nouvelle ère pour le public.
Nouvelle ère ? Oui, car la famille Meta tournée vers l’enduro a repris cette architecture dans la foulée pour les Meta V5 et Meta SX V5. Le monopivot chez Commencal, c’est fini ? On n’ira pas jusque-là mais il est certain que pour l’instant, la marque andorrane semble avoir trouvé quelque chose avec ce point de pivot virtuel.
Baptisée Virtual Contact System, cette suspension est plutôt simple en apparence avec son triangle arrière fermé et ses deux petites biellettes, mais elle cache quelque chose qui la différencie du reste des suspensions à point de pivot virtuel : la biellette inférieur pivote dans les deux sens au cours du débattement, avec un petit mouvement dans le sens inverse des aiguilles d’une montre en début de course avant de repartir dans l’autre sens pour la plus grande partie du trajet de roue. A notre connaissance, seuls Yeti (avec le Switch Infinity) et Alchemy (avec le Sine) utilisent un principe similaire, avec d’autres solutions qu’une biellette.
Commencal n’a communiqué aucune donnée à propos de son comportement sur le Tempo mais dans la mesure où on parle d’un vélo avec 125 mm de débattement à l’arrière, on s’attend à un anti-squat suffisamment élevé pour pédaler correctement et un ratio plus adapté aux amortisseurs à air qu’à ceux à ressort hélicoïdal.
Sur notre modèle d’essai, c’est Fox qui s’occupe de gérer tout ça avec un montage qui inspire confiance : à l’arrière, on a un Float X Factory qui trouve souvent sa place sur des vélos bien plus gros (et qui ne nous a jamais déçus pour l’instant) tandis qu’à l’avant, les 140 mm de débattement sont contrôlés par une 34 Factory en cartouche Grip 2.
La Fox 34 Grip 2, c’est une fourche qu’on ne rencontre pas très souvent et pour cause : elle n’est arrivée qu’en 2020 et surtout, beaucoup de fabricants lui préfèrent la version en cartouche Fit4 qui propose un blocage à trois positions.
Cependant, chez Vojo on estime que la Fit4 n’a pas sa place au-delà de 130 mm de débattement tant l’hydraulique est dépassée et la fourche manque de soutien, donc on est très content d’avoir cette 34 Grip 2 en 140 mm sur le Tempo. C’est peut-être un poil moins sportif en montée mais peu importe, ce n’est pas vraiment le point fort de la maison Commencal. Surtout, ça promet beaucoup plus de fun en descente !
Géométrie
Après être allé chercher du long sur les Meta AM et TR V4 (465 mm de reach en M et 490 mm en L), Commencal a légèrement rétropédalé sur les Meta SX au format mulet et ce Tempo semble s’inscrire dans la même voie. Le vélo est relativement court, avec un reach de 450 mm et des bases de 435 mm en taille M, et cela promet normalement un caractère assez joueur.
Ceci dit, on notera tout de même l’angle de direction généreux pour un vélo de « seulement » 125 mm de débattement à l’arrière : avec 65,5° on a de quoi voir venir, et le Tempo n’aura certainement pas peur d’aller jouer dans le technique voire un peu de pente. C’est par exemple la même valeur qu’un Scor 2030 et qu’un Santa Cruz Tallboy, deux vélos assez proches du Tempo sur le papier et qu’on apprécie particulièrement à la rédaction.
Equipements
Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas un vélo de série que nous avons testé. Depuis quelque temps, Commencal dispose d’un programme intitulé « A la carte » qui permet de concevoir… à la carte le vélo de ses rêves, sur la base d’un configurateur en ligne très complet.
Au passage, notez que ce qui est proposé dépend des stocks disponibles. Ainsi, à l’heure où nous écrivons ces lignes il n’était plus possible de refaire le même vélo que celui que nous avons reçu en test… mais peut-être que cela le sera au moment où vous lirez ce test !
A l’image des suspensions Fox Factory qu’on vous présentait dans la partie dédiée, ce montage se veut haut de gamme. Côté transmission, on a du Sram X0 AXS T-Type, soit la dernière génération du groupe Sram : sans fil et sans patte de dérailleur. Si vous préférez une transmission plus classique, le vélo est équipé d’une patte UDH.
Fox pour les suspensions, Sram pour la transmission et Shimano pour les freins : c’est l’avantage du montage à la carte, on peut faire ce qu’on veut ! Notre Tempo est équipé de Deore XT M8120 (4 pistons), avec des disques en 180 mm devant comme derrière.
Pour le train roulant, attention les yeux : la marque a choisi pour nous des roues en carbone Enve AM 30 (sur moyeux Industry Nine) avec des pneus Schwalbe en carcasse SuperTrail, profil Tacky Chan et gomme Soft à l’arrière avec un Magic Mary en SuperSoft à l’avant.
Enfin, les périphériques sont tous issus de marques reconnues : poste de pilotage Burtec en aluminium avec poignées ODI, selle Fizik et tige de selle Fox Transfer Factory qui nous a d’ailleurs posé quelques problèmes de fluidité en raison du cheminement anguleux du cable dans le cadre.
N’ayant pas pu refaire le même vélo nous-mêmes sur le configurateur, on doit faire confiance à Commencal pour le prix et la marque nous annonce autour de 6900 €, soit l’équivalent du montage de série le plus haut de gamme. Il y a deux façons de voir la chose : 6900 € pour un cadre en aluminium c’est beaucoup mais d’un autre côté, 6900 € avec ces composants c’est bien mieux que toute la concurrence en carbone.
En revanche, le verdict de la balance laisse beaucoup moins de place à l’interprétation : nous avons pesé notre vélo (en taille L ) à 15,17 kg sans pédales et avec la base de porte-bidon Fidlock, déjà installée par Commencal. Avec pédales, on tourne donc facilement autour des 15,5 kg et c’est assez ridicule pour un 125 mm. Ce Tempo est-il vraiment fait pour pédaler ?
Versions et tarifs
Dans les modèles de série, la gamme Tempo est plutôt bien fournie puisqu’elle compte pas moins de 6 montages différents, certains disponibles en deux ou trois coloris. On vous évite le détail précis de chaque version pour garder l’article lisible mais voici comment ils s’organisent entre eux : Tempo Ride à 3250 €, Tempo Essential à 3900 €, Tempo Öhlins Edition à 4900 €, Tempo Signature à 5600 €, Tempo LTD à 6200 € et enfin Tempo T-Type à 6900 €.
Dans le programme A la carte, Commencal propose 7 coloris différents et le prix de départ est fixé à 1800 € pour le cadre nu.
Le test terrain du Commencal Tempo
La théorie le laissait présager et le terrain l’a rapidement confirmé : le Tempo ne joue pas dans la cour des 120-130 mm « classiques » au pédalage. Le poids est bien présent et les roues en carbone n’y changent pas grand chose, le Tempo n’est pas dynamique et n’invite pas à appuyer sur les pédales.
Notons tout de même que l’équipement de notre modèle, avec les « gros pneus » Schwalbe, a aussi certainement une part de responsabilité là-dedans et que les modèles de série en Maxxis Exo seront probablement un peu plus réactifs… au prix de capacités en descente plus limitées.
De plus, il a une petite tendance à cabrer qui pourrait être excusable sur un enduro mais qui fait tache sur un petit vélo avec lequel on aurait envie de pédaler longtemps. La position est classique et agréable sur le plat mais pour monter, on aurait apprécié un demi, voire un degré complet d’angle de tube de selle en plus. Dans les sections raides ou les franchissements, il faut s’employer pour garder du contrôle sur la roue avant.
Changement de visage en descente ! Sur les sentiers flow ou peu techniques, le Tempo est un véritable jouet : tirer, pomper, sauter, rebondir d’appui en appui, le vélo réagit à la moindre sollicitation et part dans tous les sens. Et si cela dure plus de trois virages le chemin se transforme en grand huit, une véritable machine à sensations qui vous plaque un sourire idiot sur le visage. On sent qu’on est sur le terrain du Tempo et qu’il est vraiment fait pour s’amuser avant tout.
Quand on sort de ce terrain pour s’aventurer dans des choses un peu plus techniques, caillouteuses ou racineuses, le Tempo demande d’être tenu un peu plus. Entre les roues plutôt rigides qui ne font pas grand-chose pour aider et cette suspension qui pousse, il faut un minimum de niveau et d’expérience pour s’amuser, mais le vélo s’en sort encore bien grâce à la géométrie (les 65,5° d’angle de direction notamment), au débattement de 140 mm à l’avant et aux composants adaptés, comme les gros pneus ou la fourche qui ne s’affaisse pas.
Certains de nos testeurs ont trouvé les roues Enve / I9 même trop rigides pour ces terrains, trop exigeantes. Là encore, il y a deux façons de voir les choses : en effet, ces roues ne facilitent pas les choses, encore moins dans des conditions humides et glissantes. On pourrait préférer un modèle plus souple et tolérant mais d’un autre côté, cette rigidité est un des éléments qui font tout le sel du Tempo lorsqu’on est sur le bon terrain.
Le vélo est joueur mais aussi précis, il y a ce petit côté « pas le plus accessible » qui est extrêmement gratifiant quand on parvient à exploiter la machine. Avec des roues moins exigeantes, on gagnerait sûrement en facilité de prise en main mais le Tempo perdrait probablement un peu de ce caractère bien affirmé qui le rend si attachant.
Ne nous voilons pas la face : c’est un vélo qui pédale mal (pour son débattement) et qui n’a pas l’efficacité ou les capacités de « mini-enduro » de certains 120/130 mm plus tolérants. Alors au lieu de chercher à le travestir pour avoir quelque chose qui ne sera brillant nulle part, autant jouer à fond sur ses points forts, non ?
Verdict
Le Tempo n’est pas à comparer à tous ces trails qui pédalent bien et descendent bien type Santa Cruz Tallboy, Scor 2030 voire Scott Spark et Spark ST. Il est différent aussi du Canyon Spectral 125, qui offre un comportement similaire au pédalage mais se pilote plus comme un enduro en descente. Le Tempo, ce n’est pas un trail polyvalent pour pédaler et jouer, c’est un vélo pour jouer et éventuellement pédaler un peu. C’est l’un des vélos les plus joueurs qu’il nous ait été donné d’essayer, la machine idéale pour s’amuser sur les petits dénivelés. C’est un vélo atypique, clairement l’un des moins polyvalents dans ce spectre de débattement mais presque intouchable sur son terrain car il a ce côté « balle rebondissante » ou « BMX tout-suspendu » de plus en plus rare aujourd’hui.
Commencal Tempo "A la carte"
6900 €
15,17 kg taille L, sans pédales
- Très joueur quand on l'emmène sur le bon terrain
- Capacité à "passer partout" quand on sort de son domaine de prédilection
- Passage des gaines via le jeu de direction
- Tendance à cabrer en montée raide
- Franchement lourd
- Finition "Silver" fragile
- Axes de la suspensions peu accessibles
Évaluation des testeurs
- Prix d'excellence
- Coup de coeur
- Rapport qualité / prix
Plus d’informations : commencal-store.com